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Dossier 260417-04B-0504
[1] Le 26 avril 2005, le travailleur, monsieur Paolo Chouinard, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) le 31 mars 2005, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision initiale qu’elle a rendue le 28 janvier 2005 et déclare que la lésion professionnelle survenue le 14 novembre 2003 entraîne, pour le travailleur, une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 10,75 %, ce qui lui donne droit à un montant pour dommages corporels de 7549,08 $.
Dossier 270942-04B-0509
[3] Le 13 septembre 2005, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 30 août 2005, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme trois décisions rendues initialement les 9 et 15 juin 2005. En conséquence, la CSST déclare, d’une part, que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût de l’achat d’un lit électrique. D’autre part, la CSST refuse de reconnaître que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation, soit une hernie ombilicale et que le travailleur n’a pas droit au paiement de traitements de physiothérapie.
[5] À l’audience tenue à Drummondville le 17 novembre 2005, le travailleur est présent et représenté. L’employeur, Boiseries architecturales Rageot inc., a avisé le tribunal de son absence à l’audience. Le tribunal a demandé au travailleur de produire après l’audience certains documents supplémentaires. Compte tenu des délais accordés pour ce faire, l’affaire est prise en délibéré le 9 décembre 2005.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[6] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de ne pas retenir le rapport d’évaluation médicale du docteur Delisle quant à l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles parce que ce médecin n’est pas le médecin qui a charge et qu’au surplus, son évaluation comporte des erreurs. Il demande au tribunal de retenir plutôt les conclusions médicales du docteur Dahan émises dans son rapport du 11 juillet 2005 (Dossier 260417).
[7] Le travailleur demande également au tribunal de reconnaître qu’il a droit au remboursement du coût d’achat du lit électrique qu’il s’est procuré. Enfin, il demande de reconnaître que la hernie ombilicale diagnostiquée constitue une récidive, rechute ou aggravation et qu’il a aussi droit aux traitements de physiothérapie en lien avec cette condition (Dossier 270942).
L’AVIS DES MEMBRES
[8] Concernant le dossier 260417, le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs partagent le même avis, à savoir que la requête du travailleur devrait être rejetée. En effet, il appert de la preuve que le docteur Delisle est le médecin qui a charge du travailleur, aux fins de l’évaluation médicale des séquelles permanentes de la lésion professionnelle. De plus, le rapport d’évaluation médicale qu’il a produit est valide et conforme au barème. En conséquence, le travailleur ne peut contester les conclusions médicales de son propre médecin et le tribunal est lié par ces conclusions.
[9] Concernant le dossier 270942, les membres issus des associations sont d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie en partie seulement. Toutefois, les membres diffèrent d’avis quant aux diverses questions soumises dans ce dossier.
[10] Ainsi, le membre issu des associations syndicales estime que le travailleur a droit au remboursement du lit électrique prescrit par son médecin puisque cela vise à augmenter sa qualité de vie et à mieux supporter les conséquences de la lésion professionnelle. Le membre issu des associations d’employeurs estime, quant à lui, que le travailleur n’a pas droit au remboursement du lit électrique puisque cette aide technique n’est pas requise par l’état du travailleur en raison de la lésion professionnelle.
[11] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs estiment par ailleurs qu’il y a lieu de reconnaître que la hernie ombilicale constitue une récidive, rechute ou aggravation, et ce, considérant l’opinion médicale du docteur Laplante.
[12] Quant aux traitements de physiothérapie, les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont d’avis qu’ils ne sont pas requis, ni pour la condition lombaire, ni pour la hernie ombilicale et que le travailleur n’y a donc pas droit.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[13] Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles, de la preuve documentaire déposée à l’audience et après l’audience et de la preuve testimoniale, le tribunal retient les éléments suivants, lesquels lui apparaissent pertinents à la solution des litiges qui lui sont soumis.
