Pearson et Amusements Spectaculaires inc |
2007 QCCLP 6055 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Gatineau |
25 octobre 2007 |
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Région : |
Outaouais |
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Dossier CSST : |
126407410 |
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Commissaire : |
Suzanne Séguin, avocate |
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Membres : |
Philippe Chateauvert, associations d’employeurs |
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Martin Lebeau, associations syndicales
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Dossier 306830-07-0612 |
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Gisèle Pearson |
Amusements Spectaculaires inc. |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
et |
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Amusements Spectaculaires inc |
Gisèle Pearson |
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Partie intéressée
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Partie intéressée |
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et
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
Partie intervenante |
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Dossiers 306256-07-0612 et 306830-07-0612
[1] Le 13 décembre 2006, madame Gisèle Pearson (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 6 décembre 2006 à la suite d’une révision administrative. Cette contestation porte le numéro 306256-07-0612.
[2] Le 29 décembre 2006, Amusements Spectaculaires inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la même décision de la CSST rendue le 6 décembre 2006 à la suite d’une révision administrative. Cette contestation porte le numéro 306830-07-0612.
[3] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 10 juillet 2006 et déclare que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 4 mars 2006, soit une récidive, une rechute ou une aggravation de la lésion professionnelle du 13 juillet 2004.
[4] Par cette même décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 18 juillet 2006. Elle déclare qu’elle était bien fondée de reconsidérer sa décision du 5 avril 2006 et que la décision de capacité de la travailleuse d’exercer l’emploi convenable de préposée au service à la clientèle est annulée.
[5] Par cette même décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 17 octobre 2006. Elle déclare qu’elle était bien fondée de reconsidérer sa décision du 23 août 2006 et qu’elle est justifiée de rembourser à la travailleuse les frais de consultation médicale aux tarifs prévus à la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
[6] L’audience s’est tenue le 6 juin 2007 à Gatineau en présence de la travailleuse qui est représentée par procureure. L’employeur a fait parvenir à la Commission des lésions professionnelles ses commentaires écrits tout en l’informant qu’il ne serait pas représenté à l’audience. Quant à la CSST, sa procureure a informé le tribunal qu’elle ne serait pas représentée à l’audience, mais le tribunal lui a accordé la permission de produire une argumentation écrite qui lui est transmise le 18 juillet 2007. La travailleuse a fait parvenir sa réplique écrite le 14 août 2007 et la cause est mise en délibéré le 22 août 2007, soit à la date où la Commission des lésions professionnelles a reçu les commentaires écrits de la CSST à la réplique de la travailleuse.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 306256-07-0612
[7] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a droit au remboursement intégral des frais de consultation médicale qu’elle doit débourser.
[8] La CSST demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la travailleuse a droit au remboursement partiel des dépenses occasionnées à la suite des visites médicales chez le docteur La Barre, soit l’équivalent du montant que celui-ci recevrait de la RAMQ s’il n’était pas non participant au régime, et de déclarer que ce dernier ne peut réclamer une somme supérieure à la travailleuse à ce qui est autorisé par la CSST.
Dossier 306830-07-0612
[9] Dans ses commentaires écrits du 5 juin 2007, l’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la travailleuse n’a pas subi une lésion professionnelle le 4 mars 2006, soit une récidive, une rechute ou une aggravation de la lésion professionnelle du 13 juillet 2004 et que, par conséquent, la décision portant sur l’emploi convenable ne doit pas être annulée.
LES FAITS
Dossiers 306256-07-0612 et 306830-07-0612
Survenance d’une récidive, d’une rechute ou d’une aggravation le 4 mars 2006 et reconsidération de la décision portant sur la capacité à exercer l’emploi convenable de préposée au service à la clientèle
[10] Le 13 juillet 2004, la travailleuse, opératrice de manège, fait une chute alors qu’elle perd l’équilibre en descendant un escalier. Elle tombe vers l’arrière, le cou en extension, l’épaule et le coude droits frappant une marche. Elle ressent alors des douleurs à la région cervicale, à l’épaule, à l’omoplate et au coude droits.
[11] Le même jour, la travailleuse est examinée à l’hôpital d’Argenteuil par le docteur Rabi Kiderchah, omnipraticien, et elle passe des radiographies des poumons, de la colonne cervicale, de l’hemothorax ainsi que de l’épaule, de l’humérus, du coude et de l’omoplate droits.
[12] Le 15 juillet 2004, le docteur Jean-François Desjardins, radiologiste, suspecte la possibilité d’une petite fracture non déplacée de l’apophyse coronoïde.
[13] Le 30 juillet 2004, la travailleuse rencontre un médecin dont le nom qui apparaît au rapport médical est illisible. Celui-ci la dirige en physiothérapie et indique dans son rapport médical qu’elle sera suivie par son médecin de famille.
[14] À partir du 18 août 2004, la travailleuse est suivie par le docteur Marc La Barre, omnipraticien, qui diagnostique une contusion à l’épaule et à l’omoplate droites, une entorse cervicale et une possibilité de fracture de l’apophyse coronoïde du coude droit.
[15] Le 3 novembre 2004, la travailleuse passe une imagerie par résonance magnétique de l’épaule droite à la demande du docteur La Barre qui soupçonne une rupture de la coiffe des rotateurs. Le docteur Tien Dao, radiologiste, émet le commentaire que l’examen de l’épaule droite demeure dans les limites de la normale.
[16] Le 19 janvier 2005, le docteur François Racine, physiatre, évalue la travailleuse. Celle-ci lui décrit une douleur à la région antérieure, latérale et postérieure de l’épaule droite allant un peu vers la région scapulaire. Il retient les diagnostics suivants :
1. Entorse contusion scapulaire et épaule droite avec résidu de douleurs et soupçon d’une capsulite adhésive, capsulite rétractile.
