DÉCISION
[1] Le 23 mars 1999, monsieur Jean-Marc Boivin (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), rendue le 23 février 1999, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST maintient quatre décisions qu’elle a initialement rendues le 9 juillet 1997, le 26 novembre 1997, le 24 août 1998 et le 8 décembre 1998. La CSST refusait ainsi, dans sa première décision, de rembourser des frais de déménagement, dans ses deuxième et troisième décisions, de reconnaître des réclamations pour récidive, rechute ou aggravation pour le 4 juillet 1997 et le 14 octobre 19977 et enfin, dans sa quatrième décision, elle refusait une allocation d’aide personnelle à domicile.
[3] Le travailleur est présent et représenté par procureur à l’audience. Quant à Pierre & Maurice De La Fontaine inc. (l’employeur) ainsi qu’à la CSST, partie intervenante au dossier, bien que dûment convoqués, ils n’y sont pas représentés.
[4] Lors de l’audience du 15 novembre 2000, le tribunal a demandé à la procureure du travailleur de faire parvenir des documents médicaux supplémentaires. La plupart des documents demandés sont parvenus à la Commission des lésions professionnelles le 27 mars 2001. Par la suite, la Commission des lésions professionnelles a communiqué à quelques reprises avec la procureure du travailleur pour obtenir les documents manquants et n’ayant pu les obtenir, le tribunal a déclaré la preuve close et a pris la cause en délibéré le 10 mai 2001.
L'OBJET DE LA REQUÊTE
[5] Le travailleur demande, dans un premier temps, à la Commission des lésions professionnelles d’ordonner à la CSST de lui rembourser ses frais de déménagement pour un montant de 600 $. Dans un deuxième temps, il demande que soit reconnue une récidive, rechute ou aggravation le 4 juillet 1997 avec le diagnostic de hernie discale. En troisième lieu, il demande que soit reconnue une autre récidive, rechute pou aggravation le 14 octobre 1997 avec cette fois un diagnostic de dépression. Quatrièmement, il demande que l’aide personnelle à domicile lui soit reconnue et que la CSST défraie une souffleuse à neige.
LES FAITS
[6] Le travailleur est journalier pour le compte de l’employeur depuis une douzaine d’années. Il subit un accident du travail le 8 août 1995, alors qu’il se blesse en déplaçant des feuilles de contreplaqué. Le travailleur a 40 ans au moment de l’accident. Cet accident du travail est reconnu par la CSST le 20 août 1995.
[7] Un premier diagnostic d’entorse lombaire est posé par le docteur A. Sylvestre le 8 août 1995, journée de l’accident. Celui-ci indique que la lésion sera consolidée le 15 août suivant. Le 9 août 1995, le travailleur consulte son médecin traitant, le docteur Jean-François Séguin, qui pose également le diagnostic d’entorse lombaire. Le travailleur reçoit des traitements de physiothérapie à compter du 11 août 1995. À la suite de cet accident, le travailleur n’est jamais retourné travailler.
[8] Le 25 octobre 1995, le docteur Séguin réfère le travailleur au docteur L. Labbé, médecin généraliste. Celui-ci pose, le 31 octobre 1995, le diagnostic de lombalgie ligamentaire et myofasciale. Le médecin procède à des injections aux points gachette, à des blocs paravertébraux et à des épidurales.
[9] Le 7 novembre 1995, le docteur Séguin maintient le diagnostic d’entorse lombaire et continue les traitements de physiothérapie. Il indique que le travailleur doit débuter des traitements de prolothérapie.
[10] Les traitements de physiothérapie se terminent le 24 novembre 1995, compte tenu des douleurs importantes ressenties par le travailleur.
[11] Le 20 décembre 1995, le docteur Labbé ajoute le diagnostic de sciatalgie. Il procède à des blocs sciatique et paravertébral. Il maintient la prolothérapie. Le 11 janvier 1996, le docteur Labbé retourne le travailleur à son médecin de famille puisque les traitements qu’il lui a administrés n’ont pas eu les résultats escomptés.
[12] Le docteur Séguin réfère le travailleur au docteur Sarto Imbeault, physiatre qui, le 4 mars 1996, recommande de cesser les traitements d’acupuncture et de commencer des traitements de chiropraxie. Il mentionne que les investigations radiologiques sont normales et qu’une tomodensitométrie aurait révélé une discopathie en L4-L5. Son impression diagnostique est : « Irritation sciatique droite sur discopathie L4-L5 ». Le médecin croit qu’une assignation temporaire serait intéressante, compte tenu de la longue évolution des douleurs.
[13] Le 2 avril 1996, le docteur Imbeault pose le diagnostic de sciatique, recommande de cesser les traitements de chiropraxie, demande un électromyogramme et réfère le travailleur en neurochirurgie.
[14] Le 9 avril 1996, le docteur Séguin ajoute le diagnostic de discopathie L4-L5 à celui de sciatique droite.
[15] Le 30 avril 1996, le docteur Luc Fortin, physiatre, indique que l’électromyogramme de cette date révèle une dénervation chronique au niveau L5 droit. Il note une absence de réflexes H bilatéralement.
[16] Le 6 mai 1996, le docteur Imbeault indique que le travailleur est mieux et que la chirurgie n’est pas indiquée.
[17] Le 9 mai 1996, le docteur Séguin s’interroge quant à savoir si le travailleur a une hernie discale et il demande une résonance magnétique.
[18] Le 13 juin 1996, le docteur Séguin reprend le diagnostic d’entorse lombaire.
[19] Une résonance magnétique du 16 juin 1996 conclut en une discrète hernie discale L4-L5 légèrement para-sagittale droite. Il y a également des modifications sacro-iliaques fortement suggestives d’une sacro-iliite bilatérale. Le radiologiste suggère de poursuivre les investigations pour l’atteinte sacro-iliite et recommande qu’un bilan rhumatologique soit fait.
