Molloy et Compagnie Krispy K Canada

2009 QCCLP 5438

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

4 août 2009

 

RĂ©gion :

Lanaudière

 

Dossiers :

330744-63-0710      345512-63-0804

 

Dossier CSST :

129399879

 

Commissaire :

Luce Morissette, juge administrative

 

Membres :

Lorraine Patenaude, associations d’employeurs

 

Gérald Dion, associations syndicales

 

Assesseur :

Dr Michel Lesage

 

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Steve Molloy

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Compagnie Krispy K Canada

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

DOSSIER : 330744

[1]                Le 22 octobre 2007, Steve Molloy (le travailleur) dĂ©pose Ă  la Commission des lĂ©sions professionnelles (le tribunal) une requĂŞte par laquelle il conteste une dĂ©cision de la Commission de la santĂ© et de la sĂ©curitĂ© du travail (la CSST) rendue le 12 octobre 2007, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[2]                Par cette dĂ©cision, la CSST confirme deux dĂ©cisions qu’elle a initialement rendues les 10 juillet 2007 et 3 aoĂ»t 2007.

[3]                Dans la dĂ©cision du 10 juillet 2007, elle dĂ©clare que le travailleur est capable d’exercer son emploi de chauffeur livreur Ă  compter de cette date et que le droit au versement de l’indemnitĂ© de remplacement du revenu prend fin Ă  ce moment.

[4]                Dans la dĂ©cision du 3 aoĂ»t 2007, elle dĂ©clare que le travailleur n’a pas subi une rĂ©cidive, rechute ou aggravation le 17 juillet 2007 ni un accident du travail.

 

DOSSIER : 345512

[5]                Le 14 avril 2008, le travailleur dĂ©pose au tribunal une requĂŞte par laquelle il conteste une dĂ©cision de la CSST rendue le 7 avril 2008, Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative.

[6]                Par cette dĂ©cision, la CSST confirme trois dĂ©cisions qu’elle a initialement rendues les 21 dĂ©cembre 2007, 24 et 31 janvier 2008.

[7]                Dans la dĂ©cision du 21 dĂ©cembre 2007, elle dĂ©clare que le travailleur a droit au remboursement des frais de dĂ©neigement, mais pas au remboursement des frais pour la tonte du gazon.

[8]                Dans la dĂ©cision du 24 janvier 2008, elle dĂ©clare que le travailleur n’a pas subi une rĂ©cidive, rechute ou aggravation le 17 dĂ©cembre 2007.

[9]                Finalement, dans la dĂ©cision du 31 janvier 2008, elle dĂ©clare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais d’entretien courant du domicile pour l’entretien du terrain pour l’annĂ©e 2006, le dĂ©neigement pour 2006-2007 et le grand mĂ©nage du printemps 2007.

[10]           L’audience s’est tenue les 30 juillet 2008 et 1er mai 2009 Ă  Joliette en prĂ©sence du travailleur et de son reprĂ©sentant. La Compagnie Krispy K Canada (l’employeur) a averti le tribunal qu’elle ne serait pas reprĂ©sentĂ©e. Pour sa part, la CSST Ă©tait reprĂ©sentĂ©e.

 

 

L’OBJET DES CONTESTATIONS

DOSSIER : 330744

[11]           Le travailleur demande de dĂ©clarer qu’il Ă©tait incapable d’exercer son emploi de chauffeur livreur le 10 juillet 2007; il demande Ă©galement de dĂ©clarer qu’il a subi une lĂ©sion professionnelle le 17 juillet 2007, soit un accident du travail.

DOSSIER : 345512

[12]           Le travailleur ne conteste plus la dĂ©cision dĂ©clarant qu’il n’a pas subi une lĂ©sion professionnelle le 17 dĂ©cembre 2007; il demande de reconnaĂ®tre qu’il avait droit au remboursement des frais d’entretien, soit le dĂ©neigement pour l’annĂ©e 2006, et ce, Ă  compter de la survenance de l’accident du travail du 23 fĂ©vrier 2006. Il ne fait aucune demande concernant les frais d’entretien du gazon ou du grand mĂ©nage.

 

LA PREUVE

[13]           Le travailleur est chauffeur livreur chez l’employeur depuis 2005 lorsqu’il chute sur le dos, le 23 fĂ©vrier 2006, en chargeant son camion. Il est alors âgĂ© de 56 ans.

[14]           Au dĂ©part, le diagnostic retenu lors de cet accident, qui a Ă©tĂ© acceptĂ© par la CSST, est une contusion lombaire. Ă€ compter du 3 juillet 2006, ce diagnostic sera modifiĂ© pour celui d’entorse lombaire.

[15]           Le tribunal note que la docteure Tessier, soit le mĂ©decin qui assure alors le suivi du travailleur, recommande un retour au travail progressif et elle maintiendra cette suggestion jusqu’au 23 novembre 2006. Le 17 dĂ©cembre 2006, lors d’une visite au docteur Imbeault, celui-ci recommande aussi le maintien d’un retour au travail.

[16]           Le 1er septembre 2006, le travailleur a passĂ© un test d’imagerie par rĂ©sonance magnĂ©tique (IRM) de la colonne lombaire dont l’interprĂ©tation des rĂ©sultats a dĂ©montrĂ© des changements dĂ©gĂ©nĂ©ratifs aux niveaux L4-L5 et L5-S1 sans stĂ©nose spinale ou hernie discale.

[17]           Le 12 fĂ©vrier 2007, la docteure Tessier remplit un rapport final dans lequel elle fixe la date de consolidation Ă  cette date tout en indiquant que la lĂ©sion n’a pas entraĂ®nĂ© d’atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© physique, mais uniquement des limitations fonctionnelles. Elle indique qu’elle ne remplira pas le rapport d’évaluation mĂ©dicale.

