Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Danis et Cedhar Gestion inc.

2014 QCCLP 6581

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

2 décembre 2014

 

Région :

Lanaudière

 

Dossiers :

523570-63-1310      524876-63-1310      526841-63-1311

534270-63-1402      535297-63-1403

 

Dossier CSST :

140189291

 

Commissaire :

Daniel Pelletier, juge administratif

 

Membres :

Luc St-Hilaire, associations d’employeurs

 

Serge Lavoie, associations syndicales

 

 

Assesseur :

Docteur Michel Lesage

______________________________________________________________________

 

523570          526841          534270

524876          535297

 

 

Richard Danis

Cedhar Gestion inc.

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Cedhar Gestion inc.

Richard Danis

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

et

et

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Partie intervenante

Partie intervenante

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

Dossier 523570-63-1310

[1]           Le 3 octobre 2013, monsieur Richard Danis (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 17 septembre 2013, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 28 août 2013, faisant suite à l’avis d’un membre du Bureau d’évaluation médicale (BEM) et déclare sans objet la demande de révision de l’employeur portant sur l’admissibilité de la réclamation. Elle déclare que le diagnostic de la lésion professionnelle du travailleur est une contusion lombaire ayant aggravé une discopathie L5-S1 (par analogie : entorse lombaire sur spondylodiscarthrose), que cette lésion professionnelle est consolidée avec une atteinte permanente à son intégrité physique et psychique et que la CSST est toujours justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi. Elle déclare également que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 440,43 $ étant donné la présence d’une atteinte permanente à son intégrité physique et psychique de 2,20 %.

Dossier 524876-63-1310

[3]           Le 16 octobre 2013, Cedhar Gestion inc. (l’employeur) demande également la révision de la décision rendue par la CSST en révision administrative le 17 septembre 2013.

Dossier 526841-63-1311

[4]           Le 14 novembre 2013, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 18 octobre 2013, à la suite d’une révision administrative.

[5]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 28 août 2013, faisant suite à l’avis du membre du BEM et déclare que le diagnostic de la lésion professionnelle est une contusion lombaire ayant aggravé une discopathie L5-S1, que le diagnostic de discopathie L5-S1 n’est pas en relation avec l’événement du 16 octobre 2012, que le travailleur n’a pas droit aux prestations prévues à la loi pour ce diagnostic et, qu’en ce qui a trait aux autres points en litige, elle a épuisé sa compétence puisqu’elle s’est prononcée sur lesdits points dans sa décision rendue le 17 septembre 2013.

Dossier 534270-63-1402

[6]           Le 18 février 2014, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 24 janvier 2014, à la suite d’une révision administrative.

[7]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 novembre 2013 et déclare qu’il y a lieu d’appliquer les dispositions de l’article 51 de la loi et que le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’exercer l’emploi convenable d’équipier à la caisse.

[8]           Par cette décision, la CSST confirme une décision rendue le 4 décembre 2013 et déclare que l’emploi d’équipier à la caisse avec tâches modifiées constitue un emploi convenable, que le travailleur est capable d’exercer cet emploi convenable depuis le 27 novembre 2013 et qu’il n’a plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu après cette date.

Dossier 535297-63-1403

[9]           Le 4 mars 2014, l’employeur demande également la révision de la décision rendue par la CSST en révision administrative le 24 janvier 2014.

[10]        L’audience dans ce dossier s’est tenue à Joliette, le 26 août 2014, en présence du travailleur et de l’employeur qui sont représentés et de la représentante de la CSST.

[11]        Un délai est accordé aux parties afin qu’elles produisent certains documents et leur argumentation écrite sur certaines questions soulevées dans ce dossier.

[12]        Le 10 septembre 2014, le travailleur dépose au greffe du Tribunal son dossier médical. Le 10 octobre 2014, la représentante de l’employeur indique au Tribunal qu’elle n’a aucun commentaire à formuler à la suite du dépôt de ce rapport ni de commentaires additionnels en ce qui a trait à l’application de l’article 51 de la loi. Le 23 octobre 2014, le travailleur transmet ses observations écrites relativement à l’application de l’article 51 de la loi. Le 30 octobre 2014, la CSST avise le Tribunal qu’elle n’a pas de commentaires additionnels à formuler dans ce dossier.

[13]        Le dossier est mis en délibéré le 30 octobre 2014.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

Dossier 523570-63-1310

[14]        Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelle (le Tribunal) d’infirmer en partie la décision de la CSST rendue le 17 septembre 2013, à la suite d’une révision administrative, aux fins de retenir les limitations fonctionnelles émises par le docteur Chaikou Bah, chirurgien orthopédiste, et non celles du docteur Demers du BEM.

Dossier 524876-63-1310

[15]        L’employeur n’a pas de représentations à formuler en ce qui a trait à sa contestation de la décision rendue dans ce dossier qui déclarait sans objet sa contestation relative à l’admissibilité de la réclamation.

Dossier 526841-63-1311

[16]        Le travailleur n’a pas de représentations particulières relativement à ce dossier. Il reconnaît que le diagnostic à retenir est celui de contusion lombaire ayant aggravé une condition personnelle de discopathie L5-S1 et que sa condition personnelle n’a pas été causée par l’accident du travail, mais qu’elle a été aggravée par cet accident.

Dossier 534270-63-1402

[17]        Dans ce dossier, le travailleur demande au Tribunal d’infirmer la décision de la CSST rendue le 24 janvier 2014, à la suite d’une révision administrative, et de déclarer que l’emploi d’équipier à la caisse avec tâches modifiées n’est pas un emploi convenable.

Dossier 535297-63-1403

[18]        Dans ce dossier, l’employeur demande au Tribunal de confirmer la décision de la CSST rendue le 24 janvier 2014 en révision administrative, qui confirmait la décision rendue par la CSST le 4 décembre 2013, et de déclarer que l’emploi d’équipier à la caisse avec tâches modifiées est un emploi convenable.

[19]        Il demande également d’infirmer en partie la décision de la CSST rendue en révision administrative le 24 janvier 2014, laquelle confirmait la décision rendue par la CSST le 20 novembre 2013 pour le motif que la CSST a commis une erreur en appliquant l’article 51 de la loi, considérant que le travailleur n’a jamais demandé la révision de la décision du 30 septembre 2013 qui le déclarait capable d’exercer l’emploi convenable d’équipier à la caisse.

LA PREUVE

[20]        Le 16 octobre 2012, le travailleur fait une chute en allant chercher des boîtes dans le cabanon à l’arrière du restaurant opéré par l’employeur. Le sol est glissant et il tombe à la renverse avec un impact au niveau du bassin et dans le dos. Il tente de se protéger avec ses mains et il échappe les boîtes.

[21]        Il a de la difficulté à se relever et ressent une forte douleur au bas du dos, au centre. La douleur prend la forme d’un élancement, d’une sensation de brûlure intense. Il ne peut pas continuer son travail et se rend à l’hôpital de Joliette où l’on diagnostique une entorse lombaire après lui avoir fait des radiographies.

[22]        Les radiographies sont lues comme démontrant :

Au niveau de la colonne lombaire, on note une légère discarthrose à L5-S1 avec pincement de l’espace intersomatique.

 

Légère arthrose facettaire bilatérale à L4-L5. Pas de spondylolisthésis.

 

Au niveau de la colonne dorsale, sans particularité.

 

 

[23]        Le 11 novembre 2012, la docteure Carine Samson produit un rapport médical qui indique : « entorse lombaire, Dim L4-L5. Physiothérapie et anti-inflammatoires ».

[24]        Le 23 novembre 2012, le docteur Jean-Pierre Beaudoin pose le diagnostic de « lombosciatalgie droite. Hernie suspectée. Entorse lombaire ».

[25]        Le 14 décembre 2012, le docteur Beaudoin pose le diagnostic de lombosciatalgie droite, hernie discale et recommande un arrêt de travail.

[26]        Le 9 janvier 2013, le travailleur passe un examen d’imagerie par résonance magnétique qui est lu comme démontrant :

L1-L2 à L4-L5, pas de discopathie notée. Bonne préservation du signal discal et de la hauteur intervertébrale.

 

L5-S1, dégénérescence discale. Hernie discale à base large principalement médiane. On note une extension foraminale avec une légère sténose. Légère arthrose facettaire bilatérale.

 

[27]        Le 8 février 2013, le docteur Beaudoin pose le diagnostic de lombosciatalgie droite, hernie discale et recommande un arrêt de travail.

[28]        À la suite de cet examen, le travailleur reçoit des blocs facettaires lombaires qui ne donnent pas de soulagement significatif.

[29]        Le 19 mars 2013, à la demande de l’employeur, il est examiné par le docteur Pierre Major, orthopédiste. Ce dernier révise le dossier du travailleur et prend connaissance des résultats de la résonance magnétique. Il note une flexion antérieure à 50°, une extension à 15° et les flexions latérales sont mesurées à 20°. Il retient un diagnostic de contusion lombaire ayant aggravé une discopathie L5-S1 et il conclut que la lésion du travailleur n’est pas consolidée.

[30]        Le 5 avril 2013, le docteur Beaudoin retient un diagnostic de « lombosciatalgie droite plus grande que gauche. Hernie discale L5-S1. Lente amélioration. Pas de souffrance radiculaire à l’EMG ». Il poursuit les traitements de physiothérapie à raison de trois fois par semaine et prévoit une consolidation dans plus de 60 jours.

