Dubé et Arneg Canada inc. |
2008 QCCLP 5027 |
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Dossier 328195-62A-0709
[1] Le 19 septembre 2007, monsieur Patrick Dubé (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 23 août 2007 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision du travailleur logée le 24 juillet 2007 à l’encontre de la décision initialement rendue le 24 mai 2007. Elle confirme en partie la décision du 4 juillet 2007 et déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 22 juin 2007 et qu’il n’a plus droit aux indemnités de remplacement du revenu à compter du 22 juin 2007.
[3] Le 11 janvier 2008, la Commission des lésions professionnelles rend une décision accueillant la requête du travailleur relativement à la recevabilité de sa demande de révision, infirmant en partie la décision de la CSST rendue le 23 août 2007 à la suite d’une révision administrative et déclarant recevable la demande de révision du travailleur du 24 juillet 2007.
Dossier 334820-62A-0712
[4] Le 7 décembre 2007, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la CSST le 14 novembre 2007 à la suite d’une révision administrative.
[5] Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale du 28 septembre 2007 et déclare que le travailleur n’a pas établi avoir subi de récidive, rechute ou aggravation le ou vers le 17 septembre 2007 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
[6] Une audience est tenue à Saint-Jean-sur-Richelieu le 3 juillet 2008 en présence du travailleur, de sa procureure et du représentant de l’employeur.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
Dossier 328195-62A-0709
[7] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il n’était pas capable d’exercer son emploi prélésionnel et qu’il a droit à la poursuite de l’indemnité de remplacement du revenu après le 22 juin 2007.
Dossier 334820-62A-0712
[8] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation en date du 17 septembre 2007 en lien avec la lésion professionnelle initiale du 10 juillet 2006.
L’AVIS DES MEMBRES
[9] Conformément aux dispositions de l’article 429.50 de la loi, la commissaire soussignée a demandé aux membres qui ont siégé auprès d’elle leur avis sur la question faisant l’objet de la présente contestation de même que les motifs au soutien de cet avis.
[10] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs partagent le même avis quant au dossier 328195-62A-0709. En effet, le rapport final du 22 juin 2007 par le docteur Blanchet a été produit sans examen du travailleur alors que ce médecin n’est plus celui qui a charge. On ne peut donc le considérer valide. En conséquence, il y a absence de date de consolidation valable dans le présent dossier. Le travailleur est donc présumé incapable d’effectuer les tâches de son emploi prélésionnel en application de l’article 46 de la loi. Le travailleur a donc droit à la poursuite de son indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce que la CSST fasse le suivi approprié du dossier pour obtenir une date de consolidation valide et un rapport d'évaluation médicale en bonne et due forme, s’il y a lieu.
[11] Quant au deuxième dossier, soit le dossier 334820-62A-0712, la membre issue des associations syndicales est d’avis que l’événement du 10 juillet 2006 a entraîné une lésion de Bankart et une fracture de Hill-Sachs comme le soutient le docteur Claude Lamarre. Selon elle, que le travailleur ait des antécédents de laxité ou non n’empêche pas que l’événement de juillet 2006 puisse avoir entraîné une aggravation des conditions du travailleur. De toute façon, elle est d’avis que le tribunal est lié à l’approche thérapeutique recommandée par le médecin qui a charge et que l’intervention chirurgicale découle des conséquences de la lésion professionnelle du 10 juillet 2006. Elle est d’avis d’accueillir la requête du travailleur.
[12] Compte tenu de son avis dans le dossier 328195-62A-0709, le membre issu des associations d'employeurs constate que la lésion professionnelle du 10 juillet 2006 n’est pas consolidée. En l’absence d’un processus d’évaluation auprès du Bureau d’évaluation médicale, il est d’avis que le tribunal est lié à l’approche thérapeutique recommandée par le médecin qui a charge du travailleur, soit l’intervention chirurgicale du 17 septembre 2007. Suivant l’avis de plusieurs médecins au dossier, incluant celui du médecin expert de l’employeur, l’intervention chirurgicale du 17 septembre 2007 est en lien avec la lésion professionnelle du 10 juillet 2006. Il est d’avis d’accueillir la requête du travailleur.