[20] Le 19 juin 1996, le docteur Imbeault indique que l’évolution est stable et il consolide la lésion au 24 juin 1996 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[21] Le 7 juillet 1996, le docteur Séguin reprend le diagnostic de discopathie droite L4-L5.
[22] Le 22 juillet 1996, le docteur Marc Giroux, neurochirurgien, pose le diagnostic de douleurs aux deux hanches, de sciatique droite et de hernie discale L4-L5 droite.
[23] Le 20 août 1996, le docteur Imbeault complète le rapport d’évaluation médicale avec le diagnostic de hernie discale L4-L5 droite. Il établit que l’atteinte permanente est de l’ordre de 20% correspondant à une hernie discale non opérée, prouvée cliniquement et par des tests spécifiques (2%, code 204148) de même qu’à des ankyloses permanentes de la colonne dorso-lombaire (16%, codes 207791, 207626, 207680, 207724, 207751, 207797) et une atrophie musculaire permanente de 2 centimètres au mollet droit (2% 106691). Il propose des limitations fonctionnelles correspondant à la classe II de l’Institut de Recherche en Santé et Sécurité du Travail. Il indique que le travailleur bénéficierait d’une réorientation professionnelle après consolidation.
[24] Le 26 août 1996, la CSST informe le travailleur que sa lésion est consolidée le 24 juin 1996. Le travailleur est alors référé en réadaptation.
[25] Le 28 août 1996, la CSST reconnaît l’évaluation effectuée par le médecin du travailleur, y ajoute 4% pour douleurs et perte de jouissance de la vie, pour un total de 24% d’atteinte permanente à l’intégrité physique. Le 31 août 2001, le travailleur conteste ce pourcentage. La CSST écrit au travailleur le 30 septembre 1996 en lui expliquant le processus suivi et l’informant que sa demande « semble » irrecevable. Le dossier ne comporte pas de suivi de cette contestation, si ce n’est qu’une mention aux notes évolutives de la CSST suivant laquelle le travailleur se serait désisté de cette contestation.
[26] Le 29 août 1996, le travailleur subit une récidive, rechute ou aggravation reconnue par la CSST. Le 2 octobre 1996, il signe le formulaire Réclamation du travailleur et indique que deux événements ont donné lieu à cette lésion. Il fait référence aux douleurs ressenties alors qu’il lavait son véhicule le 5 septembre 1996 et lorsqu’il se serait assis sur une chaise le 21 septembre suivant. Un rapport médical, du 29 août 1996 et complété par le docteur P. Bonneville, révèle une exacerbation de hernie discale. Le médecin prescrit du repos et des anti-inflammatoires. Le 2 septembre 1996, le docteur J. Moisan, médecin généraliste, diagnostique une lombalgie spastique aiguë et retourne le travailleur à son médecin traitant, le docteur Séguin.
[27] Le 5 septembre 1996, le docteur Séguin pose le diagnostique de discopathie droite L4-L5, indique qu’il s’agit d’une rechute, mentionne un « spasme +++ paravertébral droit ».
[28] Le 26 septembre 1996, le docteur Séguin indique que le travailleur a une hernie discale L4-L5 et qu’il est en attente d’une nouvelle tomodensitométrie. Le 12 novembre 1996, le médecin indique qu’une scintigraphie sera pratiquée.
[29] Le 11 décembre 1996, un premier diagnostic de dépression est posé par le docteur Séguin et il lui prescrit des médicaments anti-dépresseurs. Le 20 décembre suivant, d’autres anti-dépresseurs sont prescrits. Le 31 décembre 1996, les problèmes financiers du travailleur sont expressément mentionnés aux notes médicales.
[30] Le 10 janvier 1997, le travailleur est en faillite et fait cession de ses biens. À l’audience, il explique avoir tout perdu, y compris deux logis qu’il possédait et des voitures antiques.
[31] La CSST accepte, le 15 janvier 1997, la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 29 août 1996 et déclare que la hernie discale est en relation avec l’événement initial du 8 août 1995.
[32] Le 23 janvier 1997, le docteur Séguin indique trois diagnostics : hernie discale, dépression et sacro-iliite. Il spécifie que le travailleur est référé à un psychologue.
[33] Le 12 février 1997, le docteur Imbeault parle de sciatique droite et de traitement de physiothérapie. Il demande une résonance magnétique et un électromyogramme.
[34] Le 17 février suivant, le travailleur revoit son médecin qui note qu’il est déprimé et agressif.
[35] La résonance magnétique du 19 février 1997 révèle une « discopathie dégénérative sans pincement significatif à L4-L5 et L5-S1 avec petite hernie sous-ligamentaire centrale à L4-L5, le tout représentant relativement peu de changement avec l’examen fait à l’hôpital Notre-Dame le 16 juin 1996. ». Le 3 mars 1997, le docteur Leclaire mentionne que l’électromyogramme révèle un examen normal du membre inférieur droit.
[36] Le 26 mars 1997, le docteur Imbeault recommande de cesser tout traitement et il consolide la lésion le 12 mai 1997.
[37] Les notes médicales du 21 avril 1997 du docteur Séguin font à nouveau état de dépression. Le docteur Séguin réfère le travailleur au docteur Jean-René Trudel, psychiatre, pour dépression réactionnelle suite à un accident du travail. Le docteur Trudel voit le travailleur en avril 1997 et diagnostique une « dépression majeure modérée possiblement chronique, suivant de nombreux stress ». Il modifie la médication du travailleur et lui recommande de s’adresser à une clinique anti-douleur pour ses douleurs lombaires.
