Décision

Les décisions diffusées proviennent de tribunaux ou d'organismes indépendants de SOQUIJ et pourraient ne pas être accessibles aux personnes handicapées qui utilisent des technologies d'adaptation. Visitez la page Accessibilité pour en savoir plus.
Copier l'url dans le presse-papier
Le lien a été copié dans le presse-papier
COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

MAURICIE - CENTRE DU QUÉBEC

MONTRÉAL, le 4 juillet 2000

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER :

130992-04B-0002

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Anne Vaillancourt

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Denis Gagnon

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Régis Gagnon

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

115208779-1

AUDIENCE TENUE LE :

13 juin 2000

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Arthabaska

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C.H.S.L.D. DE LA MRC ARTHABAKA

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

GUYLAINE MARCOUX

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

[1]               Le 1er février 2000, Le C.H.S.L.D. de la MRC Arthabaska, l’employeur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 12 janvier 2000 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail ( la CSST ), à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST, en révision administrative, déclare que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 19 août 1998 et qu’elle a droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 20 août 1998.  Malgré que la première consultation médicale ait eu lieu le 21 août 1998, la révision administrative considère que la travailleuse était incapable d’exercer son emploi le 20 août 1998 en raison de sa lésion professionnelle et qu’elle a donc droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter de ce moment.

[3]               À l’audience tenue devant les membres de la Commission des lésions professionnelles, la travailleuse était présente et représentée.  L’employeur a avisé par lettre, datée du 22 février 2000, qu’il ne serait pas présent lors de l’audience mais qu’il faisait parvenir ses arguments par écrit.

L'OBJET DE LA CONTESTATION

[4]               L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître à la travailleuse le droit de recevoir l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 21 août 1998 seulement.

[5]               Selon l’employeur, on ne peut présumer de l’existence d’une incapacité antérieurement à la reconnaissance de cette lésion, laquelle, en l’espèce, n’a été constatée médicalement que le 21 août 1998 puisque la travailleuse a consulté pour la première fois à ce moment et que la première attestation médicale est datée du 21 août 1998.

LES FAITS

[6]               Le 19 août 1998, la travailleuse, préposée aux bénéficiaires chez l’employeur depuis environ 10 ans, se blesse au dos en poussant un bénéficiaire pour le placer en position latérale dans son lit.

[7]               La travailleuse a avisé son employeur le même jour et a signé un rapport d’accident puis a continué son travail en faisant des tâches moins forçantes.  Toutefois, elle continuait d’éprouver de la douleur et avait de la difficulté à marcher et à monter les escaliers.

[8]               Le lendemain, elle avise son employeur qu’elle ne peut se présenter au travail en raison des douleurs.

[9]               Le 21 août 1998, elle consulte le docteur Leroux qui pose un diagnostic de DIM lombaire droit.

[10]           À l’audience, madame Marcoux a témoigné.  Elle explique qu’elle s’est rendue à la clinique médicale dès le 19 août 1998, après son travail et après avoir déclaré l’événement à son employeur.  Son médecin traitant n’était pas à la clinique et on l’a informée qu’il serait de retour le 21 août 1998.

[11]           La travailleuse était sur l’impression que le service de santé de l’employeur privilégiait la consultation auprès du médecin traitant.  La travailleuse a préféré attendre au 21 août pour le consulter plutôt que de voir un autre médecin de garde.

[12]           Toutefois, afin de soulager ses symptômes, elle s’est rendue chez un chiropraticien le 19 et l’a revu le 20 août.

[13]           Elle produit en preuve un relevé de consultation.  Le relevé est fait par monsieur Simon Moreau, chiropraticien, de la Place chiropratique de Victoriaville.  On peut voir que la travailleuse a passé une radiographie le 19 août 1998 et a eu une consultation.  Le 20 août, elle a aussi reçu des traitements.

[14]           Le représentant de la travailleuse allègue que la travailleuse a droit à l’indemnité à compter du 20 août 1998.  La lésion professionnelle est survenue le 19 août et, dès cette date, la travailleuse en a informé son employeur.

[15]           La preuve établit que la travailleuse n’était pas capable de faire son travail le 20 août 1998 et que cette incapacité est directement reliée à la lésion professionnelle.

[16]           L’attestation médicale du 21 août 1998 confirme la présence d’une lésion professionnelle qui est survenue le 19 août 1998 et la travailleuse a droit à l’indemnité à compter du moment où elle est incapable de faire son emploi en raison de la lésion.

[17]           Le représentant de la travailleuse se réfère aux articles 44 et suivants de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] ( la loi ) ainsi qu’à de la jurisprudence à cet effet.