LES FAITS
[13] L’événement initial dans ce dossier remonte au 10 juillet 2006 alors qu’en soulevant un morceau de tôle, les deux bras en extension au-dessus de la tête, le travailleur s’accroche le pied gauche dans une palette au sol et perd un peu l’équilibre de sorte que la tôle bascule légèrement. Au même moment, le travailleur sent son épaule se luxer. La douleur est telle que le travailleur laisse tomber la tôle et tombe au sol.
[14] La tôle est en métal galvanisé et pèse de 20 à 25 livres. Le travailleur dit avoir replacé son épaule alors qu’il est au sol.
[15] Le travailleur déclare l’événement et quitte le travail. Il ne se rend pas à l’urgence parce qu’il n’y a plus de place. Il retourne chez lui et met de la glace et de la chaleur sur son épaule.
[16] Durant la nuit, son épaule se luxe et le travailleur doit la replacer de deux à trois reprises pendant la nuit. Le lendemain, il se présente à une clinique médicale et rencontre le docteur José Rivas.
[17] Le travailleur témoigne à l’effet qu’il se rappelle avoir expliqué les circonstances de son accident et des luxations nocturnes au docteur Rivas. Il nie avoir déclaré des antécédents de luxation. Pourtant, le docteur Rivas note bien dans ses notes manuscrites que le travailleur a manipulé une plaque d’acier, qu’il a deux antécédents de luxation à l’épaule droite et qu’il présente maintenant une nouvelle luxation. Il lui remet une demande de résonance magnétique. Il diagnostique une luxation récidivante à l’épaule droite.
[18] Le 8 août 2006, la CSST communique avec le travailleur dans le cadre de l’accès au régime. Aux notes évolutives, la CSST indique les commentaires du travailleur à l’effet qu’il aurait déjà eu un problème à l’épaule à l’âge de 12 ans et qu’il s’agit d’un problème récidivant. À l’audience, le travailleur nie avoir fait une telle déclaration à la CSST.
[19] Le 9 août 2006, la CSST accepte la lésion professionnelle de luxation à l’épaule droite. Cette décision n’est pas contestée.
[20] Le 25 août 2006, une résonance magnétique est interprétée par le radiologiste qui observe une déchirure de type Bankart du labrum antérieur-inférieur et d’un Bankart osseux discrètement déplacé. Il rapporte une légère fracture de type Hill-Sachs.
[21] Le 18 octobre 2006, le docteur Florent Blanchet, chirurgien orthopédiste, constate une hyperlaxité congénitale et une légère subluxation bilatérale au niveau gléno-huméral. Il diagnostique une lésion du Bankart osseux et labrale à l’épaule droite post-luxation. Il réfère le travailleur au docteur Viens, chirurgien orthopédiste, qui devient le médecin qui a charge du travailleur.
[22] Le travailleur ne reverra plus le docteur Florent Blanchet après cette date.
[23] Le 2 novembre 2006, la CSST accepte une récidive, rechute ou aggravation de la luxation à l’épaule droite.
[24] Le 8 novembre 2006, le docteur Viens diagnostique une lésion de Bankart à l’épaule droite sur une instabilité multidirectionnelle.
[25] Le 4 décembre 2006, le docteur Dandavino diagnostique une lésion en Bankart et une fracture du Hill-Sachs.
[26] Le 20 décembre 2006, le docteur Claude Lamarre procède à l’examen du travailleur à la demande de l’employeur. Il diagnostique une instabilité préexistante de l’épaule droite avec un phénomène de subluxation récidivante et une atteinte de Bankart et une lésion de Hill-Sachs, toutes ayant été aggravées par l’événement du 10 juillet 2006. Il juge la condition du travailleur non consolidée et prévoit des besoins chirurgicaux pour la lésion en Bankart.
[27] Le 26 février 2007, le travailleur retourne chez l’employeur en assignation temporaire.
[28] Le 24 avril 2007, le docteur Viens constate une aggravation de l’état du travailleur et lui prescrit un arrêt de travail.
[29] Le 24 mai 2007, la CSST décide que les diagnostics de Bankart et de Hill-Sachs ne sont pas en relation avec l’événement du 10 juillet 2006.
