Décision

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Couture et Entreprises Labranche & Fils

2007 QCCLP 2351

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Rouyn-Noranda

13 avril 2007

 

Région :

Abitibi-Témiscamingue

 

Dossier :

303653-08-0611

 

Dossier CSST :

125676528

 

Commissaire :

Me Pierre Prégent

 

Membres :

Normand Ouimet, associations d’employeurs

 

André Cotten, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Jean-Guy Couture

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Entreprises Labranche & Fils (Les)

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 20 novembre 2006, monsieur Jean-Guy Couture, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 8 novembre 2006 à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision initialement rendue le 15 septembre 2006. Elle déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement du coût d’achat de son bois de chauffage pour l’hiver 2006-2007.

[3]                À l’audience tenue à Rouyn-Noranda le 9 mars 2007, le travailleur est présent et il n’est pas représenté. La CSST est représentée. Le représentant de l’employeur achemine une argumentation écrite le 7 mars 2007. Le dossier est pris en délibéré le 15 mars 2007 sur réception des documents requis du travailleur par la Commission des lésions professionnelles.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a droit au remboursement du coût d’achat de son bois de chauffage pour l’année 2006-2007.

LES FAITS

[5]                Le 19 février 2004, le travailleur subit un accident du travail alors qu’il exerce le métier de camionneur. En traversant de la cabine à la remorque de son camion, il chute.

[6]                Les diagnostics suivants sont retenus : entorse cervicale, tendinite avant-bras droit, tendinite du quadriceps du genou gauche et rupture de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite.

[7]                Le travailleur, qui a subi une reconstruction de l’épaule droite à l’été 2005, conserve une atteinte permanente à l'intégrité physique et les limitations fonctionnelles suivantes qui sont précisées le 21 février 2006 :

-          ne devrait pas avoir à faire un travail qui nécessite l’élévation ou l’abduction du membre supérieur droit au-dessus de la ceinture mammaire;

-          ne pourra travailler avec le membre supérieur droit en élévation antérieure soutenue sans qu’il soit appuyé;

-          il ne devrait pas avoir à faire des mouvements répétitifs avec le membre supérieur droit ou tirer des charges de façon fréquente qui dépasseraient une quinzaine de kilos;

-          ne devrait pas avoir à faire un travail qui nécessite de cogner ou frapper avec le membre supérieur droit.

 

[8]                Le travailleur est propriétaire d’une terre à bois depuis une dizaine d’années dans le canton de Joannès, circonscription foncière de Rouyn-Noranda.

[9]                Avant l’accident du travail survenu le 19 février 2004, le travailleur coupe son bois de chauffage sur sa terre à bois et le transporte à son domicile dans la municipalité de Destor qu’il habite jusqu’en 2003. À compter de l’été 2003, le travailleur se porte acquéreur d’une résidence en la municipalité de Ste-Germaine-Boulé.

[10]           Le travailleur déclare qu’il utilise entre 15 à 20 cordes de bois pour chauffer son domicile durant la saison froide. Il admet que, occasionnellement, il achète une à trois cordes de bois à prix réduit à des fournisseurs qu’il identifie spontanément lorsqu’il se déplace avec sa camionnette personnelle au moment de se rendre ou de revenir de la municipalité de Chazel où il stationne le camion-remorque qu’il conduit.

[11]           Selon les notes évolutives complétées par le personnel de la CSST, le travailleur donne l’impression qu’il achète plutôt tout son bois de chauffage à divers fournisseurs.

[12]           Le travailleur déclare qu’il coupait son bois de chauffage au printemps après la fonte des neiges. Il utilisait divers équipements qu’il possède pour se rendre en forêt, abattre les arbres, les couper en bûches et les transporter à son domicile. Ainsi, il utilisait un tracteur, un véhicule tout terrain, un traîneau à bois, une scie mécanique, une remorque et sa camionnette. Lors des activités de coupe notamment, il portait de vêtements sécuritaires. Il pouvait faire plus d’une dizaine de voyages pour transporter tout son bois.

[13]           Le travailleur déclare qu’il voyait lui-même à l’entretien et à garder en bon état de fonctionnement tous les équipements nécessaires à la coupe du bois de chauffage. Il admet également que le coût de production d’une corde de bois équivaut à 19,75 $ sans fournir plus d’explications.

[14]           Le travailleur déclare que, compte tenu des séquelles à son épaule droite, il ne peut plus couper, transporter et corder son bois de chauffage. Il a donc présenté une demande de remboursement du coût d’achat de son bois de chauffage pour l’année 2005-2006 à la CSST qui lui a été refusée et une seconde en 2006-2007 qui lui est refusée également.

[15]           Selon des factures datées du 15 juillet 2005 et du 1er juin 2006, le travailleur a payé, pour chacune de ces années, 975 $ pour quinze cordes de bois à 65 $ la corde.