[18]           Ă€ la demande de la CSST, le docteur Pierre Legendre, chirurgien orthopĂ©diste, examine le travailleur le 30 mars 2007 afin qu’il remplisse un rapport d’évaluation mĂ©dicale. Le mĂ©decin rapporte que le travailleur se plaint d’une douleur lombaire bilatĂ©rale qu’il Ă©value Ă  6/10 alors que lors de la survenance de l’accident, elles Ă©taient Ă  8/10.

[19]           Ă€ l’examen objectif, le mĂ©decin note une diminution de l’amplitude articulaire en flexion de 10 degrĂ©s. Une diminution de 10 degrĂ©s est aussi notĂ©e en extension et en flexions latĂ©rales. Les manĹ“uvres de mise en tension radiculaires sont nĂ©gatives.

[20]           Le docteur Legendre octroie un pourcentage d’atteinte permanente de 2 % en mentionnant que les ankyloses ne sont pas en relation avec les changements dĂ©gĂ©nĂ©ratifs notĂ©s Ă  l’IRM qu’il estime proportionnels Ă  l’âge du travailleur. Il Ă©met les limitations fonctionnelles suivantes :

Monsieur Molloy devra éviter d’accomplir de façon répétée ou fréquente des activités qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de vingt kilogrammes. Il ne devrait pas travailler en position accroupie, ni ramper, ni grimper. Il ne devrait pas effectuer de façon fréquente ou répétée des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire. Il ne devrait pas subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale comme ceux provoqués par du matériel roulant sans suspension.

 

 

[21]           Le 16 avril 2007, le docteur Tessier se dit d’accord avec les conclusions du docteur Legendre.

[22]           La CSST a rendu des dĂ©cisions les 25 et 26 avril 2007 par lesquelles elle informe le travailleur que, d’une part, il continuera de recevoir l’indemnitĂ© de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur sa capacitĂ© Ă  reprendre son emploi. D’autre part, elle dĂ©clare que le travailleur conserve une atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© physique de 2,20 % lui donnant droit Ă  une indemnitĂ© de 1 181,88 $. Il n’y a pas eu de contestation de ces dĂ©cisions.

[23]           Le dossier du travailleur a Ă©tĂ© dirigĂ© au service de rĂ©adaptation de la CSST. Dans le cadre de cette dĂ©marche, l’ergothĂ©rapeute Claude Bougie a Ă©tĂ© mandatĂ© par la CSST pour Ă©valuer le poste de travail en cause.

[24]           Un premier rapport de l’ergothĂ©rapeute a Ă©tĂ© produit le 28 juin 2007 et un deuxième lors d’une visite au mois d’aoĂ»t 2008 pour laquelle une « mise Ă  jour Â» de l’évaluation antĂ©rieure[1] a Ă©tĂ© produite.

[25]           Ainsi, les rapports dĂ©crivent les tâches du travailleur. Dans un premier temps, celui-ci se rend au centre de distribution de l’employeur oĂą il s’informe des commandes Ă  livrer. Les commandes ont Ă©tĂ© prĂ©alablement prĂ©parĂ©es par d’autres employĂ©s. Il fait aussi une inspection visuelle et sommaire du camion. Au moment de la visite du mois d’aoĂ»t 2008, l’employeur a mentionnĂ© qu’il avait changĂ© ses camions pour des modèles plus rĂ©cents. Le tribunal comprend que tous les camions sont dorĂ©navant munis de sièges pneumatiques.

[26]           Le camion est muni d’une rampe d’accès rĂ©tractable et inclinable qui est utilisĂ©e pour le chargement et le dĂ©chargement des produits. La force requise pour tirer cette rampe a Ă©tĂ© mesurĂ©e entre 18 et 21 kilos alors que la force pour la pousser est de 18 kilos. La force requise pour soulever la porte du camion est de 16 kilos et celle pour la fermer est de 20 kilos.

[27]           Par la suite, le travailleur commence Ă  charger le camion de livraison. Ă€ l’audience, il explique que les beignes sont placĂ©s dans deux types de contenants : les chariots et les « racks Â».

[28]           Le rapport de l’ergothĂ©rapeute indique que les chariots mesurent 28 X 18 pouces, pour une hauteur de 68 pouces. Ils comportent 22 rangĂ©es de plateaux sur lesquels sont dĂ©posĂ©s deux plateaux contenant chacun 12 beignes. Le poids d’un chariot plein est de 141 livres. La force requise pour pousser un chariot plein, sur une surface plane, est de 3,5 kg et, sur un plan inclinĂ©, comme la rampe, entre 13 et 15 kg.

[29]           Pour leur part, les « racks Â» contiennent 8 boĂ®tes de beignes. Un « rack Â» plein pèse 5,8 kg. Le travailleur empile jusqu’à 11 « racks Â», soit 10 pleins et un vide. Il dĂ©place cette pile Ă  l’aide d’un diable.

[30]           La force requise pour pousser ou tirer la pile directement au sol avec friction est de 10 kilos. Au moment oĂą le travailleur utilise un diable pour basculer la pile, la force requise est Ă©valuĂ©e Ă  12 kilos; s’il pousse le diable sur une surface plane, la force requise est de 9 kilos alors que s’il la pousse sur un plan inclinĂ©, elle est de 20 kilos.

[31]           Une route de livraison peut comprendre entre 11 et 14 chariots et jusqu’à 10 Â« racks Â» de boĂ®tes. Ă€ l’audience, le travailleur a mentionnĂ© qu’il chargeait 60 boĂ®tes impliquant six Ă  huit trajets pour charger le camion.