[30] Le 12 juin 2007, le docteur Lenis, médecin régional à la CSST, achemine une demande d’information médicale complémentaire écrite au docteur Viens.
[31] Toutefois, c’est le docteur Florent Blanchet qui répond à la lettre du docteur Lenis le 22 juin 2007 sous la forme de lettre et par l’émission d’un rapport médical final.
[32] Le tribunal comprend que le docteur Blanchet a fixé la date de consolidation de la lésion de récidive de luxation compte tenu des informations communiquées par le docteur Lenis dans sa demande d’informations médicales complémentaires écrites. De ce fait, le docteur Blanchet procède à l’émission d’un rapport final consolidant la lésion professionnelle au 22 juin 2007 de subluxation de l’épaule droite sur une lésion préexistante, le tout sans atteinte permanente et sans limitations fonctionnelles.
[33] Ainsi, dans sa lettre, il indique que le docteur Lenis mentionne que les lésions de luxation acceptées par la CSST en relation avec l’événement du 10 juillet 2006 résultent probablement du premier épisode de luxation survenu suite à un traumatisme non relié au travail, soit une condition personnelle. De plus, le docteur Blanchet s’appuie sur les résultats de l’arthro-résonance magnétique de l’épaule droite du 25 août 2006 pour conclure à l’impossibilité de déterminer si ces résultats démontrent une lésion ancienne ou récente et considérant l’affirmation du docteur Lenis à l’effet que ces lésions sont reliées à un traumatisme préexistant, le docteur Florent Blanchet consolide l’épisode de luxation à la date de sa lettre sans examen médical.
[34] C’est sur la foi de ce rapport médical final que la CSST rend une décision le 4 juillet 2007 déclarant que le travailleur est capable d’exercer son emploi prélésionnel depuis le 4 juillet 2007.
[35] Le 23 août 2007, la CSST rend une décision à la suite d’une révision administrative, conclut que la demande de révision du travailleur est produite hors délai, confirme en partie la décision du 4 juillet 2007, déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi depuis le 22 juin 2007 et qu’il n’a plus droit aux prestations prévues à la loi. C’est cette décision qui fait l’objet du présent litige.
[36] Dans les faits, le travailleur n’est jamais retourné à ses tâches régulières après sa récidive, rechute ou aggravation du 18 octobre 2006.
[37] Le 18 septembre 2007, le docteur Viens procède à une chirurgie sous scopie et diagnostique une fracture de Bankart osseuse significative, une instabilité antérieure secondaire, une lésion de Hill-Sachs et de l’arthrose gléno-humérale débutante.
[38] Lors de cette intervention, le docteur Viens constate que la lésion en Bankart est irréparable et que le travailleur présente une fracture en Hill-Sachs à 20 %, que ce dernier a un besoin d’une greffe osseuse et qu’il doit être référé en sur-spécialité. Il met fin à son intervention devant l’ampleur de la lésion et prévoit une autre intervention chirurgicale ouverte pour permettre une réparation efficace.
[39] Le 28 septembre 2007, la CSST refuse la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation survenue le 17 septembre 2007. Selon la CSST, il n’y a pas de lien entre la chirurgie du 18 septembre 2007, pour la lésion de Bankart et l’événement d’origine du 10 juillet 2006. Cette décision est contestée par le travailleur.
[40] Le 14 novembre 2007, la CSST en révision administrative maintient la décision du 28 septembre 2007. Il s’agit du deuxième litige dont le présent tribunal est saisi.
[41] Le 11 janvier 2008, la Commission des lésions professionnelles rend une décision relevant le travailleur du défaut d’avoir logé sa demande de révision administrative dans les délais impartis à la loi. Les parties sont, dès lors, reconvoquées sur le fond devant le présent tribunal.
