Arcelor Mittal et Commission de la santé et de la sécurité du travail |
2010 QCCLP 358 |
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[1] Le 2 décembre 2008, l’employeur, Arcelor Mittal, dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 novembre 2008, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 29 août 2008 et déclare que l’employeur doit être imputé de la totalité du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par monsieur Julien Bourassa (la travailleuse) le 4 juillet 2007.
[3] Une audience se tient à Montréal le 2 novembre 2009 en présence des deux parties qui sont représentées. Un délai est accordé à l’avocate de la CSST afin de compléter la preuve documentaire. Ce document est reçu à la Commission des lésions professionnelles le 20 novembre 2009 et le dossier est pris en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4]
L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de
déclarer qu’il a droit à un partage d’imputation du coût des prestations en
vertu de l’article
LES FAITS ET LES MOTIFS
[5]
La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si
l’employeur a droit à un partage d’imputation des coûts en vertu de l’article
[6]
L’article
329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.
L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.
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1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.
[7] Pour obtenir un partage de coût, l’employeur doit démontrer que le travailleur était déjà handicapé lorsque s’est manifestée la lésion.
[8]
Le législateur ne définit pas dans la loi ce qu’est un handicap.
Aujourd’hui, la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles est
constante quant à la signification de cette expression. Le travailleur déjà
handicapé au sens de l’article
[9]
Il ressort de cette définition que, pour bénéficier du partage de coût
prévu à l’article
[10] Selon la jurisprudence, une telle déficience est une perte de substance ou une altération d’une structure ou d’une fonction psychologique, physiologique ou anatomique et correspond à une déviation par rapport à une norme biomédicale. Elle peut être congénitale ou acquise et peut exister à l’état latent sans s’être manifestée avant la survenance de la lésion. Cette déficience n’a pas besoin de s’être manifestée ou d’être connue ni même d’avoir affecté la capacité de travail ou personnelle du travailleur avant la manifestation de la lésion[3].
[11] Puis, l’employeur doit démontrer que la déficience a joué un rôle déterminant dans la production de la lésion ou sur ses conséquences. À cet égard, la jurisprudence[4] a établi certains critères permettant d’apprécier la relation entre la déficience et la production de la lésion ou ses conséquences. Les critères généralement retenus sont les suivants : la nature et la gravité du fait accidentel, le diagnostic initial de la lésion professionnelle, l’évolution du diagnostic et de la condition du travailleur, la compatibilité entre le plan de traitement prescrit et le diagnostic de la lésion professionnelle, la durée de la période de consolidation compte tenu de la nature de la lésion professionnelle et la gravité des conséquences de la lésion professionnelle.
[12] Aucun de ces critères n’est à lui seul déterminant, mais pris ensemble, ils permettent de se prononcer sur le bien-fondé de la demande de l’employeur[5].
[13] La preuve démontre que le travailleur travaille comme aiguilleur serre-freins pour l’employeur depuis le mois de mai 1978. Le 4 juillet 2007, alors qu’il est âgé de 63 ans, le travailleur subit un accident du travail. À la réclamation qu’il soumet à la CSST, il décrit qu’il était dans l’échelle d’un wagon et lorsqu’il a voulu descendre, le barreau du bas était enfoncé et son pied droit a glissé alors qu’il avait lâché prise avec la main droite. Il est tombé par terre sur le coude droit et a ressenti des douleurs au coude et au dos. Le travailleur n’est pas en mesure de se relever seul. Il est transporté à l’hôpital en ambulance.
[14] Le même jour, le travailleur consulte le docteur Deblois qui retient le diagnostic de lombalgie. Le travailleur passe plusieurs radiographies dont une au niveau de la colonne lombo-sacrée. Le radiologiste observe une légère attitude scoliotique convexe vers la droite, une texture osseuse déminéralisée, mais sans déformation ou perte de hauteur des corps vertébraux. Il observe également des spondylophytes dégénératifs marginaux à L2, L3, L4 et L5 ainsi qu’un discret pincement à L4-L5.