2. Entorse cervicale guérie.
3. Contusion et possibilité de fracture de l’apophyse coronoïde du coude droit guérie et sans limitations.
[17] Le docteur Racine suggère au docteur La Barre de demander une arthrographie à l’air de l’épaule droite afin de distendre la capsule pour améliorer le confort, la fonctionnalité et l’amplitude des mouvements de l’épaule. Ce dernier n’est pas d’accord avec cette recommandation.
[18] Le 8 juin 2005, la travailleuse rencontre le docteur André Morin, chirurgien orthopédiste, à la demande de la CSST. L’examen de l’épaule et de l’omoplate droites démontre une douleur à l’aspect supérieur de l’épaule et au pôle supérieur de l’omoplate. Il y a aussi de légères crépitations lors des mouvements d’abduction et de rotation externe de l’épaule et des spasmes associés à la mobilisation de l’omoplate.
[19] Le docteur Morin conclut à un diagnostic d’entorse cervicale résolue et de contusion du coude droit également résolue. Quant à l’épaule droite, il pose le diagnostic de capsulite rétractile de l’épaule droite associée à une tendinite ou à une bursite scapulothoracique droite.
[20] Il consolide la lésion à la région cervicale et au coude le 22 décembre 2004 sans atteinte permanente à l'intégrité physique ni limitations fonctionnelles, mais considère que la lésion à l’épaule et à l’omoplate droites n’est pas consolidée. Il recommande des infiltrations au niveau de l’épaule droite et pour la bursite scapulothoracique droite ainsi que des exercices d’étirement.
[21] Le 1er août 2005, le docteur La Barre se dit en accord avec les conclusions et recommandations du docteur Morin.
[22] Le 26 août 2005, la travailleuse subit une infiltration et une arthrographie de l’épaule droite ainsi qu’une tomodensitométrie. Le docteur Christopher Place, radiologiste, émet l’opinion qu’il y a absence de déchirure de la coiffe des rotateurs.
[23] Le 31 octobre 2005, le docteur La Barre indique dans son rapport final que la lésion est consolidée le jour même, qu’il y a une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique et des limitations fonctionnelles. Il dirige la travailleuse vers le docteur Racine afin qu’il produise le rapport d’évaluation médicale.
[24] Le 7 décembre 2005, la travailleuse rencontre le docteur Racine qui complète le rapport d’évaluation médicale relativement à la capsulite rétractile de l’épaule droite. À l’examen physique de l’épaule droite, il note que les mouvements passifs d’élévation sont à 110 degrés, d’abduction à 100 degrés et les rotations externes à 60 degrés. La travailleuse peut amener le pouce à T8 et peut mettre la main droite sur l’épaule gauche, mais elle ressent un serrement dans l’épaule droite lors de cette manœuvre où la flexion antérieure à 90 degrés est combinée à l’adduction vers l’épaule opposée. Quant aux mouvements résistés à l’épaule droite, ils sont tous de force normale sauf que l’effort déployé lors de ces mouvements entraîne une irritation de l’épaule.
[25] Le docteur Racine conclut que la lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique dont le déficit anatomo-physiologique est de 12,5 % pour une atteinte des tissus mous au membre supérieur droit et une ankylose partielle de l’épaule droite.
[26] En ce qui concerne les limitations fonctionnelles qu’a entraînées la lésion professionnelle, il s’exprime de la façon suivante :
Madame ne pourra pas occuper un emploi où elle doit utiliser le bras à des degrés d’amplitude dépassés les degrés passifs mentionnés. Aussi elle devra éviter les efforts de ce bras dépassé une charge de 10 kg et les efforts à être faits ne devraient être que très occasionnels. Elle a déjà travaillé dans le domaine de serveuse et je ne crois pas qu’actuellement elle puisse faire un tel emploi à moins que le bras gauche soit le bras dominant qui porte les charges, les cabarets, etc. Je remarque à mon dossier original du 12 octobre 2004 que Madame me mentionnait être ambidextre.
Elle n’a pas de problème à occuper un emploi où elle marche majoritairement, où elle marche, s’assoit, est debout. Elle peut utiliser le bras droit à l’intérieur de limites tolérables pour éviter que cette épaule reste ainsi limitée, le retour dépendant beaucoup de l’utilisation progressive et dosée et ce qu’elle en fera.
[27] Le 1er février 2006, la travailleuse rencontre la conseillère en réadaptation afin d’évaluer ses possibilités professionnelles dans le but de déterminer un emploi convenable.
[28] La travailleuse remplit une réclamation pour une récidive, une rechute ou une aggravation qui se serait manifestée le 5 mars 2006[1]. Elle mentionne qu’une augmentation des douleurs et un blocage de l’épaule sont apparus en suivant un cours d’informatique, six heures par semaine pendant trois semaines.
[29] Le 5 mars 2006, la travailleuse consulte le docteur Tommy Cheng, omnipraticien, qui note des douleurs à l’épaule et une brûlure au membre supérieur droit. Il dirige la travailleuse vers le docteur Morin, mais elle sera plutôt vue par le docteur Henry Servantes Gaspard, chirurgien orthopédiste, le 11 avril 2006.
[30] Le docteur Gaspard reprend le diagnostic de capsulite à l’épaule droite. Il note que la travailleuse se dit incapable de retourner au travail à cause de la douleur persistante et diffuse qui est augmentée aux mouvements et diminuée au repos.
