Décision

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Ahikoc et Tricots Main inc.

2011 QCCLP 2803

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

18 avril 2011

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

424169-71-1011

 

Dossier CSST :

130323934

 

Commissaire :

Anne Vaillancourt, juge administratif

 

Membres :

Lise Tourangeau-Anderson, associations d’employeurs

 

Alain Dugré, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Emine Hatin Ahikoc

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Les Tricots Main inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 8 novembre 2010, madame Emine Hatin Ahikoc (la travailleuse) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle elle conteste une décision rendue le 21 octobre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision en révision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 29 juin 2010 et déclare qu’elle était bien fondée de suspendre, à compter du 21 juin 2010, l’indemnité de remplacement du revenu versée à la travailleuse, puisqu’elle n’était pas disponible pour poursuivre sa démarche d’exploration professionnelle.

[3]           À l’audience tenue devant la Commission des lésions professionnelles le 21 mars 2011, la travailleuse s’est présentée avec l’assistance de monsieur Murat Mike Hacikyaner, interprète officiel, pour effectuer la traduction au besoin de la langue française à la langue turque. Tricots main inc. (l’employeur) n’était pas représenté. La CSST, partie intervenante, a avisé le tribunal qu’elle ne serait pas présente. Avec la permission de la Commission des lésions professionnelles, la travailleuse a produit une attestation médicale additionnelle le 4 avril 2011. L’affaire a donc été mise en délibéré le 4 avril 2011.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           La travailleuse demande au tribunal de reconnaître que la CSST ne pouvait suspendre l’indemnité de remplacement du revenu et de rétablir celle-ci en conséquence.

LES FAITS

[5]           La travailleuse exerce un emploi d’opératrice de machine à coudre chez l’employeur depuis le mois d’avril 2000.

[6]           Le 3 octobre 2006, elle subit une lésion professionnelle à la colonne cervicale aux trapèzes, telle que reconnue par la Commission des lésions professionnelles dans sa décision du 2 octobre 2009. En effet, le tribunal reconnaît que la travailleuse a subi une maladie professionnelle le 3 octobre 2006 et que les diagnostics sont ceux de cervicalgie de type mécanique et postural et de syndrome myofascial de la musculature des trapèzes. En date de la décision, la lésion professionnelle est jugée non encore consolidée.

[7]           Le 25 mai 2010, le docteur Chartrand, médecin traitant, complète un rapport final dans lequel il établit la date de consolidation le 11 mai 2010 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Il mentionne qu’il ne produira pas le rapport d’évaluation médicale. Il n’y a plus de traitements à poursuivre.

[8]           Selon un rapport complété par le docteur Pierre Dupuis le 23 juin 2010, à la demande de la CSST, la lésion professionnelle est consolidée avec atteinte permanente et des limitations fonctionnelles de la classe II de l’Institut de recherche en santé et sécurité du travail (IRSST) pour le rachis cervical.

[9]           Le 14 juin 2010, la CSST rend une décision dans laquelle elle déclare que la travailleuse a droit à la réadaptation, puisqu’elle conserve une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. À la même date, la CSST informe la travailleuse qu’elle bénéficiera des services d’un organisme spécialisé pour évaluer ses possibilités professionnelles.

[10]        Dans les faits, on peut constater à la lecture des notes évolutives de la CSST complétées par monsieur Wilson, conseiller en réadaptation, que la travailleuse est référée à une conseillère en emploi de la Maisonnée, madame Nisrin, dès le mois de janvier 2010 pour y faire l’exploration de ses possibilités professionnelles.

[11]        Le 20 mai 2010, monsieur Wilson apprend de madame Nisrin que la travailleuse a un projet de voyage pour l’été, soit d’aller en Turquie six semaines pour assister à un mariage.

[12]        Le 27 mai 2010, la travailleuse informe la CSST de son intention de partir en voyage en Turquie du 21 juin au 17 août 2010 et demande une autorisation. La travailleuse invoque la maladie de sa mère et mentionne avoir déjà acheté ses billets d’avion. La travailleuse dit que son médecin traitant sera en vacances et qu’elle ne recevra pas de traitements durant cette période.