[15] Le travailleur passe également une tomodensitométrie de la colonne lombaire afin d’éliminer une fracture vertébrale possiblement à L3. Les images sont prises de L2 à S1. Le radiologiste observe que la texture osseuse est passablement déminéralisée pour l’âge, mais qu’il n’y a pas de déformation ou perte de hauteur pouvant suggérer une fracture de fragilité associée. Il indique que les disques L2-L3 et L3-L4 sont d’aspect normal. Il note que les disques L4-L5 sont légèrement dégénérés, avec un léger amincissement et bombement circonférentiel à L4-L5 alors qu’à L5-S1, il y a des phénomènes de vacuum dans le disque. Toutefois, il ne note pas de hernie discale à ces deux niveaux. Il indique que le diamètre du canal rachidien est adéquat ainsi et que les facettes articulaires et les articulations sacro-iliaques supérieures sont normales. Il ajoute qu’une ostéodensitométrie est recommandée pour éliminer la possibilité d’une ostéoporose.
[16] Le 11 juillet 2007, le travailleur est vu par le docteur Gauthier qui retient le diagnostic de contusion lombaire. Il prescrit une radiographie ainsi qu’une scintigraphie osseuse afin d’éliminer une fracture.
[17] Le 13 juillet 2007, le travailleur passe un examen par scintigraphie osseuse. On ne dispose pas du rapport au dossier, mais le docteur Giasson qui examinera subséquemment le travailleur à la demande de l’employeur, rapporte les observations du médecin qui a procédé à cet examen. Ce médecin a observé une hyper-concentration significative linéaire au regard de L1 qui pourrait être reliée à un écrasement vertébral relativement récent. Il voit également une légère atteinte au niveau du coccyx distal probablement d’origine traumatique également.
[18] Le 17 juillet 2007, le travailleur est examiné par le docteur Giasson, à la demande de l’employeur. Il rapporte que, lors de l’événement, en descendant d’une échelle d’un wagon, le travailleur a manqué le dernier barreau. Il a perdu l’équilibre et est tombé lourdement sur le côté droit, avant de rouler sur le dos. Il rappelle que, initialement, un examen par tomodensitométrie a été effectué pour éliminer une fracture à L3 et n’a pas révélé une telle lésion. Cependant, il mentionne que cet examen a permis de mettre en évidence un aspect légèrement dégénératif des disques L4-L5 et L5-S1 ainsi qu’une déminéralisation. Le diagnostic de lombalgie a donc été retenu et dans un contexte de contusion lombaire, une scintigraphie osseuse a été prescrite pour éliminer la présence d’une fracture.
[19] Le docteur Giasson rapporte que le travailleur est toujours gêné par une douleur au niveau du flanc droit qui est augmentée par les gestes brusques ou à la suite d’efforts ainsi qu’à la manœuvre de « Valsalva ». À l’examen, il note que tous les mouvements du rachis lombaire sont limités, mais qu’au plan neurologique, tout est normal. Il conclut au diagnostic de fracture par écrasement vertébral de L1 chez un individu atteint d’une ostéoporose. Il est d’avis que la lésion n’est pas consolidée et suggère une consultation en orthopédie.
[20] Dans un avis complémentaire, le docteur Giasson indique que la condition ostéoporotique pourrait être invoquée comme condition personnelle ayant joué un rôle déterminant dans l’apparition de la lésion professionnelle. Il précise qu’une fracture de L1 se consolide normalement dans un délai de six semaines. De plus, il indique qu’un déficit anatomo-physiologique de 2 % est prévu au barème pour une fracture de moins de 25 % du corps vertébral.
[21] Le 18 juillet 2007, le travailleur passe une radiographie, à la demande de l’employeur. Le radiologiste observe une ancienne fracture du corps vertébral de L1 avec perte de hauteur de 40 % environ affectant principalement la moitié droite. Il observe également une légère diminution de la hauteur du disque D12-L1 compatible avec une discopathie à ce niveau. Il ajoute que le travailleur présente également des signes de discopathie L2-L3 et L4-L5 avec une légère diminution de la hauteur des deux disques. Il fait état d’ostéophytose marginale multi-étagée légère à modérée un peu plus proéminente du côté droit du disque L4-L5.