[38] Les notes évolutives de la CSST du 8 mai 1997 indiquent :
« Avant son accident, il était un peu serré financièrement parce qu’il paye une pension alimentaire.
Suite à son accident il ne pouvait plus payé (sic) ses dettes et à (sic) déclarer (sic) faillite personnelle il y a deux semaines.
Il est frustré parce que nous ne tenons pas compte de ses problèmes financiers. »
[39] Également, ces notes du 8 mai 1997 laissent entendre que, devant une proposition de retour au travail dans un emploi allégé chez son employeur, le travailleur demande « s’il serait obligé de prendre l’emploi même s’il croit qu’il va s’ennuyer ». Les notes du 9 mai 1997 font état de l’accord du docteur Séguin pour une assignation temporaire à du travail de bureau chez l’employeur, mais que pour le travail en usine, il préfère attendre l’opinion du docteur Imbeault.
[40] Le 27 mai 1997, le docteur Imbeault complète un nouveau rapport d’évaluation médicale. Il consolide la rechute, récidive ou aggravation au 12 mai 1997, il identifie une aggravation du déficit anatomo-physiologique de 5% et précise que les limitations fonctionnelles correspondent maintenant à des restrictions sévères de classe III de l’IRSST. La CSST accepte, le 9 juin 1997, de reconnaître cette aggravation de 5% et ajoute 2.25% pour douleurs et perte de jouissance de la vie.
[41] Le travailleur déménage le 27 mai 1997 et réclame à la CSST des frais de 600 $ pour le déménagement et 500 $ pour la peinture de la maison. Les notes évolutives indiquent que le travailleur a voulu déménager d’un logement où il était locataire, rue Dorchester à Buckingham, à un semi-détaché avec sa conjointe, rue Costello à Buckingham. Il explique que le logement de la rue Dorchester était difficile d’accès puisqu’il comportait plusieurs marches. Le 9 juillet 1997, la CSST refuse de rembourser ces frais. Le travailleur conteste cette décision le 17 juillet 1997, décision qui est maintenue par la CSST à la suite d’une révision administrative. En effet, la CSST refuse de rembourser les frais de déménagement, puisque le travailleur a déménagé sans en informer au préalable la CSST afin que celle-ci, au terme de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi), puisse vérifier la possibilité d’adapter le domicile du travailleur plutôt que d’autoriser un déménagement. Le travailleur conteste cette décision devant la Commission des lésions professionnelles, d’où le premier élément du présent litige.
[42] Par ailleurs, les notes évolutives du 13 juin 1997 indiquent que le travailleur n’est pas en mesure d’exercer son emploi pré-lésionnel et que son poste de travail ne peut être modifié.
[43] Le travailleur est affecté à un poste de travail allégé du 2 au 4 juillet 1997. Il doit sabler des cadrages de portes et fenêtres, travail qui généralement est exécuté debout, mais pour lequel une chaise ajustable a été fournie au travailleur. Le dossier laisse entendre que le 4 juillet 1997, le travailleur fait une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation. Le 13 juillet 1997, le travailleur consulte le docteur Dominique Gouriou, médecin généraliste, qui note « insomnie » à son rapport médical. Le 14 juillet 1997, il informe l’employeur qu’il ne peut plus continuer à travailler, qu’il a trop de douleurs.
[44] Les notes évolutives de la CSST du 1er août 1997 révèlent que l’agent d’indemnisation de la CSST a visité le poste de travail de l’assignation temporaire dans les locaux de l’usine. Elle conclut que le poste ne comporte pas de gestes répétitifs.
[45] Le 8 octobre 1997, le travailleur est hospitalisé pour une dépression pendant deux semaines, au Centre Hospitalier de Buckingham, selon le rapport du docteur Trudel du 3 février 1998. Le travailleur a alors des idées suicidaires. Lors de cette hospitalisation, le docteur Louis Gouriou pose le diagnostic de dépression majeure d’intensité modérée à forte, avec une composante de « personnalité différée - douleurs chroniques - stresseurs psychosociaux d’intensité sévère », selon ce qui ressort de la décision de la CSST du 23 février 1999.
[46] Le 14 octobre 1997, le travailleur fait une autre réclamation pour récidive, rechute ou aggravation en invoquant qu’il souffre d’une dépression nerveuse qui est reliée à son accident du travail. Les notes évolutives de la CSST du 31 octobre 1997 laissent voir que le travailleur dit faire une dépression causée par les problèmes administratifs avec la CSST du fait que celle-ci refuse de lui rembourser certains frais, tels les frais d’entretien et de déménagement. Les notes révèlent aussi que le travailleur produit la réclamation parce qu’il s’est senti harcelé par la conseillère de la CSST qui insistait pour une tentative de retour au travail. La CSST, dans une lettre du 24 août 1998 refuse la réclamation, expliquant qu’il n’y a pas de relation entre la dépression du travailleur et l’accident initial. Le travailleur conteste cette décision qui est maintenue par la CSST à la suite d’une révision administrative, d’où le troisième élément du présent litige.
[47] Le 14 octobre 1997, le docteur Imbeault précise qu’il y a un blocage cervical et lombaire de même qu’une augmentation du réflexe patellaire gauche. Il demande une résonance magnétique.
[48] Le 6 novembre 1997, le docteur O. Zarodozny précise que la scintigraphie osseuse est négative, que la tomodensitométrie sacro-iliaque est inchangée. Le 11 novembre 1997, le rapport de résonance magnétique révèle une petite hernie discale à L4-L5 et L5-S1 médiane sans atteinte des racines ni du sac dural. Il n’y a pas de sténose spinale.