[42] Le 22 avril 2008, le docteur Richard Lambert procède à l’examen du travailleur et produit un rapport d’expertise et des articles de doctrine tirés de l’ouvrage Pathologies médicales de l’appareil locomoteur[2]. Il conclut qu’il y a une relation entre les diagnostics de lésion de Bankart et de fracture de Hill-Sachs avec la luxation de l’épaule droite subie lors de l’accident du travail du 10 juillet 2006 et sa continuité évolutive du 18 octobre 2006 reconnue à titre de récidive, rechute ou aggravation. Il est d’avis que la chirurgie du 18 septembre 2007 est donc en relation avec l’événement initial puisqu’elle vise les conséquences de la luxation gléno-humérale déjà acceptée. Il est d’avis que la lésion du travailleur du 17 septembre 2007 est consolidée, mais que le travailleur est toujours en attente d’une chirurgie pour laquelle une période d’arrêt et une consolidation seront nécessaires.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[43] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur était capable de reprendre son emploi le 22 juin 2007. La Commission des lésions professionnelles doit également déterminer s’il a subi une lésion professionnelle le 17 septembre 2007 sous la forme d’une récidive, rechute ou aggravation ou si la chirurgie du 18 septembre 2007 découle des conséquences de la lésion professionnelle du 10 juillet 2006.
[44] À cet égard, le tribunal entend traiter de la validité du rapport final émis par le docteur Florent Blanchet le 22 juin 2007.
[45] De l’ensemble de la preuve, le tribunal retient que le rapport final du docteur Florent Blanchet n’est pas conforme à la loi de sorte que la CSST ne peut se baser sur ce document pour décider de la capacité de travail du travailleur.
[46] En effet, le docteur Florent Blanchet n’est pas le médecin qui a charge du travailleur ni le médecin à qui le travailleur est référé pour l’évaluation des séquelles fonctionnelles.
[47] Dans le présent dossier, le travailleur est suivi par le docteur Viens et c’est dans ce contexte que le docteur Lenis, médecin régional de la CSST, achemine une lettre à l’attention du docteur Viens, médecin qui a charge du travailleur.
[48] Outre le fait que le docteur Blanchet occupe un bureau dans la même clinique que celle du docteur Viens, le tribunal s’explique mal que le docteur Blanchet réponde au courrier du docteur Viens.
[49] De plus, non seulement le docteur Blanchet répond à une lettre du docteur Lenis adressée au docteur Viens, il procède à un acte médical soit la fixation d’une date de consolidation de la lésion professionnelle du travailleur le tout, sans même un examen médical. Lors de l’émission du rapport final ou du rapport d'évaluation médicale, le tribunal est d’avis que le médecin qui a charge doit s’assurer d’avoir en main toutes les informations pertinentes et nécessaires à l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles et de la date de consolidation de la lésion. Cet exercice est d’autant plus nécessaire que le travailleur ne peut contester l’avis de son médecin en vertu de la loi[3]. Cette nécessité d’un examen médical contemporain à la production d’un rapport final a été confirmée à maintes reprises par la jurisprudence[4].
[50] Dans le présent dossier, le docteur Blanchet n’est pas le médecin qui a charge et sans examen du travailleur, il ne possède pas tous les renseignements nécessaires à l’émission d’un rapport médical final.
[51] Le docteur Florent Blanchet ne pouvait pas agir ainsi. Cette façon de faire entraîne des conséquences importantes pour le travailleur, et ce, au détriment de ses droits.
[52] Ainsi, le tribunal est d’avis que le rapport final émis le 22 juin 2007 par le docteur Florent Blanchet est irrégulier. De ce fait, il n’a pas de caractère liant pour le présent tribunal.
[53] Le tribunal constate qu’il n’y a aucune date réelle de consolidation émise par un médecin qui a charge ou par un membre du Bureau d'évaluation médicale dans le présent dossier.
[54] Par ailleurs, l’expertise du docteur Richard Lambert ne peut être d’aucune utilité quant à la date de consolidation puisqu’il ne s’agit pas du médecin qui a charge, mais d’un expert mandaté par le travailleur. Il ne s’agit pas d’un avis liant au sens de l’article 224 de la loi.
[55] Le tribunal constate donc que la lésion du travailleur n’est pas valablement consolidée de sorte qu’il est prématuré de discuter de la capacité du travailleur à reprendre son emploi.
[56] Dans ce contexte, le tribunal se doit d’actualiser le dossier en vertu des pouvoirs qui lui sont dévolus à l’article 377 de la loi qui se lit comme suit :
377. La Commission des lésions professionnelles a le pouvoir de décider de toute question de droit ou de fait nécessaire à l'exercice de sa compétence.