[32]           Par la suite, la livraison elle-mĂŞme commence. Le travailleur Ă©value qu’il avait en moyenne 35 clients Ă  visiter, soit des stations d’essence offrant un comptoir de beignes et sept ou huit magasins de grande surface. Le tribunal comprend que les chariots Ă©taient destinĂ©s aux stations-service et les « racks Â» aux grandes surfaces. Ă€ ce sujet, concernant le nombre de clients Ă  desservir lors d’un quart de travail, le reprĂ©sentant du travailleur a admis qu’il se situe vraisemblablement Ă  30.

[33]           Le travailleur explique qu’aux stations-service, il commençait par sortir la rampe d’accès pour ensuite pousser le chariot sur celle-ci. Une fois au sol, le travailleur basculait le chariot vers lui pour franchir Ă  l’occasion une Ă©lĂ©vation du trottoir ou l’entrĂ©e du commerce. La force exigĂ©e pour cette manĹ“uvre a Ă©tĂ© Ă©valuĂ©e Ă  12 kilos.

[34]           Ă€ l’audience, le travailleur a prĂ©cisĂ© qu’il livrait un chariot par client. Une fois Ă  l’intĂ©rieur du commerce, il enlevait les produits invendus, lavait le prĂ©sentoir et garnissait le comptoir. Les produits invendus Ă©taient remis sur le chariot et rapportĂ©s dans le camion. Revenu au centre de distribution, le travailleur sortait les chariots pour jeter les produits invendus. Le travailleur a expliquĂ© que la livraison dans les grandes surfaces Ă©tait diffĂ©rente puisque ces Ă©tablissements Ă©taient munis de quais de livraison situĂ©s Ă  une hauteur Ă©gale du plancher de la boĂ®te du camion. La livraison ne nĂ©cessitait pas la sortie de la rampe inclinĂ©e.

[35]           Le 10 juillet 2007, la CSST dĂ©cide que le travailleur est capable d’exercer son emploi prĂ©lĂ©sionnel Ă  compter de cette date. Le travailleur a contestĂ© cette dĂ©cision, mais la CSST, en rĂ©vision administrative, l’a maintenue, d’oĂą l’une des contestations dont le tribunal est saisi. Dans les faits, le travailleur est bel et bien retournĂ© au travail Ă  cette date, mais dans les circonstances qui seront exposĂ©es peu après.

[36]           Le travailleur a tĂ©moignĂ© qu’avant l’accident du mois de fĂ©vrier 2006, il n’avait eu aucun mal de dos. Il a tentĂ© un retour au travail au mois de juin 2006 et un autre en dĂ©cembre de la mĂŞme annĂ©e, tentatives qui se sont soldĂ©es par des Ă©checs. Il affirme qu’avant son retour au travail au mois de juillet 2007, sa condition Ă©tait amĂ©liorĂ©e de 70 Ă  80 %.

[37]           Le 10 juillet 2007, le travailleur se prĂ©sente donc chez l’employeur qui lui propose, pour les premiers jours, d’agir comme assistant d’un collègue de travail sur la route de livraison. Il affirme que jusqu’au 16 juillet 2007, il n’a exĂ©cutĂ© aucune tâche physique, se contentant de prendre des notes et de nettoyer les prĂ©sentoirs, sans forcer.

[38]           Toutefois, le 16 juillet 2007, il est averti qu’il doit reprendre ses tâches rĂ©gulières. C’est ainsi qu’il dĂ©crit que cette journĂ©e-lĂ , il a prĂ©parĂ© ses commandes vers 17 h 30 et il a commencĂ© Ă  les charger pour un dĂ©part prĂ©vu Ă  20 h. Il affirme qu’il ne se sentait pas « guĂ©ri Â» et qu’entre autres, le dĂ©placement de la rampe du camion Ă©tait difficile Ă  faire. Il a tout de mĂŞme commencĂ© ses livraisons, mais en travaillant plus lentement. Après avoir travaillĂ© 16 heures continues, en descendant du camion, alors qu’il Ă©tait chez un client, il relate que son dos a barrĂ©. Il ne dĂ©crit aucun geste particulier. Une ambulance a Ă©tĂ© appelĂ©e et il a Ă©tĂ© amenĂ© Ă  l’urgence d’un centre hospitalier oĂą un mĂ©decin, le docteur Gendron, a diagnostiquĂ© une entorse lombaire. Des anti-inflammatoires et un arrĂŞt de travail ont Ă©tĂ© prescrits. Il est retournĂ© Ă  son domicile en taxi, souffrant. Le travailleur n’a pas repris ces tâches depuis.

[39]           InterrogĂ© Ă  l’audience sur le niveau des douleurs lors de cet Ă©pisode, il rĂ©pond qu’elles Ă©taient de 8/10, soit les mĂŞmes que celles ressenties lors de l’évĂ©nement d’origine.

[40]           Le 19 juillet 2007, le travailleur est vu par le docteur A. Payne qui pose un diagnostic d’entorse lombaire et prescrit un arrĂŞt de travail.

[41]           Ă€ propos de cette visite, le reprĂ©sentant du travailleur a produit une note du docteur Payne datĂ©e du 7 juillet 2008 dans laquelle le mĂ©decin rapporte les observations suivantes Ă  propos de l’examen qu’il aurait pratiquĂ© lors de la visite du 19 juillet 2007.

[42]           Ainsi, la mesure des amplitudes articulaires dĂ©montre une perte en flexion de 30 degrĂ©s et en extension de 10 degrĂ©s. Le mĂ©decin note Ă©galement que les manĹ“uvres de mises en tension radiculaire sont positives.

[43]           Les notes Ă©volutives de la CSST, en date du 31 juillet 2007, rapportent que le travailleur Ă©valuait ses douleurs Ă  6/10 au moment de la consolidation de sa lĂ©sion, mais qu’après l’épisode du 17 juillet 2007, elles ont augmentĂ© Ă  8/10.