[49] Le 18 novembre 1997, le médecin de la CSST recommande le rejet de la réclamation compte tenu de l’absence de preuve objective d’aggravation relativement à l’hernie discale L4-L5 et du fait que le travailleur est porteur d’une condition personnelle, soit une spondylite ankylosante. Le 26 novembre 1997, la CSST refuse la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 4 juillet 1997, spécifiant qu’il n’y a pas de détérioration objective de l’état de santé du travailleur. Le procureur du travailleur dépose, au nom de travailleur, une contestation de cette décision en invoquant une aggravation de la condition du travailleur. La décision est maintenue par la CSST en révision administrative, d’où le deuxième élément du présent litige.
[50] Les notes évolutives, du 2 décembre 1997 de la Réadaptation à la CSST, laissent entendre que le travailleur n’est pas intéressé à reprendre un travail, qu’il ne participe pas activement à la démarche, qu’il ne se voit plus capable de travailler.
[51] Une tomodensitométrie des articulations sacro-iliaques du 4 décembre 1997 fait état de la possibilité d’une sacro-iliite à prédominance gauche.
[52] Le 3 février 1998, le psychiatre Jean-René Trudel voit le travailleur à la demande du docteur Séguin. Il constate que le travailleur fait une dépression majeure à sévère avec symptômes psychotiques. Il note que le travailleur « se dit énormément choqué contre la CSST qui lui refuse différents services et prestations » Le travailleur aurait « peur de commencer à travailler régulièrement car s’il perd son emploi par la suite, il pourrait se retrouver sans un sou et sans support financier supplémentaire de la CSST ». Il blâme la CSST pour sa faillite personnelle. Il « se sent lésé par la CSST au point d’avoir des idées meurtrières envers deux de ses agents ». Il admet « avoir des idées de violence physique avec des armes à feu » envers ces agents. Il s’endort et se réveille avec des projets de violence en tête. À l’examen mental, le médecin remarque qu’il est très difficile pour le travailleur de parler d’autres choses que de ses problèmes avec la CSST. Il croit que la CSST l’épie, le fait suivre et a même posé micros et caméras chez lui. Le médecin indique qu’il s’agit d’un délire paranoïde. Il ajoute que le travailleur montre une agitation psychomotrice en décrivant ses difficultés avec la CSST avec beaucoup de passion et de mouvements. Il est circonstanciel à ce sujet et ne peut focuser sur autre chose. Le psychiatre indique que le travailleur « semble avoir un insight plutôt superficiel, blâmant ses difficultés sur la CSST ». Il note, par ailleurs, que le travailleur se plaint de douleurs lombaires chroniques, mais ne semble pas souffrant et réussit à rester assis durant l’heure et demie que dure l’entrevue. Il recommande d’admettre le travailleur en centre hospitalier pour l’évaluer davantage et commencer des traitements en raison des symptômes psychotiques récents ainsi que des idées obsessionnelles concernant deux agents de la CSST. Son impression diagnostique est la suivante :
« Axe I : Dépression majeure avec symptômes psychotiques. Les symptômes dépressifs semblent en partie secondaires aux douleurs chroniques qu’il a au dos depuis un accident du travail mais aussi aux difficultés qu’il semble avoir avec la CSST.
Axe II : Diagnostic différé à l’axe II.
Axe III : Douleurs au dos chroniques suite à un accident du travail. Problèmes de prostate en investigation.
Axe IV : Problèmes psychosociaux : problèmes chroniques avec la CSST.
Axe V : Évaluation globale du fonctionnement (EGF) : existence d’une certaine altération du sens de la réalité, 35. ».
[53] Le 6 mai 1998, le docteur Imbeault rapporte que le moral du travailleur est meilleur et qu’il y a toujours présence d’une sciatique droite. Il consolide la lésion le 28 juillet 1998 avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[54] Le 19 août 1998, la CSST informe le travailleur qu’il est impossible de déterminer un emploi convenable que le travailleur serait capable d’exercer et décide de verser l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que le travailleur ait atteint l’âge de 68 ans, selon certaines modalités.
[55] Le 1er septembre 1998, le docteur Besemann note de l’arthrose facettaire avec une composante de sténose spinale. Le 8 septembre 1998, un électromyogramme suggère un diagnostic de spondylite ankylosante, de lombalgie secondaire à une sacro-iliite plutôt qu’à une hernie discale.
[56] Le 18 septembre 1998, le neurologue Jacques conclut :
« 1. Présence de HLA B27 positif, sacro-iliite chronique et à l’examen physique diminution des mouvements de la colonne, suggère le diagnostic de spondylite ankylosante. (…)
2. Lombalgie chronique probablement secondaire à sa sacro-iliite documentée à plusieurs reprises et non une hernie discale.
3. Les tests électrodiagnostiques aujourd’hui sont normaux. Ceci démontre qu’il n’y a donc objectivement pas d’atteinte axonale moteur ou de neuropathie pouvant suggérer soit une radiculopathie lombosacrée ou autre problème neuromusculaire pour expliquer les symptômes du patient.
4. Dans le contexte d’une spondylose ankylosante, on peut retrouver un phénomène d’arachnoïdite chronique qui pourrait théoriquement intéresser plusieurs racines lombo-sacrées ou la moelle thoracique elle-même, ceci pouvant causer les symptômes sensitifs décrits par le patient et non objectivable aux études électrodiagnostiques aujourd’hui.
