Décision

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                          COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE

                       LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

QUÉBEC                    MONTRÉAL, le 14 juin 1993

 

 

 

DISTRICT D'APPEL          DEVANT LA COMMISSAIRE:Joëlle L'Heureux

DE MONTRÉAL

 

RÉGION:                  

    LAURENTIDES

DOSSIER:

    47128-64-9301

DOSSIER CSST:             AUDIENCE TENUE LE:        12 mai 1993

    0900 44769

DOSSIER BRP:

    6106 7221

                          À:                               Montréal

                                                                            

 

 

 

                       VIA RAIL CANADA INC.

                          A/S Jean-Claude Dionne

                          2 Place Ville-Marie

                          Montréal (Québec)

H3C 3N3

 

 

                                   PARTIE APPELANTE

 

 

                          et

 

 

                       HERVÉ BISSON

369, Pie-XII, app. 3

                          Saint-Eustache (Québec)

                          J7P 1Y3

 

 

                                PARTIE INTÉRESSÉE


                 D É C I S I O N

 

Le 8 janvier 1993, Via Rail Canada Inc. (l'employeur) en appelle d'une décision rendue le 14 décembre 1992 par le bureau de révision de la région des Laurentides.

 

Par cette décision unanime, le bureau de révision maintient la décision rendue le 29 mai 1992 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission), accueille la plainte déposée par monsieur Hervé Bisson (le travailleur) en vertu de l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. ch. A-3.001) (la loi) et déclare que celui-ci a été victime de mesures disciplinaires pour avoir exercé un droit prévu à la loi.

 

OBJET DE L'APPEL

 

L'employeur demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) de rejeter la plainte logée par le travailleur en vertu de l'article 32 de la loi.

 

 

 

LES FAITS

 

Le travailleur est électricien pour l'employeur.  Le 4 février 1991,  vers 11 heures 30, le travailleur procède à défaire une valve.  De cette valve jaillit un jet d'huile qui éclabousse le travailleur, qui se repousse et se heurte le front sur un support de métal.  Le travailleur se rend immédiatement au bureau du contremaître et lui rapporte cet incident.

 

De l'ensemble des témoignages, la suite des événements se résume comme suit.  Le contremaître envoit le travailleur prendre une douche.  Les locaux réservés à cette fin sont situés à l'étage supérieur.  Le travailleur s'y rend seul.  Il retourne immédiatement après revoir le même contremaître et complète le rapport d'accident de l’entreprise  en présence du contremaître et de deux autres supérieurs.  Le rapport d'accident est signé à la section P (personnes présentes à l'analyse) par le travailleur, le contremaître (monsieur Lechasseur) et monsieur Antoine Lussier, qui serait un représentant du comité de santé et de sécurité.  Le travailleur ne se souvient pas de la présence de cette troisième personne.  Les deux autres supérieurs n'ont pas signé le rapport.

 

Cette rencontre pendant laquelle le rapport d'accident a été complété a duré, selon le témoignage non contredit du travailleur, de 30 à 45 minutes.  Le contremaître et les deux autres supérieurs ont alors avisé le travailleur qu'il devait se rendre à l'établissement de santé le plus rapproché, plus précisément à l'hôpital de Verdun ou au Royal-Victoria.  Des billets de taxi lui ont été remis à cette fin.  Le travailleur a refusé les billets de taxi et signifié qu'il se rendrait à l'établissement de santé de son choix.  A l’audience, le travailleur ne précise pas les motifs qui lui ont été donnés pour expliquer cette demande de se rendre à l'hôpital le plus rapproché.

 

Le travailleur quitte l'établissement par lui-même et est retardé car sa voiture avait subi du vandalisme dans le stationnement.  Il a finalement quitté le stationnement vers 14 heures ou 14 heures 30.  Il se rend chez lui pour se changer et consulte, la journée même de l'accident, le docteur Babineau à l'urgence de l'hôpital Ste-Eustache.  Ce médecin diagnostique une «brûlure par huile sous pression».  La preuve révèle que le travailleur avait aussi une échymose au front.  Une «Prescription d'assignation temporaire» de l'employeur est aussi complétée par le docteur Babineau, qui prévoit que le travailleur peut faire son travail régulier.  Le travailleur retourne à son travail régulier le lendemain.

