April c. CHUM (Hopital Notre-Dame) |
2017 QCCS 1844 |
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COUR SUPÉRIEURE |
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CANADA |
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PROVINCE DE QUÉBEC |
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DISTRICT DE |
MONTRÉAL |
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N° : |
500-17-064598-116 |
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DATE : |
4 mai 2017 |
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L'HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S. |
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NATHALIE APRIL |
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Demanderesse |
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c. |
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CHUM (HOPITAL NOTRE-DAME) |
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Dre STÉPHANIE FORTIN, CHUM |
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SALONS FUNÉRAIRES T. SANREGRET LTÉE |
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Défendeurs |
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JUGEMENT |
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[1] Dans la nuit du 1er avril 2008, madame Lise April décède subitement à la suite d’une possible rupture d’anévrisme aortique abdominale, à l’âge de 62 ans. Elle était la mère de la demanderesse.
[2] Étant donné que la cause du décès n’est que « possible », puisqu’elle ne peut se vérifier qu’en regardant s’il y a eu hémorragie dans l’abdomen de la défunte, Dre Stéphanie Fortin suggère qu’une autopsie soit pratiquée si la famille[1] veut avoir une confirmation de la cause de décès.
[3] Une demande d’autopsie est donc remplie par la préposée de l’hôpital[2].
[4] Les funérailles de Lise April se déroulent quelques jours plus tard, sans incident particulier.
[5] Quelques semaines plus tard, la demanderesse apprend que l’autopsie n’a jamais été pratiquée et que l’absence d’autopsie incomberait à une employée de l’Hôpital qui a perdu le formulaire de demande d’autopsie qu’au médecin qui aurait mal remplit le bulletin d’autopsie en indiquant que l’autopsie avait été faite alors que celle-ci n’avait pas encore été pratiquée.
[6] Elle apprend du même coup que l’Hôpital a bien tenté de récupérer le corps de sa mère lorsqu’il a retrouvé le formulaire de demande d’autopsie, mais que le salon funéraire[3] aurait refusé de retourner le corps, au motif que la procédure d’embaumement était déjà trop avancée au moment de l’appel.
[7] Trois ans après le décès de sa mère, la demanderesse poursuit l’Hôpital et le Salon, solidairement[4], et deux mois plus tard, elle ajoute Dre Fortin comme défenderesse, à qui elle reproche d’avoir mal soigné sa mère lors de son admission à l’urgence, en plus d’avoir mal rempli le formulaire de décès.
[8] La demanderesse réclame donc 300 000 $ de dommages pécuniaires et de dommages moraux l’Hôpital et du Salon, 4 797,18 $ du salon funéraire, en lien avec le coût des services funéraires, 500 000 $ du Dre Fortin, ainsi que 150 000 $ de dommages punitifs, de tous les défendeurs.
[9] Aucun jugement portant sur des dommages subis à la suite de la non-exécution d’une autopsie n’a été recensé dans la jurisprudence. Le dossier présenté est donc fort particulier, notamment du fait qu’à supposer que les défendeurs soient responsables, il n’est pas évident de départager la peine et les conséquences de la perte de l’être cher à la demanderesse des dommages directement causés à cette dernière par le fait qu’aucune autopsie n’a été pratiquée sur le corps de Lise April.
[10] Dans la nuit du 1er avril 2008, vers 1 h 00 du matin, le conjoint de Lise April, avec qui elle vit depuis 19 ans, appelle le 911, après que cette dernière se soit effondrée, en douleurs, à leur résidence[5].
[11] À 1 h 22, les ambulanciers arrivent sur les lieux. Durant leur intervention, ils constatent que Madame April est éveillée, souffrante, qu’elle a le ventre enflé (distension), qu’elle a de la difficulté à respirer et qu’elle est très pâle, puisqu’elle a fait une syncope. Vers 1 h 33, Lise April tombe en arrêt cardio-respiratoire à son domicile, ce qui nécessite son transport vers l’urgence de l’Hôpital Notre-Dame, du CHUM[6].
[12] En parallèle à cette scène, le conjoint de la demanderesse répond à un appel du conjoint de sa mère qui l’informe que la demanderesse doit se rendre à l’Hôpital, car sa mère est dans un état critique. La demanderesse et son conjoint quittent donc immédiatement Repentigny en direction de l’urgence de l’Hôpital Notre-Dame.
[13] Durant ce temps, l’équipe du Dre Fortin est appelée par les ambulanciers qui annoncent l’arrivée prochaine de Lise April à l’urgence et précisent que cette dernière est en arrêt cardio-respiratoire. Ils l’informent aussi des divers symptômes observés lors de leur intervention au domicile de cette dernière ainsi que lors de son transport vers l’Hôpital.
[14] À son arrivée à l’Hôpital, vers 1 h 52, Lise April est prise en charge par Dre Fortin et son équipe sans passer par le triage.
[15] La patiente ayant déjà été intubée durant le transport afin de lui permettre de respirer artificiellement, cela accélère le travail de Dre Fortin, qui entreprend immédiatement les manœuvres usuelles de réanimation.
[16] Dre Fortin effectue aussi un examen physique du corps de la patiente, afin d’y déceler divers indices lui permettant de comprendre ce qui a pu causer son état. Après avoir inspecté le devant et le derrière du corps de sa patiente, elle ne constate aucune marque de violence. Elle note toutefois que le ventre de sa patiente est enflé.
[17] À 2 h 13, le 1er avril 2008, après quatre manœuvres infructueuses de réanimation, Dre Fortin constate le décès de Lise April. Elle conclut que sa patiente est décédée à la suite d’une possible rupture d’anévrisme aortique abdominale. La cause du décès étant incertaine, puisqu’il faut voir à l’intérieur du corps s’il y a eu hémorragie pour confirmer le diagnostic, ce qu’elle ne peut faire, elle discute avec le conjoint de la défunte de la possibilité de pratiquer une autopsie afin de ce faire, ce qu’il accepte de de faire.
[18] Dre Fortin fait alors le nécessaire pour qu’il soit référé à la personne qui amorcera la démarche administrative pertinente à cette autopsie.
[19] Malgré son empressement à se rendre au chevet de sa mère, il est trop tard lorsque la demanderesse arrive à l’urgence: sa mère est déjà décédée.
[20] Comme rien ne lui laissait présager un tel drame, la mère et la fille s’étant parlé quelques heures auparavant au téléphone et la mère semblant alors très bien aller, la demanderesse est sous le choc. La situation lui fait immédiatement soupçonner un possible acte de violence de la part du conjoint de sa mère, pour expliquer le décès soudain de cette dernière.
[21] Aucune preuve de violence antérieure de la part du conjoint de Lise April à son égard ne nous est présentée pour expliquer ces soupçons, mais ceux-ci sont très forts et conditionnent plusieurs des démarches qu’effectue ensuite la demanderesse, en lien avec le décès de sa mère.
[22] Après avoir parlé au Dre Fortin de ce qui s’était passé entre l’arrivée de sa mère à l’Hôpital et son décès et s’être recueillie auprès du corps de sa mère, la demanderesse rencontre la préposée à l’accueil de l’urgence pour remplir le formulaire de demande d’autopsie complète, puisqu’elle veut connaître la cause précise du décès de sa mère.
[23] La personne qui la reçoit est au travail depuis 15 h 00, la veille[7], elle remplace la personne normalement attitrée à ce poste, la nuit, et n’est pas habituée à gérer des demandes d’autopsies puisque cela ne se fait que très rarement sur son quart de travail. Elle remplit tout de même le formulaire de demande d’autopsie avec la demanderesse.
[24] Par la suite, cette agente administrative remplit comme il se doit la première partie du bulletin de décès (SP-3), qui sera ensuite remis au médecin, afin qu’il atteste entre autres de la cause et de l’heure du décès, tel que l’exige la Loi. Selon la connaissance de cette agente, lorsqu’il n’y a pas d’autopsie, cette deuxième partie est complétée par le médecin, alors que lorsqu’il y a autopsie, c’est le pathologiste qui complète le SP-3[8].
[25] Même si elle n’a aucun souvenir de ce qui s’est ensuite passé avec le bulletin de décès et le formulaire de demande d’autopsie, l’agente explique qu’elle a probablement laissé le dossier de la patiente sur le charriot habituel, afin que la personne qui travaille sur le quart de travail de jour en fasse le suivi[9].
[26] Après avoir rencontré l’agente administrative pour remplir le formulaire de demande d’autopsie, la demanderesse quitte l’hôpital, complètement bouleversée, déclarant alors ne pas être « dans un état normal », ce qui s’explique tout à fait [10].
[27] Lorsqu’elle quitte l’Hôpital, elle n’apporte aucun document en lien avec le décès de sa mère, que ce soit une copie du bulletin de décès, parce qu’il n’est pas encore signé par Dre Fortin au moment de son départ, ou une copie du formulaire de demande d’autopsie[11].
[28] Le matin du 1er avril, l’agente administrative affectée au quart de jour[12] ne se souvient pas si elle a discuté avec l’agente administrative de nuit pour faire la transition des dossiers, mais se souvient d’avoir reçu un appel au sujet d’une autopsie, après que le corps de la personne décédée ait été libéré, d’avoir appelé le Salon, afin de rapatrier le corps pour que l’autopsie puisse être faite, que le représentant du Salon lui ait déclaré que cela était impossible et qu’elle n’ait pas insisté, ayant simplement discuté de la situation par la suite avec sa supérieure[13].
[29] Interrogée sur la manière habituelle dont se complète le bulletin de décès SP-3, elle confirme également que lorsqu’il y a demande d’autopsie, c’est habituellement le pathologiste qui signe le bulletin[14] et qu’il lui est déjà arrivé qu’un bulletin soit signé par le médecin alors qu’il aurait dû l’être par le pathologiste, qu’elle avait alors déchiré le formulaire et en avait préparé un autre[15].
[30] Le 1er avril, vers 7 h 15-7 h 30 AM, le conjoint de la défunte se rend au Salon, afin de planifier les arrangements funéraires. Il est accueilli par Luc Sansregret[16], qui a la gentillesse de lui donner accès au salon, même s’il est tôt[17].
[31] Ensemble, ils remplissent le contrat de services funéraires et la déclaration de décès (DEC-100). Le conjoint de la défunte signe le contrat de service à titre de responsable du contrat et dépose 900 $, en acompte sur les honoraires[18]. Il avise Sansregret de communiquer avec la demanderesse afin de s’assurer que les arrangements lui conviennent, ce sur quoi Sansregret le rassure, car elle doit elle aussi signer le contrat[19].
[32] Lors de sa visite matinale, le conjoint de la défunte ne remet aucun document en lien avec le décès de sa conjointe à Sansregret et il ne l’informe pas qu’une autopsie sur le corps de Lise April a été demandée[20]. Sansregret ne constate aucun empressement ni pression du conjoint de la défunte pour que le corps de sa conjointe soit embaumé dans les plus brefs délais[21].
[33] Vers 9 h AM, Sansregret appelle l’Hôpital pour vérifier s’il peut prendre possession du corps de Lise April, mais il essuie un refus, car l’employée rejointe lui répond que le « Bulletin de décès » n’est pas encore signé par le médecin[22]. C’est là la dernière intervention directe de Sansregret dans le dossier, puisqu’il demande ensuite à Monsieur Paquin d’effectuer le suivi du dossier des funérailles de Lise April[23].
[34] Ce n’est vraisemblablement qu’entre 9 h et 10 h 30 que Dre Fortin complète la deuxième partie du « Bulletin de décès » SP-3[24] et le signe, après avoir terminé la nuit de garde où elle était la seule urgentologue en fonction[25].
[35] À la question « Y a-t-il eu une autopsie? », elle coche « Oui ». Elle explique sa réponse par le fait que le conjoint de la défunte l’avait informée de son intention d’en demander une et qu’elle l’a référé à la personne pertinente afin d’entreprendre la démarche nécessaire, et en présumant que cette autopsie serait pratiquée.
[36] Vers 10 h 30, le thanatologue du Salon, Stéphane Paquin[26], reçoit un appel de l’Hôpital lui annonçant qu’il peut venir chercher le corps de Lise April[27]. Il appelle donc les mandataires du Salon chargés du transport des corps, afin qu’ils aillent prendre possession du corps et le ramènent au salon[28].
[37] Paquin étant afféré à d’autres tâches[29], il informe le thanatologue Jean-Claude Payeur[30] qu’il aura un corps à embaumer ce jour-là.
[38] Au début de l’après-midi du 1er avril, Payeur commence à embaumer le corps de Lise April[31]. Il n’a aucun souvenir de cet embaumement ni d’une visite de Paquin qui lui aurait signalé un quelconque problème avec cet embaumement[32].
