Décision

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Peinture Ultra-Moderne inc. et Commission de la santé et de la sécurité du travail

2008 QCCLP 6191

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

29 octobre 2008

 

Région :

Québec

 

Dossier :

332547-31-0711

 

Dossier CSST :

128957354

 

Commissaire :

Jean-Luc Rivard, juge administratif

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Peinture Ultra-Moderne inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 9 novembre 2007, Peinture Ultra-Moderne inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 29 octobre 2007 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision initiale rendue le 4 juillet 2007 et déclare que l’employeur n’a pas droit à un partage de coûts selon l’article 329 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) relativement à l’accident du travail subi par monsieur Dany Sirois (le travailleur) le 20 octobre 2005, alors qu’il était âgé de 48 ans, et subissait alors une déchirure du ménisque interne et une bursite prérotulienne au genou gauche dont la consolidation fut obtenue le 8 mai 2006.

[3]                À l’audience tenue à Québec le 16 octobre 2008, l’employeur était présent et représenté par Me Michel Lalonde. La CSST était représentée par Me David Martinez.

 

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de lui accorder un partage de coûts selon les termes de l’article 329 de la loi au motif que le travailleur était déjà handicapé avant la survenance de sa lésion professionnelle du 20 octobre 2005.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[5]                La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a lieu d’accorder un partage de coûts à l’employeur au motif que le travailleur était déjà handicapé avant la survenance de sa lésion professionnelle du 20 octobre 2005. Le travailleur, alors âgé de 48 ans, subissait une déchirure du ménisque interne et une bursite prérotulienne au genou gauche, dont la consolidation fut obtenue en date du 8 mai 2006.

[6]                L’article 326 de la loi énonce, dans un premier temps, le principe général en vertu duquel le coût des prestations dues en raison d’un accident du travail est imputé à l’employeur :

326.  La Commission impute à l'employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail survenu à un travailleur alors qu'il était à son emploi.

 

Elle peut également, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail aux employeurs d'une, de plusieurs ou de toutes les unités lorsque l'imputation faite en vertu du premier alinéa aurait pour effet de faire supporter injustement à un employeur le coût des prestations dues en raison d'un accident du travail attribuable à un tiers ou d'obérer injustement un employeur.

L'employeur qui présente une demande en vertu du deuxième alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien dans l'année suivant la date de l'accident.

__________

1985, c. 6, a. 326; 1996, c. 70, a. 34.

 

 

[7]                Par ailleurs, l’article 329 prévoit une exception au principe général d’imputation prévu à l’article 326 dans les termes qui suivent :

329.  Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.

 

L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.

 

 

[8]                La Commission des lésions professionnelles réitère que la jurisprudence de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d’appel) de même que celle de la Commission des lésions professionnelles a subi une évolution constante confirmée à plusieurs reprises, menant à une interprétation mieux définie de la notion du terme « handicap » utilisé à l’article 329 de la loi.

[9]                Plus particulièrement dans une décision récente Ambulances Gilbert Matane inc. et CSST[2], l’état de la jurisprudence et les règles applicables à un partage de coûts étaient très bien résumés. Le tribunal souscrit à ces propos se lisant comme suit :

«  [13]  La Commission des lésions professionnelles retient que pour qu’il y ait ouverture à l’application de l’article 329, et ainsi imputation de tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités, il faut qu’il soit démontré que le travailleur était déjà handicapé lorsque s’est manifestée sa lésion professionnelle.

 

[14]      Le terme « handicapé » n’est pas défini dans la loi. Selon le Multi Dictionnaire de la langue française2, un handicap est une « déficience physique ou mentale ». Selon le Petit Larousse3, le handicap est un « désavantage quelconque : infirmité ou déficience, congénitale ou acquise ». Nulle part, il n’est fait mention d’incapacité.