[13]        Le 1er juin 2010, monsieur Wilson écrit que la travailleuse est devenue disponible à temps plein pour sa réadaptation, puisque le rapport final a été complété et qu’il n’y a pas de traitements additionnels. Au cours de cette rencontre, des clarifications sont données à la travailleuse concernant la démarche de réadaptation professionnelle qu’il convient de reproduire :

ASPECT PROFESSIONNEL :

 

T paraît désagréablement surprise et déçue lorsqu’on lui annonce la fin imminente de ses traitements. Elle demande ce qui adviendra de sa condition. Elle dit qu’elle avait des torticolis pendant des semaines, qu’elle ne peut pas faire quoique ce soit avec la douleur. T nous dit qu’elle est incapable d’accomplir aucune activité professionnelle et que son médecin est du même avis. Nous constatons qu’elle est limitée au plan cervical, mais qu’elle demeure tout de même avec des capacités résiduelles. Ses bras, ses jambes fonctionnent, elle a toute sa tête et conserve d’excellentes capacités cognitives. Ce sont sur ces éléments que nous misons pour l’aider à se réorienter professionnellement. T demeure sur l’impression qu’on pense qu’elle voyage parce qu’elle est en bonne santé. Nous clarifions notre intervention. On ne prétend pas qu’elle ne soit pas limitée au plan cervical, nous croyons plutôt que malgré ses limitations cervicales elle demeure capable d’accomplir certaines activités dont le voyage. À nos yeux, elle n’est pas invalide comme elle le prétend. T dit que son médecin décide du moment où elle est apte à la réadaptation et au travail. Nous lui rappelons la signification du rapport final et clarifions le rôle du médecin traitant et de la CSST. Son médecin établit l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles. La CSST détermine une capacité de travail et met en place les mesures de réadaptation qu’elle juge pertinente. Elle voit entre autres au respect des limitations fonctionnelles dans l’exercice de l’emploi convenable. En conservant atteinte et limitations, elle aura besoin de réadaptation.

 

Nous lui demandons de nous expliquer les pistes d’emploi qui ont été identifiées avec Nisrin. T confirme son intérêt pour les pistes de secrétaire et d’assistant technique en pharmacie ainsi que les formations qui y sont rattachées. Elle confirme qu’elle devra faire également ses équivalences d’études hors-Québec. Nous lui expliquons qu’il convient de commencer à préparer ses démarches dès maintenant puisqu’il y a des délais reliés au traitement de l’équivalence, à l’inscription à l'école. La majorité de ces formations débutent en septembre. De plus, son absence ne lui permettra pas de préciser son choix professionnel ni de poursuivre la démarche d’orientation avec Nisrin. Nous doutons qu’en revenant le 17 août, elle aura le temps de se préparer pour un retour à l'école. Nous trouvons regrettable qu’elle s’absente pour 7 semaines puisque nous sommes disposés à l’appuyer avec des mesures de réadaptation. Nous lui expliquons que sa responsabilité est de se montrer disponible pour les mesures de réadaptation et qu’elle ne pourra pas s’en prévaloir. Dans ces circonstances, nous l’informons que nous allons devoir suspendre ses IRR du 21 juin au 17 août 2010 pendant la durée de son voyage. T demande qu’on lui remette une copie de la lettre de décision de suspension. Nous l’informons que la décision sera rendue lorsque la suspension deviendra effective soit le 21 juin.

 

ASPECT PSYCHOSOCIAL :

 

Nous désirons clarifier avec T le motif de son voyage. Elle a d’abord mentionné à Nisrin qu’elle partait pour assister au voyage de sa sœur. Par la suite, elle a dit qu’elle quittait parce que sa mère était malade. Aujourd’hui, elle mentionne qu’elle veut aller voir ses parents parce que ce serait aidant pour son moral. T mentionne qu’il ne s’agit pas du mariage de sa sœur, mais de la sœur de son mari. Elle dit qu’elle s’est peut-être mal exprimée, mais sa sœur en Turquie n’est pas en âge de se marier. Quant à sa mère, elle nous dit qu’elle sera peut-être opérée à l’estomac. Elle ne peut pas nous en dire plus sur sa condition. T dit qu’elle s’ennuie. Elle veut voir ses parents. C’est légitime, mais il n’appartient pas à la CSST de soutenir une telle démarche personnelle. Nous souhaiterions qu’elle établisse plus de transparence dans ses contacts avec nous. Le fait que les motifs du voyage changent, qu’elle nous mette devant le fait accompli quant à son départ de 7 semaines (n’a pas demandé de permission ou d’autorisation, n’a pas demandé notre avis) nous amène à nous questionner sur sa motivation à être aidé pour un retour au travail. T dit que c’est son mari qui a acheté les billets, qu’elle n’a pas pris la décision elle-même. Il n’en demeure pas moins qu’elle n’a jamais demandé notre avis sur son départ.

