Décision

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Hamel et Transformation BFL

2010 QCCLP 1254

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

12 février 2010

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossier :

376442-04-0904

 

Dossier CSST :

131099392

 

Commissaire :

Diane Lajoie, juge administratif

 

Membres :

Guy-Paul Hardy, associations d’employeurs

 

Serge Saint-Pierre, associations syndicales

 

______________________________________________________________________

 

 

Marc Hamel

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Transformation B.F.L.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 27 avril 2009, monsieur Marc Hamel (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 22 avril 2009, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme les deux décisions qu’elle a rendues initialement les 9 et 18 mars 2009. En conséquence, la CSST déclare que l’emploi de commis de dépanneur est un emploi convenable que le travailleur est capable d’occuper depuis le 9 mars 2009 et qui pourrait lui procurer un revenu annuel de 17 727,60 $. La CSST déclare de plus que le travailleur recevra l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 9 mars 2010, au plus tard. Enfin, la CSST déclare que l’indemnité réduite de remplacement du revenu à laquelle aura droit le travailleur est de 2 685,75 $ par année.

[3]                À l’audience tenue le 13 janvier 2010, le travailleur est absent, mais représenté par son représentant. Transformation B.F.L. (l’employeur) a avisé le tribunal de son absence à l’audience. La CSST, qui est dûment intervenue au dossier, est présente et représentée par sa procureure.

[4]                L’affaire est prise en délibéré le 13 janvier 2010.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]                Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que la CSST doit assumer, dans le cadre du plan de réadaptation, les coûts relatifs à l’obtention par le travailleur d’un permis de conduire de classe I.

LA PREUVE

[6]                Du dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles et de la preuve produite à l’audience, le tribunal retient les éléments suivants.

[7]                Le travailleur occupe un poste de désosseur chez l’employeur lorsque le 16 novembre 2006, il subit une maladie professionnelle, soit une ténosynovite de la gaine des fléchisseurs de l’annulaire et de l’auriculaire et une ténosynovite du majeur. Il est alors âgé de 19 ans.

[8]                La lésion professionnelle est consolidée le 12 décembre 2006, avec limitations fonctionnelles.

[9]                Un premier emploi convenable d’emballeur de produits frais et d’opérateur de la machine cryovac, chez l’employeur, est déterminé.

[10]           Une récidive, rechute ou aggravation du 16 janvier 2007 est reconnue par la CSST.

[11]           Le travailleur subit deux chirurgies les 23 janvier et 19 juin 2007. La lésion est consolidée, avec atteinte permanente et les limitations fonctionnelles suivantes sont reconnues au travailleur :

« Éviter des travaux répétitifs et des travaux demandant une force de préhension importante. Les limitations fonctionnelles peuvent être établies avec une force de préhension de 50 livres et les tâches répétitives soutenues devraient être évitées. »

 

 

[12]           Considérant les limitations fonctionnelles reconnues à la suite de la récidive, rechute ou aggravation, il est décidé que le travailleur n’est pas en mesure d’occuper l’emploi convenable déjà déterminé. Un nouvel emploi convenable doit donc être déterminé.

[13]           Il appert des notes évolutives du dossier que le travailleur a complété un quatrième secondaire. Il se dit prêt à obtenir une équivalence de cinquième secondaire. Il a de l’expérience de travail dans le terrassement, surtout avec de la machinerie, et comme commis dans un dépanneur.

[14]           Il appert des notes au dossier que le travailleur aimerait occuper un emploi de grutier, de chauffeur d’autobus de la ville ou d’opérateur de machinerie lourde.

[15]           Des fiches Repères sont remises au travailleur par l’agente de la CSST afin qu’il poursuive sa réflexion.

[16]           Après avoir pris connaissance des fiches concernant divers emplois, le travailleur élimine l’emploi de chauffeur pour le déneigement et grutier. Il trouve intéressant l’emploi de chauffeur d’équipement lourd, mais son premier choix s’arrête sur l’emploi de chauffeur d’autobus de la ville ou de voyageurs.