[14] Le 2 décembre 2003, monsieur Chouinard dépose une réclamation à la CSST pour un événement du 14 novembre 2003. À ce moment, le travailleur occupe un emploi d’ébéniste chez l’employeur. En transportant une porte, il glisse sur un fil et fait une chute. En voulant retenir la porte, il ressent une douleur dans le bas du dos.
[15] Monsieur Chouinard se rend immédiatement à l’hôpital où une entorse lombaire est d’abord diagnostiquée.
[16] À la suite d’un éternuement, la douleur s’aggrave et une sciatalgie apparaît.
[17] L’investigation médicale qui a suivi a mené à un diagnostic de hernie discale L5S1 gauche qui a nécessité une intervention chirurgicale rapide.
[18] Le 24 novembre 2003, le docteur Bilocq, neurochirurgien, procède à une discoïdectomie L5S1 gauche. Il assure le suivi postopératoire et monsieur Chouinard est traité en physiothérapie et en ergothérapie.
[19] Le 1er avril 2004, le docteur Bilocq autorise un retour au travail aux travaux légers avec des limitations fonctionnelles de classe 2 pour une période de deux mois. Les traitements de physiothérapie et d’ergothérapie se poursuivent. Ces traitements cesseront en juillet 2004.
[20] Le 21 septembre 2004, le travailleur subit un examen par résonance magnétique. Le docteur Grondin conclut que les séquelles post discoïdectomie observées au niveau L5S1 du côté gauche se situent dans les limites de la normale et qu’il n’y a pas de complication postopératoire visible.
Le rapport d’évaluation médicale
[21] Le 2 décembre 2004, le docteur Bilocq émet le rapport médical final. Il retient un diagnostic de hernie discale L5S1 gauche opérée et de séquelles de hernie discale L5S1 gauche. Il consolide la lésion le 3 décembre 2004, avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.
[22] À la question de savoir s’il produira un rapport d’évaluation médicale, le docteur Bilocq coche non et indique qu’il réfère le travailleur au docteur Delisle pour qu’il procède à cette expertise.
[23] Monsieur Chouinard raconte qu’au moment où le docteur Bilocq a complété le rapport final, il lui a demandé s’il connaissait un médecin qui pouvait procéder à l’évaluation des séquelles de sa lésion. Le travailleur lui a répondu qu’il n’en connaissait pas et le docteur Bilocq lui a suggéré de prendre rendez-vous avec le docteur Delisle, ce qu’il a fait le jour même. C’est dans ce contexte que le docteur Delisle a procédé à l’évaluation médicale du travailleur.
[24] Le représentant du travailleur soumet que le docteur Delisle n’est pas le médecin qui a charge, mais qu’il est plutôt un expert. Il demande au tribunal de ne pas retenir son opinion, mais de retenir plutôt celle du docteur Dahan, physiatre, qui a examiné le travailleur, à sa demande, le 11 juillet 2005 et dont le rapport d’évaluation médicale a été déposé au dossier.
[25] Avec respect, le tribunal ne partage pas ce point de vue. Compte tenu des circonstances de la présente affaire, le tribunal est d’opinion que le docteur Delisle est devenu, aux fins de l’évaluation médicale des séquelles permanentes de la lésion, le médecin qui a charge du travailleur.
[26] En effet, bien que le docteur Bilocq avait jusque-là pris charge du travailleur, il a clairement renoncé à procéder à l’évaluation des séquelles de la lésion. Après avoir laissé au travailleur l’occasion de choisir le médecin qui procéderait à cette évaluation et devant le fait que monsieur Chouinard ne connaissait pas de médecin détenant l’expertise requise pour ce faire, le docteur Bilocq lui a suggéré de rencontrer le docteur Delisle, ce que le travailleur a librement accepté. Ce faisant, le docteur Bilocq a délégué sa compétence au docteur Delisle pour ce qui est de l’évaluation des séquelles.