[22] Selon les notes évolutives au dossier, la CSST rend une décision par laquelle elle reconnaît que le travailleur a subi une lésion professionnelle sous forme d’une contusion lombaire.
[23] Le 15 août 2007, le travailleur revoit le docteur Gauthier qui retient le diagnostic d’entorse lombaire et de fracture L1 ainsi qu’au coccyx. Il prescrit des traitements d’ergothérapie.
[24] Le 12 septembre 2007, le travailleur est examiné de nouveau par le docteur Giasson, à la demande de l’employeur. Il rapporte que le travailleur reçoit des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie et qu’il a noté une amélioration plus que significative. Cependant, le travailleur allègue se fatiguer en position statique et manquer de résistance. Il a de la difficulté à marcher plus d’un demi-mille alors qu’il était antérieurement un grand marcheur .
[25] À l’examen, le docteur Giasson note que le travailleur présente de légères limitations d’amplitudes articulaires aux mouvements de flexion antérieure et d’extension de la colonne lombaire, mais son examen neurologique est normal. Il est d’avis que le traitement conservateur doit se poursuivre.
[26] Le 3 octobre 2007, le docteur Gauthier remplit un rapport complémentaire afin de commenter l’expertise du docteur Giasson. Il indique qu’il est d’accord avec la nécessité de poursuivre l’approche thérapeutique conservatrice étant donné que la lésion n’est pas consolidée.
[27] Le 24 octobre 2007, le docteur Gauthier indique que le travailleur doit poursuivre les traitements d’ergothérapie. Le 19 décembre 2007, il remplit un rapport médical final consolidant la lésion avec persistance d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[28] Le 19 décembre 2007, le docteur Gauthier produit le rapport d’évaluation médicale en relation avec les diagnostics de fracture L1 et d’entorse lombaire. Il rapporte que le travailleur allègue une lombalgie persistante qui est particulièrement importante lorsqu’il demeure assis de façon prolongée ainsi qu’une difficulté à se pencher. En guise d’antécédent, il retient notamment que le travailleur a présenté une hernie discale lombaire en 2003.
[29] À l’examen, le docteur Gauthier note que la palpation de l’épineuse L1 est particulièrement sensible et qu’il y a une légère sensibilité au niveau du segment L3-L4. Les amplitudes articulaires sont également limitées pour plusieurs mouvements du rachis lombaire, mais l’examen neurologique est normal. Aux examens paracliniques, il retient que, celui par scintigraphie osseuse a montré un écrasement vertébral relativement récent à L1 et une légère atteinte au niveau du coccyx distal probablement d’origine traumatique et que la radiographie du 3 juillet 2007 a montré une scoliose à convexité droite et un pincement à L4-L5.
[30] Il conclut que, à la suite de la lésion professionnelle du 4 juillet 2007, le travailleur demeure avec une lombalgie résiduelle et une légère incapacité fonctionnelle. En outre, il est d’avis d’accorder un déficit anatomo-physiologique de 4 % pour une entorse lombaire et pour une fracture de L1. Il reconnaît également des limitations fonctionnelles d’éviter : de manipuler fréquemment des charges excédant 10 kg; de travailler en position accroupie ou en position de flexion antérieure; de demeurer dans une position statique prolongée, surtout assise; de subir des vibrations de basses fréquences puis des contrecoups à la colonne vertébrale et des mouvements répétés de flexion, d’extension ou de rotation du tronc.
[31] Dans le cadre d’un rapport complémentaire daté du 16 janvier 2008, le docteur Gauthier précise qu’il n’y a pas de traitement nécessaire après la consolidation de la lésion. De plus, il ajoute que, relativement au déficit anatomo-physiologique, la radiographie du 4 juillet ne montre pas d’écrasement et que l’examen par tomodensitométrie commençait à L2. Il précise que le rapport de radiographie de « Médicys », soit celui du 18 juillet 2007, ne lui pas été fourni et que, s’il y a un écrasement de 40 %, le déficit anatomo-physiologique devrait être de 4 % et non de 2 %.