 

[…] [sic]

 

 

[14]        Le 11 juin 2010, monsieur Wilson rapporte la conversation suivante qu’il a eue avec le représentant de la travailleuse :

Félix Lapan, représentant de T à l’UTTAM désire obtenir plus d’informations sur les raisons évoquées pour suspendre les IRR de T lors de son départ pour la Turquie du 21 juin au 17 août. Nous l’informons qu’un processus d’exploration professionnelle est en cours avec une ressource externe, la Maisonnée. T ne sera pas disponible pour le compléter et par le fait même se prévaloir de la mesure de réadaptation. Son médecin a complété le rapport final nous indiquant qu’elle conservera atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Le dossier de T est accepté en maladie professionnelle et l’analyse de la situation démontre que T aura besoin de services de réadaptations professionnelles et qu’elle n'aura pas la capacité de refaire son emploi pré-lésionnel. Son médecin avait déjà établi un REM par le passé et lui avait octroyé une classe 4 pour la région cervicale.

 

M.Lapan mentionne que nous ne pouvons pas suspendre T en vertu de 142 parce que la mesure de réadaptation ne fait pas partie d’un plan individualisé de réadaptation et parce que les limitations fonctionnelles permanentes ne sont pas encore connues. Selon lui l’intervention précoce est une façon de faire de la CSST, mais elle n’est pas balisée par la loi. S'il y a temps où T peut s’absenter dans le traitement de son dossier c’est à ce stade-ci soit entre le rapport final et le REM. Nous n’avons pas besoin de la connaissance exacte des limitations fonctionnelles pour établir la nature de ses besoins. T aura besoin de services de réadaptations professionnelles qui ont déjà été mis place, son absence fait en sorte qu’elle n'est pas disponible pour s’en prévaloir et retarde le processus de réadaptation. T ne pourra pas finaliser son choix professionnel et voir le cas échéant à son inscription pour un programme de formation. Pour ces raisons, nous allons suspendre les IRR de T pour la durée de son absence.

 

[sic]

 

 

[15]        Le 21 juin 2010, monsieur Wilson mentionne aux notes évolutives qu’il a appelé la travailleuse pour l’informer de la décision de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu pour la durée du voyage.

[16]        À l’audience, la travailleuse a témoigné sur les circonstances entourant son voyage en Turquie.

[17]        Elle confirme être partie du 21 juin au 17 août 2010.

[18]        Elle précise que la sœur de son mari s’est mariée en Turquie le 8 août 2010, mais qu’elle est allée plutôt parce que sa mère était malade, bien qu’elle confirme avoir assisté au mariage. Elle a pris cette décision avant d’avoir l’autorisation de la CSST, car elle savait qu’elle ne manquerait pas de traitements, d’après ce que le docteur Chartrand lui avait dit.

[19]        La travailleuse allègue que sa mère était malade et a subi une intervention chirurgicale à l’abdomen durant l’été, sans se souvenir de la date de l’intervention. Sa mère habite avec son père et sa jeune sœur de 22 ans.

[20]        Sa mère a été hospitalisée durant quatre à cinq jours. Ensuite, elle a été en convalescence durant deux à trois semaines. Elle devait avoir de l’aide pour ses déplacements et dans la maison. La travailleuse admet que sa sœur et son père pouvaient aider sa mère lors de la convalescence, mais qu’elle voulait être présente auprès d’elle.

