Décision

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Modèle de décision CLP - avril 2013

Minville et Xstrata Cuivre - Fonderie Horne

2013 QCCLP 6233

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Gatineau

25 octobre 2013

 

Région :

Québec

 

Dossier :

442452-31-1106

 

Dossier CSST :

136179983

 

Commissaire :

Suzanne Séguin, juge administrative

 

Membres :

Suzanne Blais, associations d’employeurs

 

Pierre Lessard, associations syndicales

 

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Marc Minville

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Xstrata Cuivre- Fonderie Horne

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 7 mars 2013, monsieur Marc Minville (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue le 23 janvier 2013 par la Commission des lésions professionnelles.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête du travailleur, confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 23 juin 2011, déclare que le diagnostic de la lésion dont souffre le travailleur est celui de sarcoïdose et que le travailleur n’est pas atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire.

[3]           L’audience sur la présente requête s’est tenue le 14 juin 2013 à Québec en présence du travailleur qui se représente seul. Xstrata Cuivre - Fonderie Horne (l’employeur) est représenté à l’audience par maître Jacques Rousse. Le tribunal a autorisé l’employeur à produire des commentaires écrits concernant l’inhabilité du premier juge administratif soulevée par le travailleur à l’audience sur la présente requête en révision.

[4]           Maître Rousse a fait parvenir ses commentaires le 10 juillet 2013 et le travailleur a fait de même le 8 août 2013. La cause est mise en délibéré le 4 septembre 2013, soit au moment où la soussignée est informée que maître Rousse ne produira pas de réplique.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[5]           Le travailleur demande de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 23 janvier 2013 et de déclarer qu’il est atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire.

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales rejetteraient la requête du travailleur, car ils estiment que ce dernier n’a pas démontré, par une preuve prépondérante dont le fardeau lui incombe, que la décision du premier juge administratif est entachée d’une quelconque erreur manifeste et déterminante constituant un vice de fond de nature à l’invalider; le travailleur recherchant plutôt une réappréciation de la preuve.

[7]           Ils sont aussi d’avis que le premier juge administratif n’avait pas à se récuser, car la charge qu’il a occupée antérieurement auprès de la CSST ne le rendait pas inhabile à entendre la cause du travailleur.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue le 23 janvier 2013.

[9]           L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :

 

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[10]        Par ailleurs, une décision de la Commission des lésions professionnelles pourra être révisée ou révoquée selon les conditions strictes de l’article 429.56 de la loi :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[11]        Cet article permettant la révision ou la révocation d’une décision a une portée restreinte et doit être interprété restrictivement en tenant compte des objectifs visés à l’article 429.49 de la loi afin d’assurer la stabilité juridique des décisions rendues par le tribunal[2].

[12]        Donc, afin de réussir dans son recours en révision ou en révocation, la partie devra démontrer, par une preuve prépondérante dont le fardeau lui incombe, l’un des motifs énumérés à l’article 429.56 de la loi.

[13]        Dans la présente affaire, le travailleur invoque le troisième paragraphe de l’article 429.56, soit un vice de fond de nature à invalider la décision.

[14]        Dans l’affaire Bourassa[3], la Cour d’appel rappelle que la notion de vice de fond peut englober une pluralité de situations. Elle ajoute que :

[21]      La notion [de vice de fond] est suffisamment large pour permettre la révocation de toute décision entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige. Ainsi, une décision qui ne rencontre pas les conditions de fond requises par la loi peut constituer un vice de fond.

 

[22]      Sous prétexte d'un vice de fond, le recours en révision ne doit cependant pas être un appel sur la base des mêmes faits. Il ne saurait non plus être une invitation faite à un commissaire de substituer son opinion et son appréciation de la preuve à celle de la première formation ou encore une occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments(4).

_______________

(4)    Yves Ouellette. Les tribunaux administratifs au Canada : procédure et preuve. Montréal : Éd. Thémis, 1997. P. 506-508 ; Jean-Pierre Villagi. « La justice administrative », dans École du Barreau du Québec. Droit public et administratif. Volume. 7 (2002-2003). Cowansville : Y.  Blais, 2002. P. 113, 127-129.

 

 

[15]        Le vice de fond de nature à invalider une décision a été interprété par la Commission des lésions professionnelles comme étant une erreur manifeste de fait ou de droit ayant un effet déterminant sur l’objet de la contestation. Il peut s’agir, entre autres, d’une absence de motivation, d’une erreur manifeste dans l’interprétation des faits lorsque cette erreur constitue le motif de la décision ou qu’elle joue un rôle déterminant, du fait d’écarter une règle de droit qui est claire ou du fait de ne pas tenir compte d’une preuve pertinente[4].

[16]        Dans l’affaire Franchellini précitée, la Commission des lésions professionnelles précisait que « la révision pour cause n’est pas un appel et il n’est pas permis à un commissaire qui siège en révision de substituer son appréciation de la preuve à celle qui a été faite par le premier commissaire »; ce recours ne peut constituer un appel déguisé étant donné le caractère final des décisions du tribunal.

[17]        La jurisprudence énonce aussi que ce recours en révision pour vice de fond ne doit pas être l’occasion pour une partie de compléter ou de bonifier la preuve ou l’argumentation déjà soumise[5].

 

[18]        La Cour d’appel souligne que la décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision[6]. Elle invite donc la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d’une très grande retenue, c’est ce que souligne la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation[7] alors qu’elle s’exprime ainsi :

[22]      Toutefois, l’invitation à ne pas utiliser la notion de vice de fond à la légère et surtout l’analyse et l’insistance des juges Fish et Morrissette sur la primauté à accorder à la première décision et sur la finalité de la justice administrative, invitent et incitent la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d’une très grande retenue. La première décision rendue par la Commission des lésions professionnelles fait autorité et ce n'est qu'exceptionnellement que cette décision pourra être révisée. Pour paraphraser le juge Fish dans l’affaire Godin16, que ce soit pour l’interprétation des faits ou du droit, c’est celle du premier décideur qui prévaut.

__________

16                   Précitée, note 8.

 

 

[19]        Par ailleurs, une divergence d’opinions quant à l’interprétation du droit ne constitue pas un motif de révision[8].

[20]        Devant le présent tribunal siégeant en révision, le travailleur allègue que le premier juge administratif était inhabile à entendre sa cause étant donné qu’avant son entrée en fonction à la Commission des lésions professionnelles, ce dernier occupait un poste à la CSST. Il prétend aussi que la décision du premier juge administratif est entachée d’une multitude d’erreurs de fait et de droit constituant des vices de fond et de procédure de nature à l’invalider. Nous y reviendrons.

[21]        À ce stade-ci, il est nécessaire de mettre en contexte cette saga qui perdure depuis le 1er octobre 2002 alors que le travailleur dépose une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 20 septembre 2002 à la suite d’une révision administrative.

[22]        Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 10 juillet 2002 et déclare que le travailleur, analyste de laboratoire à l’usine de Noranda à Gaspé depuis 1974, ne souffre pas d’une maladie professionnelle pulmonaire de bérylliose et qu’il n’a pas droit aux indemnités prévues par la loi.

[23]        Le 7 octobre 2004, la Commission des lésions professionnelles tient une audience et le 1er novembre 2005, elle émet une ordonnance par laquelle elle demande à la CSST de permettre à monsieur Marc Minville d’obtenir des tests pulmonaires en regard avec sa maladie pulmonaire, notamment des tests de prolifération lymphocytaire dans un établissement de santé universitaire (McGill ou autre) et de défrayer la totalité des coûts relatifs à ces examens et à ces tests.

[24]        Le tribunal réfère alors à l’avis du Comité des maladies professionnelles pulmonaires du 15 mars 2003 présidé par trois pneumologues qui écrivent que :

CONCLUSION ET COMMENTAIRES :  Monsieur Minville fut exposé au béryllium. Il est connu porteur d’une sarcoïdose. L’investigation qui a été faite à Denver n’a pas permis de démontrer qu’il souffrait d’une bérylliose.

 

Nous avons longuement discuté avec monsieur Minville. Ce dernier s’interroge d’une part sur la qualité des tests effectués à Denver et aimerait que l’on répète l’investigation. Nous nous en remettons aux autorités administratives de la CSST à ce sujet.