[31]        Le 3 juin 2013, le docteur Yvon Fournier, médecin de famille du travailleur, rédige un rapport final. Il retient un diagnostic d’entorse lombaire avec radiculopathie sensitive L5 droite, dont la date de consolidation est fixée au 3 juin 2013 avec existence d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles. Il prescrit du Lyrica et autorise un retour progressif à deux jours par semaine pour deux semaines, puis quatre jours par semaine pour deux semaines et à temps plein par la suite.

[32]        Le docteur Fournier ne lui prodigue pas d’autre traitement actif sauf pour une prescription de Lyrica dont la dose a été augmentée à 150 mg au coucher.

[33]        Le 18 juin 2013, le docteur Filiatrault, physiatre, procède à une épidurale foraminale deux niveaux, soit L5 et S1 à droite.

[34]        Selon le travailleur, cette infiltration ne l’a pas soulagé de la douleur lombaire persistante. Des symptômes irradiant dans le membre inférieur droit jusqu’au pied avec engourdissement des quatrième et cinquième orteils sont aussi survenus, mais la douleur principale est toujours localisée dans le bas du dos.

[35]        Le 27 juin 2013, le travailleur voit le docteur Samuel Boudreault-Larochelle. Ce dernier diagnostique une entorse lombaire et une sciatalgie droite. Il recommande un arrêt de travail jusqu’au 4 juillet 2013 et il mentionne que la condition est à réévaluer par le médecin traitant.

[36]        Le 5 juillet 2013, le travailleur est examiné par le docteur Jacques Demers du BEM. Dans son rapport en date du 31 juillet 2013, il mentionne ce qui suit :

DISCUSSION :

 

[… ]

 

Par ailleurs, j’ai constaté un degré significatif d’ankylose de la flexion antérieure du rachis lombaire. L’indice de Schöber et perturbé. La mise en tension radiculaire est totalement négative. L’élévation des deux jambes entraîne des lombalgies.

 

Il est aussi à noter que les infiltrations foraminales et les blocs facettaires n’ont donné aucun soulagement significatif. Ceci n’est pas vraiment étonnant en l’absence d'une douleur à caractère radiculaire. Je crois toutefois que monsieur Danis a bel et bien présenté des symptômes irradiant dans sa jambe droite, considérant les trouvailles à la résonance magnétique qui peuvent expliquer en partie une symptomatologie radiculaire sensitive.

 

Quoi qu’il en soit, je ne retiendrai pas le diagnostic d’une hernie discale L5-S1 focale significative. Je retiendrai le diagnostic d’une contusion lombaire ayant aggravé la discopathie L5-S1, compte tenu des symptômes latéralisés que monsieur Danis a présentés dans sa jambe.

 

Par analogie, afin d’établir le DAP (voir plus loin), je crois qu’il est raisonnable de parle d’une entorse lombaire sur spondylodiscarthrose.

 

[sic]

 

 

[37]        Le docteur Demers considère que la lésion professionnelle est consolidée en date du 5 juillet 2013 et qu’il y a suffisance de soins. Il retient une atteinte permanente de 2 % sous le code 204004 et les limitations fonctionnelles suivantes :

Existence ou évaluation des limitations fonctionnelles :

 

Normalement, l’IRSST recommande des limitations fonctionnelles de classe 1, à visée préventive, dans les cas d’entorses qui s’accompagnent d’ankylose.

 

À mon avis, les limitations fonctionnelles s’appliquent dans le cas présent.

 

Compte tenu des symptômes résiduels, je ne crois pas qu’il est pertinent que monsieur Danis soulève de façon routinière des charges de plus de 15 kg.

Considérant l’âge du travailleur; considérant les trouvailles à la résonance magnétique et considérant l’ankylose de la flexion antérieure du tronc, je modifierais les limitations fonctionnelles pour spécifier que monsieur Danis ne peut pas non plus faire des mouvements répétitifs en flexion antérieure du tronc, même de faible amplitude.

 

[…]

 

5-         EXISTENCE OU ÉVALUATION DES LIMITATIONS FONCTIONNELLES :

 

Limitations fonctionnelles modifiées de classe 1 de l’IRSST pour la colonne lombaire :

 

Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

-         soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 15 kg;

-         travailler en position accroupie;

-         ramper, grimper;

-         effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;

-         subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex. : provoquées par du matériel roulant sans suspension).

-         ne peut effectuer des mouvements répétitifs, même de faible amplitude, en flexion antérieure de la colonne lombaire;

 

 

[38]        Le 24 juillet 2013, le docteur Fournier pose un diagnostic d’entorse lombaire avec radiculopathie sensitive L5 droite sous Lyrica et en retour progressif. Il mentionne que le travailleur doit transporter plusieurs cinq gallons d’huile chaude sortant de la friteuse, ce qui n’est pas recommandable. Il recommande la poursuite du travail léger avec un maximum de poids à soulever de 20 livres. Il maintient le retour progressif à raison de deux jours par semaine pour deux semaines.

[39]        Le 1er août 2013, le travailleur est vu par la docteure Marie Laflamme. Elle pose le diagnostic d’entorse lombaire avec radiculopathie L5 droite. Elle prescrit un arrêt de travail jusqu’au 13 août 2013 jusqu’à ce que le travailleur revoit son médecin traitant.

[40]        Le 12 août 2013, le docteur Fournier mentionne ce qui suit dans son rapport médical :

Entorse lombaire avec radiculopathie sensitive. Expertise du Dr Demers lu. Limitations fonctionnelles établies par Dr Demers et d’accord. Actuellement son travail ne semble pas être compatible avec ces limitations à vérifier par la CSST et si non ré-orientation en fonction de ses limitations.

 

 

[41]        Le 11 septembre 2013, une visite du poste de travail du travailleur est effectuée sur les lieux du travail par un ergothérapeute et une intervenante de la CSST, et ce, en présence des parties. Au terme de cette évaluation du poste de travail prélésionnel d’homme de maintenance, les conclusions sont que l’emploi prélésionnel d’homme de maintenance ne peut être effectué en respectant les limitations fonctionnelles du travailleur.

[42]        Lors de cette même visite du 11 septembre 2013, une analyse d’un autre poste de travail proposé par l’employeur a été également effectuée. Les conclusions de cette analyse sont que l‘emploi de caissier peut être effectué par le travailleur en respectant ses limitations fonctionnelles.

[43]        Dans le rapport d’ergothérapie daté du 23 septembre 2013, on mentionne ce qui suit :

Emploi convenable possible : Caisses

 

[…]

 

Le travailleur pourrait avoir à se pencher légèrement pour prendre les jouets ou les sauces, situées dans des chariots sous le comptoir. Toutefois, l’espace permet au travail d’aller prendre les aliments en fléchissant légèrement les genoux plutôt qu’en fléchissant le tronc. Un aménagement de l’environnement de travail pourrait aussi assurer de placer les sauces et autres condiments à une hauteur requérant moins de ce geste et assurant à M. Danis de conserver le dos droit.

 

Analyse

 

[…]

 

En conclusion, je considère donc que l’emploi convenable aux caisses discuté lors de la rencontre peut être effectué en respectant les limitations fonctionnelles qui ont été émises pour sa condition.

 

Bien que M. Danis n’ait pas de limitation fonctionnelle en lien avec la station debout prolongée, il demeure que celui-ci craint qu’un emploi debout soit difficile à tolérer pour sa condition, ce qui est plausible, en effet. L’ajout d'un tapis anti fatigue aux caisses permettrait certainement d’augmenter sa tolérance en station debout et diminuer les inconforts qu’il pourrait ressentir à ce niveau.

 

 

[44]        Le 30 septembre 2013, la CSST rend une décision par laquelle elle avise le travailleur qu’un emploi convenable chez l’employeur, soit celui d’équipier (poste à la caisse), a été retenu et détermine qu’il est capable de l’exercer à compter du 30 septembre 2013. Par cette même décision, la CSST informe le travailleur que son indemnité de remplacement du revenu cessera à cette date puisque l’emploi est disponible.

[45]        Le 1er octobre 2013, le travailleur retourne au travail pour occuper son emploi d’équipier (poste à la caisse).

[46]        Le 10 octobre 2013, le docteur Fournier indique que l’entorse lombaire avec radiculopathie sensitive L5 droite est exacerbée depuis le retour au travail par les travaux de maintenance le soir. Il prescrit de l’oxyNEO et fixe un nouveau rendez-vous dans deux semaines. Il mentionne que le travail de maintenance est à vérifier par la CSST. Dans ses notes de dossier, on peut lire que le travailleur travaille, depuis le 1er octobre 2013, comme caissier sur un poste qui a été évalué par un ergothérapeute. Il indique qu’on a considéré que ce poste respectait les limitations fonctionnelles du travailleur. Il note, qu’avant le début du retour au travail, la douleur était évaluée à 4/10 et le travailleur ne présentait pas une humeur triste. Avec le retour au travail, il y a eu une augmentation de la douleur qui a atteint un niveau de 9/10 à la fin d’un quart de travail. Le travailleur prend du Supeudol et le docteur Fournier indique que, s’il n’en prend pas, la douleur est à 9/10, 16 heures sur 24, sept jours par semaine et se présente sous forme de brûlure et de choc électrique. Lorsqu’il prend du Supeudol, c’est la même chose, mais la douleur n’est présente que 12 heures par jour. Le docteur Fournier indique que le travailleur ne travaillerait pas sans Supeudol, mais, même avec cette médication, il n’est pas en mesure de faire les travaux de maintenance qu’on lui demande de faire le soir. Selon l’avis du médecin, cela ne respecte pas ses limitations fonctionnelles.

[47]        Le 11 octobre 2013, le travailleur avise l’intervenante de la CSST que des tâches d’entretien ménager lui ont été rajoutées à celles de caissier et, comme la douleur est réapparue, il est allé consulter son médecin.