 

De la preuve non contredite, le travailleur n'a pas reçu de premiers soins avant de quitter l'établissement.  Aucune infirmière ne travaille pour l'employeur.  Toutefois, il existe un local de premiers soins et des travailleurs sont identifiés comme secouristes afin de fournir les premiers soins sur les lieux du travail.  Aucun «Rapport du secouriste» n'a été complété à la suite de cet accident.

 

Une «Procédure d'accident du travail» est déposée par l'employeur.  Cette procédure est connue des contremaîtres et des superviseurs mais n'est pas distribuée aux travailleurs.  Elle se lit comme suit:

 

«1. Lorsqu'un accident survient sur les lieux du travail, un membre du personnel d'encadrement doit effectuer une enquête sur les lieux, avec l'employé(e) concerné(e), afin de déterminer les causes de l'accident.

 

2. Il doit, avec l'employé(e) concerné(e), remplir le rapport d'analyse d'accident, "Formulaire 2000 et 2001" et ce, en présence d'un représentant du Comité Santé & Sécurité.

 

3. Il doit faire signer le rapport ou formulaire 2001 à la section Q par le représentant du Comité Santé & Sécurité.

 

4. S'il y a lieu, le cadre responsable, enverra l'employé(e) accidenté(e) à l'hôpital pour subir un examen médical.

 

5. Il remettra à l'accidenté(e) deux billets de taxi, l'un pour aller et l'autre pour revenir au CMM.  Ces billets serviront à l'accidenté(e), afin qu'il (elle) se rende à l'hôpital le plus proche.

 

6. Le membre du personnel d'encadrement fournira aussi à l'accidenté(e), un formulaire intitulé "PRESCRIPTION D'ASSIGNATION TEMPORAIRE", afin que celui-ci (celle-ci) puisse le faire remplir par le médecin traitant.

 

7.  A sa sortie de l'hôpital, l'accidenté(e) se doit obligatoirement de revenir avec ses papiers et certificats médicaux au CMM, afin de les remettre au membre du personnel d'encadrement. (...)» (sic)

 

Messieurs Georges Cyr, responsable des relations du travail pour l'employeur, et Serge Rivest, agent de réclamations, précisent qu'en principe les premiers soins sont toujours assurés par les secouristes.  Cette étape, qui devrait apparaître à la procédure d'accident du travail, existe en pratique.  Ils confirment la procédure qui veut que le rapport d'enquête soit complété avant que le travailleur ne quitte l'établissement.  Ils expliquent que le travailleur doit se rendre à l'établissement de santé le plus rapproché afin de s'assurer qu'il recoive les premiers soins le plus rapidement possible.  L'employeur fournit alors le moyen de transport.  Le travailleur peut par la suite voir un médecin de son choix.  Cette procédure est générale et s'applique dans tous les cas d'accident du travail.

 

Le 18 février 1991, une mesure disciplinaire accompagnée de 15 points de pénalisation est déposée au dossier du travailleur pour ne pas s'être conformé aux directives de la compagnie.  Le travailleur confirme que lors de cette rencontre, on ne lui a pas reproché d'avoir subi un accident du travail, mais spécifiquement d'avoir désobéi à la directive de se rendre à l'hôpital le plus rapproché en quittant l'établissement.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

 

A la suite d'une plainte logée en vertu de l'article 32 de la loi, la Commission d'appel doit décider si le travailleur  s’est vu imposer une sanction parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice d'un droit que lui confère la loi.

 

32.  L’employeur ne peut congédier, suspendre ou déplacer un travailleur, exercer à son endroit des mesures discriminatoires ou de représailles ou lui imposer toute autre sanction parce qu’il a été victime d’une lésion professionnelle ou à cause de l’exercice d’un droit que lui confère la présente loi.

 

 

Le travailleur qui croit avoir été l’objet d’une sanction ou d’une mesure visée dans le premier alinéa peut, à son choix, recourir à la procédure de griefs prévue par la convention collective qui lui est applicable ou soumettre une plainte à la Commission conformément à l’article 253.