[39] Même si son témoignage est inutile par rapport aux faits litigieux, il confirme toutefois que les 700 fois où il a embaumé des corps au cours de sa carrière, les seules cases du bulletin de décès (SP-3) qu’il a consultées étaient celles portant sur les maladies infectieuses, car elles peuvent avoir un impact sur la procédure d’embaumement. Il ajoute toutefois qu’il ne porte aucune attention au fait qu’il y ait eu autopsie ou non. Évidemment, s’il y a eu autopsie complète, il le sait, car il voit les marques sur le corps à embaumer.
[40] Pendant que Payeur embaume le corps de Lise April, Paquin reçoit un appel[33] de l’Hôpital qui lui demande de retourner le corps, afin que l’autopsie qui devait être pratiquée sur celui-ci puisse avoir lieu.
[41] Paquin va donc s’enquérir de l’avancement de l’embaumement auprès de Payeur, mais constate qu’il est trop tard pour arrêter la procédure. Il en informe donc la préposée et cette dernière n’insiste pas pour récupérer le corps[34].
[42] Questionné sur les raisons qui l’ont fait conclure à l’impossibilité de retourner le corps aux fins d’autopsie, Paquin précise que lorsque le processus d’embaumement se déroule bien, il dure entre une heure et une heure et demie et que lorsqu’il est allé s’enquérir de la situation, plus de la moitié du processus était complété.
[43] Il explique aussi que diverses étapes de l’embaumement ont des effets sur l’état des tissus, ce qui peut affecter, voire de fausser, le résultat d’une autopsie. Pour illustrer son propos, il déclare que parmi ces étapes, la carotide est injectée d’un liquide, le sang est totalement drainé, les liquides et les gaz sont aspirés par le nombril et que les organes deviennent totalement imbibés de formaldéhyde.
[44] Le 1er avril, la demanderesse n’a aucun contact avec le personnel du Salon. Elle ne leur parle donc pas de l’autopsie et ne leur remet pas davantage de documentation au sujet du décès de sa mère[35].
[45] Le 1er avril, à la suite des communications entre l’Hôpital et le Salon, personne n’informe la demanderesse que l’autopsie demandée n’a pu être réalisée.
[46] Le 2 avril, la demanderesse se présente au Salon et y rencontre Sansregret. Ils discutent ensemble de quelques modifications à apporter au contrat signé la veille, en ce qui a trait aux modalités du service funéraire, et la demanderesse signe le contrat, à titre de « garante du paiement des sommes dues »[36]. Elle contresigne également la déclaration de décès, remplie la veille par son ex-beau-père et Sansregret (DEC-100)[37].
[47] Lors de cette visite, la demanderesse n’a aucune discussion avec Sansregret sur le fait qu’une autopsie doit être pratiquée sur le corps de sa mère et elle ne lui remet pas de copie du bulletin de décès SP-3[38] puisque ce document ne lui a pas été remis avant son départ de l’hôpital et qu’elle n’est pas retournée pour en obtenir une copie par la suite[39].
[48] Lise April est incinérée et les funérailles se déroulent le 5 avril 2008, tel que prévu et la demanderesse reconnaît avoir reçu les services discutés avec Sansregret à cet égard. Elle confirme n’avoir rien payé de sa poche pour les services reçus. Ainsi, outre le dépôt fait par son ex-beau-père et les sommes reçues de la Régie des rentes, la balance facturée par le Salon à la demanderesse a été portée aux mauvaises créances.
[49] Au cours des semaines suivant les funérailles, la demanderesse est encore bouleversée et sous le choc, ce qui s’explique parfaitement. Les questions sur ce qui pourrait expliquer le décès soudain de sa mère la hantent et elle fait divers suivis auprès de l’Hôpital, par l’intermédiaire de son conjoint, afin de savoir quand l’autopsie a été pratiquée.
[50] À un certain moment, sur lequel nous reviendrons dans l’analyse, le couple finit par découvrir le pot aux roses. Indignée de la situation et catastrophée de savoir qu’elle ne pourra jamais connaître avec certitude ce qui explique pourquoi sa mère est morte si soudainement cette nuit-là, son anxiété augmente et le « puzzle » qui se met en place dans sa tête l’empêche de faire son deuil.
[51] Vers le 21 avril 2008, elle consulte son médecin, pour anxiété. Elle lui parle alors de l’autopsie[40]. C’est ce même médecin qui lui recommande à un certain moment de prendre action contre Dre Fortin[41]!
[52] La demanderesse se présente aussi à divers moments aux urgences, pour des palpitations et des étourdissements. Elle a de la difficulté à « décrocher de sa peine », puisque sa mère était en parfaite santé et que rien n’explique pourquoi elle est morte si soudainement; elle trouve la situation « difficile à digérer ».
[53] La demanderesse est dans un tel état de choc, qu’elle ne peut retourner au travail avant le début de l’année 2009, alors qu’elle recommence tranquillement à reprendre le collier[42].
[54] Les doutes de cette dernière à l’endroit de son ex-beau-père sont tels qu’elle fait même des interventions auprès du coroner, afin de l’aider dans son « enquête » sur les circonstances du décès de sa mère[43].
[55] Le 4 juillet 2008, une avocate demande l’accès au dossier médical de Lise April au nom de la demanderesse. Nous comprenons que le dossier suit son cours et que la demanderesse a obtenu l’accès au dossier médical de sa mère à un certain moment, puisqu’elle réclame des frais à ce sujet et qu’elle fait référence à la consultation de ce dossier et aux bienfaits que cela lui a apportés, lors de l’audience.
[56] À la fin de l’été 2008, la demanderesse écrit une lettre de doléances au Salon, dans laquelle elle s’indigne que l’institution, qui a « servi »[44] plusieurs membres de sa famille dans le passé, n’ait pas apporté plus de soin au dossier de sa mère. Elle refuse donc de payer le solde dû sur le contrat de service[45].
[57] Le 1er avril 2011, le jour du 3e anniversaire du décès de sa mère, la demanderesse intente son recours contre l’Hôpital et le Salon.
[58] Bien qu’elle reproche déjà divers manquements à Dre Fortin dans cette demande originale[46], ce n’est qu’en juin 2011 qu’elle modifie ses procédures pour y inclure cette dernière comme défenderesse.
[59] À quelques reprises durant le processus judiciaire, la demanderesse demande des prolongations de délais pour inscrire le dossier et le report de l’audition. Si les prolongations sont autorisées et l’une des demandes de remise de l’audition l’est également, ses dernières demandes de remise lui sont refusées.
[60] Comme il s’agit d’un dossier en responsabilité civile, les questions principales portent sur la faute, les dommages et le lien de causalité entre ces fautes et ces dommages pour chacun des trois défendeurs. Il est aussi question de prescription, du fait que Dre Fortin a été poursuivie plus de trois ans après le délai prévu au Code civil pour ce faire.
[61] Voici comment s’articulent les questions auxquelles nous devons répondre par rapport à chaque défendeur :
1) Dre Fortin a-t-elle commis une faute en remplissant le « Bulletin de décès » SP-3? A-t-elle commis une faute professionnelle dans les soins prodigués à Lise April?
2) Le recours intenté contre Dre Fortin a- t-il été déposé dans les délais prescrits par le Code civil? Sinon, la demanderesse était- elle dans l’impossibilité de le déposer avant juin 2011 pour éviter le rejet de celui-ci pour motif de prescription?
3) L’Hôpital a-t-il commis une faute en libérant le corps avant d’avoir effectué l’autopsie demandée, en n’insistant pas pour le récupérer, une fois qu’il s’est rendu compte de son erreur, et en ne livrant pas la prestation de services demandée par la demanderesse?
4) Le Salon a-t-il commis une faute en commençant l’embaumement avant que la demanderesse n’ait contresigné le contrat de service? Aurait-il dû vérifier tous les éléments du bulletin de décès SP-3 avant de commencer l’embaumement du corps de Lise April? A-t-il commis une faute en ne retournant pas le corps à l’Hôpital lorsque cette demande lui a été formulée et en n’avisant pas la demanderesse de la situation, à la suite de l’appel de l’Hôpital?
5) Ces fautes ont-elles causées les dommages réclamés par la demanderesse la suite de l’autopsie non pratiquée sur le corps de sa mère ou seulement certaines d’entre elles ont causé ce dommage, le cas échéant?
6) Les dommages réclamés résultent-ils de l’absence d’autopsie sur le corps de sa mère, du décès de cette dernière ou des deux? S’ils résultent de l’absence d’autopsie, le montant réclamé est-il justifié?
7) Les défendeurs sont-ils solidairement responsables des dommages causés à la demanderesse par le défaut d’autopsie?
[62] Madame April soutient que la demande d’autopsie n’a pas pu être exécutée parce que Dre Fortin a mal rempli le bulletin de décès en répondant aux questions réservées au pathologiste et en confirmant qu’une autopsie avait eu lieu alors qu’elle n’était pas encore faite au moment où elle a signé le bulletin de décès. C’est le contenu erroné de ce bulletin qui aurait induit l’Hôpital en erreur et aurait incité ce dernier à libérer prématurément le corps, croyant, à tort, que l’autopsie avait déjà été faite.
[63] Elle soutient que l’Hôpital a aussi causé les dommages réclamés, car il n’a jamais fait l’autopsie demandée. Non seulement il a perdu le formulaire de demande d’autopsie, mais, en plus, lorsque l’erreur a été découverte, sa préposée a omis d’insister auprès du Salon pour rapatrier le corps.
[64] Quant au Salon, elle soutient qu’il n’aurait pas dû aller chercher le corps ni l’embaumer avant qu’elle signe le contrat de services funéraires; étant la seule héritière de sa mère, elle soutient qu’elle seule avait droit de regard sur ce contrat et que son exécution ne pouvait débuter avant qu’elle ne l’ait signé, soit le 2 avril.
[65] Si l’embaument avait eu lieu après la signature du contrat, le problème aurait pu être évité puisqu’elle a avisé le Salon qu’une autopsie complète devait être pratiquée sur le corps de sa mère. Avoir connu cette information aurait fait en sorte que le Salon soit plus diligent en recevant le corps et en constatant que l’autopsie n’avait manifestement pas été faite, de sorte qu’il aurait pu intervenir avant de commencer l’embaumement.
[66] Elle reproche aussi à l’embaumeur de ne pas avoir étudié le formulaire SP-3 et de ne pas avoir vu que l’autopsie complète demandée n’avait manifestement pas été pratiquée. Selon elle, il aurait alors dû vérifier ce qui s’était passé avec l’Hôpital avant de commencer la procédure. Elle soutient également que Paquin n’aurait pas dû se substituer au pathologiste et qu’il aurait dû retourner le corps à l’Hôpital lorsque la demande lui en a été faite, ce qui aurait permis que l’autopsie soit faite.
[67] Enfin, eIle reproche au Salon de ne pas l’avoir rapidement informée de ce qui s’est passé le 1er avril et de n’avoir pas répondu à la lettre de doléances qu’elle lui a transmise en septembre 2008[47].
[68] Selon elle, tous les intervenants poursuivis ont contribué à leur façon aux dommages réclamés, et ceux-ci découlent directement de l’absence d’autopsie et non du décès, car depuis toutes ces années, c’est l’absence d’autopsie qui l’a empêchée de faire son deuil.
[69] Dre Fortin prétend que le recours intenté contre elle est prescrit, la preuve démontrant qu’en mai 2008, au plus tard, la demanderesse savait que ses faits et gestes avaient peut-être joué un rôle dans l’absence d’autopsie. L’action contre elle n’ayant été intentée qu’en juin 2011, le recours serait prescrit, d’autant plus qu’aucune preuve ne démontre que la demanderesse a été dans l’impossibilité d’agir contre elle avant juin 2011. Le recours devrait donc être rejeté pour ce motif, sans nécessité d’étudier plus avant les fautes alléguées.
[70] Si nous considérons qu’il y a lieu d’étudier le mérite des fautes reprochées, Dre Fortin prétend qu’elle n’a commis aucune faute professionnelle dans le traitement de Lise April, aucune preuve d’expert n’étant d’ailleurs présentée pour démontrer une telle faute. Elle soutient que les manœuvres effectuées sur sa patiente étaient appropriées, dans les circonstances, et que ses soins n’ont aucun lien avec les dommages réclamés pour l’absence d’autopsie sur le corps de sa patiente.
[71] En ce qui a trait à l’absence d’autopsie, elle nie avoir mal rempli le « Bulletin de décès » (SP-3) et si elle l’a mal rempli, son « erreur » ne constitue pas une faute génératrice de responsabilités civiles, puisqu’elle n’a pas causé directement l’absence de réalisation de l’autopsie. Ce seraient plutôt les faits et gestes des préposés de l’Hôpital, qui sont survenus par la suite dans la chaîne de causalité, qui auraient directement causé le dommage subi.
