Noël et Bremo inc. |
2010 QCCLP 8310 |
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[1] Monsieur André Noël (le travailleur) dépose une requête le 18 décembre 2009 à la Commission des lésions professionnelles (le tribunal), par laquelle il conteste la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 23 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 9 octobre 2009 confirmant que le travailleur n’est pas atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire.
[3] L’audience s’est tenue à Sept-Îles le 25 octobre 2010. Le travailleur et l’employeur sont présents et représentés. Le dossier est pris en délibéré à la date de l’audience.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande au tribunal de reconnaître qu’il a subi une maladie professionnelle pulmonaire à compter du 12 juin 2008.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi)[1], le tribunal a demandé aux membres qui ont siégé auprès de lui leur avis sur la question faisant l’objet de la présente contestation, de même que les motifs au soutien de cet avis.
[6] La membre issue des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont unanimes à accueillir la requête du travailleur, à annuler la décision de la CSST et de lui retourner le dossier afin qu’un nouveau test de provocation bronchique spécifique en usine soit refait et soumis au Comité pulmonaire pour une nouvelle décision.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] Le tribunal doit déterminer si le travailleur a subi une maladie professionnelle pulmonaire à compter du 12 juin 2008.
[8] La maladie professionnelle est définie comme suit dans la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[9] La loi prévoit également une présomption de maladie professionnelle :
29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.
Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.
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1985, c. 6, a. 29.
[10] Cependant, lorsque le travailleur ne peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle, et que sa maladie ne résulte pas d’un accident de travail, il y a lieu de déterminer s’il a subi une maladie professionnelle au sens de l’article 30 de la loi :
30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.
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1985, c. 6, a. 30.
[11] La loi prévoit également une procédure particulière dans les cas de maladies pulmonaires :
226. Lorsqu'un travailleur produit une réclamation à la Commission alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission le réfère, dans les 10 jours, à un comité des maladies professionnelles pulmonaires.
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1985, c. 6, a. 226.
227. Le ministre forme au moins quatre comités des maladies professionnelles pulmonaires qui ont pour fonction de déterminer si un travailleur est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire.
Un comité des maladies professionnelles pulmonaires est composé de trois pneumologues, dont un président qui est professeur agrégé ou titulaire dans une université québécoise.
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1985, c. 6, a. 227.
230. Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires à qui la Commission réfère un travailleur examine celui-ci dans les 20 jours de la demande de la Commission.
Il fait rapport par écrit à la Commission de son diagnostic dans les 20 jours de l'examen et, si son diagnostic est positif, il fait en outre état dans son rapport de ses constatations quant aux limitations fonctionnelles, au pourcentage d'atteinte à l'intégrité physique et à la tolérance du travailleur à un contaminant au sens de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1) qui a provoqué sa maladie ou qui risque de l'exposer à une récidive, une rechute ou une aggravation.
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1985, c. 6, a. 230.
231. Sur réception de ce rapport, la Commission soumet le dossier du travailleur à un comité spécial composé de trois personnes qu'elle désigne parmi les présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires, à l'exception du président du comité qui a fait le rapport faisant l'objet de l'examen par le comité spécial.
Le dossier du travailleur comprend le rapport du comité des maladies professionnelles pulmonaires et toutes les pièces qui ont servi à ce comité à établir son diagnostic et ses autres constatations.
Le comité spécial infirme ou confirme le diagnostic et les autres constatations du comité des maladies professionnelles pulmonaires faites en vertu du deuxième alinéa de l'article 230 et y substitue les siens, s'il y a lieu; il motive son avis et le transmet à la Commission dans les 20 jours de la date où la Commission lui a soumis le dossier.
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1985, c. 6, a. 231.
233. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi sur les droits du travailleur qui lui produit une réclamation alléguant qu'il est atteint d'une maladie professionnelle pulmonaire, la Commission est liée par le diagnostic et les autres constatations établis par le comité spécial en vertu du troisième alinéa de l'article 231 .
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1985, c. 6, a. 233.
[12] Le 7 novembre 2008, le Comité des maladies pulmonaires professionnel du Québec (CMPP) s’est réuni pour rencontrer le travailleur et émet l’opinion et les commentaires suivants :
« Monsieur Noël décrit une symptomatologie compatible avec un diagnostic d’asthme. Il a subi des mesures de débit de pointe au travail à la demande du docteur Bruno Imbeault, son pneumologue. Ce dernier a constaté des baisses de débit allant de 600 alors qu’il était à son domicile jusqu’à 400 à son travail.