 

D’autre part, monsieur Minville nous a mentionné qu’il avait été exposé à diverses autres substances dans le cadre de son emploi. Il aimerait qu’on demande, chose que nous faisons, qu’une enquête industrielle soit effectuée. Il a précisé qu’il avait été exposé à différentes substances durant sa vie professionnelle. Nous aimerions donc qu’une enquête industrielle soit faite afin d’éliminer l’existence d’une substance particulière pouvant être à l’origine des anomalies notées au niveau pulmonaire.

 

RÉVISION SOUHAITABLE?  Non, à moins d’éléments nouveaux du dossier.

 

Le dossier pourra nous être soumis à nouveau dès que le rapport d’enquête industrielle aura été fait. S’il est investigué dans un autre milieu pour la possibilité d’une bérylliose et que les conclusions sont différentes que celles de Denver, le dossier devra nous être soumis à nouveau pour révision.

 

 

[25]        Le 13 décembre 2005, l’employeur dépose une requête en révision ou en révocation à l’encontre de l’ordonnance émise par la Commission des lésions professionnelles et le 26 janvier 2007, cette requête est rejetée.

[26]        Le 18 mars 2007, le travailleur écrit au premier commissaire que son pneumologue, le docteur Cantin, estime que les tests ordonnés sont inutiles « puisqu’un patient porteur d’une bérylliose a très peu de chance d’avoir des examens positifs après cinq ans de non-exposition au béryllium ».

[27]        L’audience du 7 octobre 2004 se prolonge les 23 janvier 2007, 16 juillet 2007 et 30 octobre 2007 et la Commission des lésions professionnelles reconnaît dans sa décision du 1er mai 2008 que le travailleur souffre d’une maladie professionnelle pulmonaire. Le premier commissaire s’exprime ainsi :

[41]      Dans le présent dossier, la preuve factuelle plaide en faveur d’une exposition significative au béryllium et d’une pathologie pulmonaire tout à fait compatible avec le type d’exposition en cause. Les doutes soulevés quant à la fiabilité des tests ou concernant la possibilité que le travailleur soit porteur de la bérylliose par les docteurs Pierre Bergeron, Raymond Bégin et André Cantin plaide aussi en faveur de la reconnaissance de la maladie pulmonaire professionnelle, même s’ils ne peuvent l’affirmer.

 

[42]      Le soussigné préfère une approche plus pragmatique en considérant l’ensemble des éléments qui plaide en faveur de la reconnaissance, sans pour autant être certain à 100 % mais raisonnablement convaincu que la preuve permet de conclure que le travailleur présente une maladie pulmonaire professionnelle en raison de son exposition au béryllium.

 

 

[28]        L’employeur dépose une requête en révision de cette décision qui est entendue le 17 novembre 2008. La Commission des lésions professionnelles retient dans sa décision du 12 décembre 2008 que le premier commissaire s’est fondé sur les trois éléments suivants pour conclure que le travailleur souffre d’une maladie pulmonaire professionnelle :

-         le travailleur a été exposé au béryllium;

 

-         la bérylliose et la sarcoïdose présentent de nombreuses similarités;

 

-         les tests de dépistage de la sensibilisation au béryllium chez le travailleur étaient probablement faussement négatifs.

 

 

[29]        La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision considère que le premier commissaire ignore des pans essentiels de la preuve qui lui a été présentée, en l’occurrence le témoignage non contredit du docteur Lee Newman, pneumologue et immunotoxicologue, et celui de madame Pauline Brousseau, docteure en immunologie fondamentale. Le tribunal s’exprime ainsi :

[45]      En espèce, la commissaire soussignée constate que le premier commissaire ne disposait d’aucune preuve médicale affirmant que le travailleur souffre d’une bérylliose. Les seuls avis médicaux, au nombre de dix, sont à l’effet qu’il souffre d’une sarcoïdose.

 

[46]      Tel qu’indiqué précédemment, le premier commissaire disposait au surplus des résultats de tests de dépistage d’une sensibilisation au béryllium qui se sont tous avérés négatifs. Ces tests ont été effectués entre le 30 août 2000 et le 3 octobre 2002. Le premier commissaire disposait également des résultats d’un test de dépistage par lavage broncho-alvéolaire, effectué le 15 mai 2001. Ce test s’est également avéré négatif.

 

[47]      La preuve révélait également que les résultats obtenus lors des tests de dépistage sanguin administrés au travailleur sont très éloignés de la zone douteuse, que les échantillons sanguins testés avaient une réactivité normale et donc que les résultats obtenus sont fiables suivant les standards appliqués en la matière.

 

[48]      Le premier commissaire a donc écarté de facto toute cette preuve non contredite, en se fondant uniquement sur la probabilité juridique que les tests soient faussement négatifs chez le travailleur, vu les résultats d’une étude démontrant une probabilité statistique de faux négatifs de 0,24 % après quatre tests.

 

 

[30]        La juge administrative estime que la décision du premier commissaire est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider et qu’il y a lieu de la réviser. Procédant à réviser cette décision, elle conclut que le travailleur n’a pas démontré qu’il est atteint d’une maladie visée à l’annexe 1, car il n’a pas prouvé, par une preuve prépondérante, qu’il souffre d’une bérylliose et que la preuve prépondérante démontre plutôt qu’il souffre d’une sarcoïdose, puisque c’est le diagnostic retenu par tous les pneumologues qui l’ont examiné depuis 1983.

[31]        Finalement, le tribunal conclut ainsi :

[63]      Rien n’empêche le travailleur de présenter une autre réclamation à la CSST s’il est en mesure ultérieurement de démontrer qu’il est devenu sensibilisé au béryllium. Dans l’état actuel du dossier, le tribunal ne peut faire droit à sa réclamation.

 

 

[32]        Le travailleur se pourvoit en révision contre cette décision et sa requête est entendue le 18 novembre 2009. Il allègue que cette dernière décision doit être révisée, puisque la juge administrative a substitué à une première opinion ou interprétation des faits, sa propre opinion sur ces questions.

[33]        La Commission des lésions professionnelles conclut dans sa décision du 7 janvier 2010 qu’il n’y a pas ouverture à révision de la décision rendue le 12 décembre 2008, car les motifs pour lesquels la décision du 1er mai 2008 est révisée sont bien exposés et que le travailleur n’a démontré aucun motif de révision.

[34]        Quelques mois plus tard, soit le 16 mars 2010, le travailleur présente une réclamation à la CSST pour une récidive, une rechute ou une aggravation alléguant une détérioration de sa condition pulmonaire. Cette réclamation, traitée par la CSST comme étant une réclamation pour maladie professionnelle pulmonaire, est appuyée du rapport médical du docteur Éric Ouellet, omnipraticien, qui pose le diagnostic de bérylliose. Il dirige le travailleur vers un pneumologue.

[35]        Par la suite, le dossier est acheminé au Comité des maladies professionnelles pulmonaires, comme prévu à la loi. Ce comité rend son avis le 14 janvier 2011 ne reconnaissant pas de maladie professionnelle pulmonaire. Cet avis est entériné par le Comité spécial des présidents.

 

[36]        Le 8 mars 2011, la CSST donne suite à l’avis du Comité spécial des présidents. Elle retient le diagnostic de sarcoïdose pulmonaire et refuse la réclamation du travailleur en l’absence de relation entre cette maladie et le travail. Cette décision est maintenue à la suite d’une révision administrative le 23 juin 2011. Le 27 juin 2011, le travailleur dépose une requête par laquelle il conteste cette décision.

[37]         Une audience se tient à Québec les 27 et 28 février 2012 ainsi que les 16, 17 et 18 juillet 2012 en présence du travailleur et de son représentant, maître Serge Bouchard, et de maître Jacques Rousse, représentant de l’employeur.

[38]        Lors de cette audience, le travailleur est entendu ainsi que ses témoins, madame Anne Odonnell, hygiéniste industrielle, et la docteure Alice Turcot, omnipraticienne spécialisée en médecine du travail. Le docteur Lee Newman, pneumologue, et madame Pauline Brousseau, docteure en immunologie fondamentale, témoignent à nouveau pour le compte de l’employeur.

[39]        Les parties déposent aussi de la littérature médicale. Le travailleur dépose 133 articles de nature médicale et l’employeur en dépose 58.