[72] Elle prétend aussi que les dommages réclamés ne découlent que du fait que l’autopsie n’a pas été réalisée, ce qui ne relevait pas de ses fonctions, mais plutôt de celles des préposés de l’Hôpital, qui ont commis diverses erreurs, telle avoir égaré le formulaire de demande d’autopsie, sur lesquelles elle n’avait aucun contrôle.
[73] De plus, elle considère que les dommages réclamés sont exagérés, car ils ne correspondent aucunement à l’état du droit, au Québec.
[74] L’Hôpital reconnaît sa responsabilité par rapport aux faits et gestes de ses préposés dans le traitement déficient de la demande d’autopsie[48]. Dre Fortin n’est pas l’une de ses employées.
[75] Il reconnaît avoir perdu le formulaire de demande d’autopsie, avoir libéré le corps avant que l’autopsie n’ait été réalisée et, finalement, ne pas avoir livré le résultat de l’autopsie demandée par la demanderesse. C’est là le résultat des modifications apportées à sa défense, la veille de l’audition. Cela explique pourquoi il n’a présenté aucune preuve lors de l’audition[49].
[76] Cependant, il soutient ne pas être le seul à avoir causé les dommages allégués par la demanderesse et conteste la nature et le montant de ces dommages au motif que certains ne seraient pas prouvés selon les exigences requises, que d’autres ne seraient pas liés au défaut d’autopsie, mais plutôt aux conséquences du décès lui-même, et que les montants réclamés sont exagérés.
[77] Sa défense porte donc sur deux aspects : la solidarité avec les autres défendeurs, qui auraient eu aussi commis des fautes à l’égard de la demanderesse, particulièrement Dre Fortin, et le montant des dommages auxquels il peut être tenu pour les fautes commises.
[78] Le Salon soumet n’avoir commis aucune faute, négligence ni omission ayant causé les dommages réclamés par la demanderesse. Il soutient avoir livré la prestation de services requise par le conjoint et la fille de la défunte.
[79] Il plaide qu’il n’avait pas à attendre que la demanderesse ait signé le contrat de service avant d’en amorcer l’exécution, soit en allant chercher le corps à l’Hôpital. Il n’avait pas davantage à appeler la demanderesse pour obtenir son autorisation avant d’embaumer le corps de sa mère.
[80] Selon lui, la signature du contrat par la demanderesse, le 2 avril, n’avait aucune incidence sur la réalisation des services dûment requis par le conjoint de la défunte le 1er avril 2008. Cette signature ne visait qu’à confirmer la nature des modalités du service funéraire et à obtenir une garantie supplémentaire pour le paiement des frais découlant de ce contrat.
[81] Le Salon soutient aussi qu’il n’avait aucune obligation de vérifier si une autopsie avait été pratiquée sur le corps de Lise April avant de débuter l’embaumement du corps, puisqu’une telle procédure n’avait aucune incidence sur la réalisation des services à rendre en vertu du contrat de service.
[82] Ayant exécuté les différents aspects de sa prestation de services de manière diligente et la demanderesse n’ayant aucun autre reproche à formuler à cet égard, il ne saurait être question d’être tenu au paiement des dommages réclamés, d’autant plus que ces dommages sont indirects, non fondés et grossièrement exagérés.
[83] En l’absence d’informations communiquées en temps utile par ses deux cocontractants sur l’existence d’une demande d’autopsie, il soutient qu’il ne lui revenait pas de rattraper les erreurs commises par l’Hôpital[50]. Le fait de ne pas avoir avisé la demanderesse de l’appel de l’Hôpital n’aurait également aucune incidence sur les dommages subis, et comme il n’est pas l’auteur des fautes commises ni des dommages, il ne lui revenait pas d’effectuer des suivis avec la demanderesse en lien avec ce dossier, autres que pour le paiement de ses honoraires.
[84] Toute personne qui souhaite faire valoir en justice un droit d’action personnel bénéficie de trois ans pour ce faire[51]. Le calcul du délai débute au moment où la personne lésée apprend qu’une personne a pu commettre une faute à son endroit. Le fardeau de démontrer le moment de la connaissance de la faute alléguée et l’impossibilité d’agir repose sur les épaules du réclamant[52].
[85] Pour bénéficier de plus de délais que les trois ans accordés par le législateur, la victime doit démontrer une impossibilité d’agir. Ce serait le cas si elle avait souffert d’une maladie grave l’empêchant de voir à ses affaires[53], si elle avait été dans le coma, ou si elle était atteinte d’un grave traumatisme psychologique démontré par une preuve médicale ou psychologique, selon le cas.
[86] La personne qui poursuit en dommages-intérêts doit démontrer les trois éléments suivants : une faute, un dommage et un lien entre cette faute et ces dommages. L’exercice doit être fait pour chaque personne poursuivie[54].
[87] Sur le premier élément, il faut savoir que qui dit faute dit obligations. Qu’elles soient contractuelles ou légales, certaines d’entre elles sont dites « de moyens » et d’autres, « de résultat ».
[88] L’obligation de moyens est celle dont on s’acquitte en prenant les moyens raisonnables pour exécuter les engagements souscrits. Elle s’apprécie sous l’angle de la personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Un médecin qui traite un patient à l’urgence fait face à une obligation de moyens.
[89] L’obligation de résultat donne peu d’options de sortie : la personne qui la souscrit doit tout simplement « livrer » la chose convenue. Si elle ne le fait pas, la relation entre la faute et le dommage subi est présumée[55].
[90] Ce n’est pas parce qu’une loi crée une obligation à l’endroit d’une personne que le simple fait de ne pas la respecter entraîne automatiquement la commission d’une faute, au sens de la responsabilité civile. Pour que le non-respect d’une obligation légale génère une faute civile, il faut que la conduite de la personne « fautive » soit évaluée sous l’angle de ce qu’on aurait pu s’attendre d’une personne raisonnable placée dans les mêmes circonstances. Ces deux éléments cumulatifs sont requis pour démontrer une faute civile[56].
[91] Lorsque plusieurs personnes sont poursuivies pour un même dommage et qu’une faute civile est imputable à chacune, la théorie du novus actus interveniens est susceptible d’éliminer l’un ou plusieurs des débiteurs poursuivis. Cette théorie a pour effet de mettre de côté la faute d’une personne lorsqu’une autre des personnes poursuivies en a commis une plus grave et qu’elle est plus directement liée aux dommages allégués. Cela survient lorsque la faute de cette dernière est déterminante par rapport aux dommages causés[57].
[92] Pour que la théorie s’applique, deux conditions doivent être présentes: 1) la disparition du lien entre le 1er événement et le dommage[58] et 2) la création d’un nouveau lien entre la faute reprochée[59] et le dommage[60].
[93] Dre Fortin et le Salon invoquent cette théorie pour que l’Hôpital soit le seul à devoir indemniser la demanderesse pour les dommages réclamés, puisqu’il reconnaît que les fautes commises par ses préposés ont contribué à l’absence d’autopsie.
[94] Quant aux dommages réclamés à la suite d’une faute civile, ils doivent en être la conséquence logique, immédiate et directe[61]. La question qui se pose en l’espèce est de savoir si le défaut d’autopsie était prévisible à la suite d’une erreur dans le bulletin de décès, ou s’il était plus prévisible en lien avec la perte du formulaire de demande d’autopsie.
[95] Ces caractéristiques varient selon que l’obligation à laquelle un débiteur a failli est de nature contractuelle ou extracontractuelle[62] et selon que l’obligation en est une de moyens ou de résultat.
[96] Lorsqu’il s’agit de dommages pécuniaires, telles des pertes de salaires, si l’on veut respecter la règle de la « meilleure preuve », il faut déposer de la documentation de nature fiscale ou des états financiers, car le simple témoignage est insuffisant[63].
[97] Pour les dommages moraux, même si la victime n’a pas nécessairement en mains une expertise médicale ou psychologique, son témoignage ou celui de témoins qui ont pu constater son désarroi et sa peine sont recevables.
[98] Sur les montants accordés pour la perte d’un être cher au Québec[64], il faut savoir que les sommes sont très peu généreuses et que ce que les tribunaux indemnisent habituellement est la peine associée à la perte de l’être cher ainsi que la perturbation dans le processus de deuil.
[99] Pour illustrer notre propos que les sommes accordées sont peu élevées, voici quelques exemples. Dans Bessette c. Alfred Dallaire Inc.[65], la Cour a accordé 250 $ pour la vue, à deux reprises durant les funérailles, d’ossements humains. Dans Cloutier c. Coopérative funéraire du Plateau[66], la Cour a accordé 178 $ pour la vue d’un défunt dans un cercueil ouvert, alors que celui-ci devait être fermé. Dans Robert c. Cimetière de l'est de Montréal Inc.[67], le fait d’avoir égaré l’urne et de ne l’avoir jamais retrouvée a justifié un quantum de 1 000 $ pour chacune des six personnes dont le deuil a été affecté. Dans Brassard c. Maisons funéraires Blais inc.[68], une dame qui s’est vue refuser sans raison valable la permission de voir son fils dans son cercueil une dernière fois, a obtenu 1 000 $. Dans Dubuc c. Résidence funéraire Pierre Tétreault inc.[69], une somme de 1 500 $ a été accordée à un fils qui n’a pu assister au service funéraire de sa mère, car on l’a avisé trop tard.
[100] À notre connaissance, le plus important montant accordé dans un tel contexte est de 7 000 $. Dans Salois c. Oscar St-Ours ltée[70], après que la dépouille de la défunte ait été confondue avec une autre, qu’elle ait été manipulée contre sa volonté pour être embaumée dans les vêtements d’une autre personne et de manière à ressembler à la photo de cette autre personne et après que la dépouille ait été incinérée par erreur, cette somme a été accordée pour compenser le choc causé aux parents de la défunte.
[101] Dans Moroca c. Complexe funéraire Fortin et service d'incinération C.I.F.[71] l’interversion de deux dépouilles et la perte des cendres ayant empêché la famille de rendre un dernier hommage au défunt dans le contexte où les membres de la famille étaient « tricotés serrés » a donné lieu à une condamnation de 6 500 $, qui incluait aussi les frais de reprise du processus de crémation.
[102] Enfin, dans Altrows c. Centre hospitalier de St. Mary[72], une autopsie effectuée sans autorisation a généré un l’octroi de 7 000 $ à un parent, parce que le cerveau de son fils avait été conservé dans le formol plutôt que d’être incinéré, contrairement à la demande du père.
[103] Il faut savoir que pour l’établissement du montant de tels dommages, la sympathie du juge envers la ou les victimes n’est pas un critère pertinent d’évaluation, mais il en existe d’autres, assez bien définis, comme résumés dans la décision Masson c. Centre de santé et de services sociaux de St-Jérôme [73].
[104] Si les critères développés dans ces décisions nous fournissent certaines indications quant aux sommes accordées pour la peine associée à la perte d’un être cher, il faut rappeler qu’en l’espèce, ce n’est pas pour la perte tragique de sa mère que la demanderesse poursuit les défendeurs, mais uniquement pour les dommages causés par le fait qu’aucune autopsie n’a été pratiquée sur le corps de cette dernière, ce qui est différent.
[105] Or, aucune décision n’existe sur ce sujet.
[106] Il faut donc rappeler que l’évaluation des dommages moraux tels que ceux réclamés par la demanderesse ne repose sur aucune science exacte ni sur de savants calculs mathématiques. Il revient au juge de les arbitrer et pour ce faire, il peut valablement s’inspirer de cas similaires, tout en pouvant s’en démarquer si la preuve présentée fournit des motifs de le faire[74].
[107] Parlons maintenant de solidarité, puisque la demanderesse en invoque le bénéfice contre les défendeurs.
[108] Lorsqu’il y a plusieurs débiteurs, la victime peut invoquer les règles sur la solidarité, car elles peuvent lui accorder certains avantages.
[109] Il existe deux sortes de solidarité : celle prévue par la loi, dite parfaite, qui trouve sa source dans l’article 1526 C.c.Q. Elle s’applique lorsque plusieurs personnes se sont obligées à une même chose et que l’un ou l’autre des débiteurs, par son fait, cause en totalité ou en partie le dommage dans le contexte d’une responsabilité extracontractuelle.
[110] L’autre forme de solidarité est qualifiée d’imparfaite[75]. Elle trouve sa source dans la jurisprudence et s’applique lorsque chaque défendeur est poursuivi pour quelque chose de différent, mais que chacune de ces choses a causé un seul préjudice, ou lorsque le recours repose sur des sources de droit différentes pour chaque débiteur, que ce soit parce que l’un est responsable en vertu d’un contrat et que l’autre l’est dans un contexte extracontractuel.