[44]           Le 7 septembre 2007, le travailleur a passĂ© un test d’imagerie par rĂ©sonance magnĂ©tique (IRM) de la colonne dont l’interprĂ©tation des rĂ©sultats a dĂ©montrĂ© ce qui suit :

Canal spinal limite probablement en relation avec les pédicules courts et de façon multi-étagée.

 

Un peu de discopathie en 4-5 et 5-1 mais les pathologies principales sont plutôt au niveau des trous de conjugaison dues aux pédicules courts et à l’hypertrophie des facettes avec diminution des trous de conjugaison en 4-5 et 5-1 à gauche et à un moindre degré droits.

 

 

[45]           Le 19 dĂ©cembre 2007, la CSST a Ă©valuĂ© les besoins d’aide pour les travaux d’entretien courant du domicile.

[46]           Nous pouvons lire Ă  l’item « DĂ©neigement Â» que l’effort dĂ©ployĂ© dans cette activitĂ© peut entraĂ®ner une fatigue musculaire et, vu le fait que le dĂ©neigement doit se faire assez rapidement pour permettre au travailleur de se rendre au travail, les frais encourus pour le dĂ©neigement seront remboursĂ©s.

[47]           Le 21 dĂ©cembre 2007, la CSST rend une dĂ©cision par laquelle elle accepte de payer les frais de dĂ©neigement.

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

[48]           Le reprĂ©sentant du travailleur prĂ©tend que dans l’apprĂ©ciation du respect des limitations fonctionnelles, en regard de l’emploi prĂ©lĂ©sionnel, il y a lieu de retenir qu’à plus d’une reprise, l’ergothĂ©rapeute rapporte des poids Ă  soulever de 18 kilos. Or, ce chiffre est très près de la limite de 20 kilos imposĂ©e au travailleur. Le tribunal doit donc en tenir compte. Il rappelle que la manipulation de la rampe ou la fermeture de la porte du camion implique le soulèvement d’un poids de cet ordre.

[49]           Le reprĂ©sentant Ă©value que le travailleur, en effectuant des livraisons chez une trentaine de clients, doit utiliser une force de 18 ou 20 kilos plus d’une centaine de fois par quart de travail. Il ajoute que l’utilisation du diable requiert Ă©galement une force de 20 kilos au moment oĂą le travailleur le pousse sur la rampe. Or, il Ă©value que le travailleur doit exĂ©cuter cette manĹ“uvre plus d’une centaine de fois par quart de travail, ce qui ne peut ĂŞtre qualifiĂ© de geste occasionnel.

[50]           Ainsi, il demande de dĂ©clarer que les exigences de l’emploi de chauffeur livreur ne respectent pas les limitations fonctionnelles du travailleur et qu’il n’était pas capable de l’exĂ©cuter.

[51]           Concernant l’évĂ©nement du 17 juillet 2007, il demande de reconnaĂ®tre que le travailleur a subi, Ă  cette date, une lĂ©sion professionnelle, soit un accident du travail. Il est d’avis que l’article 28 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) s’applique et que la prĂ©somption n’a pas Ă©tĂ© renversĂ©e.

[52]           Pour ce qui est des travaux de dĂ©neigement, il souligne que le travailleur n’était pas capable physiquement d’effectuer cette tâche avant la consolidation de sa lĂ©sion professionnelle. Or, la CSST a acceptĂ© d’assumer ces coĂ»ts uniquement après la date de consolidation. Il y a une incohĂ©rence dans cette position qu’il demande au tribunal de corriger. Il dĂ©pose de la jurisprudence[3].

[53]           Pour sa part, la reprĂ©sentante de la CSST souligne qu’il n’y a aucune preuve que le travailleur devait manipuler la rampe du camion Ă  chaque livraison. Elle rappelle que dans le premier rapport de l’ergothĂ©rapeute, il est plutĂ´t mentionnĂ© que la rampe Ă©tait utilisĂ©e de manière occasionnelle. Elle rĂ©fère aussi aux notes Ă©volutives de la CSST qui confirment cette assertion. Dans tous les cas, le travailleur n’a produit aucune expertise contredisant les conclusions de l’ergothĂ©rapeute. En consĂ©quence, la dĂ©cision concernant la capacitĂ© pour le travailleur Ă  reprendre son emploi doit ĂŞtre maintenue.

 

[54]           Concernant l’évĂ©nement du 17 juillet 2007, la reprĂ©sentante est d’avis qu’aucun nouvel Ă©vĂ©nement n’est survenu Ă  cette date. La prĂ©somption prĂ©vue Ă  l’article 28 de la loi ne s’applique pas dans le cas oĂą un travailleur est symptomatique au moment de l’évĂ©nement allĂ©guĂ©. Or, dans le prĂ©sent dossier, c’était vraisemblablement le cas du travailleur. Elle ajoute qu’il n’y a pas de preuve qu’il s’agit d’une rĂ©cidive, rechute ou aggravation. En fait, il s’agit plus de la manifestation d’un symptĂ´me associĂ© Ă  la condition personnelle. Elle rĂ©fère en cela au rĂ©sultat de l’IRM dĂ©montrant des signes de discopathie.

[55]           Elle n’a aucun commentaire Ă  prĂ©senter concernant le refus de rembourser les frais de dĂ©neigement.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[56]           La membre issue des associations d'employeurs et le membre issu des associations syndicales ont un avis unanime, soit de rejeter la requĂŞte du travailleur concernant sa capacitĂ© Ă  exercer son emploi. Les membres retiennent que selon la preuve prĂ©sentĂ©e, les limitations fonctionnelles octroyĂ©es sont respectĂ©es dans l’exercice des tâches de chauffeur livreur chez l’employeur.