[40]        Après avoir reçu les argumentations écrites des parties et une réplique de la part du représentant du travailleur, la cause est mise en délibéré et, le 23 janvier 2013, le premier juge administratif rend sa décision qui fait état de la preuve documentaire et des témoignages entendus lors des cinq jours d’audiences. Cette décision de 58 pages comporte 338 paragraphes.

[41]        Le premier juge administratif doit trancher une question préliminaire soumise par l’employeur. Cette question est rapportée de la façon suivante dans sa décision :

[231]    Il [l’employeur] prétend en effet que la réclamation du travailleur est irrecevable puisque le tribunal s’est déjà prononcé antérieurement sur la question en litige. Conséquemment, selon lui, la Commission des lésions professionnelles ne possèderait pas la juridiction nécessaire pour disposer de la contestation, eu égard aux principes applicables à la règle de la chose jugée ou à celle du caractère final et irrévocable d’une décision rendue antérieurement.

 

 

[42]        Après avoir rappelé la jurisprudence en la matière, le premier juge administratif écrit ce qui suit :

[248]    Ainsi, dans le cadre du débat antérieur qui a fait l’objet d’une décision finale, la Commission des lésions professionnelles a disposé de la question au cœur du présent litige: le travailleur souffre-t-il d’une sarcoïdose ou d’une bérylliose causée par une exposition au béryllium?

 

[249]    Or, la réclamation de 2010 vise la même période d’exposition, de 1974 à 2002, dans le même milieu de travail, à partir d’une preuve médicale presque identique.

 

[250]    En effet, en dehors des opinions au soutien de la théorie de cause respective des parties, le seul élément médical objectif qui n’a pas été pris en compte lors de la réclamation du 22 janvier 2002 est le rapport produit à la suite d’un examen par tomodensitométrie, le 28 février 2010. Cet examen démontre une aggravation de la condition du travailleur.

 

[251]    Toutefois, cet examen n’a aucune incidence sur l’issue de la réclamation présentée le 16 mars 2010. En effet, les experts des parties s’entendent sur le fait qu’un tel examen ne permet pas de différencier une sarcoïdose de la bérylliose. Conséquemment, ce seul fait médical nouveau n’a pas de force probante aux fins de l’analyse à laquelle doit se livrer le tribunal pour décider du diagnostic et de l’admissibilité de la réclamation produite.

 

[252]    Il en est de même quant au diagnostic de bérylliose posé par le docteur Ouellet le 12 mars 2010, vu les circonstances dans lesquelles il fut retenu.

 

[…]

 

[260]    Ainsi, le tribunal estime que le travailleur tente de faire indirectement ce qu’il ne peut pas faire directement, c’est-à-dire soumettre à nouveau une demande pour refaire un débat sur l’existence d’une bérylliose à titre de maladie professionnelle, sans qu’il n’ait apporté une preuve médicale nouvelle objective démontrant qu’il est sensibilisé au béryllium ou qu’il n’ait été soumis à une nouvelle exposition à ce métal dur.

 

[…]

 

[264]    De l’avis du tribunal, ces éléments faisaient déjà partie des arguments soulevés par le travailleur dans le processus de contestation des décisions rendues lors de sa première réclamation. Ils ne sont pas nouveaux. En ce sens, la littérature déposée, bien sûr mise à jour, ne constitue tout simplement que des éléments additionnels visant à bonifier une preuve présentée lors de la réclamation antérieure.

 

[265]    Quant aux opinions des médecins, elles se fondent sur des faits connus ou qui étaient susceptibles d’être connus lors de la première réclamation31.

 

[266]    De façon générale et habituelle, en pareilles circonstances, vu particulièrement l’absence de faits nouveaux essentiels au dossier, le tribunal ne pourrait écarter le caractère final et irrévocable de la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 12 décembre 2008 et confirmée le 7 janvier 2010 et se saisir à nouveau du dossier.

 

­­__________

[Références omises]

 

 

[43]        Il faut donc comprendre que le premier juge administratif accueillerait ce moyen préliminaire, mais qu’il décide tout de même d’analyser le fond de la réclamation pour les motifs qu’il expose aux paragraphes suivants :

[267]    Malgré tout, il est toutefois d’avis que la nature très particulière du dossier soumis lui commande d’analyser le fond de la réclamation.

 

[268]    D’une part, en première instance, dans le traitement du dossier du travailleur, la CSST a agi sans se soucier de la question préliminaire soumise par l’employeur. Elle a dirigé le dossier aux instances appropriées pour qu’elles se prononcent au fond sur la réclamation soumise.

 

[269]    D’autre part, ma collègue Tardif donnait au travailleur l’opportunité de faire revoir son dossier s’il devenait sensibilisé au béryllium.

 

[270]    Enfin, le travailleur lutte depuis plusieurs années pour faire reconnaître sa lésion, à titre de maladie professionnelle. Il a investi beaucoup d’énergies de toutes natures à cette fin. Une décision au stade préliminaire risquerait d’être perçue comme une injustice, d’autant plus qu’en prenant la question de l’employeur sous réserves, le tribunal a donné aux parties l’occasion de faire valoir tous leurs moyens.

 

[271]    C’est pourquoi, le tribunal entend se livrer à l’analyse et l’examen de la preuve, aux fins de décider du diagnostic et du caractère professionnel de la lésion dont est porteur le travailleur.

 

 

[44]        Quant au fond, le premier juge administratif estime qu’« en l’absence d’une  démonstration qu’il est sensibilisé au béryllium, le tribunal estime que le travailleur n’a pas prouvé, de façon prépondérante, que le diagnostic doit être celui de bronchopneumopathie causée par le béryllium » et il retient que le travailleur souffre d’une sarcoïdose.

[45]        Dès lors, il en conclut que le premier élément constitutif de la présomption n’a pas été prouvé et qu’elle ne peut ainsi s’appliquer. D’autre part, le travailleur n’a pas démontré que sa maladie est caractéristique du travail ou reliée aux risques particuliers de son travail.

[46]        Par conséquent, le premier juge administratif rejette la requête du travailleur, déclare que la lésion dont souffre le travailleur est celle de sarcoïdose et qu’il n’est pas atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire.

[47]        D’entrée de jeu, le travailleur prétend devant le présent tribunal que le premier juge administratif n’est pas habile à décider de l’affaire qui lui est soumise, car il a déjà représenté la CSST, fait qu’il n’aurait appris que récemment.

[48]        Or, comme le souligne maître Rousse dans ses commentaires écrits du 10 juillet 2012 et comme a pu le constater la soussignée après écoute de l’enregistrement du début de l’audience devant le premier juge administratif le 27 février 2012, ce dernier a dénoncé avoir représenté la CSST par le passé et plus précisément en 2004-2005 alors que celle-ci était mise en cause dans le cadre d’une requête du syndicat pour l’obtention de certains documents détenus par l’employeur et par le CLSC. Le premier juge administratif ajoute qu’il ne connaît pas l’issue du litige qui opposait les travailleurs à l’employeur et il ne se souvient pas de la décision rendue concernant la requête. Il informe les parties qu’il estime que cela n’est pas un motif suffisant pour se récuser, mais qu’il désire tout de même obtenir leurs commentaires.

[49]        C’est alors que maître Serge Bouchard, procureur du travailleur, informe le tribunal qu’il ne voit pas de problème à ce que le premier juge administratif entende la cause.

[50]        Dans ses commentaires écrits, le travailleur dit ne pas se souvenir de cette déclaration du premier juge administratif, car il était très nerveux et que son procureur ne l’a pas informé qu’il aurait pu demander la récusation du premier juge administratif avant de déclarer qu’il n’y avait pas de problème.

[51]        L’article 429.43 de la loi édicte que :

429.43.  Toute partie peut, à tout moment avant la décision et à la condition d'agir avec diligence, demander la récusation d'un membre saisi de l'affaire si elle a des motifs sérieux de croire qu'il existe une cause de récusation.

 

La demande de récusation est adressée au président. Sauf si le membre se récuse, la demande est décidée par le président, ou par un membre désigné par celui-ci.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[52]        Il appert de cet article que la partie qui désire soulever la partialité d’un membre du tribunal doit le faire promptement et que cela ne peut être fait au stade de la révision[9]. D’autant plus que, dans la présente affaire, le premier juge administratif a pris le soin de dénoncer son implication à la CSST et a permis aux parties de faire leurs commentaires à cet égard.