[17]           Après avoir fait certaines vérifications auprès de la Société de Transport de Trois-Rivières, l’agente de la CSST informe le travailleur que l’emploi de chauffeur d’autobus ne peut pas être retenu puisqu’il faut être âgé de 25 ans pour être embauché, alors que le travailleur n’est âgé que de 20 ans. Le travailleur répond à l’agente qu’il poursuivra donc sa réflexion.

[18]           Le travailleur se dit intéressé par un emploi de chauffeur d’engin de chantier. Il s’est même procuré de la documentation concernant la formation requise pour occuper ce type d’emploi. Cette formation dure 1 095 heures. Elle serait donnée à l’extérieur de la région, mais le travailleur se dit tout de même prêt à y participer.

[19]           Le travailleur se dit aussi intéressé par une formation en comptabilité (Diplôme d’études collégiales). Il reconnaît toutefois que cette avenue est moins réaliste puisqu’il n’a pas complété son cinquième secondaire et que la formation dure trois ans.

[20]           Interrogé par l’agente de la CSST à savoir pourquoi il est intéressé par un emploi d’opérateur d’équipement lourd, le travailleur répond qu’il est à la recherche d’un emploi qu’il aimera et qui lui procurera un salaire au moins équivalent à celui gagné chez l’employeur. De plus, il a déjà travaillé comme opérateur de machinerie et ce travail lui a plu. Il a pris des informations auprès de personnes œuvrant dans ce domaine concernant les horaires et le genre de travail et les informations reçues l’ont convaincu de son choix.

[21]           L’agente de la CSST explique à monsieur Hamel qu’elle doit faire quelques vérifications concernant la mise en place d’une mesure de réadaptation. Elle explique de plus au travailleur qu’advenant le cas où cette solution était retenue, il faudra prévoir un plan B qui s’appliquerait dans le cas où le travailleur ne réussit pas la formation. Pour l’instant, le travailleur n’est pas en mesure de proposer une deuxième solution, mais s’engage à y réfléchir.

[22]           L’agente de la CSST transmet au travailleur les informations obtenues auprès d’un représentant de l’École du routier. Le travailleur se dit très intéressé par cette formation et aimerait beaucoup pratiquer le métier d’opérateur d’engin de chantier. La tâche et le salaire l’intéressent. De plus, il se dit content d’apprendre que la formation se donne à Trois-Rivières. Il demeure par ailleurs ouvert à travailler à l’extérieur de la Mauricie.

[23]           Avant de retenir cette solution, l’agente de la CSST mentionne au travailleur qu’elle doit obtenir l’autorisation de sa supérieure pour la formation et vérifier qu’il n’y ait pas d’autres emplois convenables disponibles chez l’employeur.

[24]           Le 3 octobre 2008, après vérification et analyse, l’agente en vient à la conclusion que l’emploi convenable d’opérateur d’équipement lourd avec mesure de formation, soit un DEP[1] de conduite d’engins de chantier est la solution à retenir.

[25]           Il appert du dossier qu’encore une fois, le travailleur se dit « extrêmement intéressé et motivé par la formation ».

[26]           Il appert de plus de la fiche Repères que l’emploi d’opérateur d’équipement lourd exige d’avoir un champ visuel global, d’être capable de travailler principalement en position assise, d’avoir une bonne agilité physique, d’être capable de coordonner les mouvements de ses membres supérieurs et inférieurs, de soulever un poids d’environ 5 à 10 kilos, de coordonner la vue avec les mouvements des mains et des pieds et d’avoir de bons réflexes. Un DEP de conduite d’engins de chantier est exigé.

[27]           Le travailleur s’occupe donc de s’inscrire à l’École du routier et le début de la formation est prévu pour janvier 2009.

