Décision

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Lemieux et Estampro inc.

2010 QCCLP 2827

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Joliette

12 avril 2010

 

Région :

Chaudière-Appalaches

 

Dossiers :

279982-03B-0601   311157-03B-0706-R

312314-03B-0703

320749-03B-0706   321311-03B-0706-R

324424-03B-0708-R

 

Dossier CSST :

127714772

 

Commissaire :

Michèle Juteau, juge administrative

 

Membres :

M. Normand Beaulieu, associations d’employeurs

 

M. André Champagne, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

311157          321311          324424

279982          312314          320749

 

 

Alain Lemieux

Estampro inc.

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

Estampro inc.

Alain Lemieux

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 10 septembre 2009, monsieur Alain Lemieux (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision ou en révocation à l’encontre de la décision rendue le 28 juillet 2009 par la Commission des lésions professionnelles.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles accueille une première requête en révision ou en révocation formulée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST). Ce faisant, elle révoque la décision rendue par elle le 3 juin 2007 dans les dossiers 311157-03B-0706, 321311-03B-0706 et 324424-03B-0708.

[3]                La décision ainsi révoquée entérinait un accord conclu entre le travailleur et l’employeur. N’étant pas encore intervenue au dossier au moment de l’entente, la CSST n’y participait pas.

[4]                L’audience relative à la requête en révision ou en révocation du travailleur, visant la décision du 28 juillet 2009, a été tenue à Lévis le 19 janvier 2010. Le travailleur était présent et représenté. La CSST était représentée. L’employeur n’y a délégué aucun de ses représentants.

 

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[5]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision du 28 juillet 2009 rendue par le deuxième juge administratif et de rétablir la décision entérinant l’entente intervenue entre lui et l’employeur telle que rendue par le premier juge administratif.

[6]                Subsidiairement, il demande l’annulation des désistements produits dans les dossiers 279982-03B-0601, 312314-03B-0703 et 320749-03B-0706 de manière accessoire à l’entente entérinée par le premier juge administratif. Il fait valoir que le deuxième juge administratif a omis de se prononcer sur la demande conjointe des parties à cet égard.

 

L’AVIS DES MEMBRES

[7]                Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales rejetteraient la requête du travailleur. Ils considèrent que le deuxième juge administratif n’a pas commis d’erreur déterminante. Par ailleurs, ils constatent que les parties avaient demandé l’annulation des désistements dans les dossiers 279982-03B-0601, 312314-03B-0703 et 320749-03B-0706. Ils considèrent que le deuxième juge administratif a omis de disposer de cette demande. Ils réviseraient la décision du 28 juillet 2009 en ajoutant une conclusion prononçant la nullité des désistements.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]                Le travailleur soutient que la décision du deuxième juge administratif comporte des vices de fond justifiant qu’elle soit révoquée. Il allègue que celui-ci a substitué son interprétation de la preuve et du droit à celle du premier juge administratif.

[9]                Avant d’examiner la décision attaquée, en regard des motifs de la requête, il y a lieu de rappeler les règles et les principes qui nous guideront.

[10]           Les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel comme le stipule le dernier alinéa de l’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

429.49.  Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.

Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.

 

La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

(Notre soulignement)

 

 

[11]           Par ailleurs, la loi accorde à la Commission des lésions professionnelles un pouvoir qui fait exception à ce principe voulant que sa décision soit l’ultime résultat d’un litige et qu’elle s’impose aux parties. Il s’agit du pouvoir de révision ou de révocation dont l’exercice est encadré par l’article 429.56 de la loi :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[12]           Dans le présent dossier, le travailleur soutient que la décision du premier juge administratif comporte un vice de fond qui est de nature à l’invalider.

[13]           Selon la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles, le vice de fond de nature à invalider une décision constitue une erreur manifeste de droit ou de fait ayant un effet déterminant sur l’issue du litige[2].

[14]           La Cour d’appel du Québec s’est également prononcée sur cette question, notamment dans l’affaire CSST et Fontaine[3] :

[…] la faille que vise cette expression dénote de la part du décideur une erreur manifeste, donc voisine d’une forme d’incompétence, ce dernier terme étant entendu ici dans son acceptation courante plutôt que dans son acceptation juridique.

