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[1] Le 13 avril 2004, madame Brigitte Dion (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue, le 30 mars 2004, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 20 janvier 2004 en déclarant, entre autres éléments, que « les frais de gardienne et les frais de repas de l’accompagnateur » réclamés par la travailleuse ne sont pas remboursables.
[3] La travailleuse est présente et représentée à l’audience tenue à Rimouski le 23 août 2004. Quant à la partie intéressée, elle est absente.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître, d’une part, que la personne qui l’a accompagnée à une visite médicale, le 13 janvier 2004, a droit au remboursement de ses frais de déplacement et de séjour et, d’autre part, qu’elle-même a droit au remboursement des frais de garde d’enfant qu’elle a encourus lors de divers déplacements qu’elle a effectués pour recevoir des soins ou pour subir des examens médicaux. Elle ne conteste pas les autres éléments de la décision de la CSST ici en cause.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Les membres issus des associations d’employeurs et des associations syndicales expriment tous deux un avis compatible avec celui du commissaire soussigné, et ce pour des motifs similaires.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[6] Le 7 novembre 2002, la CSST accepte la réclamation de la travailleuse au regard d’une maladie professionnelle apparue le 8 mai 2002 sous la forme d’une tendinite de l’épaule droite.
[7] Le témoignage de la travailleuse nous apprend qu’elle a effectué neuf déplacements en rapport avec cette lésion professionnelle (voir : pièce T-1) :
· le 27 septembre 2002, pour voir le docteur Parent;
· le 6 janvier 2003, pour un examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM);
· le 7 février 2003, pour voir le docteur Girard du Bureau d’évaluation médicale;
· le 25 mars 2003, pour voir le docteur Grammond et passer un autre IRM;
· le 20 août 2003, pour voir le docteur Cloutier;
· le 10 septembre 2003, pour voir le docteur Lacasse;
· le 19 novembre 2003, pour voir le docteur Lemire du Bureau d’évaluation médicale;
· le 13 janvier 2004, pour voir le docteur Nadeau à la demande de la CSST;
· le 23 mars 2004, pour voir le docteur Lirette du Bureau d’évaluation médicale.
[8] La travailleuse soutient que la CSST lui a remboursé ses frais de déplacement et ceux de son accompagnateur à chacune de ces occasions, sauf en ce qui concerne sa visite au docteur Nadeau le 13 janvier 2004. Dans sa demande de révision à la CSST, elle écrit d’ailleurs ce qui suit :
[…] mes repas et ceux de mon accompagnateur car je ne peux conduire la voiture. Mon état de santé ne me le permet pas et par le passé ledit frais m’a toujours été remboursé. Vous avez en votre possession rapport médicaux et examen vous précisant que mon épaule droite ne me permet pas de conduire pendant plusieurs heures … » [sic] [caractères gras ajoutés]
[9] Elle reconnaît, cependant, avoir oublié de demander à la CSST l’autorisation d’être accompagnée pour se rendre à cette visite médicale. Elle attribue cet oubli au fait d’avoir éprouvé une très grande réticence à accepter de se soumettre à un examen devant être fait par le docteur Nadeau, et ce, parce que ce dernier exerce sa profession dans le même bureau que le docteur Lacasse qu’elle avait précédemment vu à la demande de l’employeur. Elle précise qu’elle a exprimé cette réticence à son agente d’indemnisation et que leur discussion à ce propos lui a fait oublier de demander l’autorisation exigée.
[10] En ce qui concerne ses frais de garde d’enfant, la travailleuse affirme n’avoir jamais été remboursée au regard de frais de cette nature qu’elle a encourus lors des déplacements susmentionnés. Une inscription dans les notes évolutives de la CSST va dans le même sens, de même que sa propre demande de révision qui contient, en outre, les précisions suivantes concernant sa réclamation de 30,00 $ pour sa visite au docteur Nadeau le 13 janvier 2004 :
« Objet : demande de frais de garde actuelle et antérieur.