[57]           Concernant l’évĂ©nement du 17 juillet 2007, la membre issue des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle Ă  cette date. Elle retient qu’à ce moment, le travailleur avait Ă©tĂ© absent durant une longue pĂ©riode de temps et que le fait de travailler 16 heures d’affilĂ©e peut ĂŞtre considĂ©rĂ©, dans les circonstances du prĂ©sent dossier, comme un Ă©vĂ©nement imprĂ©vu et soudain. En consĂ©quence, la requĂŞte du travailleur doit ĂŞtre accueillie.

[58]           Pour sa part, le membre issu des associations syndicales est d’avis que le diagnostic qui doit ĂŞtre retenu est celui d’une entorse lombaire, soit une blessure. De plus, le travailleur s’est blessĂ© au travail alors qu’il exĂ©cutait ses tâches. La prĂ©somption prĂ©vue Ă  l’article 28 de la loi s’applique et elle n’a pas Ă©tĂ© renversĂ©e par une preuve d’absence de lien entre le diagnostic retenu et les faits rapportĂ©s. En consĂ©quence, la requĂŞte du travailleur doit ĂŞtre accueillie.

[59]           Pour ce qui est des frais de dĂ©neigement, les membres sont d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement Ă  compter de 2006-2007 puisqu’il n’a soumis aucune preuve mĂ©dicale prĂ©pondĂ©rante permettant de conclure qu’au 23 fĂ©vrier 2006, il Ă©tait porteur d’une atteinte permanente grave.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[60]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit dĂ©cider, en premier lieu, si le travailleur Ă©tait capable d’exercer son emploi prĂ©lĂ©sionnel le 10 juillet 2007. Elle doit par la suite dĂ©cider si le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle le 17 juillet 2007 et, finalement, s’il a droit au remboursement des frais de dĂ©neigement depuis la survenance de la lĂ©sion d’origine, soit le 23 fĂ©vrier 2006.

[61]           Le tribunal rappelle que le travailleur n’a fait aucune reprĂ©sentation concernant les frais d’entretien du gazon ou du grand mĂ©nage.

[62]           La preuve dĂ©montre que le travailleur conserve des limitations fonctionnelles Ă  la suite de sa lĂ©sion professionnelle du 23 fĂ©vrier 2006. Entre autres, il doit Ă©viter d’accomplir de manière rĂ©pĂ©tĂ©e ou frĂ©quente des activitĂ©s qui impliquent de soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 20 kilos.

[63]           Le reprĂ©sentant du travailleur prĂ©tend essentiellement que la limitation concernant les poids Ă  manipuler ne serait pas respectĂ©e, rendant ainsi le travailleur incapable de reprendre son emploi prĂ©lĂ©sionnel.

[64]           Le tribunal est toutefois incapable de retenir cette prĂ©tention en regard de la seule preuve probante qui a Ă©tĂ© faite concernant cette question des poids. En effet, il y a lieu de retenir que le rapport de l’ergothĂ©rapeute est complet et clair Ă  cet Ă©gard : le poids maximal Ă  manipuler Ă  titre de chauffeur livreur, lorsque la rampe doit ĂŞtre tirĂ©e, a Ă©tĂ© mesurĂ© entre 18 et 21 kilos.

[65]           Il est vrai que la limitation semble Ă  première vue ĂŞtre dĂ©passĂ©e. Toutefois, le tribunal est d’avis qu’il n’en est rien puisqu’il est manifeste qu’un poids se situant entre 18 et 21 kilos correspond Ă  20 kilos, ce qui respecte la limitation fonctionnelle octroyĂ©e par le docteur Legendre.

[66]           Concernant les autres mesures prises dans les diffĂ©rentes tâches dĂ©crites par le travailleur, force est de reconnaĂ®tre que la limite de poids est respectĂ©e. Ă€ ce sujet, le tribunal ne retient pas l’allĂ©gation du reprĂ©sentant du travailleur selon laquelle plusieurs poids mesurĂ©s s’approchent de la limite de 20 kilos Ă©mise par le docteur Pierre Legendre et que cela peut amener Ă  dĂ©duire que le travailleur n’est pas capable de refaire son emploi.

[67]           En effet, si ce mĂ©decin avait Ă©tĂ© d’avis que le travailleur Ă©tait incapable de manipuler des poids supĂ©rieurs Ă  20 kilos, il n’aurait pas Ă©mis des limitations fonctionnelles lĂ©gères de classe 1. Le travailleur ne peut, au stade de la dĂ©termination de sa capacitĂ©, remettre en cause les limitations fonctionnelles qui n’ont jamais Ă©tĂ© contestĂ©es.

[68]           Ainsi, mĂŞme si la preuve dĂ©montre que les poids Ă  manipuler ont des valeurs qui s’approchent de la limite prescrite, Ă  partir du moment oĂą celle-ci est respectĂ©e, il n’y a pas lieu de conclure Ă  son non-respect.

[69]           Finalement, le tribunal est d’avis que le travailleur n’a pas Ă  utiliser la rampe autant de fois que son reprĂ©sentant le soutient. En effet, il a tĂ©moignĂ© que lors de la livraison dans les grandes surfaces, l’utilisation de la rampe n’est pas requise. Cela rĂ©duit d’autant le nombre de fois oĂą il doit manipuler cet Ă©quipement. Ă€ cela s’ajoute le fait, comme il a Ă©tĂ© dit plus haut, que la limite de poids est dans tous les cas respectĂ©e.