[31] Il écrit qu’il n’y a pas de déformation ni d’atrophie, mais que les mouvements de l’épaule sont nettement diminués avec une élévation antérieure à peine à 90 degrés, une abduction à 80 degrés, une rotation externe et interne à 0 degré. Il ajoute que les tests de Jobe, de Hawkins et de Speed sont positifs et que l’examen neurovasculaire est normal. Il recommande de la physiothérapie ainsi qu’une arthrodistension. Ces traitements seront effectués.
[32] Le 5 avril 2006, la CSST détermine l’emploi convenable de préposée au service à la clientèle que la travailleuse est capable d’exercer à compter de ce jour. Cette décision sera annulée à la suite d’une reconsidération le 18 juillet 2006 et la CSST déclare que cette reconsidération est bien fondée à la suite d’une révision administrative le 6 décembre 2006, d’où la présente contestation.
[33] Le 10 avril 2006, la travailleuse subit une arthrographie de l’épaule droite et une infiltration.
[34] Le 24 avril 2006, le docteur La Barre, retient le diagnostic de capsulite adhésive à l’épaule droite et écrit que la travailleuse est en attente de physiothérapie.
[35] Le 6 juillet 2006, le docteur Robert Belzile, omnipraticien, médecin-conseil à la CSST, étudie la réclamation de la travailleuse pour une récidive, une rechute ou une aggravation qui se serait manifestée le 4 mars 2006 et écrit ce qui suit :
Opinion
- En fonction du mécanisme de la lésion
- En fonction dx admissible capsulite rétractile épaule droite consolidé avec apipp et lf Dr Racine 2005-12-05
- En fonction de signe de détérioration objective (rapport Dr Gaspard 2006-04-11)
- Médicalement en fonction de l’information au dossier il y a lieu de reconnaître que le 2006-03-04 il y a rra en relation avec la lésion professionnelle initiale
- Dx capsulite adhésive épaule droite
[36] Le 11 juillet 2006, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse pour une récidive, une rechute ou une aggravation qui s’est manifestée le 4 mars 2006 dont le diagnostic est une capsulite de l’épaule droite. Cette décision sera maintenue à la suite d’une révision administrative le 6 décembre 2006, d’où la présente contestation.
[37] Le 1er février 2007, la travailleuse rencontre le docteur Jean Varin, chirurgien orthopédiste, à la demande de la CSST. Celui-ci retient le diagnostic de capsulite de l’épaule droite consolidée le 1er février 2006[2]. La lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, dont le déficit anatomo-physiologique est de 13,5 %, et les limitations fonctionnelles suivantes :
- Cette dame ne peut pas faire des mouvements répétés de l’épaule droite.
- Elle ne peut pas utiliser son membre supérieur droit qui nécessiterait 90 degrés de mouvements d’abduction ou d’élévation antérieure, ou 60 degrés de rotation externe de l’épaule droite.
- Elle ne doit pas manipuler des charges de plus de 5 kg, le membre supérieur droit ne devrait pas être soumis aux vibrations de basse fréquence.
[38] Le 22 mars 2007, la CSST reçoit le rapport complémentaire du docteur La Barre qui dit être d’accord avec les conclusions du docteur Varin.
Témoignage de la travailleuse
[39] La travailleuse témoigne qu’après la consolidation de sa lésion professionnelle, elle a commencé des cours d’informatique. Après la deuxième journée, elle ressent des douleurs accrues au bras droit qui l’empêchent de dormir et elle a dû changer de médicaments à la suite de l’augmentation des douleurs.
[40] Elle ajoute que depuis son accident du travail et la récidive, la rechute ou l’aggravation qui se serait manifestée le 4 mars 2006, elle ne peut plus faire les activités qu’elle faisait auparavant.
Remboursement des frais de consultation médicale
[41] Le 1er janvier 2005, le docteur La Barre devient un professionnel de la santé non participant au régime de l’assurance maladie du Québec. Il facture donc directement la CSST plutôt que la RAMQ et la CSST lui paye ses honoraires professionnels.
[42] Le 23 septembre 2005, la CSST fait parvenir au docteur La Barre une lettre dans laquelle elle écrit ce qui suit :
En matière de services médicaux dispensés par les médecins, l’orientation de la CSST, à tire d’assureur public, est d’offrir une couverture d’assurance en conformité avec la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (LATMP) et dans le respect de la Loi sur l’assurance-maladie et des ententes conclues entre les fédérations médicales et le MSSS. Cette orientation vise, entres autres, à assurer l’équité envers les clients de la CSST et envers les professionnels de la santé qui dispensent des services à cette clientèle.
Tel qu’entendu, en regard de votre statut de médecin non participant, nous vous demandons de facturer directement la CSST. Conformément à l’article 194 de la LATMP, aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d’assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de cette loi.
La CSST vous rémunérera suivant les tarifs de la RAMQ, selon l’entente intervenue entre le MSSS et votre fédération médicale. Quand aux services dispensés et aux frais encourus, la CSST paiera pour les mêmes services et aux mêmes conditions que les médecins participants à la RAMQ. Afin de faciliter le traitement de vos réclamations, nous vous demandons de nous fournir les codes RAMQ attribués aux services dispensés. [sic]
[43] Le 2 décembre 2005, la CSST refuse de rembourser au docteur La Barre l’intégralité de sa facture de 75 $ pour une visite médicale et lui réitère qu’en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3], il ne peut réclamer à la travailleuse aucun montant pour une prestation d’assistance médicale à laquelle elle a droit en vertu de cette loi.
[44] Le 14 juillet 2006, le docteur La Barre écrit à la travailleuse que la CSST refuse de lui rembourser le coût de sa visite médicale selon son tarif et demande donc le paiement de ses honoraires directement à la travailleuse pour ce service.