 

 

[15]           Et plus loin, elle ajoute :

[50] En ce qui concerne les caractéristiques inhérentes d’une irrégularité susceptible de constituer un vice de fond, le juge Fish note qu’il doit s’agir d’un « defect so fundamental as to render [the decision] invalid » [46], « a fatal error » [47] Une décision présentant une telle faiblesse, note-t-on dans l’arrêt Bourassa[48], est « entachée d'une erreur manifeste de droit ou de fait qui a un effet déterminant sur le litige ». Le juge Dalphond, dans l’arrêt Batiscan[49], effectue le rapprochement avec l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam inc. de la Cour suprême du Canada, où le juge Lacobucci apportait plusieurs éclaircissements utiles sur les attributs de deux notions voisines, l’erreur manifeste et la décision déraisonnable. Il s’exprimait en ces termes[50] :

 

Même d'un point de vue sémantique, le rapport étroit entre le critère de la décision « manifestement erronée » et la norme de la décision raisonnable simpliciter est évident. Il est vrai que bien des choses erronées ne sont pas pour autant déraisonnables; mais quand le mot « manifestement » est accolé au mot « erroné », ce dernier mot prend un sens beaucoup plus proche de celui du mot « déraisonnable ». Par conséquent, le critère de la décision manifestement erronée marque un déplacement, du critère de la décision correcte vers un critère exigeant l'application de retenue. Cependant, le critère de la décision manifestement erronée ne va pas aussi loin que la norme du caractère manifestement déraisonnable.

On voit donc que la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur sont des traits distinctifs susceptibles d’en faire « un vice de fond de nature à invalider [une] décision ».

 

[51] En ce qui concerne la raison d’être de la révision pour un vice de fond de cet ordre, la jurisprudence est univoque. Il s’agit de rectifier les erreurs présentant les caractéristiques qui viennent d’être décrites. Il ne saurait s’agir de substituer à une première opinion ou interprétation des faits ou du droit une seconde opinion ni plus ni moins défendable que la première.

 

________________

46. Supra, note 12, paragr. 20.

 

47. Ibid., paragr. 48.

        48. Supra, note 10, paragr. 21.

 

49. Supra, note 40, paragr. 56

        50. [1997] 1 R.C.S. 748 , paragraphe 60.

 

[16]           Passons maintenant à l’examen de la décision rendue par le deuxième juge administratif. On l’a déjà mentionné, cette décision accueille une requête en révision ou révocation à l’encontre d’une première décision qui entérinait une entente conclue entre le travailleur et l’employeur. Le deuxième juge administratif fait la révision de la preuve au dossier en la commentant. Le tribunal convient qu’il commet certaines imprécisions ou omissions. La question est de savoir si ces erreurs ont un impact sur l’issue du litige. 

[17]           Aux paragraphes 81 et 82, le deuxième juge administratif fait mention d’une décision rendue le 5 janvier 2006 par la CSST à la suite d’une révision administrative. Il écrit que cette décision n’est pas contestée.

[18]           Or, en réalité, l’employeur avait contesté cette décision devant la Commission des lésions professionnelles le 17 janvier 2006. La contestation portait le numéro de dossier 279982-03B-0601. Toutefois, de manière contemporaine à la conclusion de l’entente entérinée par le premier juge administratif, l’employeur s’est désisté de son recours.

[19]           Bien sûr, le deuxième juge administratif omet de mentionner la contestation de l’employeur. Cependant, son affirmation sur la portée de la lésion et le fait qu’il n’y a pas de litige à cet égard est exacte considérant le désistement déposé.

[20]           Cela étant, il devait tout de même garder à l’esprit que la valeur du désistement était en jeu compte tenu des demandes subsidiaires formulées par le travailleur et l’employeur dans leur argumentation écrite. Nous reviendrons sur la question un peu plus loin.

[21]           Le travailleur allègue que le juge administratif a omis de considérer qu’en mars 2006 son état s’est aggravé en raison d’un mouvement ou d’un effort fait dans le cadre d’une activité du programme de réadaptation. Voyons ce qu’il en est.