[28]           Dans l’attente, l’agente de la CSST, en collaboration avec le travailleur, doit déterminer un plan B. Une rencontre a lieu avec le travailleur à ce sujet le 16 octobre 2008. Il appert des notes de cette rencontre que le travailleur propose les emplois de commis de dépanneur et de livreur de mets préparés. Toutefois, l’emploi de livreur ne peut être retenu à cause des perspectives restreintes d’emploi dans la région.

[29]           Quant aux exigences physiques de l’emploi de commis de dépanneur, elles respectent les limitations fonctionnelles du travailleur. Ces exigences sont d’être capable de voir de près et de loin, de distinguer les couleurs, de communiquer verbalement, de travailler principalement debout et en marche, de coordonner les mouvements de ses membres supérieurs et de soulever un poids d’environ 5 à 10 kilos. De plus, le travailleur répond aux exigences de formation et les perspectives d’emploi dans la région sont acceptables. C’est donc cet emploi qui sera retenu comme plan B.

[30]           Le 17 octobre 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que l’emploi d’opérateur d’équipement lourd est un emploi convenable. Pour que le travailleur soit capable d’occuper cet emploi, la CSST met en place une mesure de réadaptation, soit une formation DEP en conduite d’engins de chantier. Cette décision n’a pas été contestée.

[31]           Le travailleur entreprend la formation à l’École du routier. Il appert du dossier qu’il échoue deux examens. Il est rencontré par les intervenants de l’école qui le sensibilisent à la chance qu’il a de se faire payer une telle formation par la CSST. Le travailleur, qui se dit toujours motivé, avoue qu’il ne croyait pas que la théorie serait aussi difficile. Il demande à refaire les deux examens échoués, mais pas en même temps, ce qui est accepté.

[32]           Le 9 mars 2009, le travailleur se présente à l’école et annonce qu’il abandonne la formation. Il dit qu’il a eu des douleurs à la main samedi et qu’il relie ces douleurs au fait d’avoir manipulé des manettes en début de semaine, dans le cadre de la formation. Il ne se présente pas à la reprise de l’examen.

[33]           Informée de cette situation par l’école, l’agente de la CSST tente de rejoindre le travailleur. Elle lui laisse un message l’informant qu’étant donné qu’il a abandonné la formation, le plan B doit être mis en place.

[34]           Lors d’un entretien avec l’agente de la CSST, un représentant de l’école émet des doutes sur le fait que le travailleur aurait manipulé des manettes avant d’avoir terminé la portion théorique de la formation.

[35]           Le 9 mars 2009, la CSST rend une décision faisant suite à l’abandon par le travailleur de la formation. En conséquence, et ce tel que convenu au préalable, l’emploi convenable retenu est celui de commis de dépanneur, sans mesure de réadaptation. La CSST déclare que le travailleur est capable d’occuper cet emploi à compter du 9 mars 2009, emploi qui pourrait lui procurer un revenu annuel de 17 727,60 $.

[36]           Le 18 mars 2009, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare que l’indemnité réduite de remplacement du revenu à laquelle a droit le travailleur est de 2 685,75 $ par année. Le versement de cette indemnité réduite débutera au plus tard le 9 mars 2010. Elle joint à cette décision le tableau de calcul de l’indemnité réduite de remplacement du revenu.

[37]           Les décisions des 9 et 18 mars 2009 sont confirmées le 22 avril 2009, à la suite d’une révision administrative, d’où le présent litige.

[38]           Madame Danielle Saint-Pierre témoigne à l’audience. Elle est à l’emploi de la CSST depuis 19 ans et occupe les fonctions de chef d’équipe en réadaptation depuis quatre ans. À ce titre, elle supervise les conseillers en réadaptation et autorise, avant que la décision ne soit rendue, les plans de réadaptation mis en place dans le cadre du processus intervenu entre un conseiller et un travailleur.