[45] Le 23 août 2006, la CSST refuse à la travailleuse sa demande de remboursement des frais encourus auprès du docteur La Barre. Cette décision sera reconsidérée le 17 octobre 2006 et la CSST accepte de rembourser à la travailleuse le montant fixé selon le tarif de la RAMQ. La CSST déclare que cette reconsidération est bien fondée à la suite d’une révision administrative le 6 décembre 2006, d’où la présente contestation.
Témoignage de la travailleuse
[46] La travailleuse témoigne que le docteur La Barre est son médecin de famille depuis une douzaine d’années.
[47] Elle ajoute qu’elle va souvent au CLSC de sa région pour des problèmes d’asthme et qu’un médecin lui aurait dit de garder son médecin de famille, qu’il ne pouvait pas la suivre. Quand il y a une urgence, elle rencontre un médecin au CLSC, mais pas pour le suivi de sa lésion professionnelle.
[48] La travailleuse mentionne qu’à l’époque de la survenance de la lésion professionnelle du 13 juillet 2004, le docteur La Barre facturait la RAMQ. Par la suite, la CSST remboursait au complet les honoraires du docteur La Barre. Ces honoraires étaient de 75 $ la visite, alors qu’ils sont maintenant de 130 $.
L’AVIS DES MEMBRES
Dossier 306256-07-0612
[49] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête de la travailleuse puisque, selon eux, la CSST est bien fondée, en équité et en droit, à rembourser à la travailleuse le montant des consultations médicales auprès du docteur La Barre selon le tarif de la RAMQ.
Dossier 306830-07-0612
[50] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête de l’employeur puisque, selon eux, la preuve prépondérante démontre que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 4 mars 2006, soit une récidive, une rechute ou une aggravation de la lésion professionnelle du 13 juillet 2004. Ils considèrent donc que la CSST est bien fondée à annuler la décision statuant sur l’emploi convenable et la capacité de la travailleuse à l’exercer.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
Dossier 306256-07-0612
[51] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la CSST est bien fondée à reconsidérer sa décision du 23 août 2006 et si la travailleuse a droit au remboursement complet du coût des services médicaux prodigués par le docteur Marc La Barre.
[52] L’article 365 de la L.a.t.m.p. édicte que la CSST peut reconsidérer une décision dans les 90 jours pour corriger toute erreur. Cet article se lit comme suit :
365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.
Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.
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1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.
[53] La décision initiale de la CSST, refusant à la travailleuse tout remboursement du coût de l’assistance médicale prodiguée par le docteur La Barre, est rendue le 23 août 2006 et est reconsidérée le 17 octobre 2006; cette reconsidération respecte donc le délai de 90 jours prévu à l’article 365 de la loi.
[54] La CSST fait valoir dans son argumentation écrite que la décision du 23 août 2006 comportait une erreur à savoir, un refus de rembourser quelque montant que ce soit à la travailleuse pour ses visites médicales chez le docteur La Barre.
[55] La travailleuse indique dans sa réplique écrite qu’elle ne conteste pas le pouvoir de la CSST de reconsidérer sa décision du 23 août 2006. Quant à l’employeur, il est silencieux à ce sujet dans ses commentaires écrits.
[56] La Commission des lésions professionnelles estime que la CSST est bien fondée de reconsidérer sa décision du 23 août 2006 puisque cette décision comporte une erreur en ce qu’elle refuse à la travailleuse tout remboursement pour les frais encourus auprès du docteur La Barre, et ce, contrairement à l’esprit de la L.a.t.m.p. et à l’équité.
[57] Cela étant dit, la Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST doit rembourser à la travailleuse le montant qui lui a été facturé par le docteur La Barre pour les soins qu’il lui a prodigués ou le montant que le docteur La Barre aurait reçu de la RAMQ s’il n’avait pas le statut de non participant au régime d’assurance maladie étatique.
[58] L’article 188 de la L.a.t.m.p. prévoit que :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
__________
1985, c. 6, a. 188.
[59] L’article 189 de la L.a.t.m.p. définit l’assistance médicale de la façon suivante :
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit:
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons, les services ambulanciers et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
__________
1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[60] L’article 192 de la L.a.t.m.p. prévoit que la travailleuse a le libre choix de son médecin. Cet article se lit comme suit :
192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.
__________
1985, c. 6, a. 192.
[61] Le coût de l’assistance médicale est à la charge de la CSST et le médecin ne peut réclamer ce coût à la travailleuse en vertu de l’article 194 de la L.a.t.m.p. :
194. Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.
Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assistance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.
__________
1985, c. 6, a. 194.
[62] Le mode de paiement des honoraires d’un médecin pour les soins qu’il prodigue à un travailleur est décrit aux articles 196 , 197 et 198 de la L.a.t.m.p. :
196. Les services rendus par les professionnels de la santé dans le cadre de la présente loi et visés dans le quatorzième alinéa de l'article 3 de la Loi sur l'assurance maladie (chapitre A-29), édicté par l'article 488, y compris ceux d'un membre du Bureau d'évaluation médicale, d'un comité des maladies professionnelles pulmonaires ou d'un comité spécial agissant en vertu du chapitre VI, à l'exception des services rendus par un professionnel de la santé à la demande de l'employeur, sont payés à ces professionnels
par la Régie de l'assurance maladie du Québec conformément aux ententes intervenues dans le cadre de l'article 19 de la Loi sur l'assurance maladie.
__________
1985, c. 6, a. 196; 1992, c. 11, a. 10; 1999, c. 89, a. 43, a. 53.