[27] Le refus du docteur Bilocq de procéder à l’évaluation médicale, la référence qu’il fait au docteur Delisle pour ce faire et l’acceptation du travailleur de rencontrer ce médecin font en sorte de qualifier le docteur Delisle comme médecin qui a charge au sens de la loi. En conséquence, ses conclusions médicales lient la CSST, et maintenant, le présent tribunal, conformément à l’article 224 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[28] Conclure autrement ferait en sorte de permettre au travailleur de voir un autre médecin jusqu’à ce qu’il obtienne un rapport médical qui le satisfasse. Un tel résultat n’est évidemment pas souhaitable et risquerait de mettre en péril la stabilité des décisions rendues par la CSST.
[29] Il est vrai que la loi accorde au médecin qui a charge un statut particulier en édictant qu’aux fins de rendre une décision, la CSST est liée par les conclusions de ce médecin. C’est pourquoi l’identification de ce médecin revêt une grande importance.
[30] En l’espèce, le tribunal ne voit toutefois aucune raison de ne pas considérer le docteur Delisle comme le médecin qui a charge quant à l’évaluation des séquelles de la lésion.
[31] Le tribunal estime par ailleurs que le statut d’expert n’est pas inconciliable avec celui de médecin qui a charge, l’un n’excluant pas l’autre. Le docteur Delisle est un spécialiste neurologue qui détient justement une expertise pertinente lui permettant de procéder à l’évaluation médicale du travailleur.
[32] Le représentant du travailleur soumet de plus que le rapport d’évaluation médicale du docteur Delisle ne devrait pas être retenu par le tribunal parce qu’il comporte des erreurs.
[33] Le tribunal retient que le travailleur reproche au docteur Delisle de ne pas avoir tenu compte de tous ses symptômes, tels que des engourdissements à la fesse, à la face externe de la hanche et de la cuisse, derrière le mollet, sur le côté externe du pied, sous le talon et le gros orteil. Il prétend aussi que l’amplitude du mouvement de flexion de la colonne lombaire rapportée par le médecin est surévaluée. Le médecin n’aurait pas non plus discuté des incapacités du travailleur comme celle de demeurer assis plus de 15 minutes.
[34] Le travailleur témoigne qu’en voulant évaluer la sensibilité avec la roue dentelée, le docteur Delisle a appuyé tellement fort qu’il a saigné. Aucune mention de cet incident n’est faite dans le rapport.
[35] Aussi, le travailleur reproche au docteur Delisle de ne pas avoir tenu compte de son problème de hernie ombilicale et de son humeur dépressive. Monsieur Chouinard témoigne à ce sujet que la CSST a consenti à lui payer des consultations psychologiques (T-2). Le travailleur a aussi présenté une réclamation à la CSST pour cette condition, laquelle a été refusée. Le travailleur a contesté cette décision, mais le présent tribunal n’en est pas saisi ici.
[36] La CSST a aussi consenti à lui payer des rencontres avec une orthophoniste afin de tenter de corriger son problème de bégaiement qui s’est exacerbé de façon marquée à la suite de la lésion professionnelle. D’ailleurs, afin de faciliter son témoignage à l’audience, le travailleur a produit un document (T-1) dans lequel il relate l’historique de son dossier.
[37] Étant insatisfait de l’expertise du docteur Delisle, monsieur Chouinard a consulté le docteur Dahan le 11 juillet 2005. Ce médecin évalue le déficit anatomophysiologique (DAP) à 18,5 % et reconnaît au travailleur des limitations fonctionnelles de classe 3. Ce sont ces conclusions que le travailleur souhaite voir retenues par le tribunal.
[38] Tel que mentionné, le tribunal considère toutefois que le docteur Delisle est le médecin qui a charge quant à l’évaluation des séquelles. Qu’en est-il de la conformité de cette évaluation compte tenu des reproches adressés par le travailleur?