[53]        Le travailleur allègue ne pas se souvenir de cette dénonciation et de ne pas avoir été informé par son procureur de la possibilité de demander la récusation du premier juge administratif.

[54]        Il est bien tard pour désavouer son procureur et la soussignée estime que cela n’est pas convaincant alors que l’audience s’est poursuivie pendant cinq jours et que le travailleur a eu amplement l’opportunité de discuter avec son représentant, membre du Barreau du Québec.

[55]        À tout évènement, il ne peut y avoir crainte de partialité à l’égard du premier juge administratif au seul motif que ce dernier a déjà représenté la CSST avant d’être nommé à la Commission des lésions professionnelles.

[56]        Comme le mentionne la Cour supérieure dans l’affaire Pilote et Commission des lésions professionnelles[10], on peut s’attendre à ce que des juges administratifs de la Commission des lésions professionnelles aient déjà travaillé à la CSST et cela ne constitue pas un motif de récusation. Le juge Jacques Viens, s’exprime ainsi :

[24]      En effet, le demandeur reproche à la commissaire Johanne Landry d’avoir été présidente de Bureau de révision à la CSST de 1993 à 1998 avant de devenir commissaire en 1998.

 

[25]      Pourtant, il est prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, à l’article 387, que seuls peuvent être commissaires de la Commission des lésions professionnelles les personnes qui, outre les qualités requises par la loi, possèdent une expérience pertinente à l’exercice des fonctions de la Commission des lésions professionnelles.  On peut donc s’attendre à ce que plusieurs commissaires proviennent du milieu des relations de travail, syndical ou patronal6.  On peut aussi s’attendre à ce que des commissaires aient déjà travaillé à la CSST.

 

[26]      De plus, selon les dispositions de l’article 388, les commissaires sont nommés par le gouvernement parmi les personnes déclarées aptes suivant une procédure de recrutement et de sélection établie par règlement.  Enfin, l’article 412 de la loi prévoit qu’avant d’entrer en fonction, la commissaire prête serment d’exercer et accomplir impartialement et honnêtement, au meilleur de sa capacité et de ses connaissances, les pouvoirs et les devoirs de sa charge.  Il y a présomption d’impartialité7.

 

[27]      De toute évidence, les prétentions du demandeur quant à l’apparence de partialité de la commissaire Johanne Landry sont tardives et ne sont, de toute façon, pas fondées.

­__________

[Références omises]

 

 

[57]        Il en est de même dans la présente affaire. Les prétentions du travailleur sont tardives et non fondées.

[58]        Par la suite, le travailleur allègue que le premier juge administratif a commis des erreurs de fait et de droit graves et déterminantes et il conclut sa requête écrite et son argumentation en précisant qu’il a commis les erreurs suivantes :

Ne pas retenir le diagnostic posé par la docteure Turcot ainsi que son témoignage;

 

Ne pas retenir le diagnostic posé par la docteure Minville, pneumologue, parce qu’elle est la fille du travailleur;

 

Ne pas retenir le diagnostic posé par le docteur Lauzon, pneumologue;

 

Ne pas avoir accordé la présomption au travailleur;

 

Poser un diagnostic dans le dossier alors que cet acte est réservé aux médecins, et ce, sans tenir compte des documents déposés à la Commission des lésions professionnelles;

 

Ne pas faire la différence entre une opinion médicale et un diagnostic;

 

Refuser de reconnaître que le travailleur souffre de bérylliose alors que cette maladie a été diagnostiquée par des professionnels de la santé;

 

Ne pas avoir considéré que les tests sanguins sont invalides.

 

[59]        À l’appui de ses prétentions, le travailleur avance divers motifs qu’il présente dans sa requête écrite dont il reprend le contenu lors de son argumentation faite devant le présent tribunal. Étant donné la diversité et la nature des allégués contenus dans la requête, la soussignée estime opportun de les reproduire in extenso, et ce, malgré la longueur de cet extrait[11] :

Vice de fond

 

5) Pour les motifs ci-après exposés ,la décision du 23 janvier 2013 est entachée d’un vice de fond en ce qu’elle est manifestement déraisonnable et clairement irrationnelle;

 

6) En rendant sa décision, le tribunal a complètement écarté la preuve médicale à l’effet que le travailleur est porteur d’une maladie professionnelle;

 

7) Le tribunal écarte cette preuve alors que quatre (4) médecins ont diagnostiqué une maladie professionnelle, soit une bérylliose, ce qui est un élément nouveau au dossier du requérant.

 

8) Le tribunal écarte la preuve de l’épidémiologiste à l’effet que le Dr. Newman fait des erreurs dans ses calculs.

 

9) Le commissaire a fait preuve de complicité avec le représentant de l’employeur.

            Le tribunal n’a pas fait la différence entre un diagnostic médical et une opinion      médicale.

 

10) Le commissaire a très mal compris ce que je lui ai dit lors de mon témoignage. À vérifier avec les enregistrements.

 

11) Avec tous les éléments que je vais vous présenter, vous comprendrez que le commissaire n’a pas fait preuve d’impartialité et qu’il y a beaucoup de faussetés et de mauvaises interprétations.

 

12) Le témoignage du Dr. Newman est à discuter et n’est que de la supposition ainsi que celui de Mme Brousseau. J’y reviendrai.

 

13) Pour débuter, si je me réfère à la décision du commissaire en date du 23 Janvier 2013, vous constaterez à L’article 10 du document que l’avis des membres du tribunal est déjà prise avant que l’on commence à plaider. Quelle est la qualification des membres pour dire au point de départ que la preuve ne permet pas de retenir le diagnostic de bérylliose. Quelle est leur qualification ? Le commissaire et les membres du tribunal ne sont pas des spécialistes en médecine. Concernant la Dre Dominique Lejeune, elle était présente lorsque j’ai gagné ma cause devant le commissaire Lemire et je serais surpris qu’elle ait changé d’idée. Je pense que c’est une interprétation du commissaire Napert. Sous quelle article de loi, la CLP a le droit de diagnostiquer une maladie.?

 

14) À l’article 127 de la décision, il est inscrit que le travailleur produit une opinion du pneumologue Lauzon. C’est une grave erreur, le Dr Ghislain Lauzon est un spécialiste en pneumologie de Val d’Or, je vous dirais que c’est le spécialiste qui soigne le plus de patients atteint de Béryliose au Québec et il a rencontré des centaines de travailleurs exposés au Beryllium. Il a posé un diagnostic de Berylliose chronique après m’avoir rencontré à Val d’Or et m’avoir fait passer des examens. Le commissaire et le tribunal font une grave erreur en ne faisant pas la différence entre un diagnostic et une opinion médicale. Je demande à ce que le diagnostic de bérylliose chronique signé par le Dr. Lauzon soit retenu. Preuve que je suis allé à Val d’Or. Pièce jointe.

 

Témoignage du requérant

 

Art.136. Simplement pour rectifier et vous démontrer que le commissaire avait des difficultés d’interprétation ou à comprendre. On doit lire ce que j’ai dit et non ce qu’il a écrit. J’ai mentionné que je devais manipulé des matériaux de la fonderie, de la mine, des concentrés de cuivre provenant des autres mines qui arrivaient par bateau ou par camion. Certains concentrés pouvaient provenir du Nouveau Brunswick. J’avais à faire différentes analyses sur ces matériaux comme la teneur en Cuivre, Fer, Manganèse, Or, Argent, Mercure, Tellure, Beryllium ect. Avec l’aide d’instruments comme le Rayon —X, l’absorption atomique. Je devais préparer des standards de calibration tel que Cuivre, Béryllium ect.

 

16 ) Art. 138 On doit lire ce que j’ai dit et non ce que le commissaire interprète à compter de 1982, la mine à ciel ouvert a fermé de sorte que le travail des analystes a été modifié, Il a eu une diminution du nombre d’employés au laboratoire et non une augmentation. De plus, je n’ai pas dit que mon taux d’exposition aux poussières et à la fumée avait diminué, Enfin pour vous expliquer, la mauvaise interprétation ou compréhension du commissaire dans un dossier aussi important.

 

17) Art 146R: C’est l’employeur qui a contesté la décision du commissaire Lemire me demandant d’aller passer de nouveaux tests sanguins et suite à la décision de la Cour, la CSST n’a pas voulu défrayer les coûts pour que j’aille passer les tests sanguins. Pièce jointe.