[111] Selon le type de solidarité, les effets ne sont pas les mêmes, notamment en ce qui concerne l’interruption de la prescription[76].
[112] Seule la solidarité parfaite permet d’obtenir l’interruption du délai de prescription. Cela signifie que lorsqu’un recours est entrepris contre un défendeur et que l’on veut ensuite en ajouter un autre, après le délai de prescription, le fait que les fautes soient solidaires permet au créancier d’ajouter cet autre débiteur sans se faire opposer l’argument de la prescription. Si la solidarité n’est qu’imparfaite, un tel bénéfice ne peut être obtenu.
[113] Les articles 46 et 48 du Code civil du Québec fournissent quelques balises sur l’autopsie et l’embaumement d’un corps. Le premier identifie qui a l’intérêt pour demander une autopsie et le deuxième précise que l’embaumement ne peut être fait avant que le constat de décès (SP-3) n’ait été signé, ni moins de 6 heures après ledit constat[77].
[114] La Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres[78] ainsi que son premier Règlement d’application[79] fournissent aussi quelques informations pertinentes à la solution du dossier.
[115] Tout d’abord, l’article 51 de la Loi permet de transporter le corps de l’Hôpital vers le Salon lorsque le bulletin de décès (SP-3) est signé[80].
[116] L’article 3 du Règlement précise que le bulletin de décès (SP-3) doit être remis à l’Institut de la statistique et l’article 7, qu’il est rempli « au meilleur de la connaissance » de la personne autorisée à le signer. L’article 19 ajoute qu’il doit être complété de la manière la plus précise possible.
[117] L’article 21 du Règlement spécifie que l’embaumeur ne peut faire son travail avant d’avoir en sa possession le SP-3. L’article 55 nous informe pour sa part que lors de l’embaumement, le sang, au même titre que d’autres fluides corporels, doit être retiré du corps.
[118] Enfin, les articles 42, 53, 69 et 70 du même Règlement portent sur les questions relatives à la contamination du corps par des substances radioactives, divers contaminants et des maladies infectieuses.
[119] Sur la foi de ces divers principes, voici maintenant notre analyse des faits dûment prouvés et les conclusions auxquelles nous en arrivons quant à la responsabilité de chaque défendeur.
[120] De quoi madame Lise April est-elle décédée? Se peut-il qu’elle soit décédée de mort violente, comme le croit toujours sa fille depuis sa mort et encore, au moment de l’audition? L’autopsie aurait-elle fourni des réponses claires à ces deux questions et aurait-elle ainsi permis à la demanderesse de mieux faire son deuil? Les dommages réclamés sont-ils liés à cette absence d’autopsie en lien avec les doutes qui perdurent dans l’esprit de la demanderesse quant à la possibilité que sa mère soit décédée d’une mort violente causée par son conjoint, à l’absence de certitude quant à la cause du décès, à supposer que cette cause n’ait aucun lien avec la violence soupçonnée par la demanderesse, résultent-ils davantage du décès tragique et soudain de sa mère ou un peu de tout cela mélangé?
[121] Voilà diverses questions qui ressortent de la preuve présentée par la demanderesse, qu’elle a posées aux différents témoins, en contre-interrogatoire, ainsi que de ses représentations à l’audition[81], et sur lesquelles il y a lieu de faire une mise au point.
[122] En effet certaines de ces questions n’étaient pas de celles que le recours intenté devait trancher. Cela a donc entraîné des longueurs que toutes les parties impliquées ont patiemment acceptées et respectées, comprenant ainsi que la demanderesse avait besoin de tirer un trait sur les circonstances de décès de sa mère et d’assembler les nombreuses pièces du « puzzle » auquel elle a fait référence à plusieurs reprises, de manière à compléter une partie de son deuil. Et cela a été fait et bien fait. Mais l’exercice et son résultat ont des effets sur les dommages réclamés et accordés, comme nous le verrons plus loin.
[123] Dans un autre ordre d’idées, il y a lieu de faire un commentaire sur la preuve administrée par la demanderesse.
[124] Cette dernière a fait entendre deux témoins, son ex-conjoint et elle-même. Elle n’a toutefois pas assigné l’ex-conjoint de sa mère, pourtant au cœur de l’histoire et de ses préoccupations.
[125] Si cela nous a au départ surpris, nous avons ensuite saisi pourquoi elle ne l’avait pas assigné, au fil de la preuve.
[126] De son témoignage et de ses insinuations, nous avons compris que sa relation avec son ex-beau-père ne semblait pas être la meilleure qui soit et que le comportement de ce dernier dans toute cette affaire y était pour beaucoup.
[127] N’empêche qu’il aurait pu nous éclairer sur certains sujets, notamment sur les douleurs au ventre de la mère de la demanderesse, les jours précédant son décès, dont il a fait état à Dre Fortin, sur ce qui s’est passé avant que les ambulanciers ne soient appelés, sur les raisons qui ont motivé sa demande d’autopsie, sur les raisons qui ont fait en sorte qu’il se présente de si bonne heure au Salon, et sur les discussions qu’il a eues avec Sansregret, le 1er avril au matin, notamment en ce qui concerne la demande d’autopsie.
[128] Comme ces sujets n’ont pas été couverts par ce témoin important de faits pertinents, nous devons nous contenter de la preuve présentée par Dre Fortin, de la documentation médicale et du témoignage de Sansregret, pour tirer des conclusions sur la vraisemblance et la crédibilité de la thèse soutenue par la demanderesse que l’autopsie était essentielle à la complétion de son processus de deuil parce qu’elle aurait mis un terme à ses soupçons.
[129] Or, ces témoignages et cette preuve documentaire sont crédibles et non contredits sur ce que l’ex-beau-père de la demanderesse a apporté comme information au cours de la nuit du 1er avril ainsi que le lendemain matin, et nous pouvons en tirer des inférences prépondérantes, y compris à l’égard de la crédibilité de certains propos tenus par la demanderesse ainsi qu’à l’égard de certaines de ses insinuations.
[130] Le meilleur exemple d’une telle insinuation, non démontrée, est que le conjoint de sa mère avait déjà violenté sa mère, ce qui aurait pu justifier la demanderesse d’entretenir une crainte qu’il ait pu récidiver ce soir-là, au point de cause sa mort.
[131] Il n’y a aucun iota de preuve à ce sujet.
[132] Partant de cela, la croyance de la demanderesse quant à l’implication possible de son ex-beau-père dans le décès de sa mère et la nécessité d’avoir le résultat d’une autopsie pour faire son deuil de manière plus sereine était-elle raisonnable et justifie t’elle une demande de dédommagement aussi substantielle, même une fois informée par la Cour de la tendance des tribunaux à n’accorder que des sommes peu significatives pour la perte d’un être cher?
[133] Voilà certaines des considérations avec lesquelles la preuve a été analysée, afin de déterminer, entre autres, le lien entre les dommages réclamés et leur valeur et l’admission de l’Hôpital quant à sa responsabilité.
[134] Le but de l’audition que nous avons présidée n’était donc pas de faire enquête sur les circonstances du décès de la mère de la demanderesse, contrairement à ce que la demanderesse a pu croire, selon certaines de ses déclarations, mais plutôt de déterminer le rôle joué par chaque défendeur dans le fait qu’aucune autopsie n’a été pratiquée sur le corps de sa mère, la responsabilité qui peut et doit être imputable à chacun, le cas échéant, le caractère direct des dommages qui peuvent en résulter, le cas échéant, et leur montant adéquat pour compenser le préjudice subi.
[135] Nous prenons toutefois acte de la déclaration de la demanderesse que l’audition de la cause lui a permis de mieux comprendre ce qui s’est passé au cours de la nuit du 1er avril 2008, qu’elle avait besoin de faire cet exercice et, qu’à cette occasion, elle a appris bien des choses[82].
[136] La citation qui suit confirme bien cet objectif recherché par la demanderesse :
« Le puzzle que moi je fais en faisant ce procès-là, c’est que c’est pour répondre à toutes mes questions. Est-ce que ma mère est décédée à l’hôpital ou elle est décédée à la maison? Il y a plus de choses que je ne sais pas puis c’est pour ça que je veux avoir le dossier de ma mère. Moi, je ne saurai jamais s’il y a eu un accident, si elle a été, si elle s’est fait pousser, je ne le saurai jamais. De quoi elle est morte, on ne le sait pas, personne ne le sait… il faut que j’aie des réponses de ce qui est arrivé cette nuit-là »[83].
[137] Maintenant, qu’est-ce que la preuve a démontré pour expliquer les raisons pour lesquelles l’autopsie n’a pas été effectuée? Qui est imputable de cette absence d’autopsie? Voilà l’essence des questions que nous devons trancher en révisant la preuve obtenue à l’égard de chaque défendeur.
[138] Et pour répondre à ces questions, il faut analyser l’intervention de chaque défendeur tout en gardant à l’esprit qu’à l’audition, l’Hôpital a reconnu sa responsabilité par rapport au fait que l’autopsie demandée n’a jamais eu lieu.
[139] Est-ce que cette reconnaissance exclut l’implication de Dre Fortin et celle du Salon? Pas nécessairement. C’est ce que nous étudierons dans les prochaines sections.
[140] Avant d’entrer comme tel dans le vif de la responsabilité de Dre Fortin, il faut disposer de l’argument de la prescription, puisque le recours intenté contre elle n’a débuté qu’en juin 2011, soit plus de trois ans après le dépôt du recours contre les deux autres défendeurs.
[141] Pour contrer cet argument, la demanderesse devait nous convaincre qu’elle ignorait que Dre Fortin avait commis une faute en lien avec le dossier de sa mère avant juin 2008, soit trois mois après le décès de celle-ci.
[142] Pour ce faire, elle devait alléguer des faits sur ce sujet. Or, il n’y en a aucun.
[143] Si elle a connu l’implication de Dre Fortin en même temps que celle de l’Hôpital, à titre d’exemple, elle aurait alors dû alléguer des faits expliquant les raisons pour lesquelles il lui a été impossible de poursuivre Dre Fortin en même temps que les deux autres défendeurs.
[144] Encore là, nous ne retrouvons rien à cet effet dans sa procédure.
[145] Et la preuve confirme que le 1er avril 2008, la demanderesse sait que Dre Fortin a soigné sa mère à l’urgence, qu’elle a pratiqué des manœuvres de réanimation sur celle-ci et que cette dernière est morte cette nuit-là.
[146] La preuve démontre aussi qu’au moment d’intenter son recours contre les deux autres défendeurs, en avril 2011, la demanderesse connaît l’implication de Dre Fortin dans la rédaction du bulletin de décès, puisqu’elle réfère à ce fait dans sa demande introductive d’instance, au paragraphe 17.
[147] Elle situe sa connaissance de la participation « fautive » de Dre Fortin dans le processus de l’autopsie « quelques jours après son rendez-vous du 28 avril 2008 chez son médecin », tout juste après qu’elle ait su qu’il n’y avait eu aucune autopsie de pratiquée sur le corps de sa mère[84].
[148] De façon plus précise, elle apprend l’implication de Dre Fortin lorsqu’une employée de l’Hôpital affirme à son conjoint, qui lui communique ensuite l’information, que le défaut d’autopsie est imputable à la fois au médecin de l’urgence « qui a mal rempli le bulletin de décès » et à la préposée de l’Hôpital « qui a égaré la demande d’autopsie ».
[149] Cette conversation a eu lieu quelques jours après que la demanderesse ait appris qu’aucune autopsie n’avait été pratiquée sur le corps de sa mère. La demanderesse affirme à un certain moment que c’est moins d’un mois après le décès de sa mère qu’elle a eu lieu, ce qui nous amène au début mai 2008, au plus tard[85].
[150] Ainsi, peu importe que la date exacte soit à la fin du mois d’avril ou au début du mois de mai 2008, le dépôt du recours contre Dre Fortin en juin 2011 dépasse le délai de 3 ans imposé par le Code.
[151] La demanderesse n’ayant pas démontré être dans l’impossibilité d’agir avant juin 2011, son recours à l’égard de Dre Fortin est prescrit, car en l’absence d’une évaluation médicale démontrant les effets paralysants de ce décès sur la demanderesse, le simple fait d’avoir été très affectée par celui-ci est insuffisant pour démontrer une telle impossibilité.
[152] Dre Fortin n’étant pas la seule poursuivie, les fautes de l’Hôpital et du Salon ouvrent-elles la porte au bénéfice de la solidarité parfaite, de sorte que le recours intenté en temps utile contre ces deux autres débiteurs aurait interrompu la prescription contre Dre Fortin?