D’autre part, nous avons pris connaissance des fiches signalétiques. On retrouve entre autres des socialates ainsi que des cyanoacrylates susceptibles d’être à l’origine d’un asthme professionnel.
Contenu de l’exposition à plusieurs produits, nous recommandons que monsieur André Noël subisse une épreuve de provocation bronchique spécifique en usine.
Par ailleurs, la provocation à la méthacholine étant à 8 mg par ml à Sept-Îles et à 16 mg par ml à l’hôpital Laval, nous recommandons qu’il subisse une nouvelle provocation de la méthacholine avant de commencer la provocation spécifique en usine et qu’on répète la provocation de la méthacholine après les épreuves au travail.
Dès que ces informations supplémentaires seront disponibles, le dossier devra être soumis à nouveau pour complément d’expertise. »
[13] Le CMPP se réunit de nouveau le 29 mai 2009 et il émet les conclusions suivantes :
« Ce rapport finalise l’expertise du 7 novembre 2008.
Monsieur Noël a été soumis tel que recommandé à un test de provocation bronchique spécifique sur le site du travail. L’épreuve s’est déroulée dans la semaine du 4 mai 2009.
Après 4 jours d’exposition à l’usine, on n’a observé aucune variation de la fonction respiratoire. Il s’agit donc d’une épreuve négative qui n’apporte aucun support à l’hypothèse d’un asthme professionnel.
Dans ce contexte, il n’y a donc aucune base non plus pour accorder un DAP. »
[14] Par la suite, le 3 juillet 2009, le Comité spécial des présidents étudie le dossier du travailleur et prend connaissance des conclusions et de l’expertise faites par le CMPP du 7 novembre 2008 et du rapport complémentaire du 29 mai 2009 et du test de provocation spécifique à l’usine du 4 mai 2009. Il conclut que ce test n’a pas démontré de sensibilisation aux substances sur les lieux du travail. À la suite de cet examen, les membres du Comité ne reconnaissent pas de maladie pulmonaire professionnelle chez le travailleur.
[15] À la lecture du dossier, le tribunal note qu’un test de provocation de bronchique spécifique a été effectué à l’usine de l’employeur le 4 mai 2009. Ce rapport indique qu’il n’y a pas beaucoup de travail dans cette période, et selon l’ensemble des données, on ne peut conclure que le travailleur a une sensibilisation à une substance à laquelle il serait exposée sur les lieux du travail.
[16] À l’audience, le représentant du travailleur fait entendre le gérant de l’employeur. Celui-ci confirme qu’il a indiqué à la pneumologue de retarder le test de provocation bronchique étant donné que le 4 mai 2009, l’usine ne sera pas en production normale.
[17] Malgré cette information, les tests de provocation bronchique spécifique en usine ont eu lieu dans la semaine du 4 mai.
[18] Le gérant de l’entreprise confirme que l’usine de l’employeur emploie normalement sept travailleurs qui ont pour tâches de poser des caoutchoucs sur des pièces d’acier pour leurs clients. Dans cette période du 4 au 10 mai 2009, il y avait environ 10 % de la production étant donné le manque de travail.
[19] Durant cette période, la majorité des employés sont affairés au ménage de l’entreprise en attendant un nouveau contrat de transformation.
[20] Selon cette preuve prépondérante, le tribunal est convaincu que le test de provocation bronchique spécifique en usine n’a aucune valeur. Ce test n’a pas été effectué dans des conditions similaires à celles du milieu de travail du travailleur. Ce test doit être repris. Une fois effectué, le dossier devra être transmis au CMPP pour une nouvelle décision.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur André Noël, le travailleur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 23 novembre 2009, à la suite d’une révision administrative;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin qu’un test de provocation bronchique spécifique en usine soit effectué chez l’employeur dans des conditions normales de travail. Par la suite, les résultats devront être transmis au CMPP pour lui permettre de rendre une nouvelle décision.
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Guy Cavanagh |
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M. Gilles Ayotte |
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SYNDICAT DES MÉTALLOS |
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Représentant de la partie appelante |
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Mme Caroline Keroak |
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Représentante de l’employeur |
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