 

18) Art 176R: Elle commente les diagnostics du Dr Minville, du Dr Lauzon qui sont deux pneumologues du Québec. Encore une fois ,ce ne sont pas des opinions mais des diagnostics apportés par les Dr Minville et Lauzon.

 

Témoignage du Dr. Newman

 

19) Art. 183 Petit commentaire : Il mentionne que les résultats ont servi aux réclamations des travailleurs auprès de la CSST. Il faut dire que même si les tests sanguins(Belpt) étaient positifs, l’employeur contestait les décisions. Exemple : Ghislain Marin et son recours avec d’autres collègues de travail.

 

20) Art 187 Le Dr Newman parle qu’il y a atteinte de la plèvre et de la rate. Si on observe la tomodensitométrie de 2008, la lecture ne parle pas de la rate ni de la plèvre. Par contre, le commissaire devrait lire que la multiplicité des micronodules de même que les conglomérats sont plus en faveur d’une bérylliose. Le Dr Newman perd de sa crédibilité, donc son témoignage n’est plus crédible et c’est ce qu’il faut retenir. Pièces jointes

 

21) Art. 190R: En 1976, j’étais à l’emploi de Noranda depuis deux ans et je manipulais des standards de Beryllium de 1000 ppm

 

22) Art 193 et 194.R : Cela a été contredit par les deux pneumologues ainsi que le Dr. Turcot. Ce sont des allégations faites par le Dr. Newman et elles sont non fondées.

 

23) Art 199 et 202.R : Comme je l’ai expliqué auparavant, le Dr. Newman ne dit pas la vérité au tribunal quand il dit que le Dr. Lauzon ne m’a pas examiné. Je suis allé à Val d’or à mes frais pour rencontrer le Dr Lauzon pour qu’il m’examine et me fasse passer des examens. Pour le test BALBELPT, il n’existe pas de test étalon d’or, le Dr. Turcot l’a expliqué au tribunal.

 

24) Art. 201 Le Dr. Newman dit lui-même qu’il est possible qu’un travailleur ayant une bérylliose chronique qu’il n’y ait plus de Béryllium dans ses poumons au moment de l’analyse. Ce qui vient à dire que les tests sont négatifs. Donc, il admet qu’un travailleur peut avoir une Béryliose chronique et avoir des résultats négatifs tel que le confirme les Dr.Turcot,Lauzon et Minville.

 

25)  Art. 205 R: Il est faux de dire que ma maladie a débuté avant 1974.Cela n’est pas fondé c’est une affirmation gratuite du Dr. Newman. Quand j’ai commencé à travaillé pour cet employeur, tous mes examens médicaux étaient normaux et cela a été prouvé par le Dr Turcot avec pièces justificatives. De plus, je veux spécifier que les pneumologues qui ont donné leur opinion disant que ce n’est pas une bérylliose, ne m’ont pas examiné. Cela vient du Comité spécial des présidents et si vous observez, ce sont les mêmes noms qui reviennent, Le tribunal est induit en erreur.

 

26) Témoignage de Mme Brousseau

 

Bien entendu, Mme Brousseau explique que les tests qu’elle a fait sont bien faits. Elle ne viendrait sûrement pas dire au tribunal qu’elle a fait un mauvais travail devant un employeur qui lui a donné du travail. Par contre, ce qu’elle omet de dire, c’est que les tests sanguins ne sont pas valides. Quand on travaille en laboratoire médical avec des cellules vivantes et que le temps peut influencer les résultats, il est primordial d’inscrire la date et l’heure du prélèvement, la date et l’heure du début du test et la date et l’heure de la fin du test. Ce sont des informations primordiales pour valider un test sanguin Belpt ou BAL. Si vous vérifiez les résultats, il vous manque ces informations. Ce qui invalide les analyses pour le Belpt et le BAL. Il ne faut pas un haut niveau de scolarité pour savoir cela.

 

27) Art 260. Le tribunal mentionne qu’aucune preuve médicale nouvelle objective démontrant qu’il est sensibilisé au Béryllium. R. Le tribunal devrait comprendre que dans le cas de Bérylliose chronique tel que diagnostiqué par les pneumologues Lauzon et Minville et aussi mentionné par le Dr. Newman précédemment, un travailleur peut avoir des résultats négatifs et être atteint de Bérylliose chronique.

 

28) Art. 265 Quand aux opinions des médecins, elles se fondent sur des faits connus. R. C’est faux, Premièrement, ce n’est pas une opinion médicale mais un diagnostic de Berylliose que le Dr. Lauzon a écrit. C’est un pneumologue qui travaille à Val d’Or depuis plusieurs années et qui possède l’expérience avec les travailleurs exposés aux béryllium pour être capable d’apporter un diagnostic professionnnel.

 

C’est un diagnostic de Berylliose que la Dre Caroline Minville a apporté. La Dre Minville est pneumologue à l’Hôpital Laval. Elle a étudié à l’Université Laval pour devenir pneumologue et elle est allée se surspécialisé deux ans de plus à Grenoble.(fellowship)

 

C’est un diagnostic de Berylliose qu’a apporté la Dre Turcot et qui a témoigné.

 

C’est un diagnostic de Bérylliose qu’a apporté le Dr Ouellet.

 

Je pense que de pas prendre en considération ces diagnostics comme éléments nouveaux est une erreur de droit de la part du tribunal.

 

29) Le tribunal estime que ces prétentions ne sont pas fondées. R: Le Dr Turcot n’a pas fait de prétentions, elle a fait des affirmations véridiques. Encore une erreur du tribunal.

 

30) Art 287 Le tribunal accorde une force probante importante au document produit par l’INSPQ R: Comme le mentionne le Dr Ostiguy pneumologue dans une lettre adressée à Mme Jacqueline Cadoret du 11 Juillet 2006. lI mentionne que rien n’est coulé dans le béton. C’est simplement un guide à l’intention des membres du comté des MPP (Pièce jointe)

 

31) 299. Le tribunal retient que les prétentions du Dr Turcot ne sont que des suppositions et des hypothèses quand à la validité des tests. R Ce ne sont pas des hypothèses que la Dre Turcot a apportées, encore moins des suppositions. La Dre Turcot a très bien expliqué les faits et comme je l’ai mentionné précédemment, les tests faits en laboratoire ne sont pas valides. Encore une erreur du tribunal. Pourquoi le tribunal retient-il tout ce qui est dit du coté de l’employeur alors qu’il ne retient rien de ce qui est mentionné du coté de l’employé? Preuve de partialité

 

32) Art 303 Mme Brousseau affirme catégoriquement et sans l’ombre d’un doute que le travailleur n’est pas sensibilisé au Béryllium. R: Comme je l’ai mentionné précédemment, il est impossible de faire une telle affirmation puisque le Dr. Turcot a très bien expliqué que les tests sanguins pouvaient être de faux négatifs. Le tribunal fait sienne son opinion. R :Encore là, c’est une erreur du tribunal de ne pas retenir que lorsque l’on procède à des examens sur des cellules vivantes, c’est très important d’indiquer la date et l’heure du prélèvement ainsi que la date et l’heure du début de l’analyse ,la date et l’heure de la fin de l’analyse. Pour ces raisons, le tribunal commet une erreur de droit. Mme Brousseau avait fait les mêmes commentaires devant le commissaire Lemire et le tribunal ne les a pas retenus.

 

 

 

33) Art 310 R : Le Dr. Newman est payé par l’employeur pour venir témoigner. Il faudrait être stupide pour un employeur de faire venir le Dr. Newman pour témoigner contre lui. Bien sûr qu’il témoigne pour celui qui le paie. Il a fait la même chose devant le commissaire Lemire. Le tribunal du commissaire Lemire n’a pas retenu son opinion.