[32] À la note évolutive du 22 janvier 2008, le médecin-conseil de la CSST note que, même si le rapport d’évaluation médicale est produit, la CSST ne s’est jamais prononcée sur l’admissibilité du diagnostic de fracture de L1. Il estime que ce diagnostic est en relation avec l’accident du travail, étant donné l’événement accidentel et le fait que ce diagnostic ait été présent depuis le début dans le dossier.
[33] Le 29 janvier 2008, l’agente de la CSST communique avec le travailleur pour obtenir des renseignements supplémentaires concernant l’événement. Elle rapporte que, lors de l’événement, un barreau était manquant et que le travailleur a perdu pied et a fait une chute sur le dos d’une hauteur de plus de cinq pieds. Le travailleur lui indique qu’il avait le dos fragile avant l’événement.
[34] Le 31 janvier 2008, la CSST rend deux décisions par lesquelles elle accepte la relation entre le diagnostic de fracture vertébrale L1 et l’accident du travail du 4 juillet 2007 et conclut que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné qu’il conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique de 4,4 % en relation avec cette lésion.
[35]
Le 31 janvier 2008, l’employeur soumet également une demande de partage
de coût en vertu de l’article
« L3-L4 : pas de pincement significatif de l’espace intervertébral. Il y a un peu de spondylose vertébrale antérieure. Léger bombement discal qui n’entraîne pas de sténose spinale ou foraminale significatifve.
L4-L5 : importante projection ostéophytique du corps vertébral de façon latérale droite qui est associée avec un bombement discal diffus qui entraîne une sténose foraminale bilatérale. Également associée la présence d’une importante hernie extra-foraminale droite. L’ensemble de ces constatations pourrait entraîner une irritation de la racine L4 droite. Il en résulte également une légère sténose spinale qui est due à la fois au bombement discal et à une hypertrophie des ligaments jaunes. Légère arthrose facettaire bilatérale. À noter également qu’il y a une légère diminution de l’espace intervertébral à ce niveau.
L5-S1 : présence d’une petite hernie à large rayon de courbure, centrale et para-centrale droite qui s’accole au sac dural du côté droit, sans la comprimer de façon significative. Le disque s’accole à la racine S1 droite, à son émergence médullaire. Par ailleurs, ostéo-arthrose facettaire modérée bilatérale. » (sic)
[36] L’employeur soutient que le travailleur présente des déficiences physiques préexistantes au niveau lombaire, soit une scoliose en L1, une discopathie et une ostéophytose multi-étagées ainsi qu’une texture osseuse passablement déminéralisée pour l’âge du travailleur, qui dévient de la norme biomédicale. Il soutient, par ailleurs, que les déficiences préexistantes ont joué un rôle déterminant dans la survenance de la lésion ainsi que sur ses conséquences.
[37] Au mois de mars 2008, la CSST détermine un emploi convenable d’expéditeur de billettes que le travailleur a la capacité d’exercer à compter du 7 mars 2008. Cependant, dans les faits, le travailleur a pris sa retraite le 1er mars 2008.
[38] Le 29 août 2009, la CSST refuse la demande de partage de coût de l’employeur au motif que le handicap préexistant n’a pas joué un rôle déterminant dans la survenance de la lésion et sur ses conséquences. La CSST confirme sa décision initiale à la suite d’une révision administrative, d’où le présent appel. La réviseure considère que les circonstances entourant le fait accidentel, soit de faire une chute au sol, sont compatibles avec le mécanisme de production de la lésion professionnelle et que le fait accidentel est suffisant pour entraîner la lésion. Par ailleurs, elle retient que la durée réelle de consolidation est de 168 jours ce qui est inférieur à la durée maximale de consolidation reconnue pour ce type de lésion, soit 182 jours, pour une fracture vertébrale. Ainsi, elle retient que la preuve ne démontre pas que le handicap préexistant a prolongé de façon appréciable la consolidation de la lésion.