[22]           Aux paragraphes 83 et 84 de la décision, le deuxième juge administratif fait mention du diagnostic posé par la docteure Linda Filion et du fait que les problèmes du travailleur sont survenus lors d’une activité suggérée par le physiothérapeute. Plus loin, au paragraphe 86, on lit que le travailleur est inscrit dans un programme de reconditionnement physique sous supervision médicale. De ce qu’il rapporte, on ne peut pas conclure qu’il refuse de considérer que l’activité en question a été conseillée au travailleur dans le cadre du programme de réadaptation comme le suggère le travailleur dans sa requête. Il n’y a pas d’erreur à cet égard.

[23]           Le travailleur allègue aussi que le deuxième juge administratif a ignoré le litige pourtant sur la date de consolidation, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles en rapport avec la lésion initiale. Cette affirmation est fausse. La lecture des paragraphes 104 à 107 suffit à s’en convaincre. Particulièrement, au paragraphe 107, le deuxième juge administratif affirme que ces questions font l’objet de l’ensemble litigieux visé par l’entente.

[24]           On en vient maintenant au cœur des reproches adressés au deuxième juge administratif qui concerne ses motifs et ses conclusions relativement au dossier 324424-03B-0708. Le litige qui opposait les parties concernait la reconnaissance d’une lésion professionnelle en date du 6 mars 2007. La CSST avait initialement rendu une décision défavorable au travailleur. Par la suite, elle avait refusé la demande de révision, d’où la contestation devant la Commission des lésions professionnelles.

[25]           Les parties en sont venues à une entente à cet égard en faisant les admissions suivantes :

[6] Le 6 mars 2006, dans le cadre de son programme de réadaptation physique et professionnelle, en jouant aux quilles, le travailleur aggrave sa lésion professionnelle;

 

[7] Depuis cet événement, le travailleur allègue qu’il traîne des douleurs lombaires pratiquement constantes avec irradiation aux membres inférieurs;

 

[8] Le 15 mars 2006, le médecin traitant du travailleur soumet un rapport médical portant le diagnostic rechute entorse lombaire et, le 14 juin suivant, retient en plus de celui-ci une douleur irradiant au membre inférieur;

 

[9] Les parties reconnaissent que le diagnostic d’entorse lombaire porté par le médecin traitant du travailleur le 15 mars 2006 constitue une nouvelle lésion professionnelle qui découle d’une activité prescrite au travailleur dans le cadre de son programme de réadaptation, lésion consolidée par la suite le 13 juillet 2006;

 

[…]

 

[16] Le 6 mars 2007, les douleurs récurrentes qu’il ressent depuis l’événement du 6 mars 2006 s’intensifient nécessitant une consultation médicale, du repos ainsi qu’une référence pour une consultation en orthopédie;

 

[17] Les parties reconnaissent que la lombosciatalgie bilatérale, lésion diagnostiquée le 6 mars 2007, est une lésion professionnelle qui découle de celle subie le 6 mars 2006 dans le cadre du plan de réadaptation du travailleur;

 

 

[26]           Dans le cadre de ce litige portant sur la reconnaissance d’une lésion professionnelle le 6 mars 2007, les parties ont requis de la Commission des lésions professionnelles qu’elle se prononce aussi sur la survenance d’une lésion professionnelle qui serait survenue un an plus tôt, soit le 6 mars 2006.

[27]           Tenant compte des autres allégués de l’entente relatifs à la consolidation de la lésion initiale, le tribunal comprend que les parties ont convenu que le 6 mars 2006, dans le cadre d’un programme de réadaptation, le travailleur a aggravé sa condition physique qui n’était pas encore consolidée. Celles-ci ont requis de la Commission des lésions professionnelles une décision reconnaissant ce fait et, conséquemment, l’application de l’article 31 de la loi.

[28]           Elles ont aussi convenu qu’un an plus tard, soit le 6 mars 2007, le travailleur avait connu une augmentation de ses problèmes présents depuis le 6 mars 2006.