[39]           Concernant le cas particulier de monsieur Hamel, madame Saint-Pierre souligne que le travailleur était très jeune au moment de sa lésion professionnelle. Elle ajoute qu’il a très bien collaboré au processus de réadaptation. Elle souligne de plus qu’il est très rare que la CSST accepte d’assumer des coûts aussi importants pour une formation. Avant d’autoriser une telle mesure de réadaptation, la CSST doit se demander s’il s’agit d’un investissement à long terme, si cette formation permettra au travailleur de retourner au travail de façon durable. Une fois autorisé, ce genre de formation est suivi de très près par la CSST.

[40]           Madame Saint-Pierre a autorisé le contrat de services professionnels intervenu entre la CSST et l’École du routier, pour une formation DEP en conduite d’engins de chantier, du 12 janvier au 31 août 2009, pour un montant de 45 000 $ (I-1).

[41]           Madame Saint-Pierre explique que le travailleur a débuté la formation, d’abord théorique. Il a subi un premier échec, puis un deuxième. Il a réussi la première reprise, mais le jour même de la deuxième reprise, il a abandonné la formation. C’est dans ce contexte que le plan B a été mis en place.

[42]           Le témoin explique que l’élaboration d’un plan B fait partie intégrante du processus de réadaptation dans le cas où une formation est accordée. Dans le cas où la formation n’est pas terminée, peu importe la raison, le plan B est mis en place.

[43]           Madame Saint-Pierre souligne qu’il appert du dossier, qu’à trois reprises il a été question de ce plan B avec le travailleur à qui on a demandé ce qu’il envisageait comme deuxième solution. L’emploi de commis de dépanneur, déjà occupé par le travailleur, a été retenu avec son accord.

[44]           Selon madame Saint-Pierre, l’emploi de commis de dépanneur aurait tout aussi bien pu être retenu comme emploi convenable initial.

[45]           Madame Saint-Pierre note que, selon les notes du dossier, le travailleur s’est plaint de douleur à la main qu’il attribue à la manipulation de manettes dans le cadre de sa formation. Le témoin informe le tribunal que le travailleur a présenté une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation, laquelle a été refusée. Le travailleur a contesté ce refus, pour par la suite se désister de sa contestation.

[46]           Un rapport médical de la CSST daté du 26 mars 2009 est produit au dossier (T-1). Le docteur Dubois y retient un diagnostic de « séquelles 3e, 4e, 5e d d ». Il ajoute « ne peut faire cours où il utilise main d. réorienter dans un autre domaine ».

[47]           Questionnée à ce sujet par le représentant du travailleur, madame Saint-Pierre explique que le cour DEP dispensé par l’École du routier comprend une partie théorique et une partie pratique. À la suite de ce cours, le travailleur doit trouver un employeur qui lui garantit 150 heures de travail pour qu’il soit ensuite accrédité par la Commission de la construction du Québec et apte à travailler.

[48]           Selon madame Saint-Pierre, le permis de conduire classe I n’est pas obligatoire mais les détenteurs de ce permis peuvent en plus déplacer la machinerie d’un chantier à l’autre. Dans le cas du travailleur, le coût de la formation (45 000 $) n’incluait pas la formation pour l’obtention d’un permis de classe I. Elle témoigne qu’elle n’autorise pas d’emblée cette portion de la formation.

[49]           Au soutien de son témoignage, madame Saint-Pierre dépose le document I-2, qui provient de l’École du routier et concerne le programme Conduite d’engins de chantier, auquel était inscrit le travailleur.

[50]           Il appert de ce document que le cours est d’une durée de 1095 heures et coûte 45 000 $. Il est aussi indiqué :

« Une option permis classe I est fortement recommandée au montant de 1 705 $ pour transporter la machinerie et travailler sur le déneigement durant l’hiver. »

 

 

L’AVIS DES MEMBRES

[51]           Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs partagent le même avis et estiment que la requête du travailleur devrait être rejetée.