 

[16]           Il ressort des éléments médicaux au dossier du travailleur que, au moment de la demande de remboursement du coût d’achat de bois de chauffage le 18 août 2005, la lésion professionnelle à l’épaule droite n’est pas consolidée et l’atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ainsi que les limitations fonctionnelles ne sont pas précisées.

L’AVIS DES MEMBRES

[17]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur répond aux conditions prévues à l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi). Il conserve des séquelles importantes de son accident du travail qui l’empêche de couper lui-même son bois de chauffage. Il a donc droit au remboursement du coût d’achat de son bois de chauffage sans déduction du coût de production estimé à 19,75 $ par corde de bois produite.

[18]           Pour sa part, le membre issu des associations d'employeurs est d’avis également que le travailleur répond aux conditions prévues à l’article 165 de la loi. Toutefois, le coût de production d’une corde de bois doit être déduit du coût payé par corde par le travailleur.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[19]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement du coût d’achat du bois de chauffage pour l’hiver 2006-2007.

[20]           Afin de disposer de l’objet de la contestation, la Commission des lésions professionnelles réfère aux dispositions suivantes de la loi :

1. La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

145. Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

 

[21]           La Commission des lésions professionnelles rappelle que l’objectif général de la loi est la réparation des lésions professionnelles et de leurs conséquences. Ainsi, un travailleur qui conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique a droit à la réadaptation en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

[22]           Au plan social, un travailleur qui conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente grave et qui est incapable d’effectuer les travaux d’entretien courant de son domicile, peut être remboursé des frais qu’il engage pour faire exécuter ces travaux. La loi impose une autre condition : normalement, il effectuerait lui-même les travaux concernés si ce n’était de sa lésion professionnelle.

[23]           La Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et la Commission des lésions professionnelles ont reconnu par le passé que les travaux relatifs à la coupe du bois de chauffage du domicile du travailleur s’apparentent à des travaux d’entretien courant du domicile.[2]

[24]           La Commission des lésions professionnelles a déjà retenu que, même si le système de chauffage au bois ne constitue pas le principal ou l’unique mode de chauffage du domicile du travailleur, il a droit au remboursement des frais concernant le bois de chauffage soit la coupe, le transport et le cordage. Il doit démontrer qu’il utilisait ce mode de chauffage avant la survenance de sa lésion professionnelle, qu’il est incapable de l’utiliser en raison de sa lésion professionnelle et qu’il ne s’agit pas d’une activité de loisir.[3]

[25]           Bien que le témoignage du travailleur souffre d’imprécisions, celui-ci ayant quelques troubles de mémoire, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure qu’il est de mauvaise foi.

[26]           Il n’est pas contredit que le travailleur est porteur de limitations fonctionnelles importantes. Ainsi, il ne peut faire un travail qui nécessite l’élévation ou l’abduction du membre supérieur droit au-dessus de la ceinture mammaire. Il ne peut cogner ou frapper avec son membre supérieur droit.

[27]           La Commission des lésions professionnelles considère que ces deux limitations fonctionnelles sont incompatibles avec les activités d’abattre des arbres, de les couper en bûches et de les fendre.

[28]           Il n’est pas démenti que le travailleur coupait et transportait lui-même son bois de chauffage avant son accident du travail. Bien que ses déclarations à la CSST laissent croire qu’il achetait tout son bois de petits fournisseurs, à raison de quelques cordes à la fois, le travailleur déclare devant la Commission des lésions professionnelles qu’il achetait d’une à trois cordes de bois de petits fournisseurs à chaque année. Cela n’a pas été contredit à l’audience. Il est possible que les déclarations du travailleur, qui ne sont pas toujours limpides et précises, aient laissé au personnel de la CSST une fausse impression qu’il achetait tout son bois. La Commission des lésions professionnelles accorde au travailleur le bénéfice du doute.

[29]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que, avant sa lésion professionnelle, le travailleur utilise entre 15 et 20 cordes de bois pour chauffer son domicile durant la saison froide. Sur ce nombre, il achète une à trois cordes à des petits fournisseurs.

[30]           De la preuve prépondérante, la Commission des lésions professionnelles retient ce qui suit :

-          le travailleur coupe en partie son bois de chauffage avant son accident du travail survenu en février 2004;

 

-          il estime qu’il lui en coûte 19,75 $ pour produire une corde de bois de chauffage;

-          il utilise environ 15 à 20 cordes de bois de chauffage annuellement ce qui ne peut être un chauffage d’appoint vu le nombre important de cordes de bois utilisées;

-          il conserve de sa lésion professionnelle une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique ainsi que des limitations fonctionnelles qui sont incompatibles avec les activités relatives à la coupe et au transport du bois de chauffage.

-          il a engagé des frais de 975 $ pour l’année 2006-2007 afin de se procureur 15 cordes de bois de chauffage à 65 $ l’unité.

[31]           La Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur répond aux conditions de l’article 165 de la loi et qu’il a droit en partie au remboursement du coût d’achat de son bois de chauffage pour l’année 2006-2007.