[29]           L’entente intervenue entre les parties a été jugée conforme à la loi et entérinée dans le premier juge administratif. Les conclusions de cette décision sont ainsi libellées :

ACCUEILLIR en partie la requête du travailleur;

 

INFIRMER la décision de la CSST rendue le 17 juillet 2007 à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARER que la lésion professionnelle diagnostiquée par le médecin traitant du travailleur le 6 mars 2007, soit la lombosciatalgie bilatérale, est une lésion professionnelle sous le volet de l’article 31 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (la loi);

 

DÉCLARER que le 6 mars 2007, le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation d’une lésion professionnelle survenue le 6 mars 2006.

 

 

[30]           La CSST a demandé la révocation de cette décision. Certains des motifs qu’elle soulève sont retenus par le deuxième juge administratif, soit le fait de statuer sur une question dont elle n’était pas saisie et le fait de fonder une décision sur une admission de droit plutôt qu’une admission de faits.

[31]           L’essentiel de ses motifs est rapporté aux paragraphes 120 et suivants :

[120] Pour une meilleure compréhension de ce qui va suivre, il convient de déterminer quels étaient les sujets pour lesquels le tribunal pouvait exercer ses pouvoirs, en application de l’article 377.

 

[121] Quant à la lésion professionnelle initiale, du résumé exhaustif que vient de tracer le présent tribunal, il apparaît très clairement que les diagnostics initiaux, c'est-à-dire ceux qui furent posés dans le cadre de la lésion professionnelle initiale subie par le travailleur, le 24 février 2005, étaient connus, précisés et non en litige.

 

[122] Ici, on parle principalement d’une entorse lombaire avec présence de phénomènes dégénératifs au niveau discal ainsi que présence d’arthrose facettaire avec un syndrome facettaire, le tout s’accompagnant, dès le début, d’irradiation aux membres inférieurs, particulièrement le droit et occasionnellement le gauche, phénomènes qui ont perduré jusqu’à la consolidation de la lésion, et même subséquemment puisqu’il n’y a pas eu de guérison complète!

 

[123] Cette date de consolidation est fixée pour le 24 mai 2006 quant à la lésion professionnelle initiale, le tout avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles.

 

[124] Il s’agit de décisions qui sont finales et sans appel et qui n’étaient donc pas dans le champ décisionnel du premier tribunal.

 

[125] D’autre part, de toute évidence, on note qu’il n’est nullement question d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion initiale, le 6 mars 2006.

 

[126] Il n’existe aucune décision sur ce sujet puisqu’il n’y a eu aucune demande d’introduite, ce qui, par ailleurs, aurait été problématique puisque le travailleur n’était même pas consolidé de sa lésion initiale au moment où on allègue que se produit l’événement associé à une joute de quilles.

 

[127] Une conclusion s’impose immédiatement, c’est que le premier juge administratif, lorsqu’il entérine l’accord qui lui est proposé et qu’il indique que le travailleur a subi, le 6 mars 2006, une lésion sous le volet de l’article 31 de la loi interprète très largement ses pouvoirs lui résultant de l’article 377.

 

[128] En effet, la seule question qui lui était soumise était de déterminer si le 6 mars 2007, le travailleur avait subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle initiale du 24 mai 2005 et non d’une récidive, rechute ou aggravation d’une nouvelle lésion professionnelle, sous l’égide de l’article 31, le 6 mars 2006.

 

[129] Rappelons-le, encore une fois, il n’y a pas de décision disposant de l’existence d’une récidive, rechute ou aggravation le 6 mars 2006. Cette absence de décision porte aussi bien sur la lésion professionnelle initiale de 2005 que sur l’application de l’article 31, en l’occurrence la disposition législative suivante :

 

31.  Est considérée une lésion professionnelle, une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion :

1° des soins qu'un travailleur reçoit pour une lésion professionnelle ou de l'omission de tels soins;

 

2° d'une activité prescrite au travailleur dans le cadre des traitements médicaux qu'il reçoit pour une lésion professionnelle ou dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

 

Cependant, le premier alinéa ne s'applique pas si la blessure ou la maladie donne lieu à une indemnisation en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25), de la Loi visant à favoriser le civisme (chapitre C-20) ou de la Loi sur l'indemnisation des victimes d'actes criminels (chapitre I-6).

__________

1985, c. 6, a. 31.