 

La preuve démontre que l'employeur a imposé au travailleur une mesure disciplinaire le 18 février 1991.  Une mesure disciplinaire constitue une sanction et se retrouve donc, à ce titre, visée par l'article 32 de la loi.  Lorsqu'il est établi que le travailleur a été l'objet d'une sanction, l'article 255 prévoit, dans certaines conditions, l'application d'une présomption.

 

255.  S'il est établi à la satisfaction de la Commission que le travailleur a été l'objet d'une sanction ou d'une mesure visée dans l'article 32 dans les six mois de la date où il a été victime d'une lésion professionnelle ou de la date où il a exercé un droit que lui confère la présente loi, il y a présomption en faveur du travailleur que la sanction lui a été imposée ou que la mesure a été prise contre lui parce qu'il a été victime d'une lésion professionnelle ou à cause de l'exercice de ce droit.

 

Dans ce cas, il incombe à l'employeur de prouver qu'il a pris cette sanction ou cette mesure à l'égard du travailleur pour une autre cause juste et suffisante.

 

Il est non contredit que le travailleur a subi un accident du travail le 4 février 1991 et qu'il a consulté le médecin de son choix le 4 février 1991.  La mesure disciplinaire imposée le 18 février 1991 l'a donc été dans les six mois de la date d'un accident du travail et aussi dans les six mois de la date de l'exercice d'un droit prévu par la loi, soit ceux prévus aux articles 192 et 193 de la loi.

 

192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.

 

193. Le travailleur a droit aux soins de l'établissement de santé de son choix.

 

Cependant, dans l'intérêt du travailleur, si la Commission estime que les soins requis par l'état de ce dernier ne sont pas disponibles dans un délai raisonnable dans l'établissement qu'il a choisi, ce travailleur peut, si le médecin qui en a charge est d'accord, se rendre dans l'établissement que lui indique la Commission pour y recevoir plus rapidement les soins requis.

 

En conséquence, la présomption de l'article 255 trouve application et l'employeur doit démontrer qu'il a imposé la mesure disciplinaire au travailleur pour une autre cause juste et suffisante.

 

L'employeur soumet que le travailleur a été réprimandé car il a contrevenu à une directive et non parce qu’il a subi un accident du travail.

 

De la preuve entendue, la Commission d'appel est convaincue que la mesure disciplinaire n'a pas été imposée parce que le travailleur a, comme tel, subi un accident du travail.  Il est amplement démontré que le travailleur a contrevenu à une directive de l’employeur et que ce geste lui a valu sa réprimande.  Toutefois, étant donné les faits du présent dossier, cette constatation ne suffit cependant pas à conclure que le travailleur n'a pas subi une mesure disciplinaire à cause de l'exercice d'un droit prévu par la loi.

 

L'employeur plaide que la plainte en vertu de l'article 32 n'est pas le bon moyen pour contester la validité d'une directive.  Comme il y a eu désobéissance à une directive, il a démontré une autre cause juste et suffisante à l'imposition d'une sanction.

 

Ce principe allégué par l'employeur, qui veut qu'une désobéissance à une directive lui donne la possibilité d'imposer une sanction, est certes correct.  La mesure ou le degré d'une sanction ainsi imposée ne doit pas non plus être analysé par la Commission d'appel, qui doit se limiter, dans le cadre d'une plainte soumise en vertu de l'article 32, à vérifier si la sanction a été imposée à la suite de l'exercice d'un droit prévu par la loi.

 

 

L'exercice d'un droit prévu à la loi et la désobéissance à une directive peuvent toutefois originer du même geste.  Dans un tel cas, si par l'exercice d'un droit prévu à la loi, le travailleur contrevient à la directive, la mesure disciplinaire imposée à la suite d'une contravention à cette directive devient une sanction à la suite de l'exercice d'un droit prévu à la loi, et contrevient donc à l'article 32 de la loi.  Ce principe est d’ailleurs confirmé par la décision de Millette et Hôpital Rivière des Prairies (1991) CALP 35, déposée par le représentant de l’employeur, dans laquelle le commissaire Laurent McCutcheon s’exprime comme suit:

 

«Rappelons d’abord que le travailleur s’est vu servir un avertissement non pas parce qu’il a subi une lésion professionnelle mais parce qu’il ne s’est pas conformé à une politique de l’employeur qui vise le comportement des travailleurs lors d’une lésion professionnelle.  C’est donc en raison de son refus de se présenter au service de santé contrairement à la politique qu’il a reçu un avertissement, ce qui ne contrevient pas aux dispositions de l’article 32 de la loi.