Je vous demande de me remboursé mes frais de garde qui excède ceux de mes heures de travail. Vous avez mon horaire de travail dans votre dossier […] On me les a toujours refuser. Je vous ferait parvenir les reçu antérieur cela à partir du 22 mai 2002. » [sic] [caractères gras ajoutés]
[11] En guise de pièce justificative, la travailleuse dépose une note signée par madame Danie Chassé qui atteste avoir gardé sa fille « durant les déplacements à Québec de sa mère Brigitte Dion pour un montant qui varie entre 30.00 et 65.00 $ par voyage. »
[12] La Commission des lésions professionnelles doit décider, en premier lieu, si la CSST doit rembourser les frais de déplacement et de séjour de la personne qui a accompagné la travailleuse à sa visite médicale du 13 janvier 2004.
[13] L’article 115 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit ce qui suit au sujet de ces frais :
« 115.La Commission rembourse, sur production de pièces justificatives, au travailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accompagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec. » [caractères gras ajoutés]
[14] La CSST détermine dans son Règlement sur les frais de déplacement et de séjour[2] (le règlement) les normes et montants auxquels l’article 115 de la loi fait référence. Ce règlement reprend essentiellement, à son article premier, l’énoncé apparaissant à l’article 115 de la loi précité. Voici comment est rédigé ce premier article du règlement :
« 1. Le travailleur victime d’une lésion professionnelle a droit au remboursement, selon les normes prévues au présent règlement et les montants prévus à l’annexe 1, des frais de déplacement et de séjour qu’il engage pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001).
Si l’état physique du travailleur le requiert, la personne qui doit l’accompagner a droit au remboursement des frais de déplacement et de séjour qu’elle engage, selon les mêmes normes et montants. » [caractères gras ajoutés]
[15] L’article 1 du règlement et l’article 115 de la loi sont clairs : la personne qui accompagne un travailleur a droit au remboursement de ses frais de déplacement et de séjour si l’état physique du travailleur le requiert.
[16] Nul besoin, en pareil cas, d’une autorisation préalable de la CSST : la seule condition posée par ces textes de nature législative, c’est que l’état physique du travailleur requiert qu’il soit accompagné. Cette nécessité d’être accompagné peut, évidemment, être démontrée si le médecin traitant du travailleur atteste de ce besoin; mais une telle attestation n’est pas indispensable, si la situation démontre, d’une manière suffisamment convaincante, que ce besoin existe. Qu’en est-il donc en l’instance?
[17] Le tribunal considère que cette nécessité d’être accompagnée, dans le cas de la travailleuse, est amplement démontrée du fait que la CSST a remboursé des frais semblables à chacun des voyages qu’elle a effectués avant et après le 13 janvier 2004. Le tribunal tire de ce fait une présomption « grave, précise et concordante » prouvant que l’état de la travailleuse requérait qu’elle soit accompagnée à tous et à chacun de ces voyages, y compris le 13 janvier 2004. Par conséquent, le tribunal conclut que la personne qui a accompagné la travailleuse, le 13 janvier 2004, a droit au remboursement de ses frais de déplacement et de séjour à cette occasion.