 

[15]      Selon la jurisprudence maintenant bien établie de la Commission des lésions professionnelles4, un travailleur déjà handicapé au sens de l’article 329 de la loi est celui qui, au moment de la survenance de sa lésion professionnelle, présente une déficience physique ou psychique qui entraîne des effets sur la production de cette lésion ou sur ses conséquences, constituant ainsi un désavantage.

 

[16]      Toujours selon la jurisprudence, et en référence à la définition qu’en donne l’Organisation mondiale de la santé5, une déficience correspond à toute perte de substance ou altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique correspondant à une déviation par rapport à la norme biomédicale. La déviation par rapport à la norme biomédicale s’apprécie par ailleurs, toujours selon cette jurisprudence, en fonction de l’âge de la personne, seuls les phénomènes de dégénérescence physique dont la sévérité excède celle liée au vieillissement normal étant considérés constituer une déviation.

 

[17]      En outre, une telle déficience se traduit parfois, mais pas nécessairement, par une incapacité, cette dernière étant définie par l'Organisation mondiale de la santé comme étant une réduction partielle ou totale « de la capacité d’accomplir une activité d’une façon ou dans les limites considérées comme normales pour un être humain »6. Cette interprétation de la notion de « handicap », selon laquelle la présence d’une incapacité n’est pas une condition absolue, s’harmonise en outre à celle qu’en donne la Cour Suprême du Canada7, quoique dans un contexte quelque peu différent.

 

[18]      Afin que l’on puisse conclure à la présence d’un handicap, il faut par contre nécessairement que la déficience entraîne un désavantage. Dans le contexte dans lequel œuvre l’Organisation mondiale de la santé, il est plus particulièrement question de désavantage social découlant soit d’une déficience, soit d’une incapacité, soit de ces deux composantes. Dans le contexte de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, et plus particulièrement de l’article 329, ce désavantage s’entend plutôt de la contribution de la déficience à la production de la lésion professionnelle ou à ses conséquences.

 

[19]      Ainsi, l’employeur qui entend obtenir l’application de l’article 329 de la loi et, par le fait même, que tout ou partie du coût des prestations soit imputé aux employeurs de toutes les unités, doit établir, par une preuve prépondérante :

 

            1°         Que le travailleur présentait, préalablement à la survenance de sa lésion professionnelle, une déficience physique ou psychique.

 

                       Cela implique la preuve d’une perte de substance ou d’altération d’une structure ou fonction psychologique, physiologique ou anatomique correspondant à une déviation par rapport à la norme biomédicale;

 

            2°         Que la déficience démontrée a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur ses conséquences.

 

                       Dans le cadre de l’appréciation de cette relation entre la déficience et la lésion professionnelle, la jurisprudence a développé certains critères ou paramètres qui, considérés dans leur ensemble, peuvent être de bons indicateurs :

 

                       •           La nature et la gravité du fait accidentel;

                       •           Le diagnostic initial;

                       •           L’évolution du diagnostic et de la condition du travailleur;

•           La conformité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic reconnu en relation avec le fait accidentel;

                       •           La durée de la période de consolidation;

                       •           La gravité des conséquences.

____________________

2              Marie-Éva De Villers, Multi Dictionnaire de la langue française, 3e éd., Montréal, Éditions Québec Amérique, 1997, p. 720.

3              Édition 2001, Paris.