 

L'AVIS DES MEMBRES

[18]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de retenir la date du 21 août 1998 comme date du début de l’incapacité donnant droit à l’indemnité de remplacement du revenu.  C’est à compter de la date où un professionnel de la santé constate la lésion professionnelle que l’indemnité peut commencer, selon lui.  L’article 199 de la loi prévoit que le médecin qui prend en charge le travailleur doit remettre sans délai une attestation médicale qui comporte le diagnostic.  Il ne peut y avoir de preuve d’incapacité avant la constatation médicale de la lésion prévue par l’attestation médicale à l’article 199 de la loi.

[19]           En l’espèce, il s’agit d’un court délai mais dans le cas où un travailleur attendrait plusieurs jours ou semaines avant de consulter un médecin, s’il fallait ensuite faire rétroagir la date d’incapacité à la date de la lésion, l’employeur se retrouverait devant une situation où, par exemple, il ne pourrait se prévaloir de son droit d’assigner temporairement un travailleur à des travaux légers.

[20]           Selon lui, le travailleur a la responsabilité de consulter sans délai lorsque survient une lésion professionnelle.  Pour l’ensemble de ces motifs, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis d’infirmer la décision de la CSST, rendue à la suite d’une révision administrative et de déclarer que l’indemnité doit débuter le 21 août 1998.

[21]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis contraire.  Il soutient que la réponse à cette question réside dans l’interprétation de l’article 44 de la loi, selon lequel le travailleur a droit à une indemnité de remplacement du revenu s’il devient incapable d’exercer son emploi en raison de cette lésion.  La loi ne spécifie pas, selon lui, que c’est à compter de la date de la première consultation médicale que débute le droit à l’indemnité.

[22]           En l’espèce, la travailleuse a démontré qu’elle était incapable de faire son travail à compter du 20 août 1998 et cette incapacité résulte de la lésion professionnelle.  Or, cette lésion est survenue le 19 août 1998.  Dans la mesure où la réclamation est acceptée, on reconnaît qu’elle est survenue le 19 août 1998 et la travailleuse a démontré avoir été incapable, à compter du 20 août 1998, d’exercer son emploi.

[23]           Dans le présent dossier, la travailleuse a de plus expliqué les raisons qui l’ont amenée à ne consulter que le 21 août 1998 et n’a pas fait preuve de négligence à cet égard.  Les consultations auprès du chiropraticien le 19 et le 20 août 1998 ne font pas foi du diagnostic de la lésion mais démontrent néanmoins que la travailleuse n’était pas capable de faire son travail en raison de la lésion.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[24]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer à compter de quelle date la travailleuse a droit à l’indemnité de remplacement du revenu à la suite de sa lésion professionnelle.

[25]           Il est clair, de la contestation de l’employeur, que ce dernier ne remet pas en cause la survenance de la lésion professionnelle mais remet en cause la date du début du droit à l’indemnité de remplacement du revenu.  Selon lui, le droit à l’indemnité devrait débuter le 21 août 1998, date de la première attestation médicale.

[26]           Les articles pertinents à la solution du présent litige sont les articles 44 et suivants de la loi.  De manière subsidiaire, il y a lieu de référer aussi aux articles 199 et 265 de la loi.  Il y a pertinence de reproduire ici le texte de ces articles qui se lisent comme suit :

44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

 

Le travailleur qui n'a plus d'emploi lorsque se manifeste sa lésion professionnelle a droit à cette indemnité s'il devient incapable d'exercer l'emploi qu'il occupait habituellement.

________

1985, c. 6, a. 44.

 

 

46. Le travailleur est présumé incapable d'exercer son emploi tant que la lésion professionnelle dont il a été victime n'est pas consolidée.

________

1985, c. 6, a. 46.

 

 

57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :

 

  lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48;

  au décès du travailleur; ou

  au soixante - huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui‑ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.

________

1985, c. 6, a. 57.

 

 

199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui‑ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et :

 

  s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou

  s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

 

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

________

1985, c. 6, a. 199.

 

 

265. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou incapable d'agir, son représentant, doit en aviser son supérieur immédiat ou, à défaut, un autre représentant de l'employeur avant de quitter l'établissement lorsqu'il en est capable, ou sinon dès que possible.

________

1985, c. 6, a. 265.

 

 

[27]           La lecture combinée des articles 44, 46 et 57 de la loi fait ressortir un principe commun et constant qui veut que le droit à l’indemnité découle de l’incapacité du travailleur de faire son travail en raison de la lésion professionnelle.

[28]           La date à laquelle doit débuter le droit à l’indemnité correspond donc à la date où le travailleur est incapable de faire son travail en raison de la lésion et non à la date de la réclamation[2]  La détermination de la capacité de travail est une question d’ordre juridique qui relève de la compétence du tribunal.

[29]           Il est vrai, comme le soutient l’employeur, que cette date peut correspondre, dans bien des cas, à la date où un travailleur consultera un médecin et que ce dernier produira une attestation médicale, conformément à l’article 199 de la loi, déterminant le diagnostic de la lésion.  Dans la cause Morin et Ateliers Bertrand[3], la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles ( la Commission d’appel ) a décidé que le seul témoignage du travailleur n’était pas suffisant pour établir son incapacité en relation avec une rechute, récidive ou aggravation.  Le versement devait donc débuter à la date du rapport médical attestant de son incapacité.