[18] En ce qui concerne les frais de garde de l’enfant de la travailleuse, ils ne sont pas couverts par l’article 115 de la loi qui ne vise que les frais de déplacement et de séjour[3]. Seul l’article 164 de la loi permet le remboursement de frais de garde aux conditions qui y sont énoncées :
« 164.Le travailleur qui reçoit de l'aide personnelle à domicile, qui accomplit une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ou qui, en raison de sa lésion professionnelle, est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2° de l'article 162 peut être remboursé des frais de garde d'enfants, jusqu'à concurrence des montants mentionnés à l'annexe V, si:
1° ce travailleur assume seul la garde de ses enfants;
2° le conjoint de ce travailleur est incapable, pour cause de maladie ou d'infirmité, de prendre soin des enfants vivant sous leur toit; ou
3° le conjoint de ce travailleur doit s'absenter du domicile pour se rendre auprès du travailleur lorsque celui-ci est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement ou pour accompagner le travailleur à une activité que celui-ci accomplit dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation. »
[19] Encore une fois, l’article 164 est clair; il ne s'applique qu’au travailleur qui reçoit de l’aide personnelle à domicile lorsqu’il accomplit une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ou lorsqu’il est hébergé ou hospitalisé en raison de sa lésion professionnelle. Or, tel n’est pas le cas de la travailleuse, puisqu’elle ne reçoit pas d’aide personnelle à domicile; de plus, en se rendant consulter un médecin à la demande de la CSST, elle n’accomplit pas une activité dans le cadre d’un plan individualisé de réadaptation et elle n’est ni hébergée ni hospitalisée, en raison de sa lésion professionnelle, dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2° de l'article 162 de la loi. Par conséquent, elle n’a pas droit au remboursement des frais de garde d’enfant qu’elle a encourus en rapport avec cette visite médicale[4].
[20] On pourrait, peut-être, s’étonner d’un tel résultat, voire même le déplorer, mais le tribunal est d’avis que ni la CSST, ni la Commission des lésions professionnelles n’ont le pouvoir de modifier ces dispositions claires de la loi ou du règlement. Seul le législateur pourrait décider qu’il y a lieu de le faire.
[21] Par ailleurs, il faut bien reconnaître qu’il existe d’autres dépenses que la loi et le règlement ne permettent pas, dans l’état actuel du droit, de rembourser aux travailleurs victimes d’une lésion professionnelles. À titre d’exemple, la Commission des lésions professionnelles a déjà décidé, dans un autre dossier[5], qu’un travailleur n’a pas droit, d’une part, au remboursement des frais que son médecin lui charge pour lui fournir une attestation médicale confirmant le fait qu’il ne peut utiliser les transports en commun ou qu’il doit être accompagné pour effectuer ses déplacements et qu’il n’a pas droit, d’autre part, au remboursement des frais de transport engagés par ses parents entre leur résidence et la sienne afin de le conduire à ses traitements médicaux. Un travailleur n’a pas droit, non plus, au remboursement de la perte de salaire subie par son épouse qui l’accompagne lors d'examens médicaux[6] ou à la suite d’une intervention chirurgicale[7]. Ces exemples démontrent que le législateur n’a pas prévu rembourser intégralement, dans tous les cas, les dépenses liées à la survenance d’une lésion professionnelle.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE en partie la requête de madame Brigitte Dion;
MODIFIE la décision que la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) a rendue, le 30 mars 2004, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la CSST doit rembourser les frais de déplacement et de séjour de la personne qui a accompagné madame Dion à sa visite médicale du 13 janvier 2004;
ET
DÉCLARE que madame Dion n’a pas droit au remboursement de ses frais de garde d’enfant.
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Jean-Maurice Laliberté |
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Commissaire |
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Me Édouard Côté GUAY, CÔTÉ, DÉSAULNIERS, OUELLET |
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Représentant de la partie requérante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] (1993) 125 G.O. II, 4257.
[3] Quenneville et Hôpital Jean-Talon, C.A.L.P. 16221-60-8912, 26 juin 1992, T. Giroux, (J4-11-12). Lambert et Centre Hospitalier St-Jean, [1994] C.A.L.P. 1114 . Breault et Cookshiretex inc., C.L.P. 109043-05-9901, 28 avril 1999, F. Ranger.
[4] Lambert et Centre hospitalier St-Jean, [1994] C.A.L.P. 1114 .
[5] Gagnon et Centco, C.L.P. 118314-61-9904, 6 décembre 1999, S. Di Pasquale.
[6] Landry et Laboratoire Chrysotile inc., C.A.L.P. 49746-03-9303, 30 mars 1994, R. Jolicoeur.
[7] Predmosky et Ville de Montréal, C.L.P. 205309-71-0303, 29 septembre 2003, D. Gruffy.
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