[48]        Le 18 octobre 2013, le travailleur consulte le docteur Mathieu Legault qui indique qu’il y a une augmentation de la douleur progressive sur une hernie discale avec sciatalgie droite secondaire à la station debout prolongée. Il recommande un arrêt de travail et dirige le travailleur vers son médecin traitant.

[49]        Le 24 octobre 2013, le docteur Fournier pose le diagnostic de « status post entorse lombaire avec radiculopathie sensitive L5 droite ». Il indique que le travailleur se dit incapable de continuer son travail de caissier. Il demande une réorientation et indique que le travailleur ne peut reprendre le travail de caissier. La posologie d’oxyNEO est augmentée. Dans ses notes de dossier, le docteur Fournier indique que le travailleur se sent harcelé au travail et qu’il y a une augmentation de la douleur lombaire qui irradie au membre inférieur droit avec soulagement partiel par le Supeudol. Celui-ci se réveille la nuit à cause de la douleur et est d’humeur agressive. Le travailleur indique, qu’en général, la douleur se situe à 9/10, neuf heures sur 24, sept jours par semaine et se présente sous forme de brûlure. Il note que le travailleur a cessé le travail et que ses activités de la vie domestique sont diminuées. Le travailleur lui dit qu’il ne fait plus de travaux de maintenance, mais il doit parfois déplacer des objets de 30 livres. Il sert jusqu’à 150 clients en trois heures lors des périodes de pointe. Il conclut :

[…]

 

Il a consulté le 18 octobre à cause de l’irritabilité et la douleur et n’a pas repris le travail. Actuellement, le patient dans ces conditions ne veut pas retourné à cet tâche. Il aimerait être ré-orienté.

 

[…]

 

Examen physique

Rot 2/4 m. inférieurs

Tripode + d et g

Lasègue -

SLR nég.

 

[sic]

 

[50]        Le 7 novembre 2013, une seconde visite sur les lieux de travail est effectuée par l’ergothérapeute et l’intervenante de la CSST, et ce, en présence des parties. Cette nouvelle visite est faite pour procéder à une nouvelle évaluation du poste de travail d’équipier (poste à la caisse), en raison de certaines tâches qui n’avaient pas été explorées lors de la première visite.

[51]        L’ergothérapeute en vient à la conclusion que certaines tâches du poste de travail d’équipier (poste à la caisse) présentent des exigences physiques qui contreviennent aux limitations fonctionnelles. Ce sont les tâches qui se rapportent au service à l’auto (première caisse), au service à l’auto (préparation des boissons et donner les commandes) ainsi que celles de préposé à la salle à manger et de nettoyage du plancher. Quant à la tâche de caissier (préparation de la commande), on peut lire ceci dans le rapport d’ergothérapie daté du 8 novembre 2013 :

Analyse

 

[…]

 

Concernant la tâche de service à l’auto (préparation de la commande), […] Ainsi, je considère que cette tâche peut être effectuée tout en respectant les limitations fonctionnelles émises pour M. Danis.

 

Pour la tâche de caissier au comptoir, […] Il n’a pas à se pencher. Les charges n’atteignent pas 15 kg. Ainsi, je considère que cette tâche peut être effectuée tout en respectant les limitations fonctionnelles émises pour M. Danis.

 

 

[52]        Le 20 novembre 2013, la CSST rend une décision par laquelle elle informe le travailleur qu’elle applique les dispositions de l’article 51 de la loi à la suite de la réception de l’avis du médecin qui a charge, voulant que le travailleur ne soit pas raisonnablement en mesure d’exercer l’emploi convenable déterminé. La CSST précise, à la suite de son analyse, que des tâches incompatibles avec les limitations fonctionnelles du travailleur sont exigées dans l’emploi déterminé. On informe donc le travailleur qu’il récupère son droit à l’indemnité de remplacement du revenu. L’employeur demande la révision de cette décision qui sera confirmée par la révision administrative le 24 janvier 2014, décision qui fait l’objet d’un litige dont est saisi le Tribunal.

[53]        Le 26 novembre 2013, lors d’une communication téléphonique, l’employeur confirme à l’intervenante de la CSST qu’il est d’accord pour retirer les tâches qui ne respectent pas les limitations fonctionnelles du travailleur afin que ce dernier puisse occuper l’emploi d’équipier (poste à la caisse), tel qu’adapté à la condition du travailleur dès le 27 novembre 2013.

[54]        Le 4 décembre 2013, la CSST rend une nouvelle décision par laquelle elle détermine que le travailleur a la capacité d’exercer un emploi convenable d’équipier à la caisse (tâches modifiées) à compter du 27 novembre 2013 et que son indemnité de remplacement du revenu prendra fin à compter de cette même date. Le travailleur et l’employeur demandent la révision de cette décision qui est confirmée par la révision administrative de la CSST le 24 janvier 2014. Cette décision fait également l’objet d’une demande de révision dont est saisi le Tribunal.

[55]        Le 3 avril 2014, le travailleur est revu par le docteur Fournier qui note dans son rapport médical : « entorse lombaire sur radiculopathie. Incapable de faire flexion des genoux de plus de 40o à cause de la douleur. OxyNEO. Chute dans l’escalier à cause des douleurs ».

[56]        Le 1er juillet 2014, le travailleur est vu en expertise médicale par le docteur Bah, à la demande du représentant du travailleur. Après avoir pris connaissance du dossier médical du travailleur et examiné ce dernier, il retient ce qui suit :

DISCUSSION :

 

[…]

 

Il s’est infligé une douleur lombaire avec le diagnostic retenu d’entorse lombaire.

 

Une résonance magnétique de la colonne lombaire a été réalisée et a mis en évidence une discopathie dégénérative avec hernie à base large à L5-S1.

 

Le patient a eu des traitements conservateurs, soit physiothérapie, blocs facettaires et épidurale, sans résolution de la symptomatologie.

 

La lésion a été consolidée lors d’une expertise médicale effectuée par le Dr Demers au Bureau d’évaluation médicale en date du 5 juillet 2013.

 

Le patient présente toujours une douleur lombaire, du côté droit plus que gauche dont il évalue l’intensité à 8/10 le matin et à 6/10 en fin de journée. La douleur irradie au niveau des deux membres inférieurs avec engourdissements et faiblesse au niveau des deux pieds.

 

À l’examen objectif effectué ce jour, on note une douleur à la palpation des épineuses de L3 à S1 et des facettes articulaires surtout à L5-S1 du côté droit.

 

EN RÉPONSE À VOS QUESTIONS :

 

1. À votre avis, quels sont les diagnostics retenus en relation avec l’événement du 16 octobre 2012?

 

Notre impression diagnostique est que le patient a présenté une entorse lombaire sur une condition sous-jacente de discopathie dégénérative. Il présente une lombalgie mécanique résiduelle. Il est à noter que la position assise est moins tolérée que la position debout. Donc, il s’agit d’une symptomatologie classique d’une lombalgie mécanique, soit une lombalgie qui est en relation avec la discopathie dégénérative retrouvée à L5-S1.

 

[…]

 

5. Est-ce que monsieur présente des limitations fonctionnelles et/ou restrictions fonctionnelles temporaires ou permanentes?

 

La réponse est affirmative. Considérant que monsieur s’est infligé une entorse lombaire avec lombalgie mécanique sur une discopathie dégénérative et une petite hernie discale L5-S1, les limitations fonctionnelles adéquates pour une lombalgie mécanique sont de classe II de l’IRSST au niveau de la colonne lombaire, à savoir qu’il doit éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :

 

Ø  soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 à 15 kilos;

Ø  travailler en position accroupie;

Ø  ramper, grimper;

Ø  effectuer des mouvements répétitifs de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire (même de faible amplitude);

Ø  subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale;

Ø  monter fréquemment plusieurs escaliers;

Ø  marcher en terrain accidenté ou glissant;

Ø  rester debout dans la même position plus de 30 à 60 minutes.

 

Considérant la lombalgie mécanique, il est suggéré que le patient effectue un travail qui respecte les limitations fonctionnelles énumérées ci-haut à raison de 3 jours non consécutifs afin d’éviter la position debout prolongée pendant 5 jours. Donc, un horaire de travail de 3 jours non consécutifs par semaine serait idéal pour permettre une récupération entre les jours travaillés.

 

[…]

 

 

Le témoignage du travailleur

[57]        Le travailleur relate les circonstances de l’accident telles que mentionnées précédemment et telles que rapportées aux différents médecins examinateurs.

[58]        Son travail à l’époque est un peu un homme à tout faire. Il répare les champlures, entretient les conduits d’air, répare les toilettes, change les filtres de l’air conditionné et les filtres à eau, remplit les distributrices d’eau gazeuse et fait de l’entretien ménager. Son horaire de travail est de 4 h à 11 h A.M.

[59]        À la suite de son accident du 16 octobre 2012, le travailleur demeure en arrêt de travail jusqu’au mois de juin 2013, où il débute un retour progressif sur le même emploi jusqu’à trois jours par semaine, mais il ne peut compléter son retour à temps plein.

[60]        Le dossier du travailleur est acheminé au service de la réadaptation qui détermine qu’un emploi de caissier peut être un emploi convenable. Il occupe ce poste un certain temps à partir du 1er octobre 2013. On ajoute à ces tâches de caissier des tâches d’entretien ménager telles que remplir des machines et vider les poubelles. Il n’est pas en mesure de faire ce travail. Il explique également qu’il travaille sur des horaires variables, prend de la médication très forte et a de la difficulté à coordonner sa prise de médication avec ses quarts de travail. Il prend à ce moment de l’Oxycodone 20 mg.