[153] Nous sommes d’avis que non, et ce, pour les raisons qui seront expliquées dans la section propre à chaque défendeur.
[154] Mais en attendant ces détails, qu’il suffise de préciser que s’il y avait solidarité entre les défendeurs, celle-ci ne serait qu’imparfaite, de sorte que la demanderesse ne pourrait bénéficier de l’interruption de la prescription pour repousser l’argument soulevé par Dre Fortin pour faire rejeter le recours intenté contre elle.
[155] Nous concluons donc que le recours contre Dre Fortin est prescrit à la fois pour la responsabilité professionnelle extracontractuelle portant sur la qualité des actes médicaux accomplis par cette dernière auprès de sa patiente, que sur la responsabilité extracontractuelle ayant pu résulter de la manière dont elle a rempli le formulaire de décès (SP-3), à supposer que cela puisse avoir eu une incidence sur l’absence d’autopsie, ce qui n’est pas le cas, et que nous abordons maintenant.
[156] À supposer que l’on puisse diverger d’opinion sur notre conclusion sur l’argument de la prescription, voici notre opinion sur le mérite des arguments soulevés par la demanderesse pour obtenir la responsabilité de Dre Fortin.
6.2.2 La responsabilité de Dre Fortin
[157] Si le recours contre Dre Fortin n’était pas prescrit, nous sommes d’avis qu’il n’aurait pas davantage réussi sur le mérite des reproches formulés à l’égard des soins prodigués à la mère de la demanderesse et sur la manière dont elle a rempli le bulletin de décès.
[158] Réglons d’abord la portion responsabilité liée aux soins prodigués.
[159] Rappelons que le recours de la demanderesse n’est pas fondé sur le décès de sa mère, que Dre Fortin aurait causé. D’ailleurs, l’obligation de cette dernière à l’égard des soins prodigués en est une de moyens, ce qui signifie que Dre Fortin n’avait pas l’obligation de sauver la vie de Lise April[86].
[160] Bien que la demanderesse reproche à Dre Fortin d’avoir mal soigné sa mère, alléguant qu’elle n’aurait pas pris le temps de tout réviser son dossier médical avant de lui prodiguer des soins ce soir-là, elle ne présente aucune preuve médicale pour étoffer ses impressions de mauvais traitement et alors que ces allégations n’ont rien à faire avec le fait qu’aucune autopsie n’ait été pratiquée.
[161] Ainsi, son allégation que Dre Fortin ne pouvait décider des soins à prodiguer à sa mère de manière adéquate ne relève que d’une pure spéculation. En effet, en l’absence d’expertise sur le sujet, nous ignorons tout de ce que Dre Fortin aurait pu ou dû faire ou de ce qu’elle n’aurait pas dû faire lorsque Lise April s’est présentée à l’urgence en arrêt cardio-respiratoire.
[162] De plus, cette accusation, somme toute grave, et à la limite, ingrate, est même réfutée par la preuve, qui démontre que Dre Fortin n’en était pas à sa première nuit aux urgences le 1er avril 2008, y travaillant depuis 5 ans à titre d’urgentologue et que l’état de sa patiente limitait considérablement le menu des services professionnels pouvant lui être prodigués, puisqu’elle était cliniquement décédée à son arrivée, ayant dû être ventilée mécaniquement et massée par les ambulanciers au cours de son trajet vers l’Hôpital[87].
[163] Cette preuve confirme qu’à son arrivée, Madame April a immédiatement été prise en charge pour la suite des manœuvres de réanimation sans passer par le triage, et que Dre Fortin a obtenu de l’information additionnelle du conjoint de sa patiente et des ambulanciers afin de mieux comprendre ce qui se passait, de manière à intervenir de manière le plus éclairée possible[88].
[164] Les reproches à l’endroit de Dre Fortin et les réclamations importantes fondées sur les manquements allégués, incluant les dommages punitifs, comme si cette dernière avait eu l’intention de porter atteinte à sa patiente, maintenues par la demanderesse jusqu’à la toute fin de l’audition, ne peuvent qu’être rejetées.
[165] Il ne vaut pas la peine de commenter en longueur le reproche formulé par la demanderesse que l’Hôpital aurait dû passer une échographie abdominale « qui aurait pu remédier à un éventuel anévrisme », puisque ce reproche n’est aucunement imputable à Dre Fortin. Qu’il suffise de rappeler que Lise April avait été traitée auparavant pour des troubles respiratoires et de l’asthme, et que le lien que tisse la demanderesse avec une telle échographie et la condition antérieure de sa mère n’est que pure spéculation, n’ayant pas davantage fait l’objet d’une preuve médicale.
[166] La seule conclusion qui s’impose dans les circonstances est que Dre Fortin a exécuté son obligation de moyens de manière tout à fait raisonnable à l’endroit de sa patiente Lise April.
[167] Sur la cause de décès retenue par Dre Fortin, la demanderesse ne lui adresse aucun reproche. Toutefois, il importe de préciser que Dre Fortin a clairement identifié les éléments constatés ou rapportés qui lui ont fait conclure que Lise April était probablement décédée à la suite d’une rupture d’anévrisme aortique abdominal : l’apparence du ventre de la patiente (enflé), les douleurs abdominales dénoncées à son conjoint au cours des jours précédents, la rapidité de son pouls, sa perte de conscience, sa pâleur, sa difficulté à respirer, sa confusion et le caractère fulgurant et soudain du décès.
[168] Ainsi, rien dans la preuve ne permet d’écarter ce diagnostic ni de le remettre en cause, même si Dre Fortin n’a pu le certifier à 100 % puisque seule une autopsie aurait pu confirmer l’épanchement de sang dans l’abdomen et qu’il ne lui revenait pas de faire une telle autopsie, n’étant pas pathologiste.
[169] Dre Fortin n’avait d’ailleurs aucune obligation d’identifier une cause certaine de décès, car selon la législation applicable, elle n’avait qu’à en identifier une « au meilleur de sa connaissance ».
[170] Quant à l’autopsie, Dre Fortin affirme que c’est le conjoint de la défunte qui l’a demandée et qu’elle était d’accord à ce qu’elle ait lieu[89]. Mais elle ajoute qu’après avoir référé la famille à la préposée de l’Hôpital pour la mettre en œuvre, elle n’avait plus de rôle à jouer en lien avec cette autopsie, sauf de recevoir une copie du rapport.
[171] Elle souligne que même s’il a été question d’autopsie avec le conjoint de Lise April, rien dans ce qu’elle a observé ne justifiait l’intervention d’un coroner[90].
[172] En ce qui concerne la manière de remplir le bulletin de décès, elle déclare que la première partie est toujours remplie par une préposée de l’urgence, qu’elle en complète la deuxième partie 2 à 3 fois par mois et qu’elle n’en donne jamais de copie à la famille[91].
[173] Cela étant établi, il appert tout de même, à priori, que la manière dont Dre Fortin a rempli le bulletin de décès (SP-3) est erronée, car elle n’aurait pas dû cocher « oui » à la question de savoir si une autopsie avait été pratiquée, puisque qu’elle ne savait pas si l’autopsie demandée avait ou non été effectuée au moment où elle a signé le bulletin de décès. Nous comprenons son explication qu’elle voulait refléter l’autopsie à venir, mais, dans les faits, la réponse fournie est erronée.
[174] Toutefois, après l’étude des dispositions législatives portant sur le bulletin de décès et de la jurisprudence sur ce qui constitue une faute, nous concluons que l’erreur de Dre Fortin ne constitue pas une faute génératrice de responsabilités, puisque ce n’est pas le contenu de ce document qui a fait en sorte qu’il n’y ait pas d’autopsie.
[175] En effet, ce document n’étant pas destiné à la réalisation d’une autopsie, mais pour faire état de changements dans l’état civil d’une personne, qui passe de vivante à morte, le fait qu’il contienne une erreur au sujet d’une autopsie n’a donc aucune conséquence sur la suite des choses qui se sont produites dans ce dossier.
[176] Pour apprécier l’impact de l’erreur factuelle contenue dans le bulletin SP-3 rempli par Dre Fortin, il faut savoir que les buts recherchés par ce bulletin sont de certifier un décès, pour les registres de l’État civil, pour l’Institut de la statistique et pour permettre aux salons funéraires de venir chercher le corps afin de l’embaumer, le cas échéant.
[177] Même si la Loi et le Règlement d’application exigent qu’un tel bulletin soit rempli par un médecin, il n’existe toutefois aucune distinction dans ceux-ci entre un généraliste, un urgentologue et un pathologiste, pour les fins précises auxquelles ce bulletin est destiné [92], même s’il avait été plus logique que le pathologiste le signe, dans les circonstances.
[178] Dre Fortin se qualifiait donc pour attester du décès de Lise April, ce qu’elle a fait, et dans le délai prescrit par la Réglementation.
[179] Les informations qu’elle devait certifier et dont elle a témoigné en signant le bulletin de décès ont permis à l’Hôpital d’indiquer le nom d’une nouvelle personne dans son registre de personnes décédées, de remettre le corps de la défunte à une coopérative funéraire, d’informer le Directeur de l’état civil du changement d’état de Lise April afin que ce dernier consigne le décès de celle-ci au Registre de l’état civil, et d’informer l’Institut de la statistique du Québec de ce décès[93].
[180] Que la personne décédée ait ou non été autopsiée ne changeait donc absolument rien aux objectifs recherchés par le législateur par la mise en place de cette procédure administrative, de sorte que l’erreur commise, même si on ne peut la nier, n’a causé aucun dommage à la demanderesse.
[181] Nous sommes plutôt d’opinion que c’est le formulaire de demande d’autopsie, celui que l’Hôpital a perdu, qui joue un rôle déterminant dans le processus administratif lié à l’autopsie. C’est également l’absence de communication entre les agentes de nuit et de jour au sujet du formulaire de demande d’autopsie qui a fait en sorte qu’il n’y a eu aucun suivi de cette demande d’autopsie avant que le corps ne soit libéré, au courant de l’avant-midi du 1er avril.
[182] Même si personne ne nie que ce formulaire a existé et qu’il n’ait pas été retrouvé par la suite, la preuve révèle qu’il ne revenait pas à Dre Fortin de le compléter ni de l’acheminer à la pathologie, mais plutôt à la préposée de l’Hôpital qui travaillait à l’urgence sur le quart de travail de jour, alors que rien dans la preuve ne démontre que le bulletin de décès joue un quelconque rôle lorsqu’il y a une demande d’autopsie.
[183] Dre Fortin n’ayant violé aucune obligation légale ou professionnelle en remplissant le bulletin de décès SP-3, sa conduite n’entraîne donc aucune responsabilité civile dans ce dossier, selon les critères résumés dans la section précédente.
[184] En terminant, nous croyons pertinent d’ajouter un commentaire sur l’impact des déclarations faites par les deux agentes administratives, lorsqu’elles ont déclaré que seul le pathologiste devait remplir la section débutant aux questions 19 et suivantes du bulletin de décès lorsqu’il y a autopsie[94] et que la procédure administrative interne de l’Hôpital régissant ce document confirmait cette façon de procéder[95]. Ces déclarations et ces procédures administratives auxquelles Dre Fortin n’avait pas accès ne créent pas de contenu obligationnel lui étant opposable, car seul le législateur peut édicter un tel contenu. L’argument de la demanderesse ne peut donc créer une base valable pour retenir la responsabilité de Dre Fortin.
[185] En résumé sur ce sujet, l’erreur qu’a commis Dre Fortin en remplissant le SP-3 n’est aucunement causale des conséquences alléguées, soit le défaut d’autopsie. À supposer qu’on puisse conclure autrement, même si cette erreur avait été causale, le lien entre cette erreur et le défaut d’autopsie a été interrompu et supplanté par les omissions de l’Hôpital, qui constituent des fautes plus importantes et beaucoup plus directes en lien avec l’absence d’autopsie.
[186] Notre conclusion aurait donc ouvert la porte à l’application de la théorie du novus actus interveniens, ce qui aurait repoussé la responsabilité de Dre Fortin vers l’Hôpital, qui serait demeuré « pris avec le ballon », pour reprendre l’image utilisée par la demanderesse lors des plaidoiries.
[187] Pour tous ces motifs, le recours contre Dre Fortin doit être rejeté.
[188] Discutons maintenant de la responsabilité du Salon.
6.2.3 La responsabilité du Salon funéraire
[189] Le recours contre le Salon a été intenté dans les délais prévus au Code, de sorte que la prescription ne cause ici aucun problème à l’égard de ce défendeur.
[190] Par contre, la demanderesse ne s’est pas déchargée du fardeau de démontrer une quelconque faute civile de la part de ce dernier.