[70]           Pour ces motifs, le tribunal retient que le travailleur n’a pas prouvĂ© que les limitations fonctionnelles n’étaient pas respectĂ©es et qu’il Ă©tait incapable de refaire son emploi prĂ©lĂ©sionnel. Sa requĂŞte Ă  ce sujet doit ainsi ĂŞtre rejetĂ©e.

[71]           La Commission des lĂ©sions professionnelles doit maintenant dĂ©cider si le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle le 17 juillet 2007.

[72]           L’article 2 de la loi prĂ©voit plusieurs dĂ©finitions, dont celle de lĂ©sion professionnelle :

2. Dans la prĂ©sente loi, Ă  moins que le contexte n'indique un sens diffĂ©rent, on entend par :

 

« lĂ©sion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou Ă  l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la rĂ©cidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

 

[73]           Ainsi, une lĂ©sion professionnelle peut ĂŞtre causĂ©e par un accident du travail ou constituer une maladie professionnelle ou une rĂ©cidive, rechute ou aggravation.

[74]           Dans le prĂ©sent cas, le travailleur ne prĂ©tend pas avoir Ă©tĂ© victime d’une maladie professionnelle ou d’une rĂ©cidive, rechute ou aggravation. Le tribunal n’entend donc pas se prononcer sur ces questions. Il reste Ă  dĂ©terminer si le travailleur a subi un accident du travail.

[75]           Sur ce sujet, la loi prĂ©voit Ă  l’article 28 une prĂ©somption qui a pour effet, lorsqu’elle s’applique, de faire prĂ©sumer que le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle. Dans le cas oĂą la prĂ©somption ne s’applique pas, le travailleur doit prouver la survenance d’un accident du travail au sens de l’article 2 de la loi.

[76]           Les articles 28 et 2 se lisent ainsi :

28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 28.

 

 

 

« accident du travail » : un Ă©vĂ©nement imprĂ©vu et soudain attribuable Ă  toute cause, survenant Ă  une personne par le fait ou Ă  l'occasion de son travail et qui entraĂ®ne pour elle une lĂ©sion professionnelle;

 

 

 

[77]           Il importe, dans un premier temps, de dĂ©terminer le diagnostic qui doit ĂŞtre retenu avant de poursuivre l’analyse du prĂ©sent cas. Ainsi, le tribunal constate que le mĂ©decin du travailleur a retenu celui d’entorse lombaire. Le tribunal est liĂ© par ce diagnostic puisqu’il n’est pas contestĂ©.

[78]           C’est l’article 224 de la loi qui s’applique dans un tel cas. Cet article se lit ainsi :

224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212.

__________

1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.

 

 

 

[79]           Un tel diagnostic en est un de blessure puisqu’une entorse[4] est une lĂ©sion traumatique d’une articulation due Ă  une torsion ou Ă  une Ă©longation brusque. Le premier Ă©lĂ©ment de la prĂ©somption est donc rencontrĂ©.

[80]           Concernant les deux autres Ă©lĂ©ments, il n’est pas contestĂ© que le travailleur Ă©tait au travail et que lors des Ă©vĂ©nements, il exĂ©cutait ses tâches.

[81]           Le tribunal constate donc que les trois Ă©lĂ©ments de la prĂ©somption sont prĂ©sents; cela fait en sorte qu’elle s’applique Ă©tablissant ainsi la prĂ©somption que le travailleur a subi une lĂ©sion professionnelle le 17 juillet 2007.

[82]           La prĂ©somption peut ĂŞtre renversĂ©e en dĂ©montrant l’absence de lien entre le diagnostic retenu et les faits tels que rapportĂ©s.

[83]           Dans le prĂ©sent dossier, la reprĂ©sentante de la CSST plaide simplement que la prĂ©somption ne s’applique pas puisque le travailleur Ă©tait symptomatique lors de son retour au travail ou encore qu’il s’agissait de la manifestation d’une condition personnelle.

[84]           Le tribunal ne retient pas ces prĂ©tentions.

[85]           D’une part, s’il est vrai que le travailleur a tĂ©moignĂ© ressentir encore des douleurs lors de son retour au travail, il reste que la lĂ©sion Ă©tait consolidĂ©e Ă  ce moment et que la CSST elle-mĂŞme avait dĂ©cidĂ© que le travailleur Ă©tait capable de reprendre son emploi prĂ©lĂ©sionnel. Cette dĂ©cision est d’ailleurs confirmĂ©e par la soussignĂ©e. Cet argument est ainsi de peu d’utilitĂ© pour dĂ©cider de la survenance d’une nouvelle lĂ©sion.

[86]           D’autre part, si l’interprĂ©tation des IRM a dĂ©montrĂ© des signes de discopathie, il reste qu’il n’y a aucune preuve mĂ©dicale probante qui suggère que l’entorse lombaire diagnostiquĂ©e le 17 juillet 2007 Ă©tait en lien avec cette condition. Bien plus, le docteur Legendre a pris soin de noter, dans son rapport du 30 mars 2007, que ces signes de dĂ©gĂ©nĂ©rescence Ă©taient normaux vu l’âge du travailleur.

[87]           Il s’agit donc d’une simple hypothèse qui ne peut ĂŞtre retenue par le tribunal. Pour ces raisons, la prĂ©somption de lĂ©sion professionnelle s’applique et elle n’a pas Ă©tĂ© renversĂ©e.