[61]        Il devient plus irritable à cause de la douleur, lui valant des reproches disciplinaires pour avoir utilisé un langage inadéquat, chose qu’il n’avait jamais faite avant son accident. Il n’a jamais reçu de reproches disciplinaires dans le passé.

[62]        Le travailleur explique, qu’à cause de sa grandeur, le comptoir de service où il travaille lui arrive à la hauteur des hanches. Les condiments et les ustensiles se trouvent sous le comptoir. À chaque client qu’il sert, il doit se pencher pour lui donner des condiments et des ustensiles. Pour les repas du midi et du souper, ces items sont sur un chariot. Il doit tout de même se pencher pour les prendre et les donner au client.

[63]        On lui conseille de se plier les genoux plutôt que de se pencher pour prendre les condiments et ustensiles. Ça pourrait être possible dans la mesure où il y aurait de l’espace et pas trop de circulation, mais il en doute. Même avec cette méthode, il ressent de la douleur. Il n’est pas retourné au travail après le 18 octobre 2013 pour réessayer le poste d’équipier à la caisse avec tâches modifiées.

[64]        À son avis, il ne peut faire ce travail qui implique d’être en station debout de façon prolongée. Cette position provoque une augmentation de sa douleur au niveau du nerf sciatique, tout comme le fait de se pencher à répétition.

[65]        En août 2013, sa prescription d’Oxycodone a été modifiée à plusieurs reprises. Il a également pris des antidouleurs (Supeudol) à répétition pour soulager ses douleurs.

[66]        Le travailleur mentionne qu’il a fait part au docteur Demers de son malaise à rester en position debout trop longtemps.

[67]        Son dernier retour au travail a lieu le 1er octobre 2013. Il travaille sur un horaire de 15 h à minuit. Il tente de se maintenir au travail, mais la douleur devient trop importante. Sa dernière journée travaillée est le 17 octobre 2013. Il quitte à cause de l’augmentation de la douleur.

[68]        Le 18 octobre 2013, il tente d’avoir un rendez-vous avec son médecin traitant, mais sans succès. Il se rend à l’hôpital de St-Jérôme. Il voit le docteur Legault qui le met en arrêt de travail à cause d’une exacerbation de la douleur secondaire à la station debout prolongée.

[69]        Il a toujours pensé qu’on trouverait une solution pour sa douleur, mais ce ne fut pas le cas.

[70]        Son médecin n’était pas d’accord pour qu’il exécute les tâches connexes à son emploi de caissier. Le 24 octobre 2013, le travailleur a discuté avec ce dernier, qui avait en main le rapport de l’ergothérapeute, et lui a expliqué les tâches qu’il devait faire. Lors de cette rencontre, son médecin lui a fait un examen complet avant d’indiquer qu’il ne pouvait reprendre son travail de caissier.

[71]        Le travailleur indique que l’employeur semblait ouvert à ne pas lui faire exécuter certaines tâches, mais il semble que le message ne s’est pas rendu aux supérieurs immédiats qui lui ont remis une formule 136, étant un avis qui peut mener à une mesure disciplinaire.

[72]        Depuis son arrêt de travail, le 18 octobre 2013, il vit sur le salaire de son conjoint. Il fait certaines tâches dans la maison, mais à son rythme. Il est toujours sous suivi médical.

[73]        Il indique que, même s’il adoptait des positions pour éviter la flexion antérieure, le fait de se plier les genoux à répétition lui occasionnait les mêmes douleurs au niveau du nerf sciatique en fin de journée. Il n’y a pas de banc fourni afin qu’il puisse s’asseoir. Selon le travailleur, tant la flexion des genoux que la position debout prolongée étaient des positions problématiques.

[74]        Il mentionne que les tâches de caissier au guichet ont été retirées de l’emploi d’équipier à la caisse parce qu’elles impliquaient des mouvements de torsion de la colonne lombaire. Tous les postes d’équipier à la caisse comprennent l’exécution de tâches connexes. Le poste qu’on lui offrait était un poste adapté duquel on avait retiré toutes les tâches connexes.

[75]        Selon le travailleur, on ne peut mettre les condiments sur le comptoir et les clients ne doivent pas y avoir accès. Il mentionne que le tapis antidérapant ne lui a pas été offert et qu’il doit servir de 35 à 40 clients à l’heure et 150 clients dans une journée normale entre 11 h et 14 h.

Le témoignage de monsieur Cédric Harvey

[76]        Monsieur Harvey est le président de l’employeur qui opère une franchise Mc Donald. Son bureau se trouve au restaurant et il y va tous les jours. Il peut observer les opérations sur le plancher de temps en temps.

[77]        Il connaît les tâches des différents postes de l’entreprise pour les avoir exécutées lui-même dans le passé.

[78]        Il mentionne qu’il aurait peut-être été possible de placer les condiments et ustensiles sur le comptoir, mais cela n’aurait pas nécessairement été pratique à cause de l’espace.

[79]        Il mentionne être ouvert à des mesures d’accommodement. Si le travailleur avait demandé un tapis antifatigue, il aurait pu l’installer à la troisième caisse.

[80]        Il mentionne que le travailleur a reçu une formule 136, le 14 octobre 2013, lorsqu’il a refusé d’exécuter les tâches de changer les poubelles des toilettes, passer un balai et remplir l’ilot. S’il avait été informé de la situation, il aurait confié les tâches à quelqu’un d’autre. Il précise que la formule 136 n’est pas un avis disciplinaire.

[81]        Monsieur Harvey confirme que le poste d’équipier à la caisse sans tâches connexes n’existe pas dans les autres restaurants de la chaîne. Il reconnaît que l’installation d’une tablette pour mettre les condiments aurait pu être encombrante, mais il était disposé à le faire pour accommoder le travailleur. Selon lui, même avec ces mesures d’accommodement, le travailleur serait aussi productif qu’un autre. Il précise qu’il doit toujours y avoir au moins une personne à la caisse. Il indique qu’il a toujours eu de bonnes relations avec le travailleur, sauf pour les reproches quant au langage utilisé.

[82]        C’est la preuve dont dispose le Tribunal.

L’AVIS DES MEMBRES

[83]        Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la loi, le soussigné a requis l’avis des membres des associations d’employeurs et syndicales.

[84]        Le membre issu des associations syndicales est d’avis que les limitations fonctionnelles à retenir sont celles émises par le docteur Bah. Il est en preuve que la station debout prolongée est néfaste pour le travailleur. Son essai de retour au travail sur l’emploi convenable d’équipier à la caisse l’a clairement démontré. Si le Tribunal retient les limitations fonctionnelles du docteur Bah, il est clair que l’emploi d’équipier à la caisse (tâches modifiées) ne respecte pas les limitations fonctionnelles du travailleur, telles que la station debout pour des périodes de 30 à 60 minutes, ni la limitation de mouvements de flexion antérieure ou de position accroupie. Pour récupérer les ustensiles et condiments, le travailleur devra exécuter l’une ou l’autre de ces positions. Finalement, il considère que c’est à bon droit que la CSST a appliqué les dispositions de l’article 51 de la loi, en regard du premier emploi convenable déterminé.

[85]        Le membre issu des associations d’employeurs est, quant à lui, d’avis que les limitations fonctionnelles qui doivent être retenues sont celles du docteur Demers. À son avis, l’emploi convenable d’équipier à la caisse (tâches modifiées) respecte les limitations fonctionnelles déterminées par le docteur Demers. Le travailleur n’a pas à exécuter de façon répétitive ou fréquente des mouvements de flexion antérieure ou à travailler en position accroupie. Quant à l’application de l’article 51 de la loi par la CSST au premier emploi convenable, il confirmerait la décision de la CSST à cet égard.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[86]        Le Tribunal doit, dans un premier temps, décider des questions médicales en lien avec la lésion professionnelle avant d’aborder la question de la capacité d’exercer l’emploi convenable.

[87]        Il n’y a pas de litige quant au diagnostic de la lésion et la date de consolidation de cette même lésion professionnelle. Tant les médecins traitants que le médecin désigné par l’employeur et le docteur Demers s’entendent pour retenir un diagnostic de contusion ayant aggravé une condition de discopathie L5-S1, consolidée le 5 juillet 2013, soit à la date déterminée par le docteur Demers. Le Tribunal retient ces mêmes conclusions.

[88]        Il va de soi également que les parties s’entendent sur le fait que la condition de discopathie L5-S1 corresponde à une condition personnelle qui a été aggravée et non causée par la lésion professionnelle. Cette décision de la CSST sera donc confirmée.

[89]        Il n’y a pas de litige non plus sur l’atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique du travailleur. Tous s’entendent pour retenir une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,20 %, c’est également ce que le Tribunal retient.

[90]        Là où il y a litige, c’est sur la nature des limitations fonctionnelles à retenir en lien avec la lésion professionnelle. Le docteur Demers retient des limitations fonctionnelles de classe I de l’IRSST modifiées pour la colonne lombaire, alors que le docteur Bah, dans son expertise, recommande des limitations fonctionnelles de classe II de l’IRSST.

[91]        La différence entre les limitations fonctionnelles retenues par chacun des médecins a trait, tout d’abord, à la question des poids à soulever de façon répétitive ou fréquente. Le docteur Demers les situe à plus de 15 kg alors que le docteur Bah les limite entre 5 à 15 kg. Sur la question des mouvements de flexion, extension ou torsion, le docteur Demers parle de mouvements d’amplitude extrême alors que le docteur Bah traite de mouvements de faible amplitude. Finalement, le docteur Bah ajoute les limitations suivantes que le docteur Demers ne prévoit pas, soit monter fréquemment plusieurs escaliers, marcher en terrain accidenté ou glissant et rester debout dans la même position plus de 30 à 60 minutes.