Elle peut confirmer, modifier ou infirmer la décision, l'ordre ou l'ordonnance contesté et, s'il y a lieu, rendre la décision, l'ordre ou l'ordonnance qui, à son avis, aurait dû être rendu en premier lieu.
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1985, c. 6, a. 377; 1997, c. 27, a. 24.
[57] Il faut donc que le tribunal rende la décision qui aurait dû être rendue.
[58] Dans les faits, la preuve prépondérante médicale démontre que l’état du travailleur peut encore être amélioré. C’est ce qui ressort du protocole opératoire du docteur Viens du 18 septembre 2007. Lors de cette intervention, l’état de l’épaule du travailleur était tel que le docteur Viens a dû avorter la procédure pour envisager une chirurgie ouverte plus importante. Force est de constater qu’il y a encore place à amélioration si le médecin qui a charge du travailleur envisage une autre intervention chirurgicale.
[59] De plus, dans les faits, le travailleur n’est jamais retourné à ses tâches régulières depuis sa récidive, rechute ou aggravation du 18 octobre 2006 et est toujours en arrêt de travail depuis le 17 septembre 2007.
[60] Le tribunal est donc d’avis que la lésion du 18 octobre 2006 n’est toujours pas consolidée.
[61] Il reste la question de l’admissibilité de la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation survenue le ou vers le 17 septembre 2007. Il est utile de rappeler que la CSST a rendu une décision reconnaissant la lésion professionnelle initiale et que l’employeur n’a pas contesté l’admissibilité de cette lésion. La CSST a donc reconnu la luxation à titre de diagnostic en relation avec la lésion professionnelle du 10 juillet 2006. De plus, le travailleur a eu un épisode de récidive, rechute ou aggravation le 18 octobre 2006 accepté par la CSST et non contesté par l’employeur.
[62] Dans le présent dossier, le travailleur a présenté une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation survenue le ou vers le 17 septembre 2007 parce que le docteur Blanchet avait émis le rapport final fixant la date de consolidation de sa lésion professionnelle au 22 juin 2007. Il s’agit toutefois du rapport dont la validité est contestée.
[63] Le présent tribunal considère ledit rapport final comme étant non liant, la Commission des lésions professionnelles n’a donc pas à statuer relativement à l’admissibilité d’une récidive, rechute ou aggravation, mais uniquement sur la relation entre le traitement chirurgical du 18 septembre 2007 et la lésion professionnelle du 10 juillet 2006 puisque la lésion professionnelle n’est pas consolidée au moment de la chirurgie.
[64] Les diagnostics posés lors de la chirurgie du 18 septembre 2007 sont ceux de fracture de Bankart osseuse et de lésion de Hill-Sachs. Ces conditions entraînent une instabilité chronique au niveau de l’épaule et de l’arthrose gléno-humérale débutante.
[65] Est-ce que ces diagnostics de lésion de Bankart et de fracture de Hill-Sachs sont en relation avec l’événement?
[66] Suivant l’opinion des docteurs Lamarre et Lambert, ces pathologies résultent probablement des luxations subies par le travailleur lors de l’événement initial du 10 juillet 2006 et de la rechute d’octobre 2006. La littérature médicale déposée par le docteur Lambert explique que l’instabilité de l’articulation de l’épaule découle des luxations.
[67] Que le travailleur puisse avoir eu d’autres luxations dans le passé n’empêche pas que les lésions de Bankart et de Hill-Sachs puissent être des conditions préexistantes à l’événement du 10 juillet 2006 et qu’elles ont évolué vers une incapacité importante à la suite de cet événement initial. De fait, le traitement chirurgical a été rendu nécessaire en raison de cet événement initial.
[68] En outre, il n’est pas inutile de rappeler que la CSST est liée par l'avis du médecin qui a charge du travailleur sur la nature du traitement chirurgical prescrit et administré au travailleur dans le cadre de la lésion professionnelle toujours non consolidée, suivant l'article 224 de la loi.
224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 .
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1985, c. 6, a. 224; 1992, c. 11, a. 26.
[69] L'article 212 de la loi stipule d'autre part ce qui suit:
212. L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :
1° le diagnostic;
2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;
3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;
4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;
5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.
L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.
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1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.