4              Notamment : Municipalité Petite-Rivière St-François et C.S.S.T. [1999] C.L.P. 779 ; Commission scolaire de Montréal et Desbiens, C.L.P. 117981-73-9906, 10 janvier 2000, Y. Ostiguy; Service maritime Coulombe, C.L.P., 115974-03B-9905, 3 avril 2000, M.-A. Jobidon; Les Rôtisseries St-Hubert ltée, C.L.P. 136285-64-0004, 3 novembre 2000, M. Montplaisir; Bas de nylon Doris ltée, C.L.P. 126058-72-9911, 22 novembre 2000, M. Lamarre; Mines Wabush et Medeiros, C.L.P. 122433-09-9908, 19 décembre 2000, Y. Vigneault; Centre hospitalier et soins de longue durée centre-ville de Montréal, C.L.P. 141733-71-0006, 1er février 2001, C. Racine; Ville de Montréal, C.L.P. 143022-61-0007, 15 mars 2001, G. Morin; S.I.Q. et Messias-Mendes, C.L.P. 138308-07-0005, 26 avril 2001, A. Suicco; C.L.S.C. La Petite Patrie, C.L.P. 140988-72-0006, 8 mai 2001, N. Lacroix; La brasserie Labatt ltée, C.L.P. 136939-31-0004, 6 juin 2001, J. L. Rivard; Centre hospitalier régional du Suroît, C.L.P. 155817-62C-0102, 11 juillet 2001, J. Landry

5              ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ, Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages. Un manuel de classification des conséquences des maladies, Paris, CTNERHI-INSERM, 1988.

6              Id, p. 24.

7              Ville de Montréal et C.U.M., [2000] R.C.S. 27.

 

 

[10]           Dans le présent dossier, le tribunal est d’avis que l’employeur a démontré que le travailleur était porteur d’un handicap antérieur à la lésion survenue le 20 octobre 2005. Ce handicap doit être qualifié de déficience au sens de la jurisprudence précitée et a eu une influence sur l’évolution de la lésion. Le travailleur était en effet porteur des conditions suivantes : une arthrose du compartiment interne du genou gauche, une ostéochondrite de grade III du plateau tibial interne, une ostéochondrite de grade II du condyle fémoral interne, une ostéochondrite de grade I sur la rotule, une ostéochondrite de grade I à II sur la trochlée de même qu’une déchirure dégénérative du ménisque interne du genou gauche.

[11]           Rappelons que le travailleur, âgé de 48 ans au moment de l’accident, occupait un emploi de peintre pour l’employeur. L’événement survenu le 20 octobre 2005 est décrit comme suit par le travailleur, à sa réclamation :

«  Je travaillais sur un bequeur roulant qui mesure environ 6 à 8 pieds de hauteur, je peinturais des plafond, découper et rouler environ de 13 à 14 pieds de hauteur. En descendent du bequer j’ai perdu pied le jenou gauche a frapper sur le dessus de la barre de métal de plus en plus je sentais du mal c’a commençais enfler à midi. J’ai aviser mon contremaitre et la personne de la securité de la construction SSQ Pomerleau.  »  [sic]

 

 

[12]           Le même jour, le travailleur cesse ses activités et consulte à l’hôpital Laval où un diagnostic de traumatisme au genou gauche avec gonflement articulaire modéré est retenu.

[13]           Par la suite, différents diagnostics apparaîtront au dossier, soit entorse du genou gauche, bursite prérotulienne et tendinite des adducteurs.

[14]           Le 3 janvier 2006, un examen par résonance magnétique du genou gauche était effectué démontrant une déchirure horizontale légèrement comminutive de la corne postérieure du ménisque interne, associée à un amincissement du cartilage articulaire au niveau du condyle fémoral interne et la présence de liquide dans une bourse séreuse à la partie proximale du tendon rotulien. La résonance magnétique démontre aussi une collection liquidienne en avant du tendon du quadriceps, au-dessus de la rotule.

[15]           À la suite de cette investigation, le docteur Stéphane Pelet, chirurgien orthopédiste, recommande une intervention chirurgicale.

[16]           Le 10 mars 2006, le travailleur subit une arthroscopie du genou gauche. À l’examen, le docteur Pelet décrit une petite déchirure radiale sans conséquence avec un foyer de chondrite de stade III au niveau du plateau tibial interne et de stade II sur le condyle fémoral. Il procède à un débridement et à une résection de la corne moyenne du ménisque interne du genou gauche.