[92]        Le Tribunal retient que le médecin qui a charge du travailleur, le docteur Fournier, a modifié son opinion sur la question des limitations fonctionnelles à reconnaître au travailleur. Alors qu’il se disait en accord avec l’avis du docteur Demers, après le retour au travail de son patient, il a indiqué que ce dernier devrait être réorienté, considérant qu’il devait exécuter un travail qui implique de déplacer de façon fréquente des charges de plus de 30 livres et que l’exécution de son travail lui causait une augmentation de sa douleur.

[93]        Le Tribunal retient également que, le 18 octobre 2013, le docteur Legault a constaté que le travailleur avait une augmentation de sa douleur progressive à la station debout prolongée. Il a recommandé un arrêt de travail et a dirigé le travailleur vers son médecin traitant.

[94]        Le témoignage du travailleur, quant au fait que la station debout prolongée lui causait une augmentation de ses douleurs, n’est pas remis en cause. Le Tribunal constate que le travailleur a, de bonne foi, tenté un retour au travail malgré ses appréhensions indiquées à l’ergothérapeute, quant au fait que la station debout prolongée risquait d’être problématique. Le dossier médical du travailleur démontre, qu’effectivement, la reprise du travail a causé une augmentation significative de la douleur. L’augmentation significative de la dose de Supeudol pour contrôler la douleur du travailleur n’a pas suffi, celui-ci évaluant cette dernière à 9/10, et ce, même en prenant une médication à forte dose.

[95]        Dans l’affaire Via Rail Canada inc. et Bédard[2], la Commission des lésions professionnelles nous enseigne que les limitations fonctionnelles ont pour but non seulement de reconnaître que le travailleur ne peut poser certains gestes, mais également d’éviter une récidive, rechute ou aggravation :

[73]      Il reste maintenant à déterminer si la travailleuse conserve des limitations fonctionnelles de sa lésion professionnelle.

 

[74]      L’existence ou l’absence de limitations fonctionnelles doit être déterminée en fonction des données cliniques et paracliniques. Par ailleurs, les limitations fonctionnelles peuvent découler non seulement de l’impossibilité actuelle de poser certains gestes, mais également de la nécessité de le faire pour éviter une récidive, rechute ou aggravation5. Il s'agit alors d'une incapacité du travailleur à supporter sans douleur ou sans risque certains mouvements ou situations. Bien que préventives, pour que des limitations fonctionnelles soient reconnues, elles doivent avoir un caractère permanent.

 

[75]      La Commission des lésions professionnelles a reconnu, à plusieurs reprises, que l’attribution de limitations fonctionnelles peut se justifier par la présence de séquelles douloureuses qui ont pour effet de restreindre un travailleur dans l’exercice de son emploi ou de ses activités de la vie quotidienne6 ou encore, lorsque ce dernier présente un risque de récidive, rechute ou aggravation compte tenu de la fragilité de sa condition découlant de sa lésion7.

 

[76]      La juge administrative Desbois, dans Entreprises agricoles et forestières de la Péninsule inc. et Després8, rappelle que beaucoup de limitations fonctionnelles sont essentiellement de nature subjective et préventive. On peut mentionner celles consistant à éviter l'exposition à certains contaminants, éviter des vibrations de basse fréquence ou les contrecoups à la colonne vertébrale, éviter de marcher sur un terrain accidenté ou glissant ou éviter l'usage d'un véhicule tout-terrain.

 

[77]      Ces limitations ne font pas directement référence à une incapacité du travailleur, mais plutôt à sa vulnérabilité découlant de la lésion professionnelle. Ainsi, certaines limitations fonctionnelles s'imposent en raison d'une impossibilité, d'une incapacité physique du travailleur, mais d'autres s'imposent en raison de la vulnérabilité, de la fragilité du travailleur à la suite de sa lésion professionnelle, afin d'éviter la manifestation ou l'augmentation de la douleur et le risque de récidive, rechute ou aggravation.

 

[78]      Dans l’affaire Transport Michel Forget et Despatie9, la juge administrative Luce Morissette fait état de la jurisprudence sur l’attribution de limitations fonctionnelles préventives, lesquelles n’en sont pas moins permanentes afin d’éviter le plus possible une récidive ou pour permettre le retour en emploi. La soussignée partage son opinion quant à l'attribution de limitations fonctionnelles dans un contexte de douleurs persistantes. :

 

[103]      La soussignée souscrit au courant jurisprudentiel selon lequel l’octroi de limitations fonctionnelles ne dépend pas de l’existence de séquelles fonctionnelles indemnisables suivant le Barème des dommages corporels.

 

[104]      En l’espèce, le docteur Jodoin explique que le travailleur conserve des douleurs dorsales. En cela, il rejoint l’opinion de l’ensemble des examinateurs. Même le docteur Legendre a rapporté que le travailleur se plaignait de douleurs dorsales droites basses au moment de son examen.

 

[105]      Donc, les douleurs persistent et elles sont rapportées de manière constante par le travailleur et les examinateurs entre autres par la palpation, qui de l’avis de la soussignée, est une des mesures objectives servant à un médecin pour établir un diagnostic et d’autres conclusions. Rappelons aussi qu’il n’a pas été contredit que l’essai d’un retour au travail s’est soldé par une reprise des douleurs.

 

[106]      Il ne s’agit pas d’un cas où il y a divergence entre le témoignage d’un travailleur peu crédible et une majorité d’examinateurs. Au contraire, en aucun cas la crédibilité de monsieur Despatie n’a été remise en question sur ce sujet.

[107]      Il y a donc lieu, de manière préventive, d’accorder des limitations fonctionnelles soit pour empêcher une récidive, rechute ou aggravation ou permettre un retour en emploi comme le docteur Jodoin l’indique avec justesse.

 

                                        

5             Gagné et Résidence Christophe Colomb, [1998] C.A.L.P. 305.

6        Voir notamment : Beaulieu et Arboréal Québec ltée, C.L.P. 88381-32-9705, 17 mai 1999, C. Lessard; Boulevard Dodge Chrysler Jeep 2000 et Bevilacqua, C.L.P 207397-72-0305, 26 février 2004, A. Vaillancourt; Automobiles Val Estrie et Tanguay, C.L.P. 271538-05-0509, 7 mars 2007, M. Allard.

7        Voir notamment : Fournier et Projets de préparation à l’emploi (MESS), C.L.P. 209145-62-0306, 7 mai 2004, H. Marchand; Plomberie Pichette inc. et De Varennes, C.L.P. 263472-32-0506, 9 janvier 2006, G. Tardif.

8        Entreprises agricoles et forestières de la Péninsule inc. et Després, C.L.P. 162554-01B-0105, 19 août 2002, L. Desbois.

9        2012 QCCLP 1437.

 

 

[96]        Le Tribunal souscrit à ces motifs et il considère que, dans le présent dossier, ce sont les limitations fonctionnelles émises par le docteur Bah qui correspondent le mieux à la capacité résiduelle du travailleur et qui préviendront une éventuelle récidive, rechute ou aggravation de sa condition.

[97]        Le Tribunal considère que le docteur Bah avait en main plus d’informations que le docteur Demers pour déterminer les limitations fonctionnelles à retenir, puisqu’il a été à même de constater les conséquences qu’a eues le retour au travail dans l’emploi convenable proposé sur la condition du travailleur.

[98]        Le Tribunal est, en effet, convaincu par la preuve faite devant lui que le travailleur doit limiter les charges à soulever de façon fréquente. Il est en preuve que le soulèvement répété de charges de 30 livres est problématique. Le travailleur doit également éviter les mouvements de flexion de la colonne lombaire, même de faible amplitude. Selon la preuve faite et l’échec de la tentative de retour au travail, le Tribunal est également convaincu que le travailleur ne peut tolérer la station debout plus de 30 minutes ou travailler en terrain accidenté ou glissant. Au même titre, il ne peut monter fréquemment plusieurs escaliers.

[99]        La seule réserve que le Tribunal entretient à l’égard des limitations fonctionnelles émises par le docteur Bah est relative au travail de trois jours non consécutifs par semaine. Cette limitation peut se comprendre dans le contexte où le travailleur serait appelé à refaire son emploi d’équipier à la caisse chez l’employeur, mais étant donné la décision du Tribunal sur cette question, il n’y aura pas lieu de maintenir cette limitation fonctionnelle, dans la mesure où le nouvel emploi convenable du travailleur ne devra pas l’exposer à la station debout prolongée, au travail en position accroupie ou à un travail où il devra faire des mouvements de flexion antérieure répétés.

L’application de l’article 51 de la loi

[100]     Le Tribunal doit maintenant décider du bien-fondé de la décision rendue par la CSST le 20 novembre 2013, confirmée en révision administrative le 24 janvier 2014, qui concluait à l’application de l’article 51 de la loi, à la suite de la réception de l’avis du médecin traitant du travailleur qui concluait à l’incapacité du travailleur de continuer à exercer son emploi convenable d’équipier à la caisse.

[101]     L’article 51 de la loi prévoit ce qui suit:

51.  Le travailleur qui occupe à plein temps un emploi convenable et qui, dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l'exercer, doit abandonner cet emploi selon l'avis du médecin qui en a charge récupère son droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par l'article 45 et aux autres prestations prévues par la présente loi.

 

Le premier alinéa ne s'applique que si le médecin qui a charge du travailleur est d'avis que celui-ci n'est pas raisonnablement en mesure d'occuper cet emploi convenable ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 51.