 

 

[130] Comme l’enseigne notre jurisprudence, au-delà de la consolidation d’une lésion, un travailleur soumis à un plan de traitement médical ou de réadaptation peut voir apparaître une nouvelle lésion résultant directement de la dispensation de ces traitements.

 

[131] En d’autres mots, il peut s’agir d’une lésion intercurrente dont le lien de causalité avec les activités de réadaptation ou de traitement médical est clairement établi.

 

[132] Lorsque se produit une telle situation, on est en droit de s’attendre à ce qu’une réclamation soit soumise à la CSST, que l’on puisse disposer de cette question de façon claire et objective.

 

[133] Or, lorsque se manifeste cette aggravation notée par le médecin traitant du travailleur, en mars 2006, tous les diagnostics étaient émis et non contestés, incluant celui de lombosciatalgie, même de lombosciatalgie bilatérale. Ajoutons que le seul rapport référant à l’événement du 6 mars 2006 pose un diagnostic d’entorse lombaire et non de lombosciatalgie bilatérale.

 

[134] C’est d’ailleurs pour l’ensemble de cette « symptomatologie » que le travailleur était référé en reconditionnement physique.

 

[135] Au-delà du problème de compétence, de juridiction, même si l’on pouvait admettre que le premier juge administratif était en droit d’exercer une compétence large et libérale, sans aucune référence à une réclamation ou à une décision, il ne pouvait que constater qu’il y avait une absence totale de preuve quant à l’apparition d’une nouvelle lésion.

 

[136] Ici, il ne s’agit pas d’apprécier la force probante de la preuve, mais plutôt de constater qu’il y a absence totale de preuve pour supporter les conclusions auxquelles les parties en sont venues dans le cadre de leur entente.

 

[137] Plutôt, on doit comprendre que les parties ont procédé à des admissions de droit pour mettre en jeu, en application, les dispositions de l’article 31 ainsi que de son effet sur l’ensemble financier que constitue ce dossier.

 

[138] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles doit conclure que les motifs soulevés par la CSST à l’encontre de la décision attaquée sont bien fondés en fait et en droit en ce que le premier juge administratif a commis une erreur manifeste en entérinant une entente qui dépassait son cadre juridictionnel et était fondée sur une absence totale de preuve.

 

[139] À ce stade, cette première conclusion dispose de notre litige.

[140] Ajoutons, évidemment, que le premier juge administratif ne pouvait conclure que le travailleur avait subi, le 6 mars 2007, une récidive, rechute ou aggravation d’une lésion professionnelle survenue le 6 mars 2006, dans le contexte précité.

 

[141] Bien plus, par le biais de la contestation du 26 février 2007, déposée par le travailleur dans le dossier 311157-03B-0702, il faut se rappeler que les diagnostics médicaux n’étaient pas en litige et que s’il fallait comprendre que l’on voulait ajouter un nouveau diagnostic, c'est-à-dire une lombosciatalgie bilatérale, le tribunal n’avait aucune compétence sur ce sujet.

 

[142] En effet, comme on l’a vu, l’avis émis par le BEM ne se prononçait pas sur les diagnostics en application de l’article 212, paragraphe 1, de la loi.

 

[143] Il n’y avait incidemment aucune attache juridique, légale pour procéder de la façon qui fut faite.

 

[144] Clairement, on sortait carrément de la capacité juridictionnelle du tribunal à agir, de ses pouvoirs en application de l’article 377.

 

[145] En conséquence, l’on doit conclure globalement qu’effectivement l’article 31 n’aurait pu trouver d’application, vu l’absence de preuve. D’autre part, on constate qu’il y a eu excès dans l’exercice des pouvoirs du tribunal, celui-ci ayant agi à l’extérieur de « sa compétence », de ses pouvoirs.

 

(Nos soulignements)

 

 

[32]           Le tribunal comprend que le deuxième juge administratif considère que les allégués de faits sont insuffisants pour fonder une conclusion voulant que le 6 mars 2006 le travailleur ait subi une lésion professionnelle suivant l’article 31 de la loi et voulant que le 6 mars 2007 il ait subi une nouvelle lésion professionnelle par le fait d’une rechute, récidive ou aggravation découlant de la première. Selon ce qu’il écrit, il y a trois erreurs manifestes et déterminantes dans la décision rendue par le premier juge administratif.