[32]           En effet, le travailleur a droit au remboursement des frais engagés pour se procureur environ 12 cordes de bois de chauffage qu’il coupait lui-même avant son accident du travail de 2004 puisqu’il en achetait régulièrement entre une et trois.

[33]           Le procureur de la CSST prétend qu’il faut déduire du coût d’achat d’une corde de bois les coûts relatifs à la production de celle-ci. Ainsi, les coûts d’achat des équipements amortis, les coûts d’entretien et de réparation, les coûts d’achat de l’huile, de la gazoline, etc., doivent être déduits du coût d’achat total. En effet, les travaux sont réalisés afin de produire un bien de consommation : le bois de chauffage.

[34]           S’il s’agit d’une façon de faire tirée d’une politique de la CSST, la Commission des lésions professionnelles rappelle qu’elle ne peut s’y sentir liée. Elle peut, si elle le juge à propos, s’en inspirer.

[35]           Les dispositions de l’article 165 de la loi sont explicites. S’il répond aux conditions qui y sont énoncées, le travailleur peut être remboursé des frais qu’il engage pour faire exécuter des travaux d’entretien courant de son domicile jusqu’à concurrence de 1 500 $ par année.

 

 

[36]           Le tribunal a déjà décidé que lors des travaux de peinture, réalisés à titre de travaux d’entretien courant du domicile, le coût des matériaux, soit la peinture, était à la charge du travailleur. En effet, l’article 165 de la loi ne prévoit pas le remboursement du coût des matériaux.[4]

[37]           C’est par analogie que le tribunal a reconnu que les travaux, réalisés pour produire du bois de chauffage, constituaient des travaux d’entretien courant du domicile.

[38]           Or, les dispositions de l’article 165 de la loi ne visent pas la production d’un bien de consommation même dans son sens le plus large. Elles visent plutôt le remboursement de frais engagés pour faire réaliser des travaux d’entretien courant du domicile.

[39]           Il apparaît incompatible avec l’esprit des dispositions de l’article 165 de la loi d’exclure les coûts de production du coût total d’une corde de bois facturé au travailleur de l’avis de la Commission des lésions professionnelles.

[40]           En effet, ce que les dispositions de l’article 165 autorisent, c’est de rembourser au travailleur des frais qu’il engage pour faire exécuter des travaux qu’il ne peut plus réaliser ou accomplir personnellement à cause des conséquences permanentes de sa lésion professionnelle.

[41]           Dans la présente affaire, le travailleur ne peut plus abattre les arbres, les couper en bûches et les manipuler pour les transporter et les corder à son domicile.

[42]           Lorsqu’il est remboursé du coût d’achat de son bois de chauffage, ce sont ces travaux, qui implicitement sont réalisés par quelqu’un d’autre, qui sont remboursés.

[43]           Puisque auparavant le travailleur bûchait son bois, le coupait, le fendait et l’empilait lui-même, la CSST doit lui rembourser le coût d’achat de son bois de chauffage, sans procéder à des déductions de frais de production, puisqu’il s’agit de l’activité qu’il est empêché de faire à cause des conséquences de sa lésion professionnelle.

 

[44]           En conséquence, la Commission des lésions professionnelles considère que le travailleur a droit au remboursement de douze cordes de bois de chauffage payées 65 $ l’unité soit 780 $.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Jean-Guy Couture déposée le 20 novembre 2006 à la suite d’une révision administrative;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 8 novembre 2006 à la suite d’une révision administrative :

DÉCLARE que le travailleur a droit à la somme de 780 $ pour le remboursement des coûts engagés pour faire exécuter les travaux d’entretien courant de son domicile pour l’année 2006-2007.

 

 

__________________________________

 

Me Pierre Prégent

 

Commissaire

 

 

 

Me Michel Sansfaçon

ASS. SAN. SEC. PÂTES ET PAPIER QC INC.

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Louis Cossette

PANNETON LESSARD

Représentant de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., chapitre A-3.001

[2]           Martel et Les entreprises G. St-Amand inc., 07955-03-8806, 90-10-26, B. Dufour, (J2-18-06); Alarie et Industries James MacLaren inc., [1995] C.A.L.P. 1233 (décision accueillant la requête en révision); Entr. Bon Conseil ltée et Bezeau, 57905-09-9412, 95-08-07, J.-M. Dubois; Lemieux et Ministère des Transports, 118805-02-9906, 00-03-06, P. Simard.

[3]          Pelletier et CSST, 145673-08-0008, 01-09-25, S. Lemire; Nevins et Abatteurs Jacques Élément, 156525-08-0103, 02-02-18, C. Bérubé.

 

[4]           St-Pierre et Legault & Touchette inc., 44225-60-9209, 94-05-20, L. Boucher, (J6-18-04); Castonguay et St-Bruno Nissan inc., 137426-62B-0005, 01-11-26, Alain Vaillancourt; Cyr et Thibault et Brunelle, 165507-71-0107, 02-02-25, L. Couture.

 

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