Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Provigo Québec inc.

2012 QCCLP 3520

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

31 mai 2012

 

Région :

Montréal

 

Dossier :

455235-71-1111-R

 

Dossier CSST :

133156562

 

Commissaire :

Jean-François Clément, juge administratif

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Provigo Québec inc.

 

Partie requérante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 10 mai 2012, Provigo Québec inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision ou en révocation à l’encontre d’une décision rendue par ce tribunal le 8 mai 2012.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative en date du 4 novembre 2011 et déclare que l’employeur doit assumer la totalité du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par madame Francine Gratton (la travailleuse) en date du 1er avril 2008.

[3]           L’employeur ne demande pas la tenue d’une audience sur cette requête de sorte que le tribunal procède sur dossier comme le prévoit l’article 429.57 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :

429.57.  Le recours en révision ou en révocation est formé par requête déposée à la Commission des lésions professionnelles, dans un délai raisonnable à partir de la décision visée ou de la connaissance du fait nouveau susceptible de justifier une décision différente. La requête indique la décision visée et les motifs invoqués à son soutien. Elle contient tout autre renseignement exigé par les règles de preuve, de procédure et de pratique.

 

La Commission des lésions professionnelles transmet copie de la requête aux autres parties qui peuvent y répondre, par écrit, dans un délai de 30 jours de sa réception.

 

La Commission des lésions professionnelles procède sur dossier, sauf si l'une des parties demande d'être entendue ou si, de sa propre initiative, elle le juge approprié.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[4]           De plus, comme les motifs invoqués au soutien de la requête de l’employeur ne sont pas visés au 3e paragraphe de l’article 429.56, le soussigné peut se saisir de la présente requête même s’il a lui-même rendu la décision attaquée. Cette disposition se lit comme suit :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue le 8 mai 2012.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]           La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu de réviser sa décision du 8 mai 2012.

[7]           Une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel comme le prévoit l’article 429.49 de la loi :

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

 

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[8]           Par contre, l’article 429.56 précité prévoit qu’une telle décision peut être révisée ou révoquée dans certaines circonstances précises.

[9]           L’employeur allègue que la décision du 8 mai 2012 a été rendue avant que ne soit connu un fait essentiel. Le tribunal ne croit pas que ce soit cet alinéa de l’article 429.56 qui s’applique en l’espèce.

[10]        Des représentations écrites et un avis médical ne peuvent être considérés comme constituant des faits essentiels nouveaux[2].

[11]        Le tribunal estime que c’est plutôt le 2e alinéa de l’article 429.56 de la loi qui s’applique en l’espèce à savoir que l’employeur n’a pu se faire entendre puisque le tribunal a rendu sa décision avant de prendre connaissance de l’argumentation écrite, des autorités et de l’avis médical du médecin de l’employeur.

[12]        Tout cela est attribuable à un imbroglio administratif. En effet, le procureur de l’employeur croyait avoir bel et bien transmis tous ces documents au tribunal le 26 avril 2012, soit le lendemain du délai imparti, mais pour lequel le tribunal avait consenti un délai de grâce d’une semaine tel qu’indiqué dans la décision attaquée.

[13]        Cependant, les documents n’ont pas été transmis au tribunal tel qu’il appert d’une copie du rapport de télécopie selon laquelle la tentative d’envoi a avorté.

[14]        C’est donc en raison de cette erreur technique que le tribunal n’a pas reçu à temps les documents que voulait lui transmettre l’employeur.

[15]        Devant cette simple erreur technique et devant la rapidité avec laquelle l’employeur a demandé la révision de la décision du 8 mai 2012 et vu les circonstances particulières de ce dossier, le tribunal estime qu’il ne peut faire perdre des droits à l’employeur du fait d’une simple erreur de transmission de son représentant qui croyait que les documents avaient bel et bien été transmis au tribunal.

[16]        L’employeur lui-même a donc été privé du droit d’être entendu de façon complète et entière à cause de cet imbroglio d’autant plus que la preuve que voulait déposer l’employeur était essentielle quant à l’application des critères prévus à l’article 329 de la loi[3].

[17]        Dans les circonstances particulières de ce dossier, le tribunal ne croit pas que le problème clérical ou administratif survenu quant à la transmission des documents de l’employeur doive lui être fatal[4].