[191] Pour arriver à ce résultat, il faut d’abord qualifier la nature des obligations entre la demanderesse et ce défendeur; elles sont contractuelles.
[192] Le contrat signé le 1er avril 2008 entre l’ex-beau-père de la demanderesse et le Salon, dont la demanderesse a garanti le paiement, le 2 avril, contient les obligations contractuelles suivantes à l’égard du Salon : 1) récupérer le corps de Lise April, 2) l’embaumer, 3) organiser et gérer la cérémonie funéraire et 4) disposer du corps ou des cendres selon les instructions reçues et les règles imposées par la loi; en échange, les signataires du contrat devaient acquitter les frais convenus.
[193] Le fait que la demanderesse ait garanti le paiement des services funéraires et ait donné son point de vue sur le déroulement de la cérémonie n’a pas assujetti le Salon à l’obligation de la contacter afin de vérifier l’à-propos de récupérer le corps de la défunte lorsque l’Hôpital a demandé qu’on vienne le récupérer, ni à l’obligation de vérifier si l’Hôpital avait pratiqué une autopsie avant de libérer le corps. Le Salon n’avait aucune obligation de couvrir les erreurs de l’Hôpital.
[194] De plus, ce n’est pas parce que le bulletin de décès suit le corps du défunt et qu’il indique qu’une autopsie a été pratiquée, à titre informatif, que les préposés du Salon doivent porter attention à cet aspect précis du bulletin s’ils n’ont pas besoin de ce renseignement pour effectuer leur travail et respecter leurs obligations contractuelles et légales, tel que la preuve l’a démontrée.
[195] Les seules obligations légales que devait respecter le Salon étaient de 1) prendre possession du corps, lorsque le bulletin de décès (SP-3) leur serait remis par l’Hôpital, 2) embaumer le corps, au minimum 6 heures après le constat de décès 3) retourner la copie du bulletin de décès (SP-3) et le formulaire de déclaration de décès (DEC-100) au Directeur de l’état civil pour lui permettre de finaliser le processus de modification des registres de l’État civil, 4) disposer du corps ou des cendres de la manière prescrite et 5) conserver une copie de la documentation identifiée dans leurs registres durant 5 ans et en l’espèce, elles ont toutes été respectées.
[196] La seule raison pour laquelle le Salon devait regarder le bulletin de décès était pour y relever les informations pertinentes pour remplir la déclaration de décès (DEC-100). Or, ces informations sont le nom du défunt, la date et l’heure de son décès et le numéro de bulletin de décès inscrit sur le SP-3[96]. Rien ne concerne l’autopsie.
[197] Lorsque l’Hôpital a appelé le Salon pour récupérer le corps, au début de l’après-midi du 1er avril, le Salon n’avait aucune obligation de le retourner, vu l’état d’avancement du processus d’embaumement. À cet égard, les explications fournies par Paquin justifient de manière satisfaisante et crédible les raisons motivant son refus.
[198] Même si nous ne sommes pas liés par l’opinion de Paquin que « l’état du corps n’aurait pas permis d’effectuer une autopsie valable s’il l’avait retourné », cette explication est raisonnable et n’est pas contredite. En effet, nous pouvons toutefois tenir compte des faits dont il nous a fait part pour arriver à cette conclusion, soit que l’embaumement implique le retrait des fluides du corps, dont le sang, l’injection de substances de conservation dans le corps et le retrait d’organes internes.
[199] La réglementation applicable confirme que le sang doit être retiré du corps lors d’un embaumement[97].
[200] Lorsque l’on tient également compte de la déclaration de Dre Fortin que la preuve d’un anévrisme aortique abdominal se démontre par le sang répandu dans l’abdomen, tout cela ajoute du poids aux faits pris en compte par Paquin pour refuser de retourner le corps de Lise April au moment où l’appel est entré, même s’il n’est pas en preuve qu’il connaissait la cause de décès.
[201] Qu’il n’ait pas jugé pertinent de faire part à Sansregret de l’appel qu’il a reçu de l’Hôpital et qu’il n’ait pas donné de détails à Payeur sur la raison pour lesquelles il s’est enquis de l’état d’avancement de l’embaumement ne causent aucun problème susceptible de faire naître une quelconque responsabilité du Salon, même si cela peut surprendre, vu le caractère unique de l’événement.
[202] Dans un autre ordre d’idées, comme la demanderesse revient à quelques reprises sur l’absence de réponse du Salon à sa lettre de doléances et qu’elle lui en fait le reproche spécifique, il importe de préciser que cette absence de réponse, même si elle n’a pas été expliquée par Sanregret à l’audition, n’est pas inhabituelle dans de telles circonstances.
[203] Notre connaissance d’office permet d’informer la demanderesse que lorsqu’une telle lettre est reçue, elle peut annoncer une future réclamation civile. Or, les assureurs exigent que leur assuré ne pose aucun geste susceptible de nuire à une défense potentielle et, surtout, qu’ils ne fassent aucune admission susceptible d’avoir un impact sur leur responsabilité. Le défaut de respecter ces impératifs pourrait faire en sorte que l’assureur refuse de couvrir l’assuré si le dossier devenait litigieux. Il est vraisemblable que le silence du Salon s’explique par cette réalité.
[204] Ainsi, même si la croyance de la demanderesse que le Salon a manqué de tact à son égard est compréhensible, surtout vu l’historique entre sa famille et ce Salon, ce qui s’est passé ne génère aucune conséquence sur le plan légal.
[205] Le Salon n’ayant commis aucune faute génératrice de responsabilités, le recours intenté contre lui doit aussi échouer.
[206] Enfin, la réclamation de 4 797,18 $ contre le Salon n’a été étoffée par aucune preuve. Elle doit aussi être rejetée.
[207] Il ne nous reste qu’à discuter de la responsabilité de l’Hôpital, qui reconnaît par ailleurs être responsable du défaut d’autopsie, et du montant des dommages auxquels il sera condamné.
[208] Dès le début de l’audition, le CHUM a annoncé qu’il ne ferait entendre aucun témoin et qu’il ne niait pas sa responsabilité dans ce dossier. D’ailleurs, le comportement des avocates qui ont représenté l’Hôpital, par leur délicatesse et leur sollicitude envers la demanderesse, a été exemplaire [98].
[209] L’Hôpital reconnaît qu’il était lié à la demanderesse par une obligation extracontractuelle par laquelle il devait procéder à une autopsie sur le corps de la défunte, que le formulaire de demande d’autopsie n’a jamais été retrouvé en temps utile, que l’autopsie n’a par conséquent jamais eu lieu et qu’il a libéré le corps trop vite, puisqu’il n’aurait dû le faire qu’après la réalisation de l’autopsie.
[210] Il y a donc inexécution de l’obligation de résultat que l’Hôpital a souscrite envers la demanderesse.
[211] Le simple fait de ne pas avoir « livré » ce qui avait été demandé fait présumer un dommage et celui allégué par la demanderesse était prévisible et direct[99]. Ce dommage découle clairement, logiquement, rationnellement et de manière immédiate du fait que l’autopsie n’a pas été faite[100].
[212] Seules les fautes commises par les préposés de l’Hôpital ont causé les dommages que réclame la demanderesse. Comme nous l’avons précisé précédemment, si Dre Fortin avait commis une faute, ce qui n’est pas le cas, cette faute aurait été supplantée par celles commises par l’Hôpital, par la suite.
[213] C’est donc essentiellement sur l’ampleur des dommages réclamés par la demanderesse que l’Hôpital plaide, et il a tout à fait raison de ce faire.
[214] Voici pourquoi.
[215] Dans un premier temps, la demanderesse réclame 150 000 $ de dommages sans en préciser la nature, à la suite des fautes commises par les défendeurs. Les précisions fournies nous permettent de comprendre que ces dommages visent des pertes de revenus de 60 000 $, à la suite de son arrêt de travail entre avril 2008 et janvier 2009[101], des dépenses notariales, qui sont en fait les frais judiciaires (timbres)[102], et des frais de copies de dossiers médicaux « aux fins de recherches testamentaires ». La demanderesse réclame aussi ces sommes « parce qu’il n’y a pas eu autopsie et que sa mère devrait être vivante »[103].
[216] La demanderesse n’a prouvé aucun des dommages de nature pécuniaire.
[217] Les pertes de revenus n’ont été supportées par aucun document fiscal ni états financiers, car sa demande tardive de dépôt de toute cette documentation au début de l’audition a été rejetée, pour les motifs exposés séance tenante[104]. Quant aux frais de copie des dossiers médicaux, aucune facture n’a été déposée pour en faire état. Il en va de même des frais pour recherches testamentaires.
[218] Aucune preuve n’ayant été présentée sur ce premier chef de réclamation, nous devons le rejeter.
[219] Quant à la réclamation portant sur l’absence d’autopsie et sur le fait que la mère de la demanderesse « devrait être vivante », il ne s’agit pas d’une réclamation susceptible d’être indemnisée par des dommages pécuniaires, mais par des dommages moraux, le cas échéant et ce dossier ne s’y prête pas.
[220] En ce qui a trait à cette deuxième réclamation pour dommages moraux, pour lesquels autre somme de 150 000 $ est réclamée, la demanderesse explique qu’elle vise à indemniser les troubles psychologiques et mentaux qu’elle a subis, les troubles et inconvénients, le stress, la peine, l’angoisse, les pertes de temps, l’impossibilité de connaître les antécédents médicaux de sa mère et l’impossibilité de connaître la cause de la mort de sa mère[105]. Nous comprenons aussi que sa réclamation pour le défaut d’autopsie se qualifie sous ce chef de réclamation.
[221] Or, la demanderesse n’a déposé aucun dossier médical pour étoffer sa réclamation pour les troubles psychologiques et mentaux, le stress, la peine et l’angoisse. Elle a demandé la permission de produire cette documentation le premier jour de l’audition, mais cela lui a été refusé, pour les mêmes motifs que ceux donnés pour le refus de dépôt de sa documentation financière.
[222] Cependant, elle a témoigné et ce témoignage est recevable.
[223] Dans celui-ci, la demanderesse explique qu’elle était la fille unique de Lise April, qu’elle n’a plus de père, qu’elle voyait sa mère aux 2-3 jours et qu’elle la considérait comme étant « l’univers ». Depuis le décès de sa mère, elle a envie de pleurer tous les jours[106].
[224] Elle déclare aussi que l’absence d’autopsie a allongé son deuil et l’a rendu plus difficile. Elle n’a pu tourner la page normalement, car le dossier lui trottait toujours dans la tête et l’a beaucoup stressée, surtout dans le contexte de son recours judiciaire, dans lequel elle s’est représentée seule contre plusieurs défendeurs.
[225] Nous sommes d’accord avec la demanderesse que le décès de sa mère était déjà en soi une épreuve importante, surtout qu’il est survenu soudainement et que la mère de la demanderesse était encore jeune, et qu’apprendre, en plus, quelques semaines plus tard, qu’il n’y aurait aucune autopsie, alors qu’elle était convaincue que sa mère était peut-être décédée des suites de violence exercée par son conjoint, était loin d’être une valeur ajoutée pour l’aider à passer à travers son deuil.
[226] Mais comme l’Hôpital le souligne à juste titre, il n’est pas facile de séparer la peine, l’anxiété et le stress causés par le décès, donc ce qui est relié comme tel à la perte de l’être cher, des dommages causés par l’absence d’autopsie.
[227] Une chose est toutefois certaine : lorsque la demanderesse avoue bien candidement qu’une partie des dommages réclamés est liée au fait que sa mère « devrait être en vie », il est clair que cela n’est aucunement imputable à l’Hôpital et que ces dommages découlent du décès tragique de cette dernière, plutôt que de l’absence d’autopsie sur son corps.
[228] Il est également vrai que la perte de l’unique parent avec qui la demanderesse entretenait des liens étroits est non négligeable, mais elle ne peut être monnayée dans le cadre du présent recours, puisque son fondement ne repose sur aucun décès attribuable à l’un ou l’autre des défendeurs.
[229] Seuls les dommages moraux directement liés à l’absence d’autopsie peuvent être indemnisés, rappelons-le. Et si les dommages accordés pour la perte d’un être cher sont peu élevés, tel que nous en avons fait état dans la section du jugement sur les principes, en toute logique, nous sommes d’avis qu’il ne ferait pas de sens que ceux accordés pour l’absence d’autopsie soient plus substantiels.
[230] Ainsi, lorsque nous faisons le tour de la preuve à la lumière de ces principes, la réclamation de 150 000 $ doit être épurée et drastiquement réduite.
[231] Analysons ce que la preuve révèle sur les éléments susceptibles de nous aider à établir la valeur de l’absence d’autopsie dans le contexte décrit.