[39] Le 21 décembre 2004, le travailleur rencontre donc le docteur Delisle qui, après l’avoir examiné, conclut à un DAP de 9,5 % se détaillant comme suit :
204219 Discoïdectomie lombosacrée L5S1 gauche
avec séquelles fonctionnelles 3%
207608 Flexion antérieure limitée à 70° 3%
207644 Extension limitée à 20° 1%
224386 Cicatrice vicieuse post-chirurgicale à la région lombaire de 5cmx1cm (5cm2) 2.5%
[40] Le docteur Delisle reconnaît également au travailleur des limitations fonctionnelles de classe II qu’il décrit de la manière suivante :
« Éviter de soulever, porter, pousser ou tirer de façon répétitive ou fréquente des charges de plus de 5 à 10 kilos;
Éviter d’effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion-extension ou de torsion au niveau de la colonne lombaire même de faible amplitude;
Éviter de monter fréquemment plusieurs escaliers ou de marcher en terrain accidenté ou glissant. »
[41] À la lecture du rapport d’évaluation médicale, le tribunal constate en premier lieu que le diagnostic retenu est celui de hernie discale L5S1 gauche, ce qui correspond exactement au diagnostic retenu par le docteur Bilocq au rapport médical final. C’est aussi le seul diagnostic retenu au rapport final, ce qui fait que le mandat confié au docteur Delisle est celui d’évaluer les séquelles permanentes qu’a entraînées cette lésion professionnelle.
[42] Le docteur Delisle s’est donc correctement acquitté de ce mandat et on ne saurait lui reprocher de ne pas avoir considéré la condition psychologique ou la hernie ombilicale aux fins de son évaluation.
[43] Le docteur Delisle résume ensuite le fait accidentel et le dossier médical du travailleur. Ce résumé est conforme au dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles et n’est pas contredit par le témoignage du travailleur.
[44] Le docteur Delisle écrit que le patient a de la difficulté à rester dans la même position, que ce soit assis ou debout de façon prolongée au-delà d’une heure. Le travailleur prétend que sa capacité est plutôt limitée à 30 minutes et qu’il doit bouger. La différence qui peut exister entre ces deux constatations n’apparaît pas déterminante et ne saurait à elle seule discréditer l’expertise du docteur Delisle. De plus, cette donnée est de nature plutôt subjective et ne peut être évaluée objectivement par le médecin.
[45] Par ailleurs, rien ne laisse présumer que ce que le docteur Delisle a rapporté dans son expertise n’est pas conforme à ce que le travailleur lui a dit à ce moment-là.
[46] La description de l’examen physique fait par le docteur Delisle mène le tribunal à la conclusion qu’il a pratiqué un examen clinique objectif complet et sérieux. Il a d’abord procédé à la mesure des amplitudes des mouvements de la colonne lombaire en prenant soin de préciser qu’il retenait les mesures de mouvements passifs.
[47] Il a aussi procédé à l’examen neurologique, comme il se doit. Ainsi, on retrouve dans son rapport le résultat des manœuvres pratiquées, la mesure des forces et des réflexes rotuliens et achilléens. Le docteur Delisle a aussi examiné s’il y avait présence d’atrophie. Il a évalué la sensibilité, particulièrement au territoire de S1, ce qui correspond au niveau de la lésion en cause. Enfin, il note l’absence de spasme.
[48] Le médecin évalue également l’aspect esthétique de la cicatrice, tel que le prévoit le barème[2].
[49] Le docteur Delisle réfère aux résultats des examens paracliniques disponibles.
[50] La conclusion qu’il tire de son examen est tout à fait compatible avec les constatations objectives relevées. En conséquence, il procède à l’évaluation du déficit anatomophysiologique et des limitations fonctionnelles, toujours selon les constatations objectives faites à l’examen. Une vérification du barème permet de constater que son évaluation y est conforme.
[51] Pour toutes ces raisons, le tribunal en vient à la conclusion que l’évaluation médicale du docteur Delisle est valide et conforme aux règles de l’art et qu’elle doit donc être retenue.
[52] Cette évaluation du médecin qui a charge du travailleur lie le tribunal conformément à l’article 224 de la loi. De plus, le travailleur ne peut contester les conclusions médicales de son propre médecin (article 358 de la loi). Il y a donc lieu de confirmer toutes les conclusions médicales du docteur Delisle.