[52]           Les membres retiennent de la preuve que le plan de réadaptation mis en place par la CSST est conforme aux exigences et prescriptions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi). Ils retiennent de plus que le travailleur a collaboré à ce plan et s’est montré motivé et d’accord avec les décisions prises tout au long du processus, tant en ce qui concerne la détermination de l’emploi convenable d’opérateur d’engins de chantier, avec mesure de réadaptation, que l’emploi de commis de dépanneur. Les membres estiment de plus que l’obtention du permis de classe I ne fait pas partie du plan individualisé tel qu’adopté et qu’en conséquence, la CSST n’est pas tenue d’assumer les coûts reliés à la formation pour obtenir ce permis.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[53]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST doit payer au travailleur le coût de la formation associée à l’obtention d’un permis de conduire classe I.

[54]           Selon le représentant du travailleur, il était acquis que la formation en vue d’obtenir le permis de conduire classe I faisait partie du plan de réadaptation. Il soumet qu’avec un tel permis, le travailleur pourrait par exemple occuper un poste de chauffeur de camion, emploi plus intéressant que celui de commis de dépanneur.

[55]           Dans le présent dossier, le travailleur a subi une lésion professionnelle qui a entraîné des limitations fonctionnelles l’empêchant de reprendre son emploi. Le travailleur a donc été admis en réadaptation, comme la loi le prévoit. Il convient de référer aux articles suivants de la loi :

145.  Le travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, subit une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique a droit, dans la mesure prévue par le présent chapitre, à la réadaptation que requiert son état en vue de sa réinsertion sociale et professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 145.

 

 

146.  Pour assurer au travailleur l'exercice de son droit à la réadaptation, la Commission prépare et met en œuvre, avec la collaboration du travailleur, un plan individualisé de réadaptation qui peut comprendre, selon les besoins du travailleur, un programme de réadaptation physique, sociale et professionnelle.

 

Ce plan peut être modifié, avec la collaboration du travailleur, pour tenir compte de circonstances nouvelles.

__________

1985, c. 6, a. 146.

 

 

147.  En matière de réadaptation, le plan individualisé constitue la décision de la Commission sur les prestations de réadaptation auxquelles a droit le travailleur et chaque modification apportée à ce plan en vertu du deuxième alinéa de l'article 146 constitue une nouvelle décision de la Commission.

__________

1985, c. 6, a. 147.

 

 

[56]           En l’absence du travailleur à l’audience, le tribunal s’en remet au dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles et au témoignage de madame Saint-Pierre. Il retient de cette preuve non contredite que le travailleur a collaboré à l’élaboration de son plan individualisé de réadaptation tout au long du processus. Il s’est montré intéressé par l’emploi d’opérateur d’engins de chantier et motivé à entreprendre la formation requise. De l’avis du tribunal, cette situation est conforme aux prescriptions de l’article 146 de la loi.

[57]           Le tribunal retient de plus de la preuve qu’il n’a pas été décidé d’inclure au plan de réadaptation et, de façon plus précise, à la formation, l’option de permis de conduire classe I. Selon la preuve (I-2), cette option est recommandée, mais non obligatoire. Cette option représente de plus des coûts supplémentaires de 1 700 $. Madame Saint-Pierre a témoigné qu’elle n’autorisait pas d’emblée cette formation.

[58]           Le tribunal retient de plus que rien dans la preuve ne démontre que le travailleur a raison de croire que cette formation pour l’obtention du permis classe I lui était acquise.

[59]           Il est fait mention dans le document I-2 que ce permis permet de transporter la machinerie d’un chantier à l’autre. La preuve ne démontre pas qu’en l’absence de ce permis, un travailleur ne serait pas en mesure d’obtenir un emploi d’opérateur d’engins de chantier. Si tel était le cas, pourquoi cette option ne serait que recommandée par l’École du routier, spécialiste dans le domaine, et non obligatoire?

[60]           Ce permis permet aussi de procéder à du déneigement. Rien dans la preuve ne démontre que le travailleur ait manifesté un intérêt pour cet emploi, au contraire, il ne l’a pas retenu dans le cadre de sa réflexion.