 

 

[102]     Dans l’affaire Lafrenière et Bellai & frères ltée[3], la Commission des lésions professionnelles a défini les paramètres de l’application de l’article 51 de la loi en ces termes :

[117]    Ainsi, l’article 51 de la loi prévoit quatre conditions d’ouverture pour s’appliquer :

 

·           Occuper à plein temps un emploi convenable;

·           Abandonner cet emploi dans les deux ans suivant le début d’exercice;

·           Abandonner cet emploi suivant l’avis du médecin qui a charge;

·           Obtenir un avis du médecin qui a charge à l’effet que le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper l’emploi convenable ou que celui-ci comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur.

 

[118]    Dans le présent dossier, les deux premières conditions sont établies. En effet, le travailleur a commencé à exercer l’emploi convenable le 30 juillet 2012 et il a abandonné cet emploi à l’intérieur du délai de deux ans requis par la loi.

 

[119]    En ce qui concerne les deux autres conditions portant sur l’avis du médecin sur l’incapacité du travailleur à exercer l’emploi convenable, voyons ce qu’en dit la Commission des lésions professionnelles dans une autre décision6 sur le caractère de l’avis du médecin :

[30] En outre, pour récupérer son droit aux indemnités, le Tribunal est d’avis que le travailleur doit produire un avis du médecin dont on peut raisonnablement apprécier qu’il respecte les critères établis à l’article 516. Il doit par conséquent en ressortir, à tout le moins de façon minimale, que le médecin connaît les antécédents médicaux et les limitations fonctionnelles du travailleur, sait de quel emploi il est question et ce qu’il comporte comme tâches et exigences physiques et est en mesure de motiver sa recommandation au travailleur d’abandonner cet emploi. Il faut donc qu’il y ait un véritable avis médical motivé et non un simple rapport des allégations d’incapacité d’un travailleur. L’impact de cet avis médical est trop important pour ne pas devoir s’assurer de façon minimale qu’il constitue véritablement une opinion médicale et que celle-ci est éclairée.

                              

(6)    Auger et Jeno Newman & Fils inc., C.L.P. 110873-64-9902, 99-07-14, L.Couture; Parent et Sani-Eco inc., C.L.P. 162316-62B-0105, 02-05-13, A. Vaillancourt.

 

[120]    Puis, dans une autre décision7, la Commission des lésions professionnelles énonce que l’on devra être en mesure de détecter à la lecture de l’avis du médecin qu’il a une certaine connaissance de l’emploi convenable établi dans le cas de son patient.

 

[53] On ignore si la docteure Jacques connaît l’emploi convenable qui a été retenu pour le travailleur après deux évaluations de son ancien poste, si elle connaît les exigences de ce poste. Elle n’en fait pas mention dans son bref résumé des problèmes reliés à la lésion professionnelle et traite elle-même le dossier comme une rechute, récidive ou aggravation. Quand elle écrit que le travailleur devra changer de travail, on n’est pas en mesure de savoir s’il s’agit d’une opinion sur l’emploi convenable qu’il a exercé pendant trois jours. On ne peut pas conclure des commentaires de la docteure Jacques qu’elle est d’avis que «le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper l’emploi convenable ou que celui-ci comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur».

 

[54] Sans faire preuve de formalisme et sans avoir à reprendre les termes exacts de l’article 51, le médecin doit tout de même fournir les éléments essentiels à son application10. Un parallèle peut être fait avec l’opinion demandée au médecin traitant pour une assignation temporaire (art. 179). Il doit être informé de l’emploi proposé afin de donner son avis.

 

[56] Lorsqu’un médecin émet un avis sur la capacité d’exercer l’emploi convenable, on doit être en mesure de comprendre de son avis qu’il connaît cet emploi, ses exigences et sur quels motifs repose sa recommandation au travailleur d’abandonner l’emploi convenable. L’opinion de la docteure Jacques est insuffisante à cet égard.

                              

10          Cauchon et Inspecteur général des institutions financières, [1998] C.L.P. 595.

                              

6        Grenier et Grands Travaux Soter inc., C.L.P. 150478-01B-001, 14 janvier 2003, L. Desbois.

7           Larivière et Produits d’acier Hason inc., C.L.P. 142509-63-0007, 30 avril 2003, L. Nadeau, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Joliette, 705-17-000660-033, 23 février 2004, j. Borenstein.

 

 

[103]     Dans l’affaire Rémillard et Centre de camions Cambec Diesel inc. et Sani-Gestion Onyx (Div. Transport)[4], la Commission des lésions professionnelles mentionne ce qui suit sur le même sujet :

[82]      Dans l’affaire Grenier et Grands Travaux Soter inc.10 invoquée par l’employeur, le Tribunal a abordé l’angle de la récidive, rechute ou aggravation et l’angle de l’article 51, puis a insisté sur les qualités requises de l’avis médical prévu à l’article 51.

 

[…]

 

[84]      Dans cette affaire, le Tribunal rappelait certains principes en regard de l’abandon d’emploi convenable sur avis médical prévu à l’article 51 de la Loi :

[28] Ainsi, un travailleur récupérera son droit à l’indemnité de remplacement du revenu et aux autres prestations prévues par la loi si :

-           Il abandonne un emploi convenable dans les deux ans suivant la date où il a commencé à l’exercer à plein temps;

 

-           Il abandonne son emploi convenable selon l’avis de son médecin;

 

-           L’avis du médecin est à l’effet que :

 

-      Le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’occuper l’emploi convenable;

 

Ou

 

-      L’emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l’intégrité physique du travailleur.

[29] Ainsi, il est généralement établi que l’avis du médecin doit précéder l’arrêt de travail pour que l’on puisse conclure que le travailleur a abandonné l’emploi en raison de cet avis2.

[30] En outre, pour récupérer son droit aux indemnités, le Tribunal est d’avis que le travailleur doit produire un avis du médecin dont on peut raisonnablement apprécier qu’il respecte les critères établis à l’article 513. Il doit par conséquent en ressortir, à tout le moins de façon minimale, que le médecin connaît les antécédents médicaux et les limitations fonctionnelles du travailleur, sait de quel emploi il est question et ce qu’il comporte comme tâches et exigences physiques et est en mesure de motiver sa recommandation au travailleur d’abandonner cet emploi. Il faut donc qu’il y ait un véritable avis médical motivé et non un simple rapport des allégations d’incapacité d’un travailleur. L’impact de cet avis médical est trop important pour ne pas devoir s’assurer de façon minimale qu’il constitue véritablement une opinion médicale et que celle-ci est éclairée.

                                        

2.          C.S.S.T. et Mondoux, [1993] C.A.L.P. 165 (décision accueillant la requête en révision); Lacharité et Pantapil ltée, C.A.L.P. 48869-62-9302, 5 juillet 1995, Y. Tardif; Cauchon et Inspecteur général des institutions financières, précitée note 4; Bolduc et Supermarché Serge Fleurent inc., C.L.P. 109757-62B-9901, 21 juin 1999, N. Blanchard; Auger et Jeno Newman & Fils inc., précitée, note 4; Lab Société en commandite-Bell et Marchand, précitée, note 4.

3           Auger et Jeno Newman & Fils inc., précitée, note 4; Parent et Sani-Eco inc., précitée, note 4.

 

(Soulignements de la soussignée.)

 

                                        

10               Précitée note 7 (C.L.P. 150478-01B-0011, 14 janvier 2003, L. Desbois).

[104]     Le Tribunal considère que l’avis du docteur Fournier respecte les critères de l’article 51 de la loi. Il est en preuve que ce dernier connaissait les limitations fonctionnelles du travailleur puisque le rapport médical, daté du 12 août 2013, fait état du fait qu’il a lu l’avis du docteur Demers et qu’il s’est dit en accord avec ledit avis. Il connaissait les tâches problématiques du travailleur puisque, dans son rapport médical du 10 octobre 2013, il indique que la condition du travailleur est exacerbée par les travaux de maintenance qu’on lui demande d’exécuter le soir. Il a, de plus, pris connaissance du rapport médical du docteur Legault qui a mis le travailleur en arrêt de travail parce que ce dernier devait maintenir une station debout prolongée.

[105]     Or, le 24 octobre 2013, lorsque le docteur Fournier indique que le travailleur ne peut reprendre son travail de caissier, c’est en toute connaissance de cause qu’il recommande au travailleur de cesser d’exercer son emploi convenable et qu’il demande une réorientation. Les notes médicales du dossier indiquent que le travailleur lui a décrit ses tâches. Le docteur Fournier fait précisément référence au fait que le travailleur lui dit qu’il ne fait plus de travaux de maintenance, mais qu’il doit parfois déplacer des objets de 30 livres et qu’il sert jusqu’à 150 clients en trois heures lors des périodes de pointe.

[106]     L’employeur a soutenu que, pour appliquer les dispositions de l’article 51 de la loi, il faut, qu’au préalable, le travailleur ait contesté la décision déterminant son emploi convenable. Avec égard pour cette prétention, le Tribunal n’est pas de cet avis. L’article 51 ne prévoit pas cette exigence, comme il ne prévoit pas l’exigence que l’avis du médecin soit préalable à la cessation de l’emploi. Si l’emploi présente un danger pour la santé ou la sécurité du travailleur, il serait illogique qu’on exige du travailleur qu’il continue à l’exercer jusqu’à ce qu’il puisse avoir un rendez-vous avec son médecin, au risque de compromettre sa santé ou sa sécurité. De l’avis du soussigné, il est suffisant que cet avis soit contemporain à la cessation du travail.