 

(...)

 

Or, en l’instance, la politique de l’employeur ne vise pas à faire examiner le travailleur par un professionnel de la santé. (...) L’infirmière n’a pas le mandat de traiter le travailleur, de poser un diagnostic ou de compléter les formulaires d’attestation médicales prévus par la loi.  Les fonctions dévolues au bureau de santé sont à l’avantage du travailleur, qui recevra les premiers soins avant d’être dirigé vers un professionnel de la santé.

 

De l’avis de la Commission d’appel, la politique de l’employeur qui oblige un travailleur à se présenter au bureau de santé lorsqu’il subit une lésion professionnelle avant de quitter le travail, sauf s’il s’agit d’une situation d’urgence, n’est pas contraire aux dispositions de la loi.

 

(...)

 

La Commission d’appel doit limiter le débat à la cause de la mesure prise par l’employeur contre le travailleur et s’assurer que, en l’instance, la politique de l’employeur ne contrevient pas aux dispositions de la loi, elle n’a pas à se prononcer sur la gestion de l’employeur, si ce n’est de s’assurer qu’elle ne contrevient pas aux dispositions de la loi.» (sic)

 

(les soulignés sont ajoutés)

 

La Commission d'appel doit donc, pour analyser la cause juste et suffisante invoquée par l’employeur, évaluer si la directive en cause contrevient à la loi.  L’employeur prétend qu’il fournissait ainsi les premiers secours au travailleur, et que les droits de celui-ci demeuraient intacts, car le travailleur pouvait par la suite consulter le médecin de son choix.  Pour appuyer cette distinction, l'employeur souligne les articles 190 et 209 de la loi.

 

190.  L'employeur doit immédiatement donner les premiers secours à un travailleur victime d'une lésion professionnelle dans son établissement et, s'il y a lieu, le faire transporter dans un établissement de santé, chez un professionnel de la santé ou à la résidence du travailleur, selon que le requiert son état.

 

Les frais de transport de ce travailleur sont assumés par son employeur qui les rembourse, le cas échéant, à la personne qui les a défrayés. (...)

 

209.  L'employeur peut exiger de son travailleur victime d'une lésion professionnelle que celui-ci se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'il désigne, mais il ne peut requérir plus d'un examen médical.

 

Cependant, lorsque le médecin qui a charge du travailleur a prévu que la lésion professionnelle de celui-ci ne serait pas consolidée dans les 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, l'employeur peut requérir au plus un examen médical par mois pour faire évaluer la date de la consolidation de cette lésion.

 

L’article 209, de l’avis de la Commission d’appel, n’est pas pertinent au litige.  Cette disposition permet à un employeur d’obliger un travailleur à se soumettre à un examen conduit par le médecin choisi par l’employeur.  Il ne s’agit pas ici de fournir des soins de quelque nature que ce soit au travailleur, et encore moins les premiers secours, mais bien de lui faire subir une expertise prévue dans le cadre de la procédure d’évaluation médicale.

L’article 190 prévoit pour sa part que l’employeur doit immédiatement donner les premiers secours à un travailleur.  Force est de constater, dans le présent cas, que les premiers secours n’ont pas été offerts au travailleur sur les lieux du travail. 

 

A la suite de cette obligation de fournir les premiers secours, la disposition prévoit que l’employeur doit faire transporter le travailleur, s’il y a lieu, dans un établissement de santé, chez un professionnel de la santé ou à sa résidence, selon que le requiert son état.  Il s’agit là de deux obligations séparées par la conjonction «et» dans le texte de la disposition.

 

Rien dans cette disposition ne vient altérer le droit du travailleur aux soins du professionnel de la santé de son choix (article 192) et aux soins de l’établissement de santé de son choix (article 193). 