197. La Commission rembourse à la Régie de l'assurance maladie du Québec le coût des services visés dans l'article 196 et les frais d'administration qui s'y rapportent.
__________
1985, c. 6, a. 197; 1996, c. 70, a. 6; 1999, c. 89, a. 53.
198. La Commission et la Régie de l'assurance maladie du Québec concluent une entente qui a pour objet les règles régissant le remboursement des sommes que la Régie débourse pour l'application de la présente loi et la détermination des frais d'administration qu'entraîne le paiement des services visés à l'article 196.
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1985, c. 6, a. 198; 1996, c. 70, a. 7; 1999, c. 89, a. 53.
[63] Le quatorzième alinéa de l’article 3 de la Loi sur l’assurance maladie[4] (L.a.m.)[5] auquel fait référence l’article 196 de la L.a.t.m.p. prévoit que :
3. Le coût des services suivants qui sont rendus par un professionnel de la santé est assumé
par la Régie pour le compte de toute personne assurée, conformément aux dispositions de la présente loi et des règlements:
[…]
La Régie assume aussi le coût des services qui sont rendus par un professionnel de la santé dans le cadre de la Loi sur les accidents du travail ( chapitre A-3) ou de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ( chapitre A-3.001), y compris ceux d'un membre du Bureau d'évaluation médicale ou d'un membre d'un comité des maladies professionnelles pulmonaires ou d'un comité spécial agissant en vertu du chapitre VI de cette loi, mais à l'exception des services rendus par un professionnel de la santé à la demande de l'employeur.
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1970, c. 37, a. 3; 1970, c. 38, a. 2; 1971, c. 47, a. 2; 1971, c. 48, a. 160, a. 161; 1973, c. 30, a. 2; 1973, c. 49, a. 45; 1973, c. 52, a. 31; 1974, c. 40, a. 2; 1975, c. 60, a. 1; 1977, c. 44, a. 2; 1979, c. 1, a. 2; 1979, c. 63, a. 273; 1981, c. 22, a. 1; 1985, c. 6, a. 488; 1986, c. 79, a. 2; 1989, c. 50, a. 2; 1991, c. 42, a. 558; 1992, c. 19, a. 1; 1992, c. 21, a. 101; 1985, c. 23, a. 1; 1992, c. 21, a. 101; 1992, c. 11, a. 77; 1994, c. 8, a. 2; 1994, c. 23, a. 23; 1996, c. 32, a. 89; 1999, c. 24, a. 14; 1999, c. 89, a. 2, a. 42; 2002, c. 69, a. 122; 2002, c. 33, a. 8; 2005, c. 40, a. 32.
[64] Les dispositions transitoires de la L.a.t.m.p. prévoient à l’article 586 que :
586. Malgré le quatorzième alinéa de l'article 3 de la Loi sur l'assurance-maladie (chapitre A-29), édicté par l'article 488, la Commission assume le coût d'un service visé dans cet alinéa tant qu'une entente visée dans le deuxième alinéa de l'article 19 de cette loi, édicté par l'article 489, n'est pas en vigueur relativement à ce service.
La Commission fixe ce coût d'après ce qu'il serait convenable et raisonnable de réclamer du travailleur pour un service semblable s'il devait le payer lui-même.
__________
1985, c. 6, a. 586; 1999, c. 89, a. 44.
[65] Le deuxième alinéa de l’article 19 de la L.a.m.[6] auquel fait référence l’article 586 de la L.a.t.m.p. prévoit que :
19. Le ministre peut, avec l'approbation du Conseil du trésor, conclure avec les organismes représentatifs de toute catégorie de professionnels de la santé, toute entente pour l'application de la présente loi.
Une entente peut prévoir notamment que la rémunération de services assurés varie selon des règles applicables à une activité, un genre d'activité ou l'ensemble des activités d'un professionnel de la santé, ou aux activités d'une catégorie de professionnels ou d'une spécialité à laquelle il appartient. Une telle entente peut aussi prévoir différents modes de rémunération dont les modes de rémunération à l'acte, à honoraires forfaitaires et à salaire. Elle peut en outre prévoir, à titre de compensation ou de remboursement, le versement de divers montants tels des primes, des frais ou des allocations.
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1970, c. 37, a. 15; 1970, c. 42, a. 17; 1973, c. 30, a. 6; 1973, c. 49, a. 45; 1974, c. 40, a. 8; 1979, c. 1, a. 14; 1981, c. 22, a. 4; 1984, c. 47, a. 15; 1985, c. 6, a. 489; 1991, c. 42, a. 564; 1994, c. 23, a. 7; 1998, c. 39, a. 177; 1999, c. 89, a. 24; 2000, c. 8, a. 241; 2002, c. 66, a. 17; 2005, c. 32, a. 308.
[66] Le docteur La Barre est un médecin non participant au régime public de la RAMQ. L’article 1 de la L.a.m. définit le professionnel non participant de la façon suivante :
1. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, les expressions et mots suivants signifient ou désignent:
[…]
e) «professionnel non participant»: un professionnel qui exerce sa profession en dehors des cadres du régime institué par la présente loi mais qui n'accepte pas d'être rémunéré suivant le tarif prévu à une entente ou qui fait l'objet d'une ordonnance émise en vertu de l'article 77, 77.0.1 ou 77.1.1 et dont tous les patients assument seuls le paiement des honoraires qui comprennent le prix des médicaments dans le cas d'un pharmacien;
___________
1970, c. 37, a. 1; 1970, c. 38, a. 1; 1971, c. 47, a. 1; 1973, c. 30, a. 1; 1973, c. 49, a. 45; 1974, c. 40, a. 1; 1977, c. 44, a. 1; 1979, c. 1, a. 1; 1985, c. 23, a. 24; 1986, c. 79, a. 1; 1989, c. 50, a. 1; 1991, c. 42, a. 556; 1992, c. 21, a. 100; 1994, c. 8, a. 1; 1994, c. 23, a. 23; 1996, c. 32, a. 88; 1999, c. 89, a. 1, a. 42; 2001, c. 60, a. 166.