[39] À la fin de l’audience, la Commission des lésions professionnelles a requis le dépôt du dossier CSST portant le numéro 125043984, l’employeur n’ayant déposé que la demande de partage de coût de l’employeur et la décision de la CSST accordant le partage. Essentiellement, il ressort de ce dossier qu’au mois de septembre 1983, le travailleur a subi un accident du travail lorsqu’en enjambant une barre d’attache d’un wagon, il dépose son pied au sol qui glisse sur le rail, le travailleur ressent alors une douleur au bas du dos du côté droit. Le diagnostic initialement retenu est celui d’entorse lombaire avec sciatalgie, mais s’ajoute éventuellement celui de hernie discale L5-S1. La question du diagnostic est soumise au Bureau d’évaluation médicale qui retient finalement le diagnostic d’entorse lombaire sur discarthrose lombaire. La preuve démontre que la lésion a évolué favorablement, la sciatalgie droite ayant complètement disparu. La lésion est finalement consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.
[40] Dans le présent dossier, il ressort de la décision initiale et dans celle faisant suite à une révision administrative que la CSST semble prendre pour acquis que le travailleur soit atteint d’une déficience préexistante. Sans vraiment préciser en quoi consiste cette déficience, elle conclut que le handicap antérieur n’a pas joué un rôle déterminant sur la survenance de la lésion ou sur ses conséquences.
[41] L’employeur invoque essentiellement que le travailleur est atteint de deux déficiences préexistantes, soit une discopathie multi-étagée incluant une hernie discale à L4-L5 observée à l’examen par tomodensitométrie du 3 octobre 2003, ainsi qu’une ostéoporose.
[42] D’abord, au regard de la discopathie multi-étagée et de la hernie discale L4-L5. Tel que l’affirme l’avocate de la CSST, il est vrai que, le rapport d’examen par tomodensitométrie, daté du 4 juillet 2007, ne révèle pas le même niveau de discopathie dégénérative que lors de l’examen passé le 3 octobre 2003. Cette différence s’explique probablement par le fait que, en 2007, cet examen est demandé spécifiquement pour éliminer une fracture vertébrale, ce qui amène vraisemblablement le radiologiste à donner moins de détails concernant la discopathie dégénérative. La Commission des lésions professionnelles estime que même si des symptômes relatifs à une hernie discale peuvent s’améliorer et s’estomper avec le temps et les traitements, il n’en demeure pas moins, que de façon plausible, la discopathie dégénérative observée en 1983 est toujours présente.
[43] Ainsi, la preuve prépondérante démontre que le travailleur présente une discopathie dégénérative au niveau lombaire surtout à L4-L5 puisqu’il est question d’une importante projection ostéophytique du corps vertébral associée à un bombement discal qui entraîne une sténose foraminale bilatérale. Il est également fait état d’une hernie discale extraforaminal pouvant entraîner une irritation de la racine L4 droite ainsi qu’une sténose spinale due au bombement discal et à une hypertrophie des ligaments jaunes. Quoique la preuve soumise par l’employeur ne soit pas très élaborée pour démontrer que cette condition constitue une déficience préexistante, étant donné la description d’une importante projection ostéophytique, d’une hernie discale à L4-L5 et d’une sténose foraminale et spinale à ce niveau, la Commission des lésions professionnelles retient qu’il s’agit d’une altération physiologique qui correspond à une déviation de la norme biomédicale même pour un homme âgé de 63 ans. D’ailleurs, tant dans le dossier CSST (125043984) que dans le présent dossier, la CSST semble prendre pour acquis que le travailleur soit atteint d’une déficience préexistante, à cet égard.
[44] D’autre part, concernant l’ostéoporose, tel que l’affirme l’avocate de la CSST dans le cadre de son argumentation, selon la preuve soumise, ce diagnostic n’a pas été confirmé par les examens paracliniques. Cependant, la Commission des lésions professionnelles retient de l’observation du radiologiste ayant procédé à l’examen par tomodensitométrie que la texture osseuse est passablement déminéralisée pour l’âge du travailleur. Le tribunal estime que si la texture osseuse est déminéralisée pour les niveaux de L2 à S1, c’est vraisemblablement le cas aussi pour les autres niveaux incluant L1. Conséquemment, étant donné les observations du radiologiste, la Commission des lésions professionnelles conclut que cette condition constitue une altération physiologique présente avant l’événement qui correspond à une déviation par rapport à la norme biomédicale.