[107]     L’article 51 est tout à fait approprié aux faits du présent dossier. L’article 51 a pour but d’offrir un recours au travailleur, lorsqu’on réalise que, dans les faits, le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d'occuper l’emploi convenable déterminé parce qu’on n’avait pas évalué certaines tâches accessoires à l’emploi ou que cet emploi convenable comporte un danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur, ou que, dans les faits, on constate que le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure de l’occuper, ce qui est le cas dans le présent dossier. Pour que le médecin en vienne à cette conclusion, il faut, qu’au préalable, un emploi convenable ait été déterminé.

[108]     L’employeur plaide que le médecin traitant n’a pas précisé formellement que le travailleur n’était pas en mesure d’exercer l’emploi convenable ou que cet emploi était dangereux pour sa santé et sa sécurité. Avec égard, ce constat découle de la recommandation du médecin qui précise, au préalable, que l’exercice de l’emploi cause une recrudescence des douleurs qui atteignent 9/10 malgré la prise de Supeudol et que le travailleur se dit incapable d’exécuter certaines tâches ou de servir 150 clients en trois heures. De l’avis du Tribunal, l’opinion motivée du docteur Fournier, qui mentionne que le travailleur se dit incapable de refaire son emploi, qui indique dans son rapport que le travailleur ne peut reprendre son travail de caissier et qu’une réorientation est nécessaire, est suffisante dans les circonstances pour satisfaire les exigences de l’article 51 de la loi.

[109]     Pour ces motifs, le Tribunal considère que c’est à bon droit que la CSST a appliqué les dispositions de l’article 51 de la loi, qu’elle a mis fin à l’emploi convenable déterminé et qu’elle a reconnu au travailleur son droit de recevoir à nouveau l’indemnité de remplacement du revenu.

La capacité à exercer l’emploi convenable

[110]     Reste maintenant à décider si le nouvel emploi convenable déterminé, soit celui d’équipier à la caisse (tâches modifiées), est un emploi convenable selon la loi.

[111]     Considérant la décision rendue par le Tribunal quant aux limitations fonctionnelles à retenir, c’est en regard de ces limitations que doit s’analyser la capacité du travailleur à exercer ledit emploi.

[112]     La loi définit l’emploi convenable ainsi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:

 

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

 

[113]     De l’avis du Tribunal, l’emploi d’équipier à la caisse (tâches modifiées) ne respecte pas les limitations fonctionnelles du travailleur, la première raison étant la limitation relative à la station debout prolongée.

[114]     En effet, la preuve a établi que l’équipier à la caisse ne peut s’asseoir et qu’il doit demeurer debout durant des périodes de plus de trois heures consécutives, particulièrement dans les périodes d’affluence. Considérant le fait que l’employeur était disposé à retirer de l’emploi d’équipier à la caisse toutes les tâches accessoires d’entretien ménager, le travailleur serait demeuré, encore plus longtemps, derrière sa caisse à devoir maintenir cette position.

[115]     De l’avis du Tribunal, cet emploi n’est également pas compatible avec la limitation fonctionnelle qui implique que le travailleur doit, à la fois, éviter les mouvements répétés de flexion antérieure et éviter de travailler en position accroupie de façon répétitive ou fréquente.

[116]     Le travailleur a mentionné, dans son témoignage, qu’il devait se pencher environ 150 fois par période de trois heures afin de remettre aux clients les condiments et ustensiles qui accompagnent chaque commande et qui se trouvent sous le comptoir.

[117]     La recommandation de l’ergothérapeute, pour éviter les mouvements de flexion antérieure, était de se plier les genoux pour prendre les ustensiles et condiments. De l’avis du Tribunal, cette position correspond à du travail en position accroupie et, si elle est répétée 150 fois par période de trois heures, elle correspond à une activité répétitive et fréquente qui est incompatible avec les limitations fonctionnelles du travailleur.

[118]     Dernier argument sur cette question, le procureur du travailleur plaide que l’emploi d’équipier à la caisse (tâches modifiées) n’est pas un emploi convenable puisqu’il ne comporte pas de possibilité raisonnable d’embauche, étant donné qu’il devient un emploi taillé sur mesure pour le travailleur et qu’il n’existe pas ailleurs sur le marché du travail.

[119]     Bien que cette question devienne théorique, considérant la décision du Tribunal quant à l’incompatibilité de cet emploi avec les limitations fonctionnelles du travailleur, il convient de rappeler les critères applicables lorsqu’un emploi « sur mesure » est offert par l’employeur comme emploi convenable, tel qu’exposé par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Rzik et Cargill ltée[5]:

[48]      Dans l’affaire Guy-Robert Louis et Vêtements de sports Gildan inc.2, la Commission des lésions professionnelles a déterminé que pour qu’un emploi soit convenable, il faut qu’il remplisse les différents éléments prévus à la loi et correspondent à sa définition, notamment qu’il doit présenter une « possibilité raisonnable d’embauche ». Ainsi s’exprimait le juge administratif, propos auxquels adhère la soussignée :

[62]      Ainsi, comme en a conclu le Tribunal à différentes reprises4, les mesures de réadaptation professionnelle doivent viser à rendre le travailleur capable d'accéder à un emploi convenable et non à rendre convenable, chez un employeur donné, un emploi qui ne le serait pas autrement. Dans d'autres décisions, le Tribunal a établi que même si l'employeur était prêt à adapter un poste spécialement pour le travailleur, encore fallait-il que cet emploi constitue un emploi convenable5. Ainsi, il a été décidé qu'on ne pouvait parler d'emploi convenable lorsque l'emploi en question ne pouvait convenir au travailleur que s'il était amputé de certaines tâches, la possibilité d'embauche par quelque autre employeur devenant dès lors trop incertaine. Dans la présente affaire, il est très clair que le poste d'opérateur à la préparation comporte de nombreuses autres tâches que la seule préparation des boîtes et que le travailleur serait, dans les circonstances, advenant une mise à pied chez l'employeur, probablement le premier à être mis à pied; si ce n'était pas le cas, de toute façon, le travailleur se trouve à ne pas remplir les exigences normales du poste d'opérateur à la préparation, ce qui le rend non compétitif sinon inemployable chez un autre employeur, advenant que, pour une raison ou pour une autre, il perdrait son emploi, ce qui contrevient à la définition même de l'emploi convenable […]

                                        

4            West et Buanderie Sherbrooke Inc., dossier 110010-05-8901, 21 septembre 1992, G. Lavoie, commissaire; Petitpas et CSST, dossier 56252-09-9401, 18 décembre 1995, C. Bérubé, commissaire; Jean Louis et Pro Groupe, dossier 182360-62C-0204, 23 avril 2003, R. Hudon, commissaire.

5            Voir, entre autres, Caron et Transport Network Québec ltée, dossier 44467-63-9209, 19 avril 1994, M. Duranceau, commissaire; Rossetti et Noorduyn Norseman inc., dossier 61064-61-9407, 31 janvier 1996, M. Zigby, commissaire; Dubé et Ressources Aur inc., dossier 131627-62C-0001, 31 janvier 2002, M. Sauvé, commissaire.

 

 

[49]      La jurisprudence est sans équivoque voulant que l’emploi convenable doit exister ailleurs sur le marché du travail. Pour reprendre les commentaires de monsieur le juge administratif Robert Daniel dans l’affaire Brideau et Aciers Jean-Pierre Robert inc.3, la CSST ou l’employeur « ne peut créer de toutes pièces un emploi convenable chez lui qui n’existe pas ailleurs sur le marché du travail » après avoir procédé à un résumé de la jurisprudence à ce sujet :

[33]      Il est de jurisprudence que l’emploi convenable doit exister ailleurs sur le marché du travail et que la CSST ou l’employeur ne peut créer de toutes pièces un emploi convenable chez lui qui n’existe pas ailleurs sur le marché du travail5. L’emploi proposé par l’employeur doit, dans le cadre de l’article 170 de la loi, en soi et préalablement à la détermination des mesures de réadaptation appropriées, présenter des caractéristiques permettant de le qualifier de convenable. Ces mesures doivent viser à rendre le travailleur capable d’accéder à un emploi convenable et non à rendre convenable chez l’employeur un emploi qui ne le serait pas autrement6.

 

 

[34]      Comme le mentionne la Commission des lésions professionnelles dans la cause Dubé et Ressources Aur inc.7 :

 

[128]       La jurisprudence relative à l'emploi convenable nous apprend qu'un tel emploi ne peut être déterminé en théorie seulement. Il faut qu'il soit quelque chose de pratique, qu'il puisse réellement exister et qu'il soit réalisable pour le travailleur. Il faut de fait que le travailleur détenteur d'un tel poste soit placé sur le même pied que les autres travailleurs devant une possibilité d'embauche et non pas être forcé de se présenter comme quelqu'un qui présente des exigences différentes des autres travailleurs. En d'autres mots, il faut que le travailleur puisse concurrencer les autres travailleurs sur le marché du travail.