[67] Le tribunal considère qu’en vertu des articles 188 , 189 et 192 de la L.a.t.m.p., la travailleuse a droit de choisir le docteur La Barre à titre de médecin traitant, même s’il est un professionnel non participant, et que la CSST ne peut s’immiscer dans ce choix.
[68] C’est ce qu’enseigne la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles dans l’affaire Bexel (1979) inc. et Boudreault[7] alors qu’elle s’exprime ainsi :
En l’espèce rien dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne permet à la Commission de soumettre le libre choix du professionnel de la santé à quelque critère que ce soit. Aussi la Commission d’appel en vient à la conclusion qu’on ne peut soumettre le choix du travailleur à un critère basé sur l’éloignement du médecin choisi.
[69] D’ailleurs, la CSST ne conteste pas le droit de la travailleuse aux soins du docteur La Barre qui exerce en clinique privée, mais estime qu’elle n’a pas à rembourser la totalité des frais encourus par la travailleuse pour consulter ce professionnel de la santé de son choix.
[70] Concernant le remboursement des frais encourus afin d’obtenir des soins ou des traitements auprès d’un professionnel de la santé exerçant dans une clinique privée, la Commission des lésions professionnelles a déjà décidé que le travailleur a droit au remboursement des frais d’un sexologue, mais sans se prononcer sur le quantum[8]; au remboursement complet des frais de production d’un rapport d’évaluation médicale de nature psychiatrique[9]; au remboursement des frais de nucléoplastie et de provocation discale alors qu’il n’y avait pas d’entente concernant ces actes[10] ainsi qu’au remboursement des frais réellement encourus pour une chirurgie pratiquée en pratique privée[11].
[71] Dans la présente affaire, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST doit payer le montant fixé selon le tarif de la RAMQ et à cet égard, la soussignée fait siens les commentaires de la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Brousseau et Isolation confort ltée[12] lorsqu’elle mentionne en obiter dictum ce qui suit :
[22] De plus, la soussignée ne croit pas que la loi puisse permettre à un travailleur accidenté de bénéficier d’une médecine plus onéreuse que celle couverte par la Loi sur l’assurance-maladie et à laquelle ne peut prétendre la majorité des citoyens puisqu’il s’agirait d’une injustice et d’une iniquité à l’encontre de l’ensemble des citoyens du Québec.
[72] Le remboursement du coût des soins d’un médecin non participant au régime de la RAMQ, alors que les services rendus font l’objet d’une entente entre les fédérations médicales et le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), n’est pas expressément prévu à la L.a.t.m.p.; il faut donc s’en remettre à l’intention du législateur.
[73] Or, la L.a.t.m.p. prévoit le mécanisme de paiement des honoraires des médecins pour les soins donnés relativement à une lésion professionnelle.
[74] Selon l’article 196 de la L.a.t.m.p., le médecin doit facturer la RAMQ pour les services fournis à la travailleuse accidentée conformément aux ententes intervenues dans le cadre de l’article 19 de la L.a.m. La CSST rembourse alors le coût de ces services à la RAMQ selon l’article 197 de la L.a.t.m.p.
[75] En vertu de l’article 586 de la L.a.t.m.p., ce n’est qu’à défaut d’entente entre les fédérations médicales et le MSSS à ce sujet que la CSST assume le coût du service d’après ce qu’il serait convenable et raisonnable de réclamer de la travailleuse pour un service semblable si la travailleuse devait le payer elle-même.
[76] Force est de constater, à la lecture du dossier, qu’il existe une entente entre les fédérations médicales et le MSSS visant les actes professionnels posés par le docteur La Barre à l’égard de la travailleuse; c’est ce qui appert des lettres que la CSST a adressées au docteur La Barre.
[77] La Commission des lésions professionnelles en infère donc que la volonté du législateur est que les services posés par un médecin dans le cadre de la L.a.t.m.p. qui font l’objet d’une entente entre les fédérations médicales et le MSSS en vertu des articles 196 de cette loi et 19 de la L.a.m. soient remboursés selon le tarif du régime public de la RAMQ puisque ce n’est qu’à défaut d’entente que la L.a.t.m.p. prévoit que la CSST rembourse un coût convenable et raisonnable pour ce service.
[78] Au surplus, l’article 194 de la L.a.t.m.p. prévoit qu’aucun montant ne peut être réclamé à la travailleuse pour une prestation d’assistance médicale à laquelle elle a droit en vertu de la L.a.t.m.p. et qu’aucune action en justice à ce sujet n’est recevable par une cour de justice.
[79] Or, si le professionnel non participant au régime public ne peut demander à la travailleuse le remboursement des coûts du service offert et qu’il doit s’adresser à la RAMQ en vertu de la L.a.t.m.p. et de la L.a.m., alors il se verra rembourser le montant prévu à l’entente. Il faut donc en conclure que ce professionnel non participant ne peut demander un coût supérieur à ce qui est prévu à l’entente, ni à la travailleuse ni à la CSST. En effet, la loi ne permet pas de faire indirectement ce que l’on ne peut faire directement.
[80] Étant donné que le docteur La Barre ne peut réclamer à la CSST un montant supérieur à celui prévu à l’entente, la travailleuse, qui a acquitté le coût des services rendus à ce professionnel de la santé, ne peut avoir plus de droit que celui-ci aurait eu s’il avait facturé directement la CSST.