5. La faiblesse notée à l’examen physique aujourd’hui est d’origine fonctionnelle c.-à-d. secondaire à sa douleur. Il n’y a pas d’évidence de perte axonale motrice pour expliquer celle-ci. »
[57] Le 8 décembre 1998, la CSST refuse d’accorder une allocation d’aide personnelle à domicile spécifiant que le travailleur est capable de prendre soin de lui- même et d’effectuer sans aide ses tâches domestiques. Le 30 décembre 1998, le travailleur conteste cette décision, qui sera maintenue par la CSST en révision administrative. La CSST justifie son refus d’une part par le fait que le travailleur est capable de prendre soin de lui-même, bien qu’il puisse avoir certaines difficultés à prendre soin de lui-même pour certaines activités. D’autre part, la CSST refuse l’aide personnelle à domicile puisque le travailleur peut exécuter sans aide les tâches domestiques qu’il aurait normalement faites n’eut été sa lésion. Le travailleur conteste cette décision, d’où le quatrième élément du présent litige.
[58] À l’audience, le travailleur explique qu’il aimerait que la CSST lui paie une souffleuse à neige. Il insiste sur le fait que, malgré son mal de dos, un peu d’exercice lui ferait du bien et pousser une souffleuse à neige serait de nature à favorise sa condition.
[59] Le 10 décembre 1999, les besoins en aide personnelle à domicile sont évalués par une ergothérapeute, madame Michelle Guimont. Celle-ci note les propos discordants du travailleur:
« D’une part, il met l’accent sur sa volonté de rester autonome et le plus actif possible. Il nous dit vouloir ainsi procéder lui-même à l’entretien du gazon l’été et de la neige l’hiver, en autant qu’on lui fournisse de l’équipement. (…) De plus, rappelons qu’il nous indiquait qu’il ressentait une exacerbation de ses douleurs lorsqu’il était exposé au froid l’hiver. »
[60] L’ergothérapeute conclut que le travailleur a besoin d’aide partielle pour le ménage léger de même que l’approvisionnement. Il a besoin d’une aide complète pour le ménage lourd. L’ergothérapeute accorde 3 points sur un total possible de 48.
[61] Au cours des mois de janvier et février 1999, le psychologue Gilles Dupont procède à l’évaluation psychologique du travailleur. Dans une lettre du 15 juin 1999 qu’il adresse au procureur du travailleur, il pose le diagnostic de syndrome anxio-dépressif sévère avec idéation paranoïde et manifestations somatiques. Il relie ce syndrome directement à son accident du travail d’août 1995 et aux conséquences en découlant. Il recommande que le travailleur soit suivi en psychothérapie individuelle. Le 1er août 2000, dans une autre lettre adressée à la nouvelle procureure du travailleur, il maintient son diagnostic et indique que l’équilibre psychique du travailleur est extrêmement fragile et qu’il devrait « avoir l’autorisation et le support de la CSST pour recevoir les soins appropriés à sa condition. Sinon, dans l’éventualité d’une absence prolongée d’aide thérapeutique appropriée, nous n’écartons pas la possibilité d’une désintégration plus marquée de son égo et (ou) même la possibilité d’un geste désespéré de violence face à lui-même et (ou) à autrui. » Le psychologue témoigne, à l’audience, que les douleurs chroniques ressenties par le travailleur ont eu un impact sur son équilibre psychique, qu’elles ont grandement affecté sa vie personnelle. Contrairement au psychiatre Trudel, le psychologue ne fait aucune mention de la relation entre la condition du travailleur et les tracasseries avec la CSST.
[62] Le 17 juin 2000, le travailleur est évalué par le psychiatre Marcel Boily qui pose un diagnostic de trouble dysthymique et difficulté d’adaptation. À la demande du travailleur, il recommande son hospitalisation au Centre Hospitalier Pierre-Janet. Le médecin rapporte que le travailleur lui a confié qu’il pourrait finalement s’adapter à son handicap et à son déficit « s’il réussissait à obtenir ce qu’il voulait de la CSST ».
[63] Le tribunal constate que le dossier comporte au moins trois lettres, les 30 mars 1998, 30 novembre 1998, 11 février 1999 dans lesquelles le travailleur adresse des menaces aux agents de la CSST. À la suite de la première lettre, le travailleur a envoyé une lettre d’excuses. Le tribunal constate aussi que la première lettre de menaces correspond à une période où le travailleur est hospitalisé en psychiatrie.
L'AVIS DES MEMBRES
[64] Le membre issu des associations d’employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont d’avis que les frais de déménagement n’ont pas à être remboursés au travailleur puisque ce dernier ne rencontre pas les conditions prévues aux articles 153 et 154 de la loi. En effet, le travailleur a déménagé sans que la CSST n’ait pu vérifier la possibilité d’aménagement du domicile existant et il n’a pas non plus fourni les estimations préalables nécessaires.
[65] Par ailleurs, les membres considèrent que le travailleur n’a pas subi une récidive, rechute ou aggravation le 4 juillet 1997 puisque aucune preuve objective ne permet de conclure à une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence des symptômes de la lésion initiale.
[66] En troisième lieu, le membre issu des associations d’employeurs est d’opinion que la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 17 octobre 1997 doit être refusée puisque la preuve n’a pas démontré que la dépression dont souffre le travailleur est en lien avec la lésion initiale. Quant au membre issu des associations syndicales, il croit que cette condition psychiatrique est reliée aux douleurs chroniques dont souffre le travailleur depuis son accident du 8 août 1995.
[67] Quatrièmement, les membres partagent l’avis suivant lequel le travailleur devrait bénéficier de l’aide personnelle à domicile dans la mesure prévue au rapport de l’ergothérapeute du 10 décembre 1999 qui donne un pointage de 3 sur 48 et indique que le paiement d’une souffleuse à neige n’est pas justifié.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Les frais de déménagement
[68] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur peut bénéficier du remboursement des frais de déménagement qu’il réclame. La loi prévoit les circonstances dans lesquelles les frais de déménagement peuvent être remboursés à un travailleur dont le domicile n’est pas adapté à son état. Les articles 153, 154 stipulent :
153. L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si :
1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique ;
2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile ; et
3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.
Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.
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1985, c. 6, a. 153.
154. Lorsque le domicile d'un travailleur visé dans l'article 153 ne peut être adapté à sa capacité résiduelle, ce travailleur peut être remboursé des frais qu'il engage, jusqu'à concurrence de 3 000 $, pour déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l'être.
À cette fin, le travailleur doit fournir à la Commission au moins deux estimations détaillées dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige.
________
1985, c. 6, a. 154.
[69] Ainsi, il ressort de ces dispositions qu’un travailleur peut être remboursé de ses frais de déménagement que s’il est visé par l’article 153 et si son logement ne peut être adapté. Dans ce cas, il doit fournir, à la CSST, deux estimations. En l’espèce, le travailleur rencontre le premier critère de l’article 153. En effet, il a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique, la CSST lui ayant reconnu un pourcentage d’atteinte permanente de 24% le 28 août 1996, de même qu’une aggravation de 7.25 % le 9 juin 1997. Toutefois, le travailleur est déménagé sans que la CSST n’ait pu évaluer la possibilité d’adapter son domicile de la rue Dorchester. Il n’a pas non plus fourni les estimations nécessaires. La loi est claire, le travailleur peut être remboursé de ses frais de déménagement lorsque son domicile ne peut être adapté à sa capacité résiduelle. Pour ce faire, la CSST doit être en mesure d’apprécier ce facteur, ce qui en l’espèce n’a pu être fait. Par conséquent, le tribunal ne peut faire droit à la demande de remboursement du travailleur.
La récidive, rechute ou aggravation du 4 juillet 1997
[70] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur a subi une lésion professionnelle, le 4 juillet 1997, en raison d’une récidive, rechute ou aggravation. La lésion professionnelle est définie à l'article 2 de la Loi dans les termes suivants :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;
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1985, c. 6, a. 2.; 1997,c27,a 1, 1999,c.14,a.2
[71] Il ressort, de ces dispositions, que la notion de récidive, rechute ou aggravation est incluse dans la notion de lésion professionnelle. Le législateur n’ayant pas défini l’expression récidive, rechute ou aggravation, il faut s’en reporter au sens usuel et courant des termes pour en saisir toute la signification et la portée. Nous pouvons en conclure qu’il s’agit d’une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence des symptômes de la lésion survenue lors de l’événement initial.
[72] De plus, la jurisprudence a établi qu’il n’était pas nécessaire que la récidive, rechute ou aggravation résulte d’un nouveau fait accidentel[2]. Toutefois, la partie qui veut prouver une récidive, rechute ou aggravation doit démontrer, par preuve prépondérante, que la lésion diagnostiquée à l’occasion de cette récidive, rechute ou aggravation est en relation avec celle établie lors de l’accident initial[3].
[73] La jurisprudence établit également certains paramètres qui permettent d’établir cette relation[4]. Notons, entre autre, la similitude du site de la lésion, la continuité ou la similitude des symptômes, la similitude des diagnostics, la proximité des événements, le suivi médical, le degré de sévérité du traumatisme initial et la présence ou l’absence d’atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique et de limitations fonctionnelles.
[74] Ces critères ne sont pas exhaustifs et la présence ou l’absence de l’un ou l’autre n’est pas nécessairement déterminante comme l’énonçait le commissaire Tardif dans l’affaire Gray-Peart et Hôtel Bonaventure :
« Aucun de ces paramètres n’est, à lui seul, péremptoire ou décisif mais, pris ensemble, ils peuvent permettre à l’adjudicateur de se prononcer sur le bien fondé de la demande du travailleur »[5]
[75] En l’espèce, rappelons que l’accident initial est survenu le 8 août 1995, que le diagnostic initial est une entorse lombaire qui a évolué en hernie discale L4-L5, que la lésion est consolidée le 24 juin 1996 avec une atteinte permanente à l’intégrité physique de 24% et des limitations fonctionnelles de classe II. Une exacerbation des symptômes, le 29 août 1996, est reconnue en tant que récidive, rechute ou aggravation avec un diagnostic de hernie discale. Cette nouvelle lésion est consolidée le 12 mai 1997 avec une nouvelle atteinte permanente à l’intégrité physique de 7,25% et des limitations fonctionnelles plus sévères de classe III. Deux mois plus tard, le 4 juillet 1997, le travailleur demande que lui soit reconnue une nouvelle récidive, rechute ou aggravation. Cependant, aucun document médical ne fait état de quelque détérioration que ce soit de l’état du travailleur pour cette période. Le dossier ne comporte aucune preuve objective d’une reprise évolutive, d’une réapparition ou d’une recrudescence des symptômes de la lésion survenue lors de l’événement initial.
[76] Par conséquent, le tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de reconnaître une nouvelle lésion professionnelle le 4 juillet 1999 sous forme de récidive, rechute ou aggravation.
La récidive, rechute ou aggravation du 14 octobre 1997.
[77] Rappelons que la jurisprudence majoritaire a établi que les complications administratives et les angoisses financières ne peuvent être reconnues comme facteur causal des troubles dépressifs donnant ouverture à la lésion professionnelle[6]. Il appartient au travailleur de faire la preuve de la relation entre le diagnostic de dépression découlant de la rechute et l’accident du travail initial.
[78] En l’espèce, le tribunal retient de la preuve que les véritables causes de la dépression sont essentiellement les difficultés financières du travailleur, les problèmes personnels qu’il a vécus du fait que la CSST lui a refusé certaines de ses demandes et le stress en résultant . En effet, à peine un mois avant que le travailleur ne fasse cession de ses biens et ne soit déclaré en faillite, un premier diagnostic de dépression est posé par le docteur Séguin le 11 décembre 1996 qui met le travailleur sous traitement avec des anti-dépresseurs. Les notes médicales font état de problèmes financiers à cette époque. Deux semaines après la déclaration de la faillite, le médecin réfère le travailleur à un psychologue.