[45] Cependant, la Commission des lésions professionnelles retient de la preuve prépondérante que ces deux déficiences préexistantes n’ont pas joué un rôle déterminant sur la production de la lésion ni sur ses conséquences.
[46] D’abord, le fait accidentel est suffisant en soi pour avoir entraîné le diagnostic de contusion et d’entorse lombaire ainsi que de fracture à la vertèbre L1. En effet, le tribunal retient que le travailleur a fait une chute d’une hauteur de cinq pieds environ et qu’il a atterri lourdement sur le côté droit avant de rouler sur le dos. Dans le cadre de son argumentation, la représentante de l’employeur tente de minimiser l’importance de cette chute en précisant que le travailleur est tombé du dernier barreau de l’échelle, et que le diagnostic qui a été initialement retenu est celui de lombalgie. Cependant, la preuve démontre que le travailleur a tout de même eu un impact direct en tombant lourdement sur le côté droit, d’une hauteur de cinq pieds, qu’il n’a pu se relever seul après sa chute et qu’il a été transporté en ambulance. De plus, dès la première consultation médicale, le médecin lui fait passer plusieurs radiographies ainsi qu’une tomodensitométrie au niveau lombaire pour éliminer la présence d’une fracture qu’il pensait alors située au niveau L3. Cependant, comme cet examen n’incluait pas le niveau L1, c’est plus tard que le diagnostic de fracture a pu être confirmé à ce niveau lors de l’examen par scintigraphie osseuse, ce diagnostic étant tout à fait compatible avec les symptômes présentés par le travailleur depuis sa chute.
[47] Par ailleurs, concernant la discopathie dégénérative multi-étagée, la preuve médicale soumise ne démontre aucunement en quoi elle a pu jouer un rôle dans la production de la lésion professionnelle. En outre, le docteur Giasson, qui examine le travailleur à la demande de l’employeur, ne fait aucun commentaire à cet égard. De fait, il ne retient même pas le diagnostic d’entorse lombaire et ne pose que celui de fracture L1 pour lequel il suggère qu’il pourrait être possible d’invoquer la condition ostéoporotique comme condition personnelle ayant joué un rôle déterminant dans l’apparition de la lésion.
[48] Or, à cet égard, la Commission des lésions professionnelles retient que les examens cliniques dont elle dispose n’ont pas confirmé comme tel que le travailleur souffrait d’ostéoporose. De surcroît, il ressort des résultats des examens radiologiques passés le 4 juillet 2007 que, même si la texture osseuse est passablement déminéralisée pour l’âge, il reste qu’il n’y a pas de déformation ou perte de hauteur pouvant suggérer une fracture de fragilité associée.
[49] D’autre part, l’examen par scintigraphie osseuse passé le 13 juillet 2007 confirme la présence d’une fracture par écrasement à L1 relativement récent. Ultérieurement, la radiographie passée par le travailleur à la demande de l’employeur, le 18 juillet 2007, fera état d’une ancienne fracture du corps vertébral de L1 avec une perte de hauteur de 40 % du côté droit. Cependant, la preuve ne démontre pas si le mot « ancienne » signifie avant ou après l’accident du travail. De plus, il ressort de la preuve prépondérante que le travailleur n’avait vraisemblablement pas de symptômes au niveau de L1, avant l’accident du travail, et que après avoir atterri sur le côté droit lors de sa chute, les symptômes sont bien localisés à cet endroit, après l’accident du travail.
[50] Ainsi, étant donné la preuve médicale et le fait que l’accident du travail pouvait entraîner à lui seul une fracture à L1, la Commission des lésions professionnelles n’est pas convaincue que la déminéralisation de la texture osseuse a pu jouer un rôle déterminant dans la survenance de la lésion.
[51] Elle ne peut non plus conclure que les déficiences préexistantes ont joué un rôle déterminant sur les conséquences de la lésion. D’abord, le docteur Giasson n’a fait aucun commentaire à cet égard.