[18]        Le tribunal estime donc qu’il y a ouverture à révision de sa décision du 8 mai 2012 en se basant sur le 2e alinéa de l’article 429.56.

[19]        Reste à savoir si les documents produits par l’employeur sont de nature à faire en sorte qu’on doive accueillir ses prétentions quant à l’octroi d’un partage de coût en vertu de l’article 329 de la loi.

[20]        Dans sa décision du 8 mai 2012, le soussigné rappelait les principes qui s’appliquent en cette matière. Après avoir résumé les faits, le tribunal reconnaissait la présence d’une altération des structures lombaires antérieure à la survenance de la lésion professionnelle.

[21]        Cependant, la requête de l’employeur était rejetée devant l’absence de preuve quant à la déviation de la condition de la travailleuse par rapport à la norme biomédicale de même qu’en raison de l’absence de preuve d’une relation entre le prétendu handicap et la lésion professionnelle.

[22]        Les documents de l’employeur comblent ce vide.

[23]        Après étude détaillée de l’avis du docteur Paul Hébert en date du 24 avril 2012, lequel comporte 15 pages et s’appuie sur de la littérature médicale, le tribunal constate qu’il a maintenant la preuve que la condition de la travailleuse dévie de la norme biomédicale.

[24]        Cet avis démontre également l’existence d’une relation entre le handicap et la lésion professionnelle, notamment en raison d’une perte d’élasticité du disque attribuable à la dégénérescence constatée chez la travailleuse. L’existence d’une dégénérescence discale a donc contribué à la survenance de la hernie discale.

[25]        Les modifications au niveau de la pathologie du disque deviennent des éléments contributifs à la survenance de la hernie discale. Les composantes dégénératives présentes chez la travailleuse ont entraîné l’aggravation de sa pathologie et des conséquences de la lésion.

[26]        Le docteur Hébert fournit d’ailleurs plusieurs références de doctrine médicale illustrant comment les modifications biochimiques qui surviennent à cause de dégénérescence peuvent jouer un rôle dans la survenance de la hernie discale reconnue à titre de lésion professionnelle.

[27]        Le docteur Hébert affirme que la travailleuse aurait dû subir une simple entorse lombaire, lésion qui rentre dans l’ordre habituellement dans une période d’environ 35 jours alors que la consolidation a mis 16 mois à s’opérer avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles puis référence en réadaptation.

[28]        Dans les circonstances et vu la disproportion entre le traumatisme et les conséquences observées dans le cadre d’un traumatisme qui ne peut être qualifié de grave, devant la disproportion de la période de consolidation et vu l’envergure de la réparation qui a nécessité une atteinte permanente, des limitations fonctionnelles et une référence en réadaptation[5], le tribunal retient la suggestion de l’employeur d’imputer 95 % des coûts aux employeurs de toutes les unités et seulement 5 % à son propre dossier.

[29]        Encore une fois, l’avis non contredit du docteur Paul Hébert indique que les séquelles permanentes découlent plus d’un handicap préexistant que de la lésion.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révision déposée par Provigo Québec inc., l’employeur;

RÉVISE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 8 mai 2012;

ACCUEILLE la requête déposée le 14 novembre 2011 par Provigo Québec inc., l’employeur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 4 novembre 2011 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que 95 % des coûts inhérents à la lésion professionnelle du 1er avril 2008 doivent être imputés à tous les employeurs, 5 % des coûts devant être imputés au dossier de l’employeur.

 

 

 

__________________________________

 

            Jean-François Clément

 

 

 

 

M. Claude Stringer

CLAUDE STRINGER INC.

Représentant de la partie requérante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Hôpital Louis-Hyppolite-Lafontaine et Micucci, 126432-62-9910, 30 janvier 2001, L. Vallières; Prévost et Société Asbestos ltée, [1993] CALP 1561 ; Girard et Aliments Culinar, [1992] CALP 107

[3]           Casino de Hull et Gascon, [2000] C.L.P. 671

[4]           Lahaie et Sonaca Canada inc., 291149-71-0606, 15 janvier 2009, S. Di Pasquale

[5]           Service Remtec inc., [2012] QCCLP 486

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