 

 

[35]      Cette interprétation est également reprise dans la cause Sabourin et Camions Inter Estrie 1991 inc. et CSST8 dans laquelle le Tribunal citant la jurisprudence mentionne :

 

[28]         Ainsi, pour parvenir à identifier cet emploi, une série de tâches qui étaient déjà dévolues à d’autres employés ont été regroupées et on a créé de toutes pièces de nouvelles responsabilités. En gros, des activités normalement assumées par des mécaniciens ou par un commissionnaire ont été incluses dans le travail d’inspecteur de véhicules lourds et une charge de conseiller technique a été inventée. Ce faisant, comme rien ne prouve qu’un tel emploi existe sur le marché du travail en général, la Commission des lésions professionnelles doit conclure qu’un poste « maison » a été identifié. D’ailleurs, après le refus du travailleur de l’occuper, il est intéressant de rappeler que cet emploi n’a jamais été comblé et qu’il s’agit, selon le témoignage de monsieur Paquette, d’un travail qui ne figure même pas dans la convention collective qui est en force chez l’employeur. En outre, dans le document qui en résume les tâches, il est révélateur d’observer que ce poste était désigné sous l’appellation : « travaux légers pour Monsieur Yves Sabourin ». Or, dans des circonstances similaires, il a déjà été jugé ceci :

 

 

[68] La CSST ne peut créer de toutes pièces un emploi convenable chez l'employeur qui n'existe pas ailleurs sur le marché du travail3. Même lorsque la CSST détermine un emploi convenable chez l’employeur d’un travailleur, « Il faut de fait que le travailleur détenteur d'un tel poste soit placé sur le même pied que les autres travailleurs devant une possibilité d'embauche et ne soit pas forcé de se présenter comme quelqu'un qui présente des exigences différentes des autres travailleurs. En d'autres mots, il faut que le travailleur puisse concurrencer les autres travailleurs sur le marché du travail. »4

 

[69] En l’espèce, tout comme dans l’affaire Landry et Bennu Innovation inc.5 la démarche de réadaptation a davantage consisté à adapter le travailleur à un poste à partir du regroupement de certaines tâches tirées de différents postes de travail existant chez l’employeur plutôt que l’inverse, c’est-à-dire adapter un poste de travail précis aux capacités résiduelles du travailleur. L’objectif visé par la réadaptation n’est pas de rendre convenable chez un employeur donné un emploi qui ne le serait pas autrement, mais de rendre le travailleur capable d’accéder à un emploi convenable 6.

 

[70] Dans les circonstances, le Tribunal considère que l’emploi retenu pour le travailleur n’est pas convenable puisqu’il n’offre pas une possibilité raisonnable d’embauche. Certes, la représentante prétend aussi que l’emploi ne respecte pas les limitations fonctionnelles, mais le Tribunal ne considère pas utile de se prononcer sur cet aspect puisque le seul fait qu’au moins une des caractéristiques de l’emploi convenable ne soit pas rencontrée est suffisant pour faire droit à sa demande.

_________

3        Caron et Transport Network Québec ltée, 44467-63-9209, 19 avril 1994, M. Duranceau.

4        Dubé et Ressources Aur inc., 131627-62C-0001, 31 janvier 2002, M. Sauvé, révision rejetée, 4 mars 2003, M. Bélanger voir aussi Dumas et Plomberie chauffage André Gendron et fils inc., 166088-71-0107, 27 janvier 2002, L. Landriault.

5     C.L.P.219215-63-0310, 19 mai 2004, J.P. Arsenault.

6     Petitpas et C.S.S.T., 56252-09-9401, 18 décembre 1998, C. Bérubé.

 

 

________________

5           Caron et Transport Network Québec Ltée, C.A.L.P. 44467-63-9209, 19 avril 1994, M. Duranceau; voir aussi Brisebois et Volailles Grenville inc., C.L.P. 157910-64-0103, 29 novembre 2002, J. - F. Martel ; Dumas et Plomberie chauffage André Gendron et fils inc. et CSST, C.L.P. 166088-64-0107, 04-01-27, L. Landriault.

6           West et Buanderie Sherbrooke inc., C.A.L.P. 11010-05-8901, 92-09-21, G. Lavoie, (J4-18-26) ; Petitpas et CSST, C.A.L.P. 56252-09-9401, 95-12-18, C. Bérubé; Jean-Louis et Progroupe, C.L.P. 182360-62C-0204, 03-04-23, R. Hudon, (03LP-38).

7           Dubé et Ressources Aur inc., C.L.P. 131627-62C-0001, 31 janvier 2002, M. Sauvé, révision rejetée, 03-03-04, M. Bélanger.

8          Sabourin et Camions Inter Estrie 1991 inc. et CSST, C.L.P. 234335-64-0405, 05-04-18, F. Ranger.

 

[50]      Dans la présente affaire, l’emploi identifié comme convenable a été taillé sur mesure et adapté pour le travailleur lorsque l’employeur a permis que le travailleur effectue une rotation entre les postes de travail identifiés à partir du poste de travail prélésionnel. Dans les faits, il ne s’agit pas d’un emploi que l’on retrouve sur le marché du travail.

 

[51]      La Commission des lésions professionnelles conclut que l’emploi identifié par la CSST comme étant convenable ne présente pas de possibilité raisonnable d’embauche et qu’il y a donc lieu d’infirmer la décision de la CSST.

___________________

2.                C.L.P. 205637-72-0304, 27 juillet 2004, G. Robichaud.

3.                C.L.P. 245707-64-0410, 9 juin 2005, R. Daniel.

 

 

[120]     Bien que le Tribunal reconnaisse la bonne foi de l’employeur et sa volonté d’accommoder le travailleur, en prenant en considération l’ensemble de ces limitations fonctionnelles, il demeure que l’emploi offert au travailleur doit être un emploi dans lequel il demeure productif et employable ailleurs sur le marché du travail. Or, le Tribunal doute qu’un travailleur, qui ne peut travailler au poste de service à l’auto (première caisse), au service à l’auto (préparation des boissons et donner les commandes) ainsi que celui de préposé à la salle à manger et procéder au nettoyage du plancher, ait quelque chance d’être embauché dans un autre restaurant de la même chaîne que celui où il travaille actuellement, comme il doute de sa possibilité d’embauche dans un autre restaurant, peu importe la bannière. Dans les circonstances, le Tribunal est d’avis que l’emploi convenable déterminé ne présente pas une possibilité d’embauche raisonnable sur le marché du travail.

[121]     Pour l’ensemble de ces motifs, le Tribunal conclut que l’emploi d’équipier à la caisse (tâches modifiées) n’est pas un emploi convenable.

[122]     Le dossier du travailleur sera donc retourné à la CSST afin que soit repris le processus de réadaptation auquel il a droit. Entretemps, le travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu rétroactivement à la date de sa cessation.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossiers 523570-63-1310 et 524876-63-1310

ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Richard Danis (le travailleur) déposée à la Commission des lésions professionnelles le 3 octobre 2013;

INFIRME en partie la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 17 septembre 2013, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE sans objet la demande de révision de Cedhar Gestion inc. (l’employeur) portant sur l’admissibilité de la réclamation;

DÉCLARE que le diagnostic de la lésion professionnelle du travailleur est une contusion lombaire ayant aggravé une discopathie L5-S1 (par analogie : entorse lombaire sur spondylodiscarthrose);

DÉCLARE que la lésion professionnelle du travailleur est consolidée avec une atteinte permanente à son intégrité physique et psychique de 2,20 % et que le travailleur a droit à une indemnité pour dommages corporels de 1 440,43 $;

DÉCLARE que le travailleur conserve les limitations fonctionnelles suivantes de sa lésion professionnelle, soit des limitations fonctionnelles de classe II de l’IRSST pour la colonne lombaire, à savoir qu’il doit éviter d’accomplir de façon répétitive et fréquente les activités qui impliquent de :

Ø  des charges de plus de 5 à 15 kilos;

Ø  travailler en position accroupie;

Ø  ramper, grimper;

Ø  effectuer des mouvements répétitifs de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire (même de faible amplitude);

Ø  subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale;

Ø  monter fréquemment plusieurs escaliers;

Ø  marcher en terrain accidenté ou glissant;

Ø  rester debout dans la même position plus de 30 à 60 minutes.

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est toujours justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu prévue par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi.

Dossier 526841-63-1311

REJETTE la requête du travailleur déposée à la Commission des lésions professionnelles le 14 novembre 2013;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 18 octobre 2013, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le diagnostic de la lésion professionnelle est une contusion lombaire ayant aggravé une discopathie L5-S1;

DÉCLARE que le diagnostic de discopathie L5-S1 n’est pas en relation avec l’événement du 16 octobre 2012 et que le travailleur n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en ce qui a trait à ce diagnostic.

Dossiers 534270-63-1402 et 535297-63-1403

ACCUEILLE la requête du travailleur déposée à la Commission des lésions professionnelles le 18 février 2014;

REJETTE la requête de l’employeur déposée à la Commission des lésions professionnelles le 4 mars 2014;

CONFIRME en partie la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 24 janvier 2014, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que c’est à bon droit que la Commission de la santé et de la sécurité du travail a appliqué les dispositions de l’article 51 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et déclare que le travailleur n’est pas raisonnablement en mesure d’exercer l’emploi convenable d’équipier à la caisse;

INFIRME en partie la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 24 janvier 2014, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’emploi d’équipier à la caisse avec tâches modifiées ne constitue pas un emploi convenable et que le travailleur n’est pas capable d’exercer cet emploi convenable depuis le 27 novembre 2013;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin que soit repris le processus de réadaptation auquel a droit le travailleur;

ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de reprendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu auquel a droit le travailleur rétroactivement au 27 novembre 2013.

 

 

 

__________________________________

 

Daniel Pelletier

 

 

 

 

Me Alexandre Sigouin

Desroches, Mongeon

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Sannie Dumouchel

Morneau Shepell

Représentante de l’employeur

 

 

Me Marie-France Quintal

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           R.L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           2013 QCCLP 5689.

[3]           2013 QCCLP 4816.

[4]           2012 QCCLP 1854.

[5]           C.L.P. 322694-62-0707, 15 juillet 2009, D. Lévesque.

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