 

34) Art 313, 314,315 R. Comme je l’ai mentionné antérieurement le Commissaire Lemire avait ordonné d’aller passer des tests sanguins suite à ma demande mais aussitôt que l’ordonnance fut sorti, l’employeur a contesté la décision du commissaire Lemire, Par la suite, j’ai demandé l’autorisation de faire payer mes frais de déplacements par la CSST et cette dernière a refusé parce que l’employeur contestait la décision( pièce jointe) Je pense que le commissaire Napert ne veut rien comprendre, c’est facile de voir qu’il est du coté de l’employeur. Pièce jointe

 

35) Art 316 En 2007, j’ai expliqué que je ne me souviens pas avoir reçu une invitation à passer des tests sanguins. De plus, j’ai dit que après avoir rencontré le Dr Cantin, un pneumologue, ce dernier m’a dit qu’après plus de cinq ans de non exposition au Béryllium que les tests sanguins seraient négatifs. La même chose a été confirmée par le Dr. Laforge, pneumologue. Le tribunal n’a pas le droit de me culpabiliser car c’est moi qui ai fait les efforts pour passer ces tests sanguins.

 

35) Art 318 Le tribunal note que le diagnostic de sarcoidose est celui retenu depuis les années 1980 par tous les pneumologues : Il a pourtant été expliqué au tribunal qu’en 1982, les pneumologues ont diagnostiqué une sarcoidose parce que ils ne savaient pas que j’étais exposé au Béryllium, ils ne savaient pas que je préparais des standards pour fin de calibration et personne dans le domaine médical ne connaissait les dangers du Béryllium. Par contre, dans les années 80 -90, l’employeur connaissait les dangers et a informé les employés que vers l’an 2000. Voir document de LSST

 

36) Art.321 Le tribunal ne peut pas non plus accorder une valeur probante au rapport produit par la pneumologue Minville, compte tenu du fait qu’il s’agit de la fille du travailleur. R : Le tribunal a vraiment l’esprit tordu pour insinuer de telle chose. Pensez-vous qu’une pneumologue ferait un faux diagnostic parce que c’est ma fille? C’est une erreur de droit qui mérite d’être dénoncée. C’est vraiment accordé un parti prix à la partie patronale.

 

37) Art. 322 et 324 R : Je veux rappeler au tribunal qu’en 1974, je commençais à travailler pour l’employeur et que les radiographies et l’examen médical étaient normaux. En 1976, je travaillais avec différents matériaux contenant du Beryllium, il est possible que ma maladie a débuté à ce moment là. Si on avait connu la maladie à ce moment là, on aurait établi un diagnostic de Bérylliose et non de sarcoidose. Encore une erreur de compréhension du tribunal ou du commissaire.

 

38)Art 337 le premier élément constitutif de la présomption n’a pas été prouvé R : Au contraire les éléments de la présomption ont été prouvé au tribunal. Encore une erreur de droit.

 

39) Le commissaire Napert et le tribunal ont donc commis des erreurs de droit en refusant la preuve faite par les médecins spécialistes à l’effet que le requérant soit atteint d’une berylliose.

 

40) Fait important: La CSST ainsi que la CLP n’ont pas reçu les diagnostics du Dr, Lauzon et du Dr. Minville. Il est possible qu’après avoir pris connaissance de ces diagnostics, que le Comité des présidents change d’avis.

 

[sic]

 

[Caractères gras et soulignements dans le texte]

 

 

[60]        Il appert à la lecture de cette requête que ce que recherche le travailleur est une réappréciation de la preuve, ce que ne permet pas le recours en révision, le tribunal siégeant en révision ne peut substituer son opinion à celui du premier juge administratif; il ne s’agit pas d’un appel.

[61]        Le présent tribunal entend donc traiter des erreurs invoquées par le travailleur en conclusion de sa requête sans analyser tout un chacun de ses commentaires émis dans le cadre de la requête elle-même, soit parce qu’ils ne sont pas pertinents à la solution du litige ni déterminants ou soit parce qu’ils relèvent de l’appréciation de la preuve qui est dévolue au premier juge administratif.

[62]        La juge administrative Monique Lamarre énonce à bon droit dans Ganotec inc.[12] que :

[42]      Finalement, dans le cadre de leur argumentation devant le tribunal siégeant en révision, les employeurs reprennent un à un les paragraphes [78] à [94] et soulignent des erreurs commises par le premier juge administratif. Or, tel que le rappelle la jurisprudence9 il ne faut pas lire les paragraphes de façon cloisonnée, mais bien lire la décision dans son ensemble et dans son intégralité.

 

[43]      Or, lorsqu’on la lit dans son ensemble, on constate que le premier juge administratif a apprécié la preuve qui lui était soumise et qu’il a fait les distinctions qui s’imposaient pour écarter la preuve d’expert et qu’il a motivé sa décision de façon intelligible l’amenant à rendre les conclusions qu’il a retenues. Il n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante.

 

[44]      Le rôle du tribunal siégeant en révision n’est pas d’examiner les paragraphes un à un et de déterminer s’il aurait analysé les différents éléments de droit et de faits de la même façon ou s’il en aurait tiré les mêmes déductions. Il ne faut pas oublier que, dans le cadre d'une révision, la Commission des lésions professionnelles doit se limiter à vérifier si la décision dont on demande la révision est entachée d'une erreur à ce point fondamentale et déterminante qu'elle doit entraîner la nullité de la décision.  Or, comme elle doit être manifeste, une telle erreur apparaît généralement clairement à la face même de la décision, elle ne se recherche pas dans une lecture cloisonnée paragraphe par paragraphe de la décision.

__________

            9           Manufacture Lingerie Château inc. c. CLP, C.S. Montréal, 500-05-065039-016,               1er octobre 2001, j. Poulin.

 

            [Soulignements ajoutés]

 

[63]        Dans la présente affaire, le travailleur commente et critique les différents paragraphes de la décision du premier juge administratif en faisant une lecture cloisonnée de ces paragraphes et en omettant de lire la décision dans son ensemble et dans son intégralité. Il invite le présent tribunal à analyser les différents éléments de droit et de fait d’une manière différente et à en tirer d’autres conclusions; cela n’est pas son rôle.

[64]        Par ailleurs, le premier juge administratif a décidé d’analyser le fond de la réclamation du travailleur, malgré sa conclusion au paragraphe 266 de sa décision voulant que « le tribunal ne pourrait écarter le caractère final et irrévocable de la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 12 décembre 2008 et confirmée le 7 janvier 2010 et se saisir à nouveau du dossier » en l’absence de faits nouveaux essentiels au dossier.

[65]        Il fait une analyse détaillée de la preuve documentaire et testimoniale qui lui est présentée, la soupèse et l’apprécie. Il écarte la preuve d’experts présentée par le travailleur, ce que ce dernier allègue comme une erreur alors qu’il reproche au premier juge administratif de ne pas avoir retenu le diagnostic de bérylliose posée par les docteurs Turcot, Lauzon et Minville.

[66]        Or, le premier juge administratif est au cœur même de sa fonction d’adjudicateur et il n’écarte pas cette preuve d’experts de façon capricieuse et sans s’en expliquer. Il doit trancher entre le diagnostic de sarcoïdose et le diagnostic de bérylliose, c’est ce dont il est saisi.

[67]        Il relate le témoignage de la docteure Turcot aux paragraphes 156 à 177 de sa décision. Par la suite, il écarte son opinion, entre autres, parce qu’elle considère que les tests effectués auprès du travailleur ne sont pas valides, hypothèse que ne retient pas le premier juge administratif; nous y reviendrons.

[68]        Le premier juge administratif explique longuement, du paragraphe 280 au paragraphe 309, pourquoi il ne retient pas cette prémisse ainsi que l’opinion de la docteure Turcot, lui préférant l’opinion du docteur Newman. Il conclut comme suit :

[305]    Vu la littérature produite, le tribunal reconnaît que cette possibilité existe. Il ne peut toutefois décider de l’admissibilité de la réclamation du travailleur sur la base de cette possibilité théorique, d’autant plus que les probabilités qu’il en soit ainsi diminuent à chaque fois qu’un nouveau test est administré. En l’espèce le travailleur a subi plus d’un test qui se sont tous avérés normaux.

 

[306]    Il revient au travailleur de démontrer, par une preuve prépondérante, qu’il est porteur d’une bronchopneumopathie causée par le béryllium et relevant du travail. Le travailleur ne peut se contenter d’attaquer et de soulever, de façon hypothétique, la validité des tests qui lui ont été administrés au début des années 2000.

 

[307]    L’évaluation de la force probante ou de la prépondérance de la preuve ne peut constituer qu’un simple exercice d’addition d’articles de doctrine ou de littérature sur un sujet donné invoquant ou soutenant que le test peut ne pas être fiable à 100 %.