Le remboursement du lit orthopédique
[53] Le travailleur explique que depuis la chirurgie, il présente des engourdissements au niveau de la jambe gauche et des crampes dans le mollet. Il sent aussi sa jambe gauche plus faible et son pied gauche s’est déjà renversé à la marche.
[54] Afin d’éviter les crampes durant son sommeil, il met des oreillers sous ses jambes. Pour plus de confort, le travailleur s’est acheté en février 2004, un lit électrique qui peut être ajusté.
[55] Lors d’une consultation avec le docteur Bilocq en décembre 2004, le travailleur lui demande son avis concernant le lit électrique. Le médecin lui répond alors que cela ne peut pas lui nuire.
[56] Après l’audience, le travailleur produit une prescription du docteur Laflamme pour un lit ajustable datée du 9 mai 2005.
[57] La CSST a refusé de rembourser cet achat au travailleur.
[58] L’article 189 de la loi concerne l’assistance médicale :
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[59] La fourniture d’un lit orthopédique est visée par le cinquième paragraphe de l’article 189. Conformément au Règlement sur l’assistance médicale[3](règlement), seul le coût de location d’un lit électrique est remboursable. Le tribunal ne peut donc pas en vertu de cette disposition accorder le remboursement du coût d’achat au travailleur.
[60] Au surplus, l’assistance médicale est accordée selon ce que requiert l’état du travailleur en raison de sa lésion professionnelle :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
[61] Quant à l’article 18 du règlement, il prévoit que le coût de location d’une aide technique (tel qu’un lit électrique) est assumé par la CSST lorsque cette aide technique sert au traitement de la lésion professionnelle ou qu’elle est nécessaire pour compenser des limitations fonctionnelles temporaires découlant de cette lésion.
[62] Considérant ces critères, la preuve ne permet pas de reconnaître que le lit électrique soit nécessaire au travailleur.
[63] D’abord, en référant à l’examen par résonance magnétique du 21 septembre 2004, on constate qu’il n’y a pas de complications postopératoires visibles. Ensuite, le docteur Bilocq qui a procédé à la chirurgie n’a pas prescrit cette aide technique au travailleur. À la demande du travailleur, il a seulement répondu que cela ne pouvait pas lui nuire. Cette réponse ne décrit certainement pas une nécessité pour le travailleur d’obtenir pareille aide technique.
[64] Enfin, les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur par le docteur Delisle et qui lient le tribunal ne justifient pas la prescription d’un lit électrique.
[65] Soulignons par ailleurs que le médecin du travailleur a prescrit le lit ajustable en mai 2005 alors que le travailleur l’a acheté en février 2004.
[66] Il a déjà été reconnu par le présent tribunal que l’achat d’un lit orthopédique pouvait être remboursé conformément aux articles 145, 151 et 152 de la loi. Ces dispositions se retrouvent au chapitre de la réadaptation de la loi, plus particulièrement dans la section de la réadaptation sociale.
[67] L’article 151 édicte ceci :
151. La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.
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1985, c. 6, a. 151.
[68] Toutefois, en l’espèce, le tribunal estime qu’il n’est pas démontré par une preuve prépondérante que l’achat du lit électrique puisse aider le travailleur à surmonter les conséquences personnelles et sociales de sa lésion ou à s’adapter à sa nouvelle situation ou à redevenir autonome. Du témoignage du travailleur et du document T-1, le tribunal retient que le travailleur a acheté le lit ajustable pour mieux dormir. Cette seule raison apparaît insuffisante pour octroyer le remboursement du coût d’achat du lit ajustable.
La récidive, rechute ou aggravation : la hernie ombilicale
[69] Le travailleur témoigne avoir observé des changements au niveau de son nombril en avril 2004. Cela correspond à son retour au travail progressif. Il relate qu’il a d’abord ressenti une douleur en soulevant au travail des travers pesant entre 5 et 10 livres. Il explique qu’il a utilisé la méthode enseignée en physiothérapie pour soulever les charges, qui consiste à forcer davantage avec les abdominaux. De retour à la maison, il constate la présence de bosses au niveau du nombril.