[70] Les articles 204 et 206 de la loi prévoient également que la CSST peut contester les conclusions d'ordre médical du médecin qui a charge du travailleur.
204. La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.
La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .
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1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.
206. La Commission peut soumettre au Bureau d'évaluation médicale le rapport qu'elle a obtenu en vertu de l'article 204, même si ce rapport porte sur l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 sur lequel le médecin qui a charge du travailleur ne s'est pas prononcé.
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1985, c. 6, a. 206; 1992, c. 11, a. 13.
[71] Or, dans le cas sous étude, le docteur Claude Lamarre, médecin expert de l’employeur, est du même avis que le docteur Viens, médecin qui a charge, quant au diagnostic et à l’approche thérapeutique à préconiser dans le traitement de la lésion de Bankart et de fracture Hill-Sachs. Le docteur Lambert, médecin expert du travailleur, est aussi de cet avis. Tous trois sont d’opinion que le travailleur a besoin d’une chirurgie pour ces lésions. Il s’agit du seul traitement qui puisse améliorer l’état du travailleur.
[72] C’est cette chirurgie qui a eu lieu le 18 septembre 2007 par arthroscopie. Cette intervention a confirmé la lésion de Bankart et fracture de Hill-Sachs, mais a dû être avortée en raison de l’ampleur des pathologies. Selon le docteur Viens, une autre intervention chirurgicale ouverte doit être envisagée pour tenter de réparer cette lésion. C’est dans ce contexte que le travailleur a été référé au docteur David Baillargeon, chirurgien orthopédiste.
[73] Le rapport du docteur Lamarre, expert de l’employeur, n'a pas donné lieu à un avis contradictoire ni à une contestation d'ordre médical initiée par l'employeur. Il en est de même de la part de la CSST qui n'a pas désigné de médecin pour analyser la nécessité ou non de l'intervention chirurgicale prescrite par le médecin qui a charge du travailleur dans le cadre de la lésion professionnelle.
[74] Or, en l'absence de contestation médicale qui ait donné lieu à un avis du membre du Bureau d'évaluation médicale, l'avis du médecin qui a charge du travailleur demeure liant quant à la nécessité des chirurgies de l'épaule prescrites et administrées dans le cadre de la lésion professionnelle du 10 juillet 2006.
[75] Le tribunal est d’avis que les deux interventions chirurgicales, soit celle du 18 septembre 2007 et celle à venir, sont donc reliées aux conséquences de la lésion professionnelle du 10 juillet 2006.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE les contestations logées à la Commission des lésions professionnelles par monsieur Patrick Dubé, le travailleur;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 août 2007 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la lésion du 18 octobre 2006 subie par le travailleur n’est pas consolidée;
DÉCLARE que le travailleur n’est toujours pas capable d’exercer son emploi;
DÉCLARE que le travailleur a droit aux indemnités de remplacement du revenu après le 22 juin 2007;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 14 novembre 2007 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la chirurgie subie par le travailleur au niveau de l'épaule droite le 18 septembre 2007 s'inscrit à la suite des conséquences de la lésion professionnelle survenue le 10 juillet 2006 et que ce travailleur a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en conséquence.
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Claire Burdett |
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Commissaire |
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Me Marie-Anne Roiseux |
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C.S.D. |
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Représentante de la partie requérante |
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Gérald Corneau |
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GCO Santé et Sécurité inc. |
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Représentant de la partie intéressée |
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Me Leyka Borno |
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Panneton Lessard |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] L.R.Q., c. A-3.001
[2] Yves BERGERON, Luc FORTIN et Richard LECLAIRE, Pathologie médicale de l'appareil locomoteur, 2e éd., Saint-Hyacinthe, Edisem, Paris, Maloine, 2008, 1444 p.
[3] Bouchard et Nettoyage Docnet inc. [2003] C.L.P. 1240 ; Boudreau et Ministère des transports, 292495-09-0606, 28 juin 2007, J.-F. Clément.
[4] Brière et Vinyle Kaytec inc., C.L.P. 215828-62A-0309, 18 juin 2004, J. Landry; Cliche et Gicleurs Éclair inc., C.L.P. 248046-32-0411, 29 mars 2005, A. Tremblay.
AVIS :
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