[17]           Le 4 avril 2006, le docteur Marcel Dufour, pour le compte du Bureau d'évaluation médicale (le BEM), concluait que le travailleur avait subi une déchirure du ménisque interne gauche ainsi qu’une bursite prérotulienne. En rapport avec le mécanisme de l’événement, le docteur Dufour mentionne que le travailleur s’est frappé le genou gauche contre un barreau et, au questionnaire, le travailleur ne se souvient pas s’il y a eu torsion du genou.

[18]           Le tribunal a eu le privilège d’entendre le témoignage du docteur André Beaupré, spécialiste en chirurgie orthopédique et professeur aggrégé à l’Université Laval. Le tribunal retient son témoignage prépondérant, détaillé et articulé à l’effet que le travailleur présentait, au niveau du genou gauche, une déficience qui a eu un effet sur l’évolution de la lésion par la suite. Le travailleur présente une déviation par rapport à la normale en raison de l’arthrose du compartiment interne de son genou gauche.

[19]           Le tribunal retient que le travailleur présente une arthrose du compartiment interne, une ostéochondrite de grade III du plateau tibial interne, une ostéochondrite de grade II du condyle fémoral interne, une ostéochondrite de grade I sur la rotule, une ostéochondrite de grade I à II sur la trochlée et une déchirure dégénérative du ménisque interne.

[20]           Le tribunal retient le témoignage prépondérant du docteur Beaupré à l’effet que le mécanisme de production de l’événement du 20 octobre 2005, décrit par le travailleur, soit qu’il s’est frappé le genou sur une surface dure, ne peut être responsable d’une déchirure de nature traumatique compte tenu que dans le présent dossier il apparaît clairement, suite à l’arthroscopie, que la déchirure est de nature dégénérative.

[21]           Le tribunal tient à préciser que cet élément n’est pas de nature à remettre en cause l’admissibilité de la lésion elle-même par la CSST initialement, soit une déchirure du ménisque interne. Toutefois, au stade de l’identification de la déficience, le tribunal peut manifestement questionner le caractère traumatique ou dégénératif de la déchirure. En effet, procéder autrement viendrait nier le droit même de l’employeur de soulever l’existence de cette déficience chez le travailleur.

[22]           Le tribunal retient qu’une déchirure méniscale traumatique est habituellement secondaire à une augmentation soudaine de la pression au niveau du ménisque. La déchirure méniscale se fait habituellement à la suite d’un mouvement de torsion et d’hyperflexion du genou. Le site et le type de déchirure sont dépendants du mécanisme de production de la blessure. La majorité des déchirures méniscales font suite à une hyperpression sur le ménisque lors du passage de la position accroupie à la position debout. Dans le présent dossier, ce n’est pas la description faite de l’événement traumatique par le travailleur, selon la preuve prépondérante disponible, et l’arthroscopie confirmera que le type de déchirure en est un dégénératif et non traumatique.

[23]           Le tribunal retient que selon le docteur Beaupré, lors d’un traumatisme soudain en flexion ou en torsion du genou, le patient présentera différents types de déchirure, soit transverse, soit pédiculée ou en anse de sceau. Dans les lésions méniscales associées aux conditions dégénératives du genou, le patient n’aura pas de déchirure franche du ménisque mais on verra de l’usure, des fibrillations et des clivages. C’est précisément ce type de déchirure que le travailleur a présenté, selon l’arthroscopie effectuée par le chirurgien.

[24]           Le tribunal retient que l’arthrose présentée par le travailleur est une condition dégénérative qui découle du vieillissement de l’articulation. Habituellement, l’arthrose se manifestera par des douleurs, des gonflements et des blocages articulaires qui mimeront une déchirure méniscale. Par ailleurs, l’ostéochondrite, telle que présentée par le travailleur, consiste en différents grades de lésions chondrales qui sont décrites à la résonance magnétique et à l’arthroscopie. De tels changements dégénératifs sont fréquemment associés à l’arthrose du genou.