[81] Donc, la travailleuse a droit au remboursement des frais de consultation médicale qu’elle a payés au docteur La Barre selon les tarifs de la RAMQ.
[82] Pour la différence, le tribunal estime que ce n’est pas à la CSST à rembourser à la travailleuse le coût excédentaire de la réclamation du docteur La Barre qui a été faite en violation de l’article 194 de la L.a.t.m.p. qui stipule clairement qu’aucun montant ne peut être réclamé à la travailleuse pour une prestation d’assitance médicale à laquelle elle a droit en vertu de la L.a.t.m.p. La Commission des lésions professionnelles considère que la CSST ne peut être responsable des gestes posés par un professionnel de la santé en violation de la L.a.t.m.p.
[83] À cet égard, la CSST demande au tribunal de déclarer que le docteur La Barre ne peut réclamer une somme supérieure à la travailleuse à ce qui est autorisé par la CSST.
[84] Avec respect, la Commission des lésions professionnelles estime que cette demande est de la nature d’un jugement déclaratoire et qu’elle n’a pas compétence pour rendre une décision de cette nature[13].
[85] De plus, le docteur La Barre n’est pas partie à la présente instance et n’est pas visé par la décision de la CSST du 6 décembre 2006 à la suite d’une révision administrative.
[86] Mentionnons que l’article 463 de la L.a.t.m.p. permet un recours de nature pénale à l’égard de quiconque agit en vue d’obtenir un avantage auquel il sait ne pas avoir droit. Cet article se lit comme suit :
463. Quiconque agit ou omet d'agir, en vue d'obtenir un avantage auquel il sait ne pas avoir droit ou de se soustraire à une obligation que la présente loi lui impose commet une infraction et est passible d'une amende d'au moins 500 $ et d'au plus 2 000 $ s'il s'agit d'une personne physique, et d'une amende d'au moins 2 000 $ et d'au plus 8 000 $ s'il s'agit d'une personne morale.
__________
1985, c. 6, a. 463; 1990, c. 4, a. 35.
[87] La CSST pourrait décider d’exercer ce recours à l’encontre du docteur La Barre selon l’article 473 de la L.a.t.m.p. :
473. Une poursuite pénale pour une infraction prévue au présent chapitre peut être intentée par la Commission.
La poursuite se prescrit par un an depuis la date de la connaissance par le poursuivant de la perpétration de l'infraction. Toutefois, aucune poursuite ne peut être intentée s'il s'est écoulé plus de cinq ans depuis la date de la perpétration de l'infraction.
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1985, c. 6, a. 473; 1990, c. 4, a. 38; 1992, c. 61, a. 37; 2001, c.26, a.71.
[88] Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles estime que la travailleuse a droit au remboursement partiel des dépenses occasionnées à la suite des visites médicales chez le docteur La Barre, soit l’équivalent du montant que celui-ci recevrait de la RAMQ s’il n’était pas non participant au régime.
Dossier 306830-07-0612
[89] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la travailleuse a subi une lésion professionnelle, soit une récidive, une rechute ou une aggravation, le 4 mars 2006 et si la CSST est bien fondée à annuler sa décision concernant la capacité de la travailleuse à exercer l’emploi convenable de préposée au service à la clientèle à la suite d’une reconsidération.
[90] La lésion professionnelle est définie à l’article 2 de la loi de la façon suivante :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[91] Par contre, la récidive, la rechute et l’aggravation ne sont pas définies à la loi. Il faut donc retenir le sens courant des termes, soit une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes[14].
[92] De plus, la relation entre la récidive, la rechute ou l’aggravation et l’évènement d’origine ne peut être présumée et le seul témoignage du travailleur est insuffisant pour l’établir. Il faut une preuve prépondérante de cette relation et certains paramètres, dont aucun n’est à lui seul décisif, établis dans l’affaire Boisvert et Halco inc.[15], permettent de déterminer l’existence d’une telle relation :
[93] Le tribunal estime que la preuve démontre que le 4 mars 2006 la travailleuse a ressenti une réapparition ou une recrudescence de sa lésion ou de ses symptômes puisque les douleurs ont augmenté après qu’elle ait suivi des cours d’informatique pendant 6 heures par jour. Ces douleurs à l’épaule seront notées par le docteur Cheng, le 5 mars 2006, ainsi qu’une brûlure au membre supérieur droit.
[94] De plus, il y a reprise des traitements puisque la physiothérapie et l’arthrodistension recommandées par le docteur Gaspard, le 11 avril 2006, auront lieu.
[95] Le tribunal constate aussi que la lésion de la travailleuse s’est aggravée de façon objective puisque l’examen médical du docteur Gaspard démontre une perte des amplitudes des mouvements de l’épaule droite et les manœuvres de Jobe, de Hawkins et de Speed sont positives.
[96] La Commission des lésions professionnelles considère que cette récidive, cette rechute ou cette aggravation du 4 mars 2006 est en relation avec la lésion professionnelle du 13 juillet 2004.
[97] En effet, le diagnostic de la récidive, la rechute ou l’aggravation est une capsulite de l’épaule droite, soit un des diagnostics de la lésion professionnelle du 13 juillet 2004.
[98] La lésion professionnelle initiale revêt un caractère de gravité, car la période de consolidation est de plus de 15 mois et la lésion a entraîné une atteinte permanente à l'intégrité physique et psychique, dont le déficit anatomo-physiologique est de 12,5 %, et des limitations fonctionnelles pour lesquelles la travailleuse a été admise en réadaptation professionnelle.