[21]        La travailleuse mentionne à l’audience avoir tenté d’obtenir un certificat médical prouvant que sa mère a été opérée en juillet, mais que, le médecin revenait tout juste de vacances le jour de l’audience. La soussignée a donné un délai à la travailleuse pour produire ce certificat. À la place, la travailleuse envoie une lettre pour expliquer que le chirurgien qui a effectué l’opération de sa mère en juillet a été transféré dans une autre région du pays, ce qui l’a empêché d’obtenir un certificat prouvant l’opération. À la place, la travailleuse envoie un certificat d’un autre médecin, le docteur Can Kese, qui affirme que la mère de la travailleuse a subi une seconde opération en date du 21 janvier 2011 sans préciser la date de la première intervention.

[22]        Durant son séjour en Turquie, la travailleuse affirme avoir résidé chez ses parents et chez les parents de son mari à 60 kilomètres de la résidence de ses parents.

[23]        La travailleuse soumet à l’audience une demande de remboursement de frais qui démontre qu’il n’y a pas eu de demande de remboursement après le 21 juin 2010.

[24]        La travailleuse allègue que la CSST ne pouvait suspendre l’indemnité de remplacement du revenu, puisqu’elle n’a pas entravé son plan de réadaptation qui n’avait pas vraiment été établi, puisque les limitations fonctionnelles n’étaient pas encore déterminées par le médecin traitant, ce qui empêchait la CSST de faire un plan individualisé. En l’absence de ce plan, la suspension n’était pas valide.

[25]        Elle se fonde sur une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Dupuis et Chemins de fer nationaux du Canada[1] dans laquelle la Commission des lésions professionnelles a déterminé que la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu était prématurée, puisque le médecin traitant n’avait pas encore établi les séquelles de la lésion professionnelle et qu’il était impossible pour la CSST de déterminer la réadaptation du travailleur, plus particulièrement le plan individualisé de réadaptation en vertu des articles 146 et 147 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi).

[26]        De plus, la travailleuse estime qu’elle n’a entravé aucune mesure de réadaptation durant son absence.

[27]        C’est en se fondant sur ces éléments que la Commission des lésions professionnelles doit rendre sa décision.

L’AVIS DES MEMBRES

[28]        La membre issue des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête présentée par la travailleuse.

[29]        La preuve est contradictoire sur plusieurs aspects et la travailleuse a pris sa décision sans chercher à obtenir d’abord l’autorisation de la CSST, de sorte que les billets d’avion étaient déjà achetés.

[30]        La preuve révèle que des démarches d’exploration professionnelle étaient entamées et que la travailleuse, en décidant de partir, faisait en sorte qu’elle ne pouvait y participer.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[31]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST était bien fondée de suspendre l’indemnité de remplacement du revenu durant l’absence de la travailleuse du 21 juin au 18 août 2010.

[32]        L’article 142 de la loi détermine dans quelles circonstances la CSST peut suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

 

[33]        Après appréciation de la preuve, la soussignée est d’avis de rejeter la requête de la travailleuse pour les motifs qui suivent.

[34]        Dans un premier temps, il faut souligner que des éléments de la preuve sont contradictoires et affaiblissent la force probante des motifs présentés par la travailleuse.

[35]        Il appert du dossier que ce n’est pas la première fois que la travailleuse se déplace en Turquie durant la période estivale. D’après les notes évolutives, monsieur Wilson apprend de madame Nisrin que la travailleuse a prévu aller en Turquie et que son projet de voyage est avancé. Elle doit assister au mariage de la sœur de son mari.

[36]        Le 27 mai 2010, la travailleuse demande une autorisation à la CSST pour se rendre en Turquie, mais ses billets d’avion sont déjà achetés. Elle invoque cette fois la maladie de sa mère.

[37]        De la lecture des notes évolutives, la travailleuse mentionne surtout vouloir revoir sa mère et vouloir passer du temps avec elle. Elle ne donne pas de détail sur l’intervention chirurgicale et les besoins de sa mère à cet égard. Dans son témoignage à l’audience, elle explique que sa sœur et son père étaient en mesure d’aider sa mère durant sa convalescence. À l’audience, elle mentionne n’avoir pu fournir de certificat médical quant à l’intervention, puisque le chirurgien venait de revenir de vacances. Après avoir obtenu un délai pour produire le certificat, la travailleuse apprend que le chirurgien a quitté pour une autre région. Elle fournit alors un autre certificat attestant que sa mère est opérée en janvier 2011 pour une seconde fois sans pour autant préciser si la chirurgie a eu lieu en juillet 2010.