[79] Quelques mois plus tard, en avril 1997, le psychiatre Trudel rapporte un examen dans lequel il indique que la dépression, possiblement chronique, est secondaire à de nombreux stress. Les notes évolutives de la CSST laissent voir la situation financière déficiente dans laquelle se trouvait le travailleur, compte-tenu entre autres de la pension alimentaire qu’il doit payer et du fait que, suite à son accident, il ne pouvait plus rencontrer ses obligations financières. Les notes de la CSST, pour cette période, laissent voir que le travailleur dit faire une dépression qui est causée par les nombreux refus que lui impose la CSST. Le travailleur fait la réclamation pour faire reconnaître sa dépression parce qu’il se sent harcelé par une agente de la CSST qui insiste pour qu’il tente un retour au travail.
[80] Dans son examen du 3 février 1998, le docteur Trudel laisse clairement entendre que le travailleur se plaint de douleurs lombaires chroniques, mais n’apparaît pas souffrant et réussit à rester assis durant l’heure et demie que dure l’entrevue. L’histoire que raconte le travailleur révèle par contre que les tracasseries avec la CSST sont en relation avec les idées homicidaires du travailleur, que celui-ci blâme la CSST pour ses difficultés et problèmes financiers. Le médecin note, entre autres, que le travailleur « semble avoir un insight plutôt superficiel, blâmant ses difficultés sur la CSST ». Il indique même que le travailleur a peur de recommencer à travailler, non pas à cause de ses problèmes lombaires, mais à cause de considérations financières. Il ressort de cet examen que la persistance des douleurs découlant de la lésion professionnelle ne semble pas être la cause de la dépression du travailleur.
[81] Par ailleurs, le psychologue Dupont est d’avis contraire et déclare, sans aucune hésitation, que la condition psychiatrique du travailleur est uniquement due à ses douleurs lombaires. Devant des avis plutôt contradictoires, le tribunal préfère l’analyse plus complète du spécialiste, le psychiatre Trudel et considère que les démêlés du travailleur avec la CSST et sa situation financière précaire sont en lien avec la dépression du travailleur.
[82] De plus, le psychiatre Boily déclare, en juin 2000, que le travailleur lui a mentionné que s’il recevait ce qu’il désire de la CSST, il finirait par s’adapter à son handicap et son déficit.
[83] Le tribunal retient que l’angoisse que vit le travailleur face à sa situation financière difficile n’est certes pas une conséquence de la lésion professionnelle, mais elle relève davantage de la crainte qu’a le travailleur de voir sa réclamation refusée et sa situation financière empirer.
[84] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que ni les démêlés du travailleur avec la CSST ni son angoisse face à une situation financière difficile ne peuvent être retenus pour conclure à une lésion professionnelle. Ainsi, l’état dépressif du travailleur n’est pas en lien avec la lésion professionnelle initiale. Par conséquent, le tribunal refuse la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 14 octobre 1997.
L’aide personnelle à domicile
[85] L’aide personnelle à domicile est prévue au Chapitre IV Réadaptation de la loi. L’article 145 établit le droit à la réadaptation :
145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.
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1985, c. 6, a. 145.
[86] L’article 146 prévoit la mise en œuvre d’un plan de réadaptation :
146. Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.
Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.
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1985, c. 6, a. 146.
[87] L’article 152 stipule que l’aide à domicile est comprise dans ce plan :
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° des services professionnels d'intervention psychosociale ;
2° la mise en œuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle ;
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile ;
4° le remboursement de frais de garde d'enfants ;
5° le remboursement du coût des travaux d'entretien courant du domicile.
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1985, c. 6, a. 152.
[88] L’aide à domicile est accordée si le travailleur rencontre certaines exigences :
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
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1985, c. 6, a. 158.
[89] Le montant d’aide à domicile est déterminé selon certaines dispositions de la Loi:
160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.
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1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.
118. Toutes les sommes d'argent fixées dans le présent chapitre, à l'exception des articles 50, 63 et 66, dans le chapitre IV et dans les annexes II et V sont revalorisées le 1er janvier de chaque année.
L'indemnité de décès que reçoit un bénéficiaire en vertu du premier alinéa de l'article 102 est aussi revalorisée à cette date.
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1985, c. 6, a. 118.
161. Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.
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1985, c. 6, a. 161.
[90] De plus, afin d’établir les besoins individuels et le montant d’aide à domicile auquel un travailleur a droit, le tribunal doit référer au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile[7] (le règlement), adopté par la CSST, conformément à l’article 454, de la loi. Les articles 5, 7 et 8 se lisent ainsi :
5. Les besoins d’aide personnelle sont évalués par la Commission de la santé et de la sécurité du travail en tenant compte de la situation du travailleur avant la lésion professionnelle, des changements qui en découlent et des conséquences de celle-ci sur l’autonomie du travailleur.
Ces besoins peuvent être évalués à l’aide de consultations auprès de la famille immédiate du travailleur, du médecin qui a charge ou d’autres personnes-ressources.
Cette évaluation se fait selon les normes prévues au présent règlement et en remplissant la grille d’évaluation prévue à l’annexe I.
7. L’aide personnelle à domicile est réévaluée périodiquement, conformément à l’article 161 de la loi, pour tenir compte de l’évolution de l’état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.
8. Cette réévaluation se fait selon les normes prévues au présent règlement et en remplissant la grille d’évaluation prévue à l’annexe I.