[99] De plus, il s’est écoulé moins de six mois entre la consolidation de la lésion initiale et la récidive, la rechute ou l’aggravation du 4 mars 2006.
[100] Donc, la Commission des lésions professionnelles estime que la preuve prépondérante démontre que la travailleuse a subi une récidive, une rechute ou une aggravation le 4 mars 2006 et que cette récidive, cette rechute ou cette aggravation est en relation avec la lésion professionnelle du 13 juillet 2004.
[101] Étant donné la présence de cette récidive, cette rechute ou cette aggravation du 4 mars 2006, la Commission des lésions professionnelles estime que la CSST est bien fondée à annuler la décision du 5 avril 2006 portant sur la capacité de la travailleuse à exercer l’emploi convenable de préposée au service à la clientèle.
[102] Cette reconsidération respecte l’article 365 de la L.a.t.m.p. qui se lit comme suit :
365. La Commission peut reconsidérer sa décision dans les 90 jours, si celle-ci n'a pas fait l'objet d'une décision rendue en vertu de l'article 358.3, pour corriger toute erreur.
Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'une partie, si sa décision a été rendue avant que soit connu un fait essentiel, reconsidérer cette décision dans les 90 jours de la connaissance de ce fait.
Avant de reconsidérer une décision, la Commission en informe les personnes à qui elle a notifié cette décision.
Le présent article ne s'applique pas à une décision rendue en vertu du chapitre IX.
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1985, c. 6, a. 365; 1992, c. 11, a. 36; 1996, c. 70, a. 43; 1997, c. 27, a. 21.
[103] En effet, le 18 juillet 2006 la CSST reconsidère sa décision du 5 avril 2006; elle respecte donc le délai de 90 jours prévu par la loi.
[104] De plus, la reconnaissance d’une récidive, d’une rechute ou d’une aggravation qui survient le 4 mars 2006, soit avant la décision du 5 avril 2006 portant sur la capacité de la travailleuse à exercer l’emploi convenable de préposé à la clientèle à partir de ce jour, constitue un fait essentiel qui permet à la CSST de reconsidérer cette décision au sens de l’article 365 de la L.a.t.m.p.
[105] C’est donc à bon droit que la CSST reconsidère sa décision du 5 avril 2006 et annule cette décision déterminant l’emploi convenable de préposée à la clientèle et la capacité de la travailleuse à exercer cet emploi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 306256-07-0612
REJETTE la requête de madame Gisèle Pearson, la travailleuse;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 6 décembre 2006 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la CSST est bien fondée à reconsidérer sa décision du 23 août 2006;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des frais de consultation médicale selon les tarifs de la Régie de l’assurance maladie du Québec.
Dossier 306830-07-0612
REJETTE la requête des Amusements Spectaculaires inc., l’employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 6 décembre 2006 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que madame Gisèle Pearson, la travailleuse, a subi une lésion professionnelle le 4 mars 2006, soit une récidive, une rechute ou une aggravation de la lésion professionnelle du 13 juillet 2004;
DÉCLARE que la CSST est bien fondée à reconsidérer sa décision du 5 avril 2006;
DÉCLARE que la décision du 5 avril 2006 déterminant l’emploi convenable et la capacité de la travailleuse à l’exercer est annulée.
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Me Suzanne Séguin |
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Commissaire |
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Me Luce Tremblay |
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Lalande, Tremblay, avocats |
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Représentante de la travailleuse |
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M. Pierre Casella |
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Mutu-A-Gest inc. |
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Représentant de l’employeur |
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Me Michèle Gagnon Grégoire |
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Panneton, Lessard |
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Représentante de la CSST |
[1] Il s’agirait plutôt d’une récidive, d’une rechute ou d’une aggravation qui se serait manifestée le 4 mars 2006.
[2] Il s’agirait plutôt du 1er février 2007.
[3] L.R.Q., c. A-3.001
[4] L.R.Q., c. A-29
[5] Cet alinéa est édicté par l’article 488 de la L.a.t.m.p. et la modification qu’elle apporte y est intégrée.
[6] Cet alinéa est édicté par l’article 489 de la L.a.t.m.p. et la modification qu’elle y apporte y est intégrée.
[7] C.A.L.P. 02462-62-8703, 21 septembre 1988, R. Brassard
[8] Lefebvre et Goodyear Canada inc., C.L.P. 245525-64-0410, 7 mars 2006, M. Montplaisir
[9] Ross et Les entreprises Mont Sterling inc., C.L.P. 248697-01C-0411, 28 mars 2006, R. Arseneau
[10] Chabot et Super C Division E.U.M.R., C.L.P. 286839-31-0604, 16 janvier 2007, G. Tardif
[11] Fortin et Gestion Berthelot, C.L.P. 290718-62A-0605, 20 juin 2007, J. Landry
[12] C.L.P. 217221-64-0310, 4 février 2005, G. Godin (décision accueillant une requête en révision)
[13] Voir notamment : Gagnon et Multibois (St-René), C.L.P. 205380-01A-0304, 14 septembre 2004, J.-M. Laliberté; Laliberté et Hydro-Québec, C.L.P. 201667-07-0303, 31 janvier 2005, L. Boucher (décision accueillant en partie la requête en révision).
[14] Lapointe c. Compagnie Minière Québec-Cartier, [1989] C.A.L.P. 38 ; Morel et Le Centre Routier inc., [1989] C.A.L.P. 1171 ; Lafleur et Transport Shulman ltée, C.A.L.P., 29153-60-9105, 26 mai 1993, J. L’Heureux; Marshall et Adam Lumber inc., [1998] C.L.P. 1218.
[15] [1995] C.A.L.P. 19.
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