[88]           Il reste Ă  dĂ©cider si le travailleur avait droit au remboursement des frais de dĂ©neigement pour l’annĂ©e 2006, soit antĂ©rieurement Ă  la consolidation de sa lĂ©sion initiale du 23 fĂ©vrier 2006. Ă€ ce sujet, il y a lieu de citer l'article 145 de la loi qui prĂ©voit qu'un travailleur, qui subit une atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© physique ou psychique en raison d'une lĂ©sion professionnelle dont il a Ă©tĂ© victime, a droit Ă  la rĂ©adaptation que requiert son Ă©tat. Cet article se lit ainsi :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lĂ©sion professionnelle dont il a Ă©tĂ© victime, subit une atteinte permanente Ă  son intĂ©gritĂ© physique ou psychique a droit, dans la mesure prĂ©vue par le prĂ©sent chapitre, Ă  la rĂ©adaptation que requiert son Ă©tat en vue de sa rĂ©insertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

[89]           De son cĂ´tĂ©, l'article 146 de la loi prĂ©voit qu'un plan individualisĂ© de rĂ©adaptation peut comprendre un programme de rĂ©adaptation physique, sociale et professionnelle.

[90]           Également, l'article 165 de la loi, qui fait partie du chapitre ayant trait Ă  la rĂ©adaptation sociale, prĂ©voit ce qui suit :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave Ă  son intĂ©gritĂ© physique en raison d'une lĂ©sion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-mĂŞme si ce n'Ă©tait de sa lĂ©sion peut ĂŞtre remboursĂ© des frais qu'il engage pour faire exĂ©cuter ces travaux, jusqu'Ă  concurrence de 1 500 $ par annĂ©e.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[91]           Le tribunal constate que le droit mĂŞme du travailleur au remboursement des frais de dĂ©neigement n’est pas en litige puisque la CSST a rendu une dĂ©cision le 21 dĂ©cembre 2007 acceptant de les rembourser. Toutefois, dans la dĂ©cision rendue Ă  la suite d’une rĂ©vision administrative, la CSST prĂ©cise que le refus est pour l’annĂ©e 2006-2007.

[92]           Or, le travailleur souhaite ĂŞtre remboursĂ© de ces frais Ă  compter de la survenance de sa lĂ©sion, soit le 26 fĂ©vrier 2006.

[93]           Ă€ propos du moment Ă  partir duquel un travailleur a droit au remboursement du coĂ»t des travaux d’entretien courant du domicile, dont les frais de dĂ©neigement, le tribunal juge utile de citer les propos suivants qui sont tirĂ©s de la dĂ©cision rendue dans l’affaire Labelle :[5]

§         Naissance du droit au remboursement du coĂ»t des travaux d'entretien courant du domicile

 

 

[121]    De façon générale, il est reconnu que le droit à la réadaptation sociale est subordonné au droit à la réadaptation prévu à l'article 145 de la loi16, lequel est conditionnel à l'existence d'une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique.

 

[122]    La jurisprudence de la Commission d’appel et de la Commission des lésions professionnelles est toutefois partagée en regard du moment à partir duquel le droit à la réadaptation sociale naît.

 

[123]    Dans certaines décisions, ce droit est reconnu à la date de consolidation de la lésion17.  Dans d'autres, il est établi que ce droit existe à la date de la décision de la CSST reconnaissant le droit à la réadaptation18.  Il a également été décidé que le droit à la réadaptation sociale naît à la date à laquelle il est établi que la lésion entraîne une atteinte permanente19 ou encore à la date de la lésion professionnelle qui entraîne l'atteinte permanente20.  Enfin, dans d'autres affaires, le droit à la réadaptation sociale est reconnu à la date où il devient médicalement possible de prévoir qu'une atteinte permanente résultera de la lésion professionnelle21.

 

[124]    La soussignée estime que l'interprétation selon laquelle le droit à la réadaptation sociale naît à partir du moment où il devient médicalement possible de prévoir qu'une atteinte permanente résultera de la lésion professionnelle est celle qui répond le mieux à l'objet de la loi dont il est question à l'article 1 et qui vise la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

[125]    Le tribunal estime que cette interprétation répond également au but de la réadaptation sociale qui est décrit à l'article 151 comme étant d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

_________

 

16     Tremblay et Service de rĂ©adaptation du Sud-Ouest, C.A.L.P. 12500-62-8903, 10 dĂ©cembre 1991, F. Poupart, (J3-24-12), rĂ©vision rejetĂ©e, [1993] C.A.L.P. 1377 ; Dubuc et Maurice J. Alain, [1993] C.A.L.P. 408 ; Collette et Corporation municipale de St-Calixte, C.A.L.P. 33100-63-9110, 19 mai 1993, F. Dion-Drapeau, (J5-15-13); D'Urso et Transport Canada, C.A.L.P. 32450-64-9110, 24 novembre 1993, M. Kolodny, (J6-02-05); Ministère de l'Éducation et Goulet, C.A.L.P. 30349-03-9107, 17 janvier 1994, M. Beaudoin, (J6-08-08) (dĂ©cision accueillant la requĂŞte en rĂ©vision); Commission scolaire de MontrĂ©al et HervĂ©, C.L.P. 164351-72-0106, 4 octobre 2002, G. Robichaud, (02LP-130); Deblois et Olymel VallĂ©e-Jonction, [2004] C.L.P. 746 .

17     Charron et CHSLD, C.L.P. 114870-64-9904, 27 juillet 1999, Y. Lemire

18     Gentlemen et HĂ´pital GĂ©nĂ©ral Juif Mortimer B. Davis, C.L.P. 91424-60C-9709, 12 novembre 1998, J.-D. Kushner

19     FĂ©vrier et Win-Sir Textiles inc., C.L.P. 116590-73-9905, 11 novembre 1999, Y. Ostiguy; Construction Louisbourg ltĂ©e et LĂ©pine, C.L.P. 250252-71-0412, 19 septembre 2006, L. Couture, (06LP-135).