[38]        La travailleuse admet avoir assisté au mariage de la sœur de son mari et avoir séjourné dans les deux familles durant son séjour, celle de ses parents et de ses beaux-parents.

[39]        La soussignée retient de la preuve que la travailleuse a fait ses plans de voyage avant d’obtenir l’autorisation de la CSST et a tenté de justifier ses déplacements par la suite pour éviter la suspension de l’indemnité de remplacement du revenu. Les raisons invoquées ne sont pas constantes.

[40]        La soussignée établit des distinctions avec l’affaire Dupuis[3] invoquée par la travailleuse. Dans le présent cas, la travailleuse avait été admise en réadaptation, tel que le démontre la décision rendue le 14 juin 2010.

[41]        La travailleuse allègue que la CSST ne pouvait établir un plan individualisé de réadaptation, puisque ses limitations fonctionnelles n’étaient pas encore connues.

[42]        En l’espèce, tant le docteur Chartrand que le docteur Dupuis, médecin désigné par la CSST, étaient d’avis qu’elle demeurait avec des limitations fonctionnelles pour la colonne cervicale qui ont été précisées par le docteur Dupuis comme étant des limitations fonctionnelles de la classe II de l’IRSST. Même si le docteur Dupuis n’est pas le médecin traitant, la CSST pouvait dès lors prévoir des mesures de réadaptation, puisqu’il était prévisible qu’elle éprouverait des difficultés de retour au travail dans son emploi.

[43]        Une démarche d’exploration professionnelle, à laquelle la travailleuse s’est engagée, était en cours lorsqu’elle a décidé de partir en Turquie.

[44]        Le fait que la travailleuse n’ait plus de traitements ne signifie pas qu’elle pouvait s’absenter sans avoir l’autorisation de la CSST, puisque la preuve démontre qu’une démarche d’exploration professionnelle était en cours depuis le mois de janvier 2010. Au contraire, le fait que la lésion professionnelle ait été consolidée sans autres traitements la rendait encore plus disponible pour la démarche de réadaptation.

[45]        La jurisprudence a reconnu dans certains cas que le déplacement à l’étranger dans certaines circonstances n’entravait pas le cours de la réadaptation[4]. Toutefois, les faits de la présente affaire se présentent davantage comme ceux de l’affaire Bella et Joseph Ribkof inc.[5] dans laquelle la Commission des lésions professionnelles a décidé de maintenir la décision de suspension de l’indemnité de remplacement du revenu. La Commission des lésions professionnelles a considéré que le voyage avait été planifié bien avant d’en informer la CSST de sorte qu’il s’agissait plutôt d’un fait accompli que d’une autorisation. De plus, les raisons invoquées pour justifier le déplacement avaient changé en cours de route.

[46]        Pour ces motifs, la Commission des lésions professionnelles considère que les motifs soumis par la travailleuse ne sont pas valables dans les circonstances.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de madame Emine Hatin Ahikoc, la travailleuse;

CONFIRME la décision rendue le 21 octobre 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;


DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail était bien fondée de suspendre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à madame Emine Hatin Ahikoc à compter du 21 juin 2010 jusqu’à son retour.

 

 

 

__________________________________

 

Anne Vaillancourt

 



[1]           C.L.P. 241175-62-0408, 11 février 2005, G. Godin.

[2]          L.R.Q. c. A-3.001.

[3]           Précitée, note 1.

[4]           Gonzalez et Manufacture lingerie Château inc., C.L.P. 176341-71-0201, 28 novembre 2002, B. Roy; Rivera et Les vêtements Adorable Junior inc., C.L.P. 281897-71-0602, 29 septembre 2006, Anne Vaillancourt; Iqbal et Revêtements Polyval inc., C.L.P. 289230-71-0605, 27 novembre 2006, L. Crochetière.

[5]           C.L.P. 270426-72-0509, 21 octobre 2005, Y. Lemire

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