La lecture de la directive permet d’ailleurs de constater qu’elle ne vise pas à assurer les premiers secours au travailleur.  Ces premiers secours, selon les témoins de l’employeur, sont en principe donnés par les secouristes à l’établissement.  La directive prévoit plutôt la tenue d’une enquête sur les circonstances entourant l’accident (paragraphes 1,2 et 3), pour ensuite envoyer le travailleur à l’hôpital le plus proche pour subir un examen médical (paragraphes 4 et 5).  Le travailleur doit y faire compléter un formulaire d’assignation temporaire par ce qui est qualifié de médecin traitant (paragraphe 6).  Finalement, à sa sortie de l'hôpital, le travailleur se doit obligatoirement de revenir avec ses papiers et certificats médicaux au "CMM", afin de les remettre au membre du personnel d'encadrement (paragraphe 7).

 

Ainsi, le formulaire d’assignation temporaire et le certificat médical émis à la suite de cette visite médicale, selon le texte de cette directive, ne proviennent pas du professionnel de la santé ou de l’établissement de santé du choix du travailleur.  La Commission d’appel ne peut donc retenir la prétention de l’employeur à l’effet qu’il assure ainsi les premiers secours conformément à l’article 190 de la loi. 

 

La directive contrevient aux articles 192 et 193 de la loi.  L’argument de l’employeur qui invoque que le travailleur peut par la suite consulter le médecin de son choix signifie peut-être que la directive ne contrevient pas de façon permanente aux droits du travailleur, mais ne fait pas en sorte qu’elle n’y contrevient pas à l’occasion de cette première visite médicale.

 

 

Comme l’a affirmé la Cour d’appel dans l’affaire de CSST et Duranceau, publiée à (1988) CALP 487:

 

«L’accidenté a le droit de recevoir l’assistance médicale nécessitée par son état; cette assistance médicale comprend, outre les soins médicaux, l’hospitalisation; si celle-ci est nécessaire, l’accidenté peut choisir celui des centres hospitaliers de la localité dans lequel il entend être traité.

 

L’accidenté a le libre choix absolu de son médecin traitant; (...)» (sic)

 

Le seul critère qui permette d’intervenir dans le choix du travailleur est celui de la disponibilité des soins dans un délai raisonnable en vertu du deuxième alinéa de l’article 193.  La Commission d’appel ne croit pas que cette question soit en cause dans le présent dossier.  Parrallèlement, les faits au dossier démontrent qu’il n’y avait aucune urgence justifiant le geste de l’employeur, celui-ci ayant par ailleurs envoyé le travailleur prendre une douche pour ensuite le retenir à l’établissement pendant plus de 30 minutes, aux seules fins de compléter le rapport d’accident.

 

Finalement, dans l’affaire de Centre Hospitalier des Laurentides et Dumoulin (1990) CALP 566, la Cour Supérieure a rappelé que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles est une loi d’ordre public et qu’elle prévaut sur toute convention collective ou entente.  La Cour supérieure y conclut que «si la convention collective ne répond pas aux exigences de cette loi, elle devra être amendée par la requérante et ses employés». 

 

Il ne s’agit pas dans le présent cas de l’application d’une clause d’une convention collective mais d’une directive de l’employeur.  En imposant une sanction au travailleur pour avoir contrevenu à cette directive, l’employeur a imposé une sanction à la suite de l’exercice par le travailleur d’un droit prévu à la loi.  La directive ne peut avoir préséance sur la loi qui est d’ordre public.  L’employeur n’a donc pas démontré une autre cause juste et suffisante et la plainte déposée par le travailleur doit être accueillie.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES,

 

REJETTE l'appel de l'employeur, Via Rail Canada Inc.;

 

CONFIRME la décision rendue le 14 décembre 1992 par le bureau de révision de la région des Laurentides;

 

 

ACCUEILLE la plainte déposée par monsieur Hervé Bisson (le travailleur) en vertu de l'article 32 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

 

ORDONNE à l’employeur, Via Rail Canada Inc., d’annuler la mesure disciplinaire émise à l’endroit de monsieur Hervé Bisson le 18 février 1991.

 

 

                       

Joëlle L'Heureux,

commissaire

 

 

 

 

Richard Brosseau

4565, de la Tesserie

Terrebonne (Québec)

J6X 1N8

 

 

Représentant de la partie intéressée

 

AVIS :
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