20     Paquet et Ville de Rimouski, C.A.L.P. 10797-01-8902, 5 avril 1991, S. Lemire, (J3-11-07)

21     Brouty et Voyages Symone Brouty, C.L.P. 120748-31-9907, 15 juin 2000, P. Simard; Fortin et Les amusements Fortin inc., C.L.P. 123470-02-9909, 18 septembre 2000, S. Lemire; GagnĂ© et Provigo Distribution inc., [2000] C.L.P. 456 ; Gadoua et Acier CMC inc., C.L.P. 138419-62-0005, 15 novembre 2000, L. Couture; Langelier et Les Entreprises AndrĂ© et Ronald GuĂ©rin ltĂ©e, C.L.P. 126249-01B-9910, 15 mars 2001, L. Desbois; Cyr et Thibault et Brunelle, C.L.P. 165507-71-0107, 25 fĂ©vrier 2002, L. Couture; Deblois et Olymel VallĂ©e-Jonction, prĂ©citĂ©e, note 16.

 

 

(Notre soulignement)

 

 

 

[94]           La soussignĂ©e est aussi d’avis que le droit Ă  la rĂ©adaptation sociale s’ouvre au moment oĂą il devient mĂ©dicalement possible de prĂ©voir qu’un travailleur conservera une atteinte permanente grave de sa lĂ©sion professionnelle.

[95]           Cela Ă©tant dit, il reste Ă  analyser la preuve Ă  ce sujet dans le prĂ©sent dossier.

[96]           Or, le tribunal constate que la demande du travailleur de faire en quelque sorte rĂ©troagir son droit au remboursement des frais de dĂ©neigement Ă  la date de la survenance de la lĂ©sion ne s’appuie sur aucune preuve mĂ©dicale permettant de conclure, qu’à ce moment, il conserverait une atteinte permanente grave.

[97]           En effet, il y a lieu de rappeler que jusqu’au mois de novembre 2006, le docteur Tessier a recommandĂ© un retour au travail progressif. Le tribunal ne peut ainsi dĂ©duire que le mĂ©decin jugeait alors le travailleur comme Ă©tant porteur d’une atteinte permanente grave. La mĂŞme dĂ©duction peut ĂŞtre faite en lien avec le rapport du docteur Imbeault qui recommande aussi la reprise du travail au mois de dĂ©cembre 2006.

[98]           Au surplus, au moment de remplir le rapport final, le mĂ©decin traitant, la docteure Tessier, indique qu’elle ne prĂ©voit pas que le travailleur sera porteur d’une atteinte permanente Ă  l’intĂ©gritĂ© physique. Il s’agit d’un autre Ă©lĂ©ment confirmant l’impossibilitĂ© de conclure Ă  l’existence, Ă  cette Ă©poque, d’une atteinte permanente grave Ă  l’intĂ©gritĂ© physique.

[99]           En fait, c’est seulement Ă  compter du 30 mars 2007 que le travailleur s’est vu octroyer un pourcentage d’atteinte permanente de l’ordre de 2 % et des limitations fonctionnelles de classe 1.

[100]       Ainsi, le tribunal juge que le travailleur n’avait pas droit au remboursement des frais de dĂ©neigement Ă  compter de la survenance de sa lĂ©sion professionnelle, faute de preuve mĂ©dicale probante Ă  ce sujet.

[101]       Comme il a Ă©tĂ© dit plus haut, le tribunal n’a pas Ă  dĂ©cider du droit mĂŞme du travailleur au remboursement des frais de dĂ©neigement puisque la CSST l’a dĂ©jĂ  reconnu.

[102]       Toutefois, il y a lieu de noter que la CSST a acceptĂ© de rembourser ces frais pour permettre au travailleur que le dĂ©neigement soit fait rapidement afin qu’il se rende au travail, sans autre indication concernant sa condition physique, sauf la possibilitĂ© d’une fatigue musculaire.

[103]       Bref, compte tenu des circonstances du prĂ©sent dossier, le tribunal est d’avis que la CSST Ă©tait justifiĂ©e de dĂ©cider comme elle l’a fait en dĂ©clarant que le travailleur n’avait pas droit au remboursement des frais de dĂ©neigement pour l’annĂ©e 2006-2007.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

DOSSIER : 330744

ACCUEILLE en partie la requĂŞte de Steve Molloy, le travailleur;

MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 12 octobre 2007, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur était capable d’exercer son emploi de chauffeur livreur à compter du 10 juillet 2007;

DÉCLARE que le droit au versement de l’indemnité de remplacement du revenu se termine le 10 juillet 2007;

DÉCLARE que le travailleur a subi une lésion professionnelle le 17 juillet 2007.

 

DOSSIER : 345512

REJETTE la requĂŞte de Steve Molloy, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 7 avril 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’avait pas droit au remboursement des frais de déneigement pour l’année 2006-2007.

 

 

__________________________________

 

LUCE MORISSETTE

 

 

 

 

Me Bruno Bégin

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Myriam Sauviat

Panneton, Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           Le représentant du travailleur a admis que les mesures rapportées par l’ergothérapeute dans l’un ou l’autre de ses rapports ne sont pas remises en question.

[2]           L.R.Q., c. A-3.001.

[3]           Gagné et 3131751 Canada inc. (fermé), C.L.P. 284176-63-0603, 1er août 2007, M. Sauvé.

[4]           LĂ©sion traumatique d'une articulation, avec Ă©longation, arrachement ou dĂ©chirure d'un ligament ou de fibres musculaires, sans dĂ©placement des surfaces articulaires et sans luxation, due Ă  une torsion ou Ă  une Ă©longation brusque : « Le grand dictionnaire terminologique Â», Office quĂ©bĂ©cois de la langue française, [En ligne], <http://www.granddictionnaire.com> (Page consultĂ©e le 8 juillet 2009).

[5]           C.L.P. 322261-64-0706 et autres, 9 décembre 2008, M. Montplaisir.

AVIS :
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