[91] L’annexe I du règlement prévoit la grille d’évaluation des besoins en aide personnelle et domestique. Celle-ci définit les différents niveaux pour les besoins d’assistance de la façon suivante :
Besoin d’assistance complète:
Le travailleur est incapable de réaliser l’activité ou la tâche même en considérant, s’il y a lieu, l’utilisation d’une orthèse, d’une prothèse ou d’une aide technique ou l’adaptation du domicile, car sa contribution à la réalisation de l’activité ou de la tâche n’est pas significative ou présente un danger évident pour sa sécurité.
Besoin d’assistance partielle:
Le travailleur est incapable de réaliser, de façon sécuritaire, une partie significative de l’activité ou de la tâche, même en considérant, s’il y a lieu, l’utilisation d’une orthèse, d’une prothèse ou d’une aide technique ou l’adaptation du domicile, mais il a nécessairement besoin de l’assistance significative d’une autre personne pour sa réalisation complète.
Aucun besoin d’assistance :
Le travailleur est capable de réaliser l’activité ou la tâche seul, en considérant, s’il y a lieu, l’utilisation d’une orthèse, d’une prothèse ou d’une aide technique ou l’adaptation du domicile. L’activité ou la tâche est réalisée de façon sécuritaire.
[92] Cette annexe prévoit également un tableau permettant d’établir le montant mensuel de l’aide personnelle à domicile. Ce tableau détermine que pour un pointage se situant entre 2,5 et 4 points, le montant de l’aide mensuelle équivaut à 4,3% du montant maximum mensuel de l’aide prévu à l’article 160 de la loi et réévalué à chaque année conformément au règlement.
[93] Rappelons que l’ergothérapeute Guimont a reconnu que le travailleur avait besoin d’aide partielle pour le ménage léger et pour l’approvisionnement et les courses, alors qu’il nécessite de l’aide complète pour le ménage lourd. Ces besoins correspondent à 3 points sur une possibilité de 48. En l’absence d’autre preuve et en application du tableau, le tribunal détermine que le travailleur a droit à un montant mensuel d’aide personnelle à domicile correspondant à 4,3% du maximum mensuel.
[94] Quant à la demande du travailleur pour obtenir une souffleuse à neige dont le coût serait défrayé par la CSST, le tribunal la rejette. Le tribunal considère absolument farfelue l’explication donnée par le travailleur selon laquelle pousser une souffleuse à neige serait thérapeutique pour sa condition. De plus, le rapport de l’ergothérapeute est également éloquent à ce sujet notant les propos discordants du travailleur sur son désir de souffler la neige et l’exacerbation alléguée de ses douleurs lorsqu’il est exposé au froid.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Jean-Marc Boivin, le travailleur, concernant les frais de déménagement;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 février 1999 à la suite d’une révision administrative au sujet des frais de déménagement;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement de ses frais de déménagement;
REJETTE la requête du travailleur concernant la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 4 juillet 1997;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 février 1999 à la suite d’une révision administrative au sujet de la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 4 juillet 1997;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 4 juillet 1997;
REJETTE la requête du travailleur concernant la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 14 octobre 1997;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 février 1999 à la suite d’une révision administrative au sujet de la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation du 14 octobre 1997;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 14 octobre 1997;
ACCUEILLE en partie la requête du travailleur concernant l’aide personnelle à domicile;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 février 1999 à la suite d’une révision administrative au sujet de l’aide personnelle à domicile;
DÉCLARE que le montant d’aide personnelle à domicile à être versé au travailleur doit correspondre à 4,3% du maximum établi en application de l’article 160 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, à compter du 3 décembre 1999, date du rapport de l’ergothérapeute Michelle Guimont;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail n’a pas à défrayer le coût d’achat d’une souffleuse à neige.
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Me Marie Langlois |
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Commissaire |
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Coutu & Associés (Me Joanne Cousineau) |
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Représentant de la partie requérante |
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Panneton, Lessard (Me Michèle Gagnon Grégoire) |
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Représentant de la partie intervenante |
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[1]
L.R.Q.
ch. A-3.001.
[2]
Voir
entre autres Lapointe et Compagnie minière Québec-Cartier,
[1989]
CALP 38
; Morel et Centre Routier Inc.,
[1989] CALP 1171
; Turcotte et Société
Canadienne de métaux Reynolds, CALP 11802-09-9595, 08-10-91, R. Brassard; Beaudoin et Meubles Avant-Garde (1985) et
Ville de Montréal, CALP. 29554-60-9105, 31-03-95, L. Boucher.
[3]
Voir
entre autres Lapointe et Compagnie minière Québec-Cartier, cité
note 2; Desabrais et Centre hospitalier Rouyn-Noranda, CALP.
12418-08-8903, 30-07-92, Y. Tardif
[4]
La Fratta et Aéroservices
JT Inc., CALP 28598-60-9104, 16-12-93, A. Leydet; Servant et Association de
Loisir C.H.R.B.C.H., CALP 12594-09-8907, 23-12-92, R. Jolicoeur; Pedro et Construction
Easy Pilon Inc. et CSST,
[1990]
CALP 776
.
[5]
C.A.L.P. 13242-60-8905, 11-10-91, Y. Tardif
[6]
Voir
entre autres De Chatigny et
Les Gicleurs Delta ltée,
16489-63-9001, 93-05-11, J. Y. Desjardins; Chemins
de fer nationaux et Maheu , 20557-63-9007, 94-02-04, A.
Suicco; Mallette et A. Di Pancrazio Construction inc.,
37375-62-9201, 95-02-10, J.Y. Desjardins; CSST
et Bélanger, 44310-03-9210,
95-02-27, G. Godin; Banque nationale du
Canada et Tardif, 65604-60-9501,
96-10-25, N. Lacroix.
[7]
( 1997) 129 G.O. II, 7365.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.