[25]           Le tribunal retient de la preuve et du témoignage du docteur Beaupré que le mécanisme de production de l’événement démontre que le travailleur s’est frappé le genou sur la barre horizontale de l’échafaudage. Dans sa déclaration et dans les notes médicales contemporaines à l’événement, il n’y a pas formellement de notion de torsion du genou.

[26]           L’événement tel que décrit par le travailleur n’est pas responsable d’une déchirure de type traumatique mais bien de nature dégénérative. La douleur et les gonflements intra-articulaires qui ont amené le travailleur à consulter, sont en relation avec la condition arthrosique dont il est porteur, soit la dégénérescence au niveau du compartiment interne. D’ailleurs, tel que démontré à l’arthroscopie, le travailleur n’a pas présenté de déchirure traumatique du ménisque interne mais bien une déchirure dégénérative en relation de la condition arthrosique dont il est porteur. La déchirure est de type radiaire qui signe la présence ainsi d’une déchirure de type dégénératif, tel que révélé par l’arthroscopie.

[27]           Le tribunal est d’avis que ce constat à l’effet que le travailleur a présenté une déchirure dégénérative, bien que la lésion acceptée est celle de déchirure du ménisque interne à titre de lésion professionnelle, ne remet pas en cause l’admissibilité.

[28]           Le tribunal s’inspire plus particulièrement à ce sujet d’une décision Ville de Montréal[3], dans laquelle la Commission des lésions professionnelles avait reconnu à titre de déficience, une déchirure méniscale dégénérative alors que la lésion professionnelle, dûment acceptée, était celle de déchirure méniscale interne au genou gauche. Le tribunal, dans cette dernière affaire, écrivait :

«  […]

 

[13]      Le 29 avril 1999, l’employeur réclame un partage des coûts. Le docteur Michel Truteau justifie cette demande en ces termes :

 

L’incident du 01-09-1998 rapporte une contusion sur un tuyau qui dépassait ; le diagnostic d’entorse (torsion) ne peut être retenu. Il est donc quelque peu surprenant de retrouver à la résonance une déchirure complexe du ménisque interne. De plus, il y a aussi atteinte par déchirure chronique de ménisque externe.

 

L’arthroscopie nous apprend en plus qu’il y a présence de chondromalacie grade I et II au même genou.

 

Il est certes difficile d’expliquer par le seul traumatisme de septembre 98, les trouvailles de l’arthroscopie et de la résonance.

 

Il est indubitable qu’il y avait avant le traumatisme une atteinte dégénérative asymptomatique chez Monsieur Venne.

 

La chondromalacie, la déchirure chronique en externe avec macération méniscale, ne peuvent tout simplement pas relever de l’incident allégué. Même l’atteinte de la partie interne s’explique difficilement par une simple contusion.

 

Seule une atteinte préexistante asymptomatique peut expliquer le tableau retrouvé.

 

(.)

 

CONCLUSION

 

En conséquence, nous estimons qu’il y a prépondérance de preuve médicale à l’effet que l’état personnel préexistant chez Monsieur Venne a joué de façon importante dans l’apparition de la lésion elle-même. De plus, il est clair que cette condition (atteinte dégénérative et chondromalacie) a prolongé de façon anormale la consolidation, en augmentant par le fait même, les frais qui y sont rattachés.

 

C’est pourquoi nous demandons de procéder à un partage équitable ; partage que nous estimons à 90-10 (2 à 3 semaines versus 24 semaines). (sic)

 

 

[14]      Le 26 novembre 1999, la CSST refuse le partage d’imputation réclamé par l’employeur. Ce dernier demande la révision de cette décision mais, le 5 septembre 2000, la révision administrative la maintient d’où le présent litige.

 

[15]      Le docteur Michel Truteau témoigne à la demande de l’employeur.