[70] À cette période, monsieur Chouinard est toujours traité en physiothérapie. Il ajoute qu’en faisant ses exercices, il ressentait de la douleur au niveau du nombril. Il fait part de la situation à son physiothérapeute, monsieur Jourdain. Celui-ci confirme dans le document T-2 avoir constaté chez le travailleur une protrusion de l’ombilic. Il a toutefois référé le travailleur à son médecin, cette condition ne relevant pas de sa compétence.
[71] Monsieur Chouinard en a aussi parlé au docteur Bilocq qui le réfère à son médecin de famille pour cette condition.
[72] Le travailleur obtient finalement un rendez-vous avec le chirurgien Laplante qu’il rencontre le 22 février 2005. L’examen pratiqué par le docteur Laplante lui permet de confirmer la présence d’une hernie ombilicale et l’absence de hernies inguinales. Le docteur Laplante prescrit le traitement de cette hernie par une chirurgie.
[73] Il écrit à son rapport de consultation médicale :
« Hernie ombilicale symptomatique dont l’apparition semble coïncider avec la hernie discale, son traitement chirurgical et la physiothérapie. Effectivement, il est bien possible qu’inhérent à cet accident, à cette hernie, à son traitement chirurgical et ou à sa physiothérapie, et ce, par protection et utilisation de muscles abdominaux, que le tout ait pu facilement contribuer à l’apparition de cette hernie ombilicale. Donc, oui, il est tout à fait possible et logique qu’il y ait un lien compte tenu d’une surutilisation des muscles abdominaux ne serait-ce que par protection. »
[74] Le 9 mai 2005, le docteur Laflamme retient le diagnostic de hernie ombilicale. Il retient également un diagnostic de lombalgie postopératoire. Il prescrit des traitements de physiothérapie et des exercices de renforcement. Le même jour, il émet la prescription pour un lit ajustable et réfère le travailleur à la clinique de la douleur.
[75] Le 11 mai 2005, le travailleur présente une réclamation à la CSST pour une hernie ombilicale.
[76] Dans son rapport d’évaluation médicale du 11 juillet 2005, le docteur Dahan écrit :
« Il nous semble raisonnable de croire que des manœuvres de Valsalva faites à répétitions lors des exercices abdominaux et des exercices de la musculature du tronc peuvent contribuer à l’apparition de ces hernies. »
[77] Le travailleur a subi une cure de hernie ombilicale, le 21 novembre 2005, pratiquée par le docteur Laplante. Le protocole opératoire déposé au dossier après l’audience confirme bien la présence d’une hernie ombilicale.
[78] Monsieur Chouinard affirme qu’avant cet épisode, il n’a jamais consulté pour une hernie ombilicale.
[79] La récidive, rechute ou aggravation constitue une lésion professionnelle, au sens de l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[80] Cependant, la loi ne définit pas la notion de récidive, rechute ou aggravation. Il convient donc de s’en remettre au sens commun, tel que l’a retenu la jurisprudence, de reprise évolutive, de réapparition ou de recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes.
[81] Non seulement la récidive, rechute ou aggravation doit-elle être démontrée, mais il faut également qu’il soit démontré par une preuve prépondérante qu’elle est reliée à l’événement d’origine. Le seul témoignage du travailleur est habituellement insuffisant et une preuve médicale s’avère alors nécessaire.
[82] Certains paramètres permettent de déterminer l’existence d’une telle relation :
- la gravité de la lésion initiale;
- la continuité de la symptomatologie;
- l’existence ou non d’un suivi médical;
- le retour au travail, avec ou sans limitation fonctionnelle;
- la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;
- la présence ou l’absence de conditions personnelles;
- la compatibilité de la symptomatologie alléguée au moment de la récidive, rechute ou aggravation et la lésion initiale.