[232] Premièrement, la conséquence la plus évidente de l’absence d’autopsie est que la demanderesse ne saura jamais ce que l’autopsie aurait révélé sur la cause de décès de sa mère et cela la perturbe, pour diverses raisons qu’elle nous a expliquées.
[233] Selon nous, l’une de ces préoccupations n’a plus sa raison d’être après l’audition: les soupçons que la mère de la demanderesse soit décédée à la suite de violence exercée contre elle par son conjoint.
[234] Cette préoccupation est omniprésente dans l’interrogatoire au préalable de la demanderesse et dans son témoignage à l’audition. Elle transpire à la fois des réponses qu’elle fournit aux questions qui lui sont posées que de la ligne de questions qu’elle pose à tous les témoins[107].
[235] Le Tribunal infère de tout cela qu’elle croit toujours fermement que sa mère ne peut être décédée si soudainement sans qu’il n’y ait eu violence conjugale exercée par le conjoint de cette dernière. C’est essentiellement cette croyance qui justifie son désarroi de ne pas avoir bénéficié du résultat d’une autopsie pour supporter sa thèse ou y mettre un terme, selon le contenu, et il s’agit d’un élément important qui l’empêche de faire son deuil. Autrement résumé : la demanderesse ne pourrait être en paix qu’en ayant la confirmation de la cause exacte de décès de sa mère et l’absence d’autopsie ne permettra jamais d’exclure cette hypothèse comme cause de décès de sa mère.
[236] Comme autre préoccupation, la demanderesse invoque que le résultat de l’autopsie aurait pu lui révéler de l’information pertinente sur la santé de sa mère et que cette information lui aurait être utile pour des questions de prévention liées à l’hérédité.
[237] Après analyse de ces deux préoccupations, nous sommes d’avis que le processus judiciaire et l’accès que la demanderesse a pu avoir au dossier médical de sa mère ont apporté des réponses satisfaisantes à celles-ci.
[238] Pour ce qui est de l’état santé général de sa mère, la demanderesse a pu avoir accès aux dossiers médicaux de celle-ci puisqu’elle en est l’héritière et qu’une avocate en a fait la demande en son nom. Si la demanderesse avait des inquiétudes sur des questions d’hérédité, elle a pu soumettre le tout à son médecin et s’il y avait des choses à anticiper et à traiter de manière préventive, la matière pour le faire lui a été rendue accessible. Comme il semble qu’outre son problème d’asthme, Lise April était « en très bonne santé », aux dires de la demanderesse, il ne semble plus rien y avoir à craindre de ce côté.
[239] Reste donc la question de savoir si le processus judiciaire et la preuve ont pu raisonnablement apaiser les craintes de la demanderesse que sa mère soit décédée dans un contexte de violence conjugale, plutôt que possible anévrisme aortique abdominal.
[240] À ce sujet, nous concluons que la preuve obtenue tant avant que pendant l’audition devrait apaiser la demanderesse.
[241] En effet, selon nous, le témoignage de Dre Fortin a permis d’établir que ce décès n’était aucunement lié à de la violence exercée par l’ex-beau-père de la demanderesse à l’endroit de Lise April, ni par quiconque.
[242] Dre Fortin a examiné le corps de Lise April au complet et qu’il ne portait aucun bleu ni marque de violence. Elle ajoute même que si elle avait eu des doutes sur le fait que le décès de Lise April ait pu être lié à de la violence, elle aurait demandé au coroner d’intervenir, ce qu’elle n’a jamais envisagé faire, étant certaine que le décès de sa patiente n’avait aucun lien avec une telle hypothèse.
[243] Et, fait très important, après avoir très bien expliqué le diagnostic « possible » retenu, en référant aux différents symptômes rapportés par le conjoint de sa patiente, à ceux communiqués par les ambulanciers, de même qu’en rapportant ses propres observations, elle a clairement exclu la violence comme cause d’une rupture d’anévrisme aortique abdominale[108].
[244] À la lumière des explications fournies, le diagnostic de rupture d’anévrisme, sans être certain à 100 %, est tout à fait vraisemblable et il ne reste rien dans la preuve pour soutenir la thèse d’un décès survenu à la suite de violence conjugale.
[245] Cette thèse n’est donc corroborée par aucun fait précis ni concluant, tout particulièrement lorsqu’aucune preuve d’une quelconque violence antérieure de l’ex-beau-père de la demanderesse à l’égard de sa mère ne nous a été présentée.
[246] Cela nous mène à la conclusion que le long processus judiciaire entrepris depuis avril 2011, que la demanderesse a fait reporter à quelques reprises[109], lui a permis d’éliminer la thèse qui la hantait, de diminuer certaines angoisses qui l’ont habitée depuis ce décès, et que le fait d’avoir eu accès au dossier médical de sa mère contrebalance d’une certaine manière l’absence de résultat d’autopsie.
[247] Selon nous, ces constatations ont une incidence sur les dommages réclamés par la demanderesse, dont certains ne trouvent plus leur raison d’être, une fois l’enquête judiciaire complétée et les réponses obtenues et analysées à travers le prisme de la preuve.
[248] Que reste-t-il alors?
[249] Dans un premier temps, le fait qu’une autopsie n’a pu confirmer la présence de sang dans abdomen de Lise April, ratifiant ainsi la thèse de Dre Fortin. Et qu’est-ce que cela aurait apporté de plus à la demanderesse pour l’aider à faire son deuil?
[250] La seule réponse qui s’impose, selon la preuve, est la tranquillité d’esprit de savoir que le décès, bien que soudain et tragique, n’était au moins pas relié à un acte de violence commis par le conjoint de sa mère. Mais cela a été accompli autrement, selon nous.
[251] Dans un deuxième temps, un résultat d’autopsie qui aurait révélé une tout autre cause de décès. Et en quoi cela aurait-il pu aider la demanderesse à mieux faire son deuil? Nous nageons ici dans de pures hypothèses, car nous n’avons aucun indice nous permettant de croire que le diagnostic aurait été différent.
[252] Si une preuve médicale avait été présentée, peut-être que l’expert nous aurait précisé d’autres causes possibles de décès à la lumière des symptômes relatés dans le dossier médical et dans le témoignage de Dre Fortin, et peut-être aurions-nous pu en tirer des inférences sur les dommages subis par la demanderesse, mais comme nous n’avons rien d’autre que les faits repris dans ce jugement, nous ne pouvons répondre à cette question que sur la foi de pures conjectures, ce qui ne serait pas indiqué.
[253] Enfin, même s’il y avait eu autopsie, nous n’avons pas la preuve que la demanderesse aurait obtenu une certitude quant à la cause de décès de sa mère. Rien dans la preuve ne permet de conclure à cet effet.
[254] Encore une fois, la seule chose qu’elle aurait vraisemblablement obtenue sont des éléments lui permettant d’exclure la thèse de la violence de ses préoccupations, ce qui a été réalisé autrement, comme nous l’avons déjà exprimé.
[255] Mais il faut quand même reconnaître que l’absence d’autopsie a été la « cerise sur le sundae » qui n’a pas aidé la demanderesse dans son processus de deuil et que ce deuil a été rendu plus difficile puisque la demanderesse a son seulement dû composer avec le décès tragique et soudain de sa mère, mais aussi avec l’absence de réponses pour apaiser sa forte perception que ce décès avait été occasionné par des gestes de violence posés par son beau-père, perceptions que le résultat d’une autopsie aurait pu remettre en perspective, voire atténuer et faire disparaître plus vite, même s’il avait été obtenu plusieurs mois après le décès, soit quelque part à la fin de l’année 2008 ou au début de l’année 2009[110].
[256] Nous sommes d’opinion que le processus judiciaire aura au moins eu l’effet bénéfique de permettre à la demanderesse de modifier ses perceptions et, espérons-le, de mettre fin à ses questionnements relatifs à l’implication de son ex-beau-père dans le décès de sa mère, et ce, sans avoir eu le résultat d’une autopsie.
[257] Enfin, un commentaire s’impose sur le caractère raisonnable de ces questionnements, particulièrement lorsque le témoignage de la demanderesse ne comporte aucun élément factuel nous permettant d’apprécier la vraisemblance de l’hypothèse soutenue pour justifier la nécessité d’une autopsie.
[258] En effet, la preuve est loin d’être suffisante pour conclure qu’une telle perception était raisonnable, surtout lorsque l’on tient compte du fait que c’est le conjoint de sa mère qui a été le premier à demander une autopsie sur le corps de sa conjointe et que malgré qu’il se soit rendu rapidement au Salon, il n’a exercé aucune pression pour que sa conjointe soit embaumée rapidement, comme pour faire disparaitre « les preuves », tel que la demanderesse l’insinue dans ses questions à Sanregret.
[259] De plus, comme la demanderesse a choisi d’entreprendre son recours à l’extrême limite prévue au Code, soit trois ans après le décès de sa mère, et bien que cela soit son droit, nous ne pouvons par contre lui accorder plus parce qu’elle a contribué à laisser perdurer son dommage. Nous devons aussi tenir compte du fait qu’elle n’a pas poussé la note pour mettre son dossier en état à la date la plus rapprochée, ni pour qu’il soit entendu rapidement[111].
[260] Ainsi, si nous condamnons l’Hôpital à des dommages plus importants parce que ce n’est que 9 ans après le décès de Lise April que la demanderesse en connaît plus sur ce qui s’est passé au cours de la nuit du 1er avril 2008 et qu’elle peut enfin trouver un peu de répit à la suite de ce qui ressort de son périple judiciaire, cela sera inéquitable pour l’Hôpital et nous commettrions une erreur.
[261] Nous sommes bien convaincu que le défaut d’effectuer l’autopsie, imputable à l’Hôpital, n’a pas facilité le deuil de la demanderesse et que cette dernière mérite d’être compensée pour ce dommage puisqu’il y démonstration d’un lien direct entre cette faute et le dommage allégué, mais ce dommage est bien restreint.
[262] Ainsi, au chapitre des dommages moraux découlant du défaut d’autopsie, les faits démontrés en l’espèce et le témoignage de la demanderesse, auquel nous ne pouvons pas faire autrement que d’apporter quelques bémols quant à la crédibilité pour les motifs exprimés tout au long du jugement et dans les notes de bas de page qu’il contient, justifient un montant de 5 000 $.
[263] Nous considérons que le processus judiciaire a permis à la demanderesse d’obtenir des réponses à ses interrogations et que cela est de nature à mettre un terme au stress et à l’anxiété causés par l’absence de réponses à ces questionnements depuis quelques années, mais pas depuis avril 2008.
[264] Selon la preuve, le résultat d’une autopsie qu’elle aurait reçu plusieurs mois après le décès n’aurait pas apporté beaucoup plus que ce que la demanderesse a obtenu en menant son dossier judiciaire à terme.
[265] Pour ce qui est de la réclamation de 150 000 $ pour des dommages punitifs, étant donné qu’aucun manquement à une loi spécifique n’est allégué pour en justifier l’octroi, alors que cela est requis[112], et parce que la preuve ne démontre aucune atteinte intentionnelle des préposés de l’Hôpital de causer des dommages moraux à la demanderesse en n’effectuant pas l’autopsie demandée sur le corps de sa mère, ce chef de réclamation doit être rejeté dans son entièreté.
[266] POUR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL :
[267] REJETTE la requête introductive d’instance contre Dre Stéphanie Fortin et les Salons Funéraires T. Sansregret Ltée;
[268] AVEC FRAIS DE JUSTICE contre la défenderesse, dans les deux cas;
[269] ACCUEILLE très partiellement la requête introductive d’instance;
[270] CONDAMNE le CHUM à payer à la demanderesse la somme de 5 000 $, avec l’intérêt au taux légal et l’indemnité additionnelle prévue à l’article 1619 C.c.Q., à partir de l’assignation, et ce, dans les 30 jours de ce jugement;
[271] AVEC FRAIS DE JUSTICE contre le CHUM.
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__________________________________ HONORABLE CLAUDE DALLAIRE, J.C.S. |
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Nathalie April |
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Se représente seule |
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Demanderesse |
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Me Valérie Déziel |
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Me Alexandra Hamel-Morisset |
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CDNP Avocats inc. |
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Avocates de la défenderesse - CHUM |
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Me Simon Chamberland |
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Me Léa Chebli |
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McCarthy Tétrault |
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Avocats de la défenderesse - Dre Stéphanie Fortin |
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Me Nathalie Dubé |
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Langlois avocats |
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Avocate de la défenderesse - Salons funéraires T. Sansregret Ltée |
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Dates d’audience : |
2 au 7 février 2017 |
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[1] La demanderesse, son unique héritière, et son conjoint de 19 ans de vie commune, lequel était avec elle à son arrivée à l’Hôpital.