 

[16]      Il reprend les faits retrouvés au dossier. Il indique que la résonance magnétique et l’arthroscopie démontrent la nature chronique de la déchirure méniscale diagnostiquée et la dégénérescence présente au genou gauche du travailleur.

 

[17]      Or, l’événement décrit par le travailleur génère d’abord une contusion ; une contusion n’est pas le mécanisme habituel de production d’une lésion méniscale ; une lésion méniscale découle plutôt d’une mise en charge avec flexion et torsion du genou. Donc, l’événement décrit ne justifie pas la lésion méniscale diagnostiquée.

 

[18]      De plus, la résonance magnétique et l’arthroscopie mettent en évidence un plica. Un plica est un vestige embryonnaire qui, lors d’un traumatisme, favorise le développement d’une synovite et d’une chondromalacie. Quant à la chondromalacie, il s’agit d’une atteinte cartilagineuse dégénérative.

 

[19]      Ces trouvailles existent avant la lésion professionnelle du 1er septembre 1998 mais cette lésion les rend symptomatiques. Le travailleur est donc désavantagé en regard des autres travailleurs de son âge puisque ses lésions dégénératives sont sévères.

 

[20]      Or, sans ces lésions préexistantes, le travailleur n’aurait souffert que d’une contusion qui aurait fait l’objet d’une courte période de consolidation.

 

[21]      Cependant, vu ces lésions, la contusion est devenue une déchirure méniscale qui a entraîné une intervention chirurgicale et une longue période de consolidation (26 semaines).

 

[22]      Pourtant, la période normale de consolidation d’une déchirure méniscale est de 11 semaines. La chondromalacie a donc joué un rôle dans ce phénomène.

 

[23]      En conséquence, le docteur Truteau réclame maintenant un partage des coûts générés par la lésion professionnelle du 1er septembre 1998 dans des proportions de 40% au dossier financier de l’employeur et de 60% aux employeurs de toutes les unités.

 

[…]

 

[36]      Dans ce dossier, le travailleur est porteur d’un plica et de phénomènes dégénératifs (chondromalacie et déchirure méniscale dégénérative) au genou gauche. Il s’agit d’altérations à la structure anatomique de ce genou.

 

[37]      D’une part, ces conditions sont présentes avant le 1er septembre 1998 tel qu’il appert de la résonance magnétique effectuée le 16 septembre 1998, de l’arthroscopie réalisée le 3 décembre 1998, du rapport du docteur Truteau (29 avril 1999) et du témoignage de ce dernier. En effet, ces conditions n’ont pu se développer entre le 1er septembre 1998, date de l’accident du travail, et le 16 septembre 1998, date du premier test d’imagerie qui nous en dévoile l’existence. De plus, le fait que la déchirure méniscale ait une origine dégénérative et non traumatique permet de conclure qu’elle était présente (bien qu’asymptomatique) avant le 1er septembre 1998.

 

[38]      D’autre part, le caractère déviant de ces conditions est établi par le témoignage du docteur Truteau. En effet, le plica est une anomalie de développement alors que les phénomènes dégénératifs au genou gauche du travailleur sont plus importants que ce que l’on retrouve habituellement chez une personne de l’âge de ce dernier (51 ans) lors de la survenue de sa lésion professionnelle.

 

[…]

 

[43]      Dans ce dossier, le fait accidentel n’est pas majeur ; il s’agit d’une contusion au genou gauche. Pourtant, cet événement génère un diagnostic de déchirure méniscale associée à une chondromalacie de grade I à II.

 

[44]      Or, une contusion n’est pas le mécanisme usuel de production d’une lésion méniscale. La dégénérescence présente au genou gauche du travailleur a donc favorisé le développement de cette lésion puisque le mécanisme accidentel l’explique difficilement.

 

[45]      De plus, la chondromalacie se trouve au même compartiment que la lésion méniscale. Il est donc probable que cette condition ait influencé l’évolution de cette lésion.