[30]           Mais, encore une fois, tout dépend des circonstances du cas.  Par exemple, dans la cause St-Hilaire et Tricyl ltée[4], la Commission d’appel a décidé que l’incapacité ne débutait pas à la date de l’hospitalisation mais à la date où le diagnostic préopératoire a été posé.

[31]           Pour statuer sur l’existence d’une lésion professionnelle, il est nécessaire d’avoir au dossier une attestation médicale, comme le requiert l’article 199 de la loi, pour établir le diagnostic.  Le diagnostic doit être posé par un professionnel de la santé.

[32]           En l’espèce, une telle attestation existe puisque la travailleuse a fourni, le 21 août 1998, une attestation médicale conforme à l’article 199 de la loi.  Cette attestation établit le diagnostic de la lésion professionnelle, soit un D.I.M. lombaire.

[33]           Toutefois, la détermination de l’existence d’une lésion professionnelle et la détermination de la capacité de travail ne sont pas des questions qui relèvent du professionnel de la santé mais de la compétence du tribunal.

[34]           En l’espèce, la travailleuse a prouvé que la blessure qu’elle a subie, le 19 août 1998, constitue une lésion professionnelle et cette prémisse n’est pas remise en cause par l’employeur.

[35]           Reste maintenant à déterminer à partir de quand doit débuter le droit à l’indemnité.  Dans le présent dossier, la preuve prépondérante est à l’effet que la lésion subie par la travailleuse le 19 août 1998 l’a rendue incapable d’exercer son emploi à compter du 20 août 1998.  La preuve prépondérante démontre aussi que cette incapacité est directement reliée à la lésion survenue le 19 août 1998.

[36]           Dans le présent cas, la travailleuse a avisé son employeur le jour même de la survenance de l’événement, soit le 19 août 1998 et a pu terminer son quart de travail en faisant des travaux plus légers, ce qui témoigne déjà d’une incapacité de faire son travail normal.  Elle a complété avec son employeur le registre d’accident le 19 août 1998.  La travailleuse a entièrement satisfait à l’obligation de l’article 265 de la loi.

[37]           Dès le 19 août 1998, la travailleuse a tenté de voir son médecin traitant mais ce dernier n’était pas disponible avant le 21 août 1998.  Elle s’est ensuite rendue chez un chiropraticien, comme en fait foi l’attestation qui démontre qu’elle a consulté les 19 et 20 août 1998, pour un syndrome aiguë du sacro-illiaque.  Le fait d’avoir consulté un chiropraticien le 19 et le 20 août ne peut remplacer l’attestation médicale prévue à l’article 199 de la loi qui prévoit que c’est le professionnel de la santé qui doit établir le diagnostic de la lésion.  Toutefois, le relevé de consultation du chiropraticien peut servir à corroborer le témoignage de la travailleuse à l’effet qu’elle était souffrante et incapable de faire son travail en raison de sa lésion.  La preuve prépondérante établit que l’incapacité de la travailleuse résulte directement de sa lésion.  D’ailleurs, l’attestation médicale complétée le 21 août 1998 par le docteur Leroux réfère directement à un événement s’étant produit le 19 août 1998.

[38]           Dans le présent cas, l’employeur s’est prévalu de son droit d’assigner temporairement la travailleuse à des travaux légers à compter du 31 août 1998 et n’a donc pas été lésé dans son droit d’assigner temporairement la travailleuse.

[39]           La preuve est donc nettement prépondérante quant au fait que, le 20 août 1998, la travailleuse était incapable d’exercer son emploi et que cette incapacité résulte directement de la lésion professionnelle subie le 19 août 1998.  La travailleuse a donc droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 20 août 1998.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête présentée par l’employeur, C.H.S.L.D. de la MRC Arthabaska ;

MAINTIENT la décision rendue le 12 janvier 2000 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, à la suite d’une révision administrative ;

DÉCLARE que la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 19 août 1998 et qu’elle a droit à l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 20 août 1998.

 

 

 

 

 

Me Anne Vaillancourt

 

Commissaire

 

 

 

 

 

C.H.S.L.D. DE LA MRC ARTHABASKA

(Monsieur René Pépin)

61, rue De L’Ermitage

Victoriaville (Québec)  G6P 6X4

 

Représentant de la partie requérante

 

 

 

C.S.N.

(Monsieur Jacques Lahaie)

180, Côte de L’Acadie

Sherbrooke (Québec)  J1H 2T3

 

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]               Guagenti et Antonio Mendola [1994] CALP 1425 .

[3]              55620-03-9312, 95-06-19, R. Chartier.

[4]              60143-03-9406, 96-01-11, D. Beaulieu.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.