[2] Ci-après l’Hôpital.
[3] Ci-après le Salon.
[4] À l’exception d’une somme de 4 797,18 $ réclamée uniquement au Salon funéraire.
[5] Pièce DM-1.
[6] Pièce DM-1.
[7] Madame Carole Gaudreault.
[8] Interrogatoire de madame Carole Gaudreault fait par la demanderesse, pages 29, 57, 59 et 69. Voir aussi l’Interrogatoire de Madame Céline Le Cavalier, l’agente administrative qui travaille sur le quart de jour, sur le sujet, pages 9, 10, 11, 13, 14 et 23.
[9] Interrogatoire de madame Carole Gaudreault par Me Chamberland, pages 7, 8, 10, 13, 14, 17 et 24.
[10] Interrogatoire de la demanderesse par Me Chamberland, pages 34, 40, 42, 59, 61 et 62.
[11] Interrogatoire de la demanderesse par Me Chamberland, pages 31 et 32 et témoignage à l’audience, de même que témoignage de Dre Fortin et de Madame Le Cavalier que ce n’est pas l’usage de remettre copie du SP-3, surtout s’il n’est pas signé par le médecin.
[12] Madame Céline Le Cavalier.
[13] Interrogatoire de madame Céline Le Cavalier par Me Chamberland, pages 51, 53, 54 et 55.
[14] Formulaire SP-3.
[15] Pages 25, 28 et 50 de l’interrogatoire de madame Céline Le Cavalier par Me Chamberland. Cela ne lui est toutefois pas arrivé souvent.
[16] Ci-après nommé « Sansregret ».
[17] Interrogatoire de Monsieur Sansregret par Me Chamberland, page 6.
[18] Pièces DS-1 et DS-5.
[19] Page 6 interrogatoire au préalable de Sansregret par la demanderesse.
[20] Interrogatoire de Monsieur Sansregret par Me Chamberland, pages 7, 8, 11 et 22. Interrogatoire au préalable de Monsieur Sansregret par la demanderesse, pages 7 et 22 et témoignage à l’audience. Le conjoint de la défunte n’a pas été présenté comme témoin lors de l’audition. Seule la demanderesse soutient qu’il a peut-être été question de cette autopsie et qu’Yvon ait pu remettre une copie du SP3 au Salon, ce matin-là.
[21] Interrogatoire de Monsieur Sansregret par la demanderesse, page 43.
[22] Interrogatoire de Monsieur Sansregret par Me Chamberland, pages 7, 8, 9 et 11 et interrogatoire de Monsieur Sansregret par la demanderesse, pages 22-25 et 28.
[23] Ce n’est que lorsque la demanderesse lui transmet une lettre de récriminations, en septembre 2008, que Sansregret apprend qu’il y a eu un problème d’autopsie dans le dossier de Lise April.
[24] Les cases 19 et suivantes.
[25] Interrogatoire de Monsieur Sansregret par Me Chamberland, page11 et pièce DM-10.
[26] Ci-après nommé « Paquin ».
[27] Interrogatoire de Monsieur Sansregret par la demanderesse, page 19 et interrogatoire de Monsieur Paquin, à l’audition.
[28] Pièce DS-2.
[29] Il est aussi thanatologue depuis 31 ans, responsable du service aux familles, ainsi que préposé aux autopsies à l’Institut de cardiologie.
[30] Ci-après nommé « Payeur ».
[31] Sansregret explique dans son interrogatoire par Me Chamberland, qu’il doit attendre 6 heures après le décès pour embaumer, page 26.
[32] Il n’est mis au parfum du dossier que lorsqu’il est assigné pour venir témoigner, quelques semaines avant l’audition.
[33] De Céline Le Cavalier.
[34] Témoignage de Paquin et interrogatoire au préalable de Le Cavalier.
[35] Malgré plusieurs contradictions dans ses déclarations à ce sujet, au fur et à mesure de l’avancement du dossier judiciaire. Voir par. 13 et 14 de sa demande introductive originale, par. 11 et 12 de sa demande réamendée et son interrogatoire au préalable, page 49, dans lequel elle affirme avoir parlé de ce sujet le 1er avril. Dans son témoignage à l’audience, elle revient finalement sur sa position et déclare n’avoir parlé à personne du Salon, le 1er avril. Elle n’est entrée en contact avec le salon que le lendemain, soit le 2 avril.
[36] Interrogatoire de Sansregret par la demanderesse, pages 21-24, 43, 45. Sansregret précise que n’importe qui peut signer un contrat de services funéraires, tant que le paiement est effectué.
[37] Pièce DS-4 et interrogatoire au préalable de Sansregret, page 9.
[38] Sur lequel il est fait mention d’une autopsie,
[39] Nous ne retenons pas le témoignage de la demanderesse sur ces deux éléments, puisqu’elle s’est contredite sur ceux-ci, parce que le SP-3 n’était pas rempli à son départ de l’hôpital et qu’elle n’a jamais démontré y être retournée pour en demander une copie après que Dre Fortin l’ait signé. De plus, Sansregret nie fermement avoir eu une discussion avec elle sur ce sujet lors de sa rencontre du 2 avril et son témoignage n’est pas intéressé, puisque le fait que la discussion ait eu lieu ou non ne change rien dans sa position, comme nous le verrons plus loin. Nous comprenons qu’à ces dates, la demanderesse « vivait juste le choc », qu’elle était « dans les émotions », et qu’elle vivait « un film d’horreur », ce qui a pu affecter sa mémoire des faits qui se sont produits à peine quelques heures après le décès de sa mère.
[40] Par. 11 de sa demande réamendée et réponses à la requête pour précisions.
[41] Selon l’interrogatoire de la demanderesse, page 120.
[42] Interrogatoire de la demanderesse par Me Chamberland, pages 85, 86, 97-109 et 120.
[43] Voir procès-verbal d’audition du 8 mai 2013, à 10 h 42.
[44] Les funérailles des autres membres de sa famille ont été gérées par le Salon.
[45] Si tous reconnaissent que cette lettre existe, elle n’a pas été produite en preuve.
[46] Par. 17 de sa demande originale.
[47] Par. 25 de la Défense du salon.
[48] Par. 13, 21 et 22 de la Défense amendée autorisée du 1er février 2017.
[49] Procès-verbal d’audience du 2 février 2017, à 10 h 05.
[50] Par. 13, 14 et 39 de la Défense du 1er juin 2012.
[51] Article 2925 C.c.Q.
[52] Articles 2803 et 2804 C.c.Q.
[53] Même par personne interposée.
[54] Article 1457 C.c.Q.
[55] Hôpital de Chicoutimi c. Battikha, [1997] R.J.Q. 2121, pages 9 et 12.
[56] Vincent KARIM, Les obligations, 4e éd, vol. 1, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, par. 2499 à 2517; Ciment du Saint-Laurent Inc. c. Barrette, [2008] 3 R.C.S. 392, page 394.
[57] Vincent KARIM, Les obligations, 4e éd, vol. 1, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, par. 2857 à 2863; Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoit MOORE, La responsabilité civile, 8e édition, vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, par. 1-682 à 687;
[58] Bulletin de décès « fautif », qui dit que l’autopsie est faite et le dommage : autopsie non exécutée.
[59] Perte du formulaire de demande d’autopsie.
[60] Non-exécution de l’autopsie. Gargantiel c. Québec (Procureure générale), 2015 QCCA 224, par. 24 et 25.
[61] Article 1607 C.c.Q; KARIM, Les obligations, 4e éd, vol. 1, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, par. 2502; Brisson c. Gagnon, 2007 QCCA 617.
[62] Voir entre autres l’article 1611 C.c.Q.
[63] Cela a justifié une décision rendue en cours d’instance sur le sujet. Voir le procès-verbal d’audience du 2 février 2017, à 12 h 06 et à 12 h 13.
[64] Solatium doloris.
[65] 2003 CanLII 42177 (QC CQ).
[66] 2007 QCCQ 54.
[67] [1989] R.R.A. 124.
[68] 2008 QCCQ 3397.
[69] 2009 QCCQ 731.
[70] 2015 QCCQ 2470.
[71] 2005 CanLII 16811 (QC CS).
[72] 2007 QCCQ 15889.
[73] 2012 QCCS 178, par. 263 et 254.
[74] 2015 QCCQ 2470, par. 22.
[75] Ou in solidum.
[76] Voir les articles 2889, 2892, et 2900 et C.c.Q.; 2992604 Canada inc. c. Ouellet, 2012 QCCS 6400, par. 15, 74 et 75; Vincent KARIM, Les obligations, 4e édition, vol. 2, Montréal, Wilson & Lafleur, 2015, par. 528; Altrows c. Centre hospitalier de St. Mary, 2007 QCCQ 15889, par. 16 et 17.
[77] Ce délai est repris à l’article 50 du Règlement d’application de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres.
[78] L.R.Q., c. L-0.2., ci-après la Loi.
[79] Ci-après nommé « le règlement ».
[80] Cela est repris à l’article 18 du Règlement d’application no 1de la loi.
[81] Évidemment, cela ressort aussi des interrogatoires au préalable déposés de part et d’autre en preuve.
[82] Tant lors de son interrogatoire au préalable, pages 72-74, 77, 90, 115 et 116, qu’à l’audition.
[83] Lors de l’audition.
[84] Voir les engagements souscrits par la demanderesse et son témoignage.
[85] Interrogatoire au préalable de la demanderesse par ??, pages 54, 54 ,59-64 et 87 et lettre du 22 juillet 2011 de la demanderesse, déposée au dossier de la Cour à la suite de jugement Mayer, et ses divers témoignages au préalable et à l’audition.
[86] Hôpital de Chicoutimi c. Battikha, [1997] R.J.Q. 2121, page 12.
[87] Interrogatoire de Dre Fortin par la demanderesse, pages 6, 9, 14, 15, 21-23, 60 et 61.
[88] Au cours des derniers jours, Lise Fortin avait eu des douleurs abdominales et son ventre était enflé. Interrogatoire de Dre Fortin par la demanderesse, pages 26 et 28 et interrogatoire au préalable par la demanderesse, pages 12 et 13.
[89] Interrogatoire de Dre Fortin par la demanderesse, pages 24 et 25, 55 à 57. Cette déclaration est faite à partir de ses notes, puisqu’elle n’a aucun souvenir précis du passage de Lise April à l’urgence, le 1er avril 2008.
[90] Interrogatoire de Dre Fortin par la demanderesse, pages 36, 37, 38, 42, 43, 51, 53 et DM-5 : les cas sont ceux où il y a de la violence, les cas douteux, les cas accidentels, les suicides et les cas d’incendie.
[91] Pages 30 et 33 de son interrogatoire par la demanderesse.
[92] Voir questions no. 29 et 35, où l’on demande le numéro de permis, si c’est un médecin qui le remplit.
[93] Voir cases 32 et 33 du bulletin.
[94] Sous la rubrique certification médicale du décès.
[95] Pièce DM-5, page 5.
[96] Interrogatoire au préalable de Me Chamberland; DM-10, page 21; interrogatoire de Monsieur Sansregret par la demanderesse, pages 33 et 58.
[97] Voir section sur les dispositions spécifiques au litige, dans les principes.
[98] Il en est de même pour le procureur de Dre Fortin et celui du Salon.
[99] Hôpital de Chicoutimi c. Battikha, [1997] R.J.Q. 2121, page 12.
[100] Jean-Louis BAUDOUIN, Patrice DESLAURIERS et Benoit MOORE, La responsabilité civile, 8e édition, vol. 1, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, par. 1-682 à 687.
[101] Interrogatoire au préalable par Me Chamberland, pages 106-109.
[102] Interrogatoire au préalable par Me Chamberland, pages 110-111
[103] Interrogatoire au préalable par Me Chamberland, page 113.
[104] Parce qu’ils prenaient les défendeurs par surprise, alors qu’ils avaient été proactifs avec la demanderesse lors d’une phase préalable à l’audition et que la demanderesse n’a pas jugé pertinent de déposer une telle preuve, en temps opportun.
[105] Interrogatoire au préalable, pages 98-102.
[106] Interrogatoire au préalable par Me Chamberland, pages 119-120.
[107] Voir interrogatoire de Dre Fortin par la demanderesse, pages 6 et 19.
[108] Interrogatoire au préalable de Dre Fortin par la demanderesse, page 44.
[109] Voir procès-verbaux du 28 janvier 2017 et du 2 février 2017, 12 h 06.
[110] Selon la preuve, personne, incluant la demanderesse, n’a contredit le fait que les résultats d’une autopsie sont très longs à obtenir.
[111] Les procès-verbaux et la chronologie du dossier sont éloquents sur ce sujet.
[112] Landry c. Audet, 2011 QCCA 535.
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