 

[46]      En outre, le docteur Truteau explique comment cette dégénérescence agit sur les conséquences de la lésion. Le docteur Fernandes confirme également l’impact de cette dégénérescence puisqu’il établit des limitations fonctionnelles non seulement pour les séquelles résultant de la lésion méniscale mais aussi pour la chondromalacie présente au même compartiment.

 

[47]      Par ailleurs, selon la preuve fournie par l’employeur, la période normale de consolidation d’une lésion méniscale serait de onze semaines. Or, dans ce dossier, la lésion méniscale résultant de l’événement du 1er septembre 1998 n’est consolidée que le 3 mars 1999.

 

[48]      La période de consolidation et les conséquences de cette lésion sont donc disproportionnées en regard de la banalité de l’événement et du diagnostic découlant de cette lésion.

 

[49]      La preuve présentée permet donc à la Commission des lésions professionnelles de conclure que le travailleur est porteur d’une déficience avant la lésion professionnelle du 1er septembre 1998 et que cette déficience a influencé l’apparition de la lésion professionnelle et les conséquences de cette dernière.

 

[50]      L’employeur a donc droit à une imputation partagée selon l’article 329 de la loi.

 

[51]      En ce qui concerne le partage à effectuer, à défaut de preuve supplémentaire à ce sujet, la Commission des lésions professionnelles retient la proposition faite par le docteur Truteau à l’audience puisqu’elle est conforme aux politiques (non liantes) de la CSST en cette matière, et, en conséquence, elle impute les coûts générés par la lésion professionnelle du 1er septembre 1998 dans les proportions suivantes : 40% au dossier financier de l’employeur et 60% aux employeurs de toutes les unités.

 

[…]  »

 

(nos soulignements)

 

 

[29]           Le tribunal est d’avis qu’il y a lieu de s’inspirer, ici, de la proportion du partage accordée dans cette dernière affaire pour l’appliquer au présent dossier. Le tribunal n’avait pas à se limiter au caractère traumatique ou dégénératif pour déterminer l’existence même de la déficience dans le présent dossier. Le tribunal a déjà fait le constat qu’il s’agit d’une déchirure de nature dégénérative.

[30]           Toutefois, il y a lieu de prendre en compte le fait que la décision d’admissibilité est celle d’une déchirure du ménisque interne du genou gauche du travailleur. Dans ce contexte, il faut prendre pour acquis ce fait et faire le constat qu’une consolidation normale, pour une telle déchirure en l’absence de l’aspect dégénératif, aurait été d’environ 11 semaines selon la table des consolidations normales élaborées en 1985 par la CSST[4].

[31]           Or, dans le présent dossier, la lésion fut consolidée dans un délai de plus de 200 jours, soit près de 29 semaines. En conséquence, le tribunal est d’avis qu’un partage de coûts à raison de 60 % à l’ensemble des employeurs de toutes les unités et 40 % au dossier financier de l’employeur apparaît justifié dans le cadre du présent dossier.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la contestation de Peinture Ultra-Moderne inc., l’employeur, déposée le 9 novembre 2007;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 29 octobre 2007 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que Peinture Ultra-Moderne inc. a droit à un partage de coûts de l’ordre de 60 % à l’ensemble des employeurs de toutes les unités et 40 % à son dossier financier suite à la lésion professionnelle subie par monsieur Dany Sirois, le travailleur, le 20 octobre 2005.

 

 

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JEAN-LUC RIVARD

 

 

 

 

 

Me Michel Lalonde

LEBLANC LALONDE & ASSOCIÉS

Procureur de la partie requérante

 

 

Me David Martinez

PANNETON LESSARD

Procureur de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           C.L.P. 322789-01A-0707, 7 mars 2008, L. Desbois.

[3]           C.L.P. 147279-71-0010, 22 mai 2001, C. Racine.

[4]           Automobile Prime Roberge Canada inc., C.L.P. 332908-31-0711, 8 mai 2008, J.-L. Rivard.

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