[52] De plus, la preuve prépondérante démontre que le suivi médical et les traitements reçus sous forme de physiothérapie et d’ergothérapie sont justifiés par les diagnostics retenus en relation avec la lésion professionnelle. En outre, lors de son premier examen médical, le docteur Giasson rapporte que le travailleur est surtout gêné par une douleur au flanc droit qui est augmentée par la mobilisation brusque à la suite d’efforts. De plus, dans le cadre du rapport d’évaluation médicale, le docteur Gauthier rapporte que la palpation de l’épineuse L1 est particulièrement sensible. Les deux médecins constatent des limitations de mouvements du rachis lombaire qui sont tout à fait compatibles avec les diagnostics retenus et qui justifient à eux seuls la reconnaissance d’une atteinte permanente et de limitations fonctionnelles.
[53] Le docteur Giasson affirme qu’une fracture de L1 se consolide normalement en six semaines, mais il n’appuie son affirmation sur aucune littérature médicale. Or, six semaines, c’est généralement la consolidation moyenne retenue pour une entorse lombaire. Or, dans le présent cas, le diagnostic retenu est une fracture vertébrale qui est une blessure plus grave qu’une entorse lombaire. Ainsi, en l’absence d’une preuve médicale de l’employeur plus élaborée sur la question, la Commission des lésions professionnelles ne considère pas excessive une période de consolidation de 168 jours pour une fracture vertébrale.
[54] En terminant, l’employeur a soumis comme jurisprudence quatre décisions où la Commission des lésions professionnelles a accordé des partages de coût dans des cas où les travailleurs étaient atteints d’ostéoporose. Or, il s’agit de cas très différents du présent dossier. En outre, dans trois de ces décisions[6], les événements décrits n’impliquent pas d’impact direct à la colonne vertébrale, mais impliquent plutôt des mouvements de flexion antérieure ou de torsion de la colonne lombaire avec ou sans charge, qui ne sont aucunement susceptibles d’entraîner une fracture vertébrale invitant d’emblée à conclure que l’ostéoporose a joué un rôle déterminant dans l’apparition des fractures vertébrales.
[55] Par ailleurs, dans l’affaire Décarie Chevrolet Oldsmobile ltée[7], le fait accidentel a impliqué un impact direct à la colonne vertébrale. D’ailleurs, dans cette affaire, la Commission des lésions professionnelles ne retient pas que l’ostéoporose a joué un rôle déterminant dans la production de la lésion. Preuve à l’appui, elle retient plutôt que cette déficience a joué un rôle déterminant sur les conséquences de la lésion. De fait, dans cette cause, la preuve démontre que le travailleur a dû subir une vertébroplastie et que la lésion a été consolidée quatre ans seulement après l’accident du travail, ce qui est très différent de l’évolution du présent cas.
[56]
Ainsi, pour toutes ces raisons, la preuve soumise ne permet pas de
conclure à la présence d’un handicap antérieure et l’employeur ne peut
bénéficier d’un partage de coût en vertu de l’article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de Arcelor Mittal, l’employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 novembre 2008, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que l’employeur doit assumer la totalité du coût des prestations reliées à la lésion professionnelle subie par le travailleur, monsieur Julien Bourassa, le 4 juillet 2007.
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Monique Lamarre |
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Madame Nancy Evoy |
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SANTINEL INC. |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Isabel Sioui |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Municipalité Petite-Rivière St-François et CSST,
[3] Voir notamment Municipalité Petite-Rivière St-François et CSST, précitée note 3; Pneu National Chomedey inc., 299956-63-0610, 9 octobre 2007, P Prégent; Fondations Jacques Beaupré ltée, 318711-04-0705, 12 novembre 2007, S. Sénéchal; Centre Hospitalier Baie-des-Chaleurs, 226576-01C-0402, 10 novembre 2004; R. Arseneau.
[4] Précitée note 3.
[5] Hôpital général de Montréal,
[6] Shermag inc., 138906-04B-0005, 25 avril 2001, G. Marquis; Ville de Montréal (Arrondissement Montréal-Nord), 187945-71-0207, 14 janvier 2003, C. Racine; J. Mafor, 352616-02-0806, 24 avril 2009; Monique Lamarre.
[7] 354373-63-0807, 14 janvier 2009, M. Gauthier.