[83] Aucun de ces paramètres n’est à lui seul décisif, mais pris dans leur ensemble, ils peuvent permettre de décider du bien-fondé d’une réclamation.
[84] Dans le cas qui nous occupe, le tribunal estime que la présence de la hernie ombilicale et la chirurgie qui a suivi constituent une aggravation de la condition du travailleur. De plus, considérant les opinions médicales des docteurs Laplante et Dahan, le tribunal conclut que cette aggravation est reliée à la lésion professionnelle du 14 novembre 2003.
[85] En effet, il apparaît de la preuve que la hernie ombilicale est devenue symptomatique à la suite du retour au travail progressif du travailleur. Dans le cadre de ce retour au travail, le travailleur a pris soin d’utiliser les méthodes enseignées pour protéger son dos.
[86] Il apparaît probable, selon la preuve médicale prépondérante au dossier, que la sollicitation accrue des abdominaux dans le cadre du retour au travail et lors des exercices de physiothérapie, ait pu causer la hernie ombilicale. On peut donc relier cette condition à la lésion professionnelle du 14 novembre 2003.
[87] De plus, l’article 31 de la loi prévoit :
31. Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion:
1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;
2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.
Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).
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1985, c. 6, a. 31.
[88] Considérant l’opinion médicale des docteurs Laplante et Dahan, le tribunal est d’avis qu’il est aussi probable que les exercices faits dans le cadre des traitements de physiothérapie ont contribué de façon déterminante à la hernie ombilicale qui s’est manifestée au travail. Ainsi, on peut relier cette condition à la lésion professionnelle puisque le travailleur a appliqué lors de son retour au travail progressif les méthodes enseignées et pratiquées en physiothérapie qui consistent à forcer davantage avec les abdominaux afin de protéger le dos.
[89] La loi permet donc de reconnaître la hernie ombilicale comme étant en lien avec la lésion professionnelle, par l’application des articles 2 et 31.
[90] Le tribunal est d’avis qu’il aurait pu également reconnaître le caractère indemnisable de cette condition par l’application de l’article 1 de la loi :
1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.
Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.
La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.
[91] En effet, toujours selon la preuve prépondérante, il appert que la hernie ombilicale et la chirurgie pratiquée le 21 novembre 2005 soient une conséquence de la lésion professionnelle.
[92] Quant à la date de la rechute, le tribunal la fixe au 22 février 2005, soit à la date où le docteur Laplante confirme la présence de la hernie ombilicale et détermine qu’une chirurgie est nécessaire pour la traiter.
Les traitements de physiothérapie
[93] Pour ce qui est des traitements de physiothérapie, le représentant du travailleur prétend qu’il y a droit puisqu’ils sont requis par la hernie ombilicale. Le tribunal estime que cette prétention est inconciliable avec l’opinion médicale émise par les docteurs Laplante et Dahan qui trouvent probable que cette hernie puisse être reliée aux efforts des muscles abdominaux faits dans le cadre du travail ou des exercices en physiothérapie.
[94] De plus, la lecture du rapport médical du 9 mai 2005 du docteur Laflamme indique que ces traitements ont été prescrits pour une condition de lombalgie post-op. Dans ce contexte, le travailleur a-t-il droit au paiement de ces traitements?
[95] Le docteur Bilocq a mis fin aux traitements de physiothérapie en juillet 2004. En décembre 2004, il consolide la lésion. Ainsi, à moins d’une démonstration d’une aggravation de la condition lombaire du travailleur en mai 2005, la reprise des traitements de physiothérapie n’apparaît pas indiquée. Au surplus, le docteur Dahan, qui examine le travailleur en juillet 2005, ne recommande pas la reprise de ces traitements.
[96] Les traitements de physiothérapie font partie de l’assistance médicale à laquelle a droit le travailleur. Ces traitements doivent être requis par l’état du travailleur en raison de sa lésion professionnelle. En l’espèce, le docteur Laflamme prescrit ces traitements pour une condition douloureuse et non pour le traitement de la lésion qui est d’ailleurs consolidée depuis le 3 décembre 2004.