[308]    Pour paraphraser la Commission d’appel en matière de lésion professionnelle dans l’affaire Lemieux et Centre d’accueil de Rouville33, l’évaluation de la prépondérance de la preuve repose sur la force probante ou la crédibilité que le tribunal accorde aux diverses expertises déposées par les médecins ou spécialistes, aux témoignages recueillis à l’audience, à la preuve documentaire générale versée au dossier. Chaque cas doit être examiné à son mérite propre suivant l’ensemble de la preuve factuelle et médicale qui lui est particulier.

 

[309]    À cet égard, le tribunal privilégie l’expertise du docteur Newman, un pneumologue, à celle de la docteure Turcot.

__________

[Référence omise]

 

 

[69]        La soussignée n’y voit aucune erreur. Le premier juge administratif a à trancher entre différentes opinions qui lui sont soumises et c’est ce qu’il fait.

[70]        Le tribunal relate aussi l’opinion du docteur Lauzon au paragraphe 128 de sa décision ainsi que celle de la pneumologue Minville aux paragraphes 124, 125 et 126 et il écarte ces opinions au profit de celle du docteur Newman alors qu’il écrit au paragraphe 321 ce qui suit :

[321]    Par ailleurs, le tribunal ne peut non plus accorder une valeur probante au rapport produit par la pneumologue Minville, compte tenu du fait qu’il s’agit de la fille du travailleur34. D’ailleurs, l’opinion de la pneumologue Minville appuie celle de la docteure Turcot que le tribunal ne retient pas comme prépondérante pour les motifs exposés ci-haut. L’expertise du docteur Lauzon est au même effet. Elle a d’ailleurs fait l’objet de commentaires de la part du docteur Newman lors de l’audience, commentaires que retient le tribunal. Quant à la docteure Manganas, son opinion est nuancée et elle ne peut affirmer que le travailleur est porteur d’une bérylliose, d’autant plus qu’elle n’avait pas en main tous les documents au moment de son expertise.

­__________

34         Le représentant de l’employeur a formulé une objection sur la recevabilité de ce rapport compte tenu des liens unissant le travailleur à son auteur. Le tribunal qui avait pris cette objection sous réserve, la rejette, l’objection soulevant d’abord et avant tout la valeur probante du document qu’on désire introduire en preuve.

 

 

[71]        Le travailleur reproche au premier juge administratif d’avoir écarté l’opinion de la docteure Minville au seul motif qu’elle est sa fille. Or, celui-ci doit analyser cet élément de preuve et il peut conclure que le lien de filiation entre l’expert et le travailleur en diminue la force probante. De plus, cette opinion est écartée, car elle appuie celle de la docteure Turcot que le premier juge ne retient pas après s’en être expliqué longuement.

 

[72]        Donc, le présent tribunal estime que le travailleur n’a pas démontré que le premier juge administratif a commis une quelconque erreur manifeste et déterminante alors qu’il écarte les opinions des docteurs Turcot, Lauzon et Minville après s’en être expliqué. Ce que désire le travailleur c’est une réappréciation de la preuve, ce que le présent tribunal siégeant en révision n’est pas autorisé à faire.

[73]        Le travailleur prétend que le premier juge administratif a commis une erreur en ne lui accordant pas le bénéfice de la présomption prévue à l’article 29 de la loi. Cette présomption est citée au paragraphe 46 de la décision alors que le premier juge administratif précise le cadre juridique de sa décision. Il s’exprime ainsi :

[41]      Dans le présent dossier, le diagnostic de bérylliose fut posé par le docteur Ouellet, le 12 mars 2010, dans un rapport médical remis à la CSST.

 

[42]      Conformément à l’article 230 de la loi, la CSST a soumis le dossier du travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires pour qu’il dispose, notamment, du diagnostic de la lésion. Or, celui-ci retient plutôt le diagnostic de sarcoïdose.

 

[43]      Tel que le prévoit l’article 231 de la loi, le dossier fut soumis au Comité spécial des présidents qui confirma le diagnostic.

 

[44]      Liée par ce diagnostic, conformément à l’article 233 de la loi, la CSST a refusé la réclamation du travailleur, le 8 mars 2011 et a confirmé sa décision, le 23 juin 2011, à la suite d’une révision administrative.

 

[45]      Or, le travailleur conteste cette décision. Il prétend qu’il est atteint d’une bérylliose, une bronchopneumopathie causée par la poussière d’un métal dur, le béryllium. De plus, selon lui, il a exercé un travail impliquant une exposition à des poussières de ce métal dur. Conséquemment, la présomption prévue à l’article 29 de la loi lui serait applicable.

 

[46]      Cet article et l’annexe I à laquelle il réfère prévoient ce qui suit :

 

29.  Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION V

 

MALADIES PULMONAIRES CAUSÉES PAR DES POUSSIÈRES

ORGANIQUES ET INORGANIQUES

 

 

 

MALADIES                                                            GENRES DE TRAVAIL

              

1.            […]                                                         […]

 

2.            Bronchopneumopathie causée par       un travail impliquant une exposition à la

               la poussière de métaux durs:                                poussière de métaux durs;                                  

3.            […]                                                         […]

__________

1985, c. 6, annexe I.

 

 

[47]      Dans la mesure où la présomption s’applique, le travailleur est alors dispensé de faire la preuve d’un lien de causalité entre sa maladie et son travail.

 

[48]      Vu ces éléments et parce que le diagnostic de la lésion est au cœur du litige dont elle est saisie, la Commission des lésions professionnelles doit d’abord statuer sur le diagnostic, aux fins de trancher la contestation du travailleur portant sur l’admissibilité de sa réclamation.

 

 

[74]        Le premier juge administratif rapporte la règle de droit et précise le litige : il doit statuer sur le diagnostic et décider si le travailleur a démontré qu’il souffre d’une maladie professionnelle pulmonaire, soit par le biais de la présomption de l’article 29 de la loi, soit en prouvant que la maladie dont il souffre est caractéristique de son travail ou qu’elle est reliée au risque particulier du travail qu’il a exercé.

[75]        Pour ce faire, encore faut-il que le premier juge administratif statue sur la nature de cette maladie.

[76]        Le travailleur allègue qu’en se prononçant sur le diagnostic, il « pose un diagnostic dans le dossier alors que cet acte est réservé aux médecins, et ce, sans tenir compte des documents déposés à la Commission des lésions professionnelles ». Il réfère alors au diagnostic de bérylliose retenu par les docteurs Ouellet, Turcot, Lauzon et Minville.

[77]        Or, c’est le rôle de la Commission des lésions professionnelles de trancher entre deux diagnostics, il ne s’agit pas là de l’exercice d’un geste professionnel réservé aux médecins, mais bien du pouvoir qui lui est accordé par l’article 377 de la loi :

377.  La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.

 

Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.

__________

1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

 

[78]        A contrario, si le premier juge administratif avait retenu le diagnostic de bérylliose pour écarter celui de sarcoïdose, le travailleur lui aurait-il reproché d’avoir écarté l’opinion des médecins ayant retenu ce diagnostic pour le même motif? Poser la question, c’est y répondre; l’argument du travailleur ne tient pas la route.

[79]        Il en va de même du reproche fait au premier juge administratif de « refuser de reconnaître que le travailleur souffre de bérylliose alors que cette maladie a été diagnostiquée par des professionnels de la santé ».

[80]        Or, plusieurs professionnels de la santé ont plutôt retenu le diagnostic de sarcoïdose et le premier juge administratif avait à trancher entre ces deux diagnostics.

[81]        Le travailleur affirme aussi que le premier juge administratif commet une erreur en ne faisant pas la différence entre une opinion médicale et un diagnostic, car un diagnostic n’est pas une opinion, mais un fait.

[82]        La soussignée estime que les différents médecins ont émis une opinion médicale quant au diagnostic et ne voit pas en quoi le fait de trancher entre ces différentes opinions médicales afin de statuer sur le diagnostic peut constituer une erreur de fait ou de droit.

[83]        Finalement, le travailleur reproche au premier juge administratif de ne pas avoir pris en considération que les tests sanguins sont invalides. Il en a fait grand cas devant le présent tribunal siégeant en révision.

[84]        Cette question est au cœur du litige qui oppose les parties tel qu’en fait foi l’analyse que le premier juge administratif fait de cette question.