[33]           Primo, les allégués sont insuffisants pour fonder la décision reconnaissant une lésion professionnelle en vertu de l’article 31 de la loi. Il prend plusieurs paragraphes pour expliquer que suivant la jurisprudence, l’application de cette disposition législative exige que la lésion qui survient par le fait ou à l’occasion du programme de réadaptation soit distincte de la lésion professionnelle elle-même. C’est pourquoi il conclut à l’absence de preuve suffisante pour fonder la décision attaquée par la CSST. À cet égard, il ne réapprécie pas la preuve.

[34]           Secundo, le deuxième juge administratif indique que juridiquement on ne peut déclarer l’existence d’une rechute, récidive ou aggravation lorsque la lésion initiale n’est pas consolidée. Il y voit une lacune déterminante pour soutenir la conclusion d’une rechute, récidive ou aggravation au 6 mars 2006, alors que la consolidation de la lésion professionnelle initiale n’est pas encore intervenue. 

[35]           Le tribunal reconnaît que le deuxième juge administratif commet une erreur lorsqu’il dit que la date de consolidation avait été déterminée par une décision finale et sans appel. Toutefois, cette erreur n’est pas déterminante puisque, dans le cadre de l’entente, les parties situent cette date au 13 juillet 2006 (311157-03B-0706). Cette erreur de lecture des faits n’est pas déterminante.

[36]           Tertio, il indique que la conclusion sur la rechute, récidive ou aggravation au 6 mars 2006 déborde de l’objet du litige dans le dossier 324424-03B-0708. De ce fait, il conclut qu’il y a un vice de fond de nature à invalider la première décision. 

[37]           Le tribunal considère que le deuxième juge administratif, même s’il commet certaines imprécisions ou erreurs, ne substitue pas son appréciation des faits aux allégués de l’entente. Il constate plutôt que ces allégués sont insuffisants pour fonder les conclusions recherchées et entérinées dans la décision du premier juge administratif.

[38]           Quant au reproche que le travailleur adresse à l’égard de l’appréciation du droit, il faut constater que le deuxième juge administratif examine l’entente et la décision qui y donnent suite afin de déterminer si elles sont conformes à la loi. Il agit en respectant le cadre législatif. Par ailleurs, il est reconnu que le fait d’entériner une entente qui n’est pas conforme à la loi constitue un vice de fond de nature à invalider une décision[4].

[39]           Nous en venons à la demande subsidiaire du travailleur quant à l’annulation des désistements produits dans les dossiers 279982-03B-0601, 312314-03B-0703 et 320749-03B-0706.

[40]           Le tribunal constate que le deuxième juge administratif a omis de disposer de la demande conjointe du travailleur et de l’employeur à cet égard. Cela constitue un vice de fond au sens de la loi. Ce manquement commande qu’on y remédie.

[41]           À l’audience, la représentante du travailleur, qui a participé à la conciliation, indique que ces désistements étaient liés à la conclusion de l’entente. De fait, le tribunal constate qu’il porte la même date que l’entente. Cela corrobore l’affirmation voulant qu’ils soient rattachés à l’entente. Leur annulation est donc prononcée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE EN PARTIE la requête de monsieur Alain Lemieux (le travailleur);

RÉVISE la décision rendue le 28 juillet 2009 par la Commission des lésions professionnelles pour ajouter une conclusion relative à la demande en annulation des désistements;

ANNULE les désistements dans les dossiers 279982-03B-0601, 312314-03B-0703 et 320749-03B-0706.

 

 

__________________________________

 

Michèle Juteau

 

 

 

Me Anne-Marie Parent

Parent, Doyon Rancourt

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Odile Tessier

Panneton Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]          Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P., 733; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P.; CSST et      Viandes & Aliments Or-Fil, C.L.P. 86173-9702, 24 novembre 1998, S. Di-Pasquale; Louis-Seize et CLSC-CHSLD de la Petite-Nation, C.L.P. 214190-07-0308, 20 décembre 2005, L. Nadeau.

[3]           [2005] C.L.P. 626 C.A.

[4]          Élag (1994) inc. et Courcelles, C.L.P. 85600-07-9701, 29 avril 1999, L. Couture.

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