[97] Par ailleurs, le travailleur a produit après l’audience divers documents médicaux, dont une expertise du docteur Francoeur du 3 octobre 2005, un examen par résonance magnétique du 7 octobre 2005 et un électromyogramme du 8 novembre 2005.
[98] Dans son rapport d’expertise, à la description de l’examen physique, le docteur Francoeur écrit qu’il n’y a pas de spasme paravertébral lombaire, mais que la palpation des masses paravertébrales est douloureuse des deux côtés. Les mouvements de la colonne lombaire sont limités. Il n’y a pas de déficit moteur. Le docteur Francoeur note toutefois un déficit sensitif dans le territoire S1 gauche.
[99] Le médecin conclut qu’il existe une certaine progression dans l’ensemble des symptômes présentés par le travailleur considérant l’évaluation faite par le docteur Delisle et par le docteur Dahan. Pour cette raison, le docteur suggère un examen par résonance magnétique.
[100] Ayant obtenu les résultats de cet examen, le docteur Francoeur produit un rapport complémentaire le 12 octobre 2005. Il retient qu’il n’y a pas d’évidence de récidive de la hernie discale L5S1 gauche et qu’il existe de discrets phénomènes de fibrose périradiculaire autour de la racine S1 qui ont diminué comparativement à l’examen précédant du 21 septembre 2004.
[101] Finalement, le docteur Francoeur retient des diagnostics de séquelles de hernie discale L5S1 gauche et de fibrose péridurale S1 gauche. Considérant que le travailleur présente toujours des signes objectivables de souffrance vertébrale et d’irritation radiculaire au niveau du membre inférieur gauche, qu’il existe cependant une disproportion entre la symptomatologie alléguée par le travailleur et ce qui est démontré à l’imagerie et considérant enfin que le travailleur présente une condition psychologique précaire, la lésion ne peut être consolidée.
[102] Le docteur Francoeur conclut qu’à la suite de la rechute, récidive ou aggravation, il y a une atteinte permanente dont le pourcentage ne peut toutefois être évalué maintenant. Le médecin reconnaît par contre que les traitements ont été adéquats et que le travailleur pourrait bénéficier du programme PERT. Il est également trop tôt, de l’avis du docteur Francoeur, pour évaluer les limitations fonctionnelles.
[103] Cette expertise médicale du docteur Francoeur ne change pas les conclusions auxquelles en vient le tribunal, dans la présente affaire, compte tenu des questions dont il est légalement saisi et de la période concernée par les contestations. Par contre, le tribunal retient que le docteur Francoeur ne croit pas utile, lui non plus, de prescrire au travailleur des traitements en physiothérapie.
[104] Il appartiendra donc au travailleur de faire valoir ses droits et d’assurer le suivi de son dossier auprès de la CSST, le cas échéant.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 260417-04B-0504
REJETTE la requête du travailleur, monsieur Paolo Chouinard;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 31 mars 2005, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE irrecevable la demande de révision présentée par le travailleur le 24 février 2005;
DÉCLARE que la lésion professionnelle survenue le 14 novembre 2003 entraîne pour le travailleur une atteinte permanente de 10,75 % donnant droit au travailleur à une indemnité pour dommages corporels de 7549,08 $.
Dossier 270942-04B-0509
ACCUEILLE en partiela requête du travailleur;
MODIFIE la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 30 août 2005, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’achat d’un lit électrique;
DÉCLARE que le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation le 22 février 2005, soit une hernie ombilicale;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit aux traitements de physiothérapie.
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Diane Lajoie |
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Commissaire |
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ÉRIC MARSAN |
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Léger et Marsan, associés |
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Représentant de la partie requérante |
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FRÉDÉRIC BOUCHER |
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Médial Conseil Santé Sécurité inc. |
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Représentant de la partie intéressée |
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