[85]        Le travailleur prétend, comme il l’a allégué devant le premier juge administratif, que ces tests ne sont pas fiables. C’est la proposition de la docteure Turcot que le premier juge administratif écarte en ces termes :

[280]    D’une part, la docteure Turcot prétend que lors de l’administration des tests, le travailleur avait consommé des AINS (anti-inflammatoires non stéroïdiens) pour traiter les symptômes de sa maladie. Cette consommation a pu, selon elle, jouer un rôle sur les résultats obtenus, en masquant les éléments permettant l’identification du diagnostic de bérylliose.

 

[281]    D’autre part, elle soulève que le délai entre le prélèvement de l’échantillon sanguin et sa mise en culture n’est pas connue. Conséquemment, la viabilité cellulaire pourrait être compromise et les résultats obtenus, faussement normaux.

 

 

 

[282]    De l’avis de la docteure Turcot, eu égard à ces éléments, seul le test réalisé en octobre 2002 est interprétable. Toutefois, puisqu’il n’a pas été confirmé par un autre laboratoire comme le recommande le protocole, les résultats obtenus ne seraient pas valables.

 

[283]    De plus, comme les tests de sensibilité varient dans le temps et qu’on connaît mal la sensibilité et la spécificité de ces tests, les experts du travailleur proposent que le tribunal accorde une prépondérance à la signification clinique des observations effectuées plutôt qu’à la signification statistique.

 

[284]    À cet égard, la docteure Turcot rappelle les images radiologiques de maladie granulomateuse, la diminution de la capacité pulmonaire du travailleur et la présence de granulome à la biopsie pulmonaire.

 

 

 

[285]    Vu ce tableau clinique et la présence élevée de lymphocytes dans le liquide bronchoalvéolaire lors de la réalisation des tests, elle conclut que le travailleur est atteint de bérylliose.

 

[286]    Le tribunal estime que ces prétentions ne sont pas fondées.

 

 

[86]        Le premier juge administratif explique par la suite pourquoi il écarte la proposition de la docteure Turcot et pourquoi il retient le témoignage de madame Brousseau et du docteur Newman quant à la validité des tests. Il s’exprime ainsi :

[295]    C’est d’ailleurs pourquoi les experts du travailleur s’attaquent à la validité de ces tests effectués auprès du travailleur.

 

[296]    Toutefois, sur cette question, le tribunal retient le témoignage de madame Brousseau et la position du docteur Newman développée dans son rapport. Leurs explications sont étoffées et convaincantes. Lors de son témoignage, madame Brousseau a notamment décrit chacune des étapes de l’administration de ces tests. Elle a expliqué et démontré pourquoi, contrairement aux prétentions de la docteure Turcot, les cellules étaient toujours vivantes lors de l’administration de ces tests. Elle a aussi expliqué en quoi les tests administrés au travailleur étaient conformes aux règles de l’art et valides.

 

[297]    Le tribunal retient par ailleurs que les experts s’entendent sur les effets des médicaments au regard de ces tests. Ils recommandent de cesser la médication environ trois à six mois avant d’effectuer les tests. Comme la preuve révèle que le travailleur ne consommait plus de médicaments depuis plus de 14 mois au moment des tests, les résultats n’ont donc pas pu être altérés.

 

[298]    D’ailleurs, le test réalisé le 3 octobre 2002 dans un laboratoire de Montréal qui, reconnaît la docteure Turcot, est interprétable, est lui aussi normal. La docteure Turcot  reproche toutefois que ce test n’ait pas été dupliqué. Du témoignage rendu par madame Brousseau, le tribunal retient, sur cette prétention, que l’absence de duplication ne diminue en rien la validité du test effectué, dans la mesure où il fut administré selon les règles de l’art. Tout au plus, il n’est pas corroboré.

 

[299]    Ainsi, eu égard aux témoignages de madame Brousseau et du docteur Newman et compte tenu du rapport d’expertise de ce dernier, le tribunal estime que les prétentions de la docteure Turcot relèvent de suppositions et d’hypothèses quant à la validité des tests.

 

[300]    Il n’existe en effet aucune preuve que le matériel reçu dans les deux laboratoires, les 30 août 2000 et 15 mai 2001, aient été mal conservés. Il n’existe par ailleurs aucune preuve que ce matériel ne fusse pas reçu assez rapidement.

 

[301]    Au contraire, la preuve situe clairement les manipulations qui ont été effectuées par les préposés des laboratoires et démontre la viabilité des échantillons utilisés lors des tests32.

 

[302]    Quant au test sanguin réalisé en octobre 2002, madame Brousseau a affirmé que les indices de stimulation des lymphocytes au béryllium obtenus chez le travailleur sont très inférieurs aux valeurs limites. Elle estime donc que les résultats de ces tests faits au laboratoire où elle travaille sont inattaquables.

 

[303]    Elle affirme d’ailleurs catégoriquement et sans l’ombre d’un doute, que le travailleur n’est pas sensibilisé au béryllium. Compte tenu de sa vaste expertise dans le domaine et des explications fournies, le tribunal fait sienne son opinion.

__________

32                   Voir le rapport d’expertise du docteur Newman du 12 février 2012 aux pages 17 à 19.

 

 

[87]        Le premier juge administratif a donc tranché entre deux positions et il motive sa décision. Le présent tribunal ne voit aucune erreur dans l’exercice qu’il fait de sa tâche d’adjudicateur alors qu’il se doit de trancher les litiges qui opposent les parties.

[88]        Ayant décidé que « Dans les circonstances, en l’absence d’une démonstration qu’il est sensibilisé au béryllium, le tribunal estime que le travailleur n’a pas prouvé, de façon prépondérante, que le diagnostic doit être celui de bronchopneumopathie causée par le béryllium. », le premier juge administratif conclut « que le premier élément constitutif de la présomption n’a pas été prouvé et elle ne peut ainsi s’appliquer ». Cet énoncé est conforme à l’article 29 de la loi et la soussignée considère que le travailleur n’a pas démontré qu’il y a erreur du premier juge administratif lorsqu’il conclut en ce sens.

[89]        Soulignons que le premier juge administratif a rapporté et apprécié la preuve, il a expliqué pourquoi il écartait la preuve d’experts produite par le travailleur, il a motivé sa décision de façon intelligible et sa conclusion a un lien rationnel avec la preuve et les motifs qu’il a exprimés.

[90]        Dès lors, la soussignée estime que les arguments du travailleur ne peuvent donner ouverture à la révision de la décision de la Commission des lésions professionnelles du 23 janvier 2013, le travailleur n’ayant pas démontré que cette décision est entachée d’une quelconque erreur manifeste et déterminante; il n’a pas fait la preuve d’un vice de fond de nature à invalider cette décision.

[91]        Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que la requête en révision doit être rejetée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête en révision de monsieur Marc Minville, le travailleur.

 

 

 

__________________________________

 

Suzanne Séguin

 

 

 

Me Jacques Rousse

McCarthy, Tétrault

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783.

[3]           Bourassa c. Commission des lésions professionnelles, [2003] C.L.P. 601 (C.A.).

[4]           Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733.

[5]           Voir notamment : Moschin et Communauté Urbaine de Montréal, [1998] C.L.P. 860; Lamarre et Day & Ross inc., [1991] C.A.L.P. 729; Sivaco et C.A.L.P., [1998] C.L.P.180; Charrette et Jeno Neuman & fils inc., C.L.P. 87190-71-9703, 26 mars 1999, N. Lacroix, Pétrin c. C.L.P. et Roy et Foyer d’accueil de Gracefield, C.S. Montréal 550-05-008239-991, 15 novembre 1999, j. Dagenais.

[6]           Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.); CSST c. Fontaine, [2005] C.L.P. 626 (C.A.); CSST c. Touloumi, [2005] C.L.P. (C.A.).

[7]           C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005, L. Nadeau, (05LP-220).

[8]           Amar c. CSST, [2003] C.L.P. 606 (C.A.).

[9]           Belisle c. C.L.P., [1998] CLP 1436 (C.S.).

[10]         2013 QCCS 654.

[11]          Il faut comprendre que lorsque le travailleur écrit « Art », il réfère au paragraphe de la décision du premier juge administratif et quand il écrit « R », il s’agit de ses commentaires.

 

[12]         2012 QCCLP 2486.

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