[61]           Le tribunal en vient à la conclusion qu’il n’est pas démontré de manière probante et prépondérante que l’option permis classe I fait partie du plan individualisé de réadaptation du travailleur. Le tribunal juge que même sans cette option, le plan de réadaptation était conforme à la loi et reflétait le souhait et les intérêts du travailleur, les discussions et l’accord intervenu entre la CSST et le travailleur.

[62]           Le représentant du travailleur allègue de plus que le travailleur a abandonné la formation pour des raisons médicales. Encore là, la preuve n’est pas concluante à ce sujet. Rappelons que la CSST a refusé la réclamation pour récidive, rechute ou aggravation présentée par le travailleur à la suite de l’abandon de la formation et que le travailleur s’est désisté de sa contestation de cette décision. Aussi, les circonstances de l’abandon ne sont pas claires. Cet abandon est-il relié aux échecs ou à la douleur? Et le travailleur n’était pas présent à l’audience pour en témoigner.

[63]           À la suite de cet abandon de la formation, la CSST applique le plan B. Il appert de la preuve qu’à quelques reprises il a été question entre l’agente de la CSST et le travailleur de l’élaboration d’un plan B. Selon les notes au dossier, les explications fournies au travailleur ont été claires et ont été bien comprises et acceptées par le travailleur. Aussi, il faut dire que c’est le travailleur lui-même qui a proposé comme plan B l’emploi de commis de dépanneur.

[64]           Ce plan B est élaboré, comme l’a expliqué madame Saint-Pierre, afin d’être mis en place dans le cas où la formation ne serait pas complétée, peu importe la raison.

[65]           Le tribunal comprend qu’en cas d’échec de la formation, l’emploi d’opérateur d’engins de chantier n’est plus convenable puisque le travailleur ne détient pas la formation requise pour l’occuper. De l’avis du tribunal, il s’agit de circonstances nouvelles permettant la modification du plan de réadaptation, tel que prévu à l’article 146 de la loi, modification qui est réalisée en appliquant le plan B.

[66]           Ainsi, l’élaboration d’un plan B par la CSST, de la manière dont elle l’a fait dans le présent dossier, respecte, de l’avis du tribunal, les dispositions de la loi en matière de réadaptation. En fait, en agissant de la sorte, la CSST s’assure de pouvoir modifier le plan de réadaptation, dans le cas de circonstances nouvelles (échec de la formation) en mettant en place rapidement une autre mesure de réadaptation, laquelle est également mis en œuvre avec la collaboration du travailleur.

[67]           Ce faisant, la CSST agit au surplus dans le respect de son obligation de retenir la solution appropriée la plus économique possible[3], tout en assurant un processus de réadaptation individualisé, auquel collabore le travailleur.

[68]           Enfin, la preuve ne démontre d’aucune façon en quoi l’emploi de commis de dépanneur n’est pas un emploi convenable, considérant les critères énumérés à l’article 2 de la loi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

 

[69]           Cet emploi suggéré par le travailleur lui-même est certainement un emploi approprié. Les exigences physiques de cet emploi, telles que décrites dans Repères, ne sont pas incompatibles avec les limitations fonctionnelles reconnues au travailleur et ne mettent pas la santé, la sécurité ou l’intégrité du travailleur en danger. Le travailleur a déjà occupé cet emploi et les exigences de formation sont rencontrées. Enfin, la preuve ne permet pas de conclure que cet emploi ne présente pas de possibilité raisonnable d’embauche.

[70]           Rien dans la preuve ne démontre non plus une erreur dans le calcul du revenu que pourrait tirer le travailleur de l’emploi convenable de commis de dépanneur ou dans le calcul du montant de l’indemnité réduite de remplacement du revenu. Le représentant du travailleur n’a d’ailleurs fait aucune représentation à ce sujet.

[71]           Pour l’ensemble de ces motifs, le tribunal juge que les décisions rendues par la CSST dans le cadre du plan de réadaptation professionnelle du travailleur doivent être confirmées.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête produite le 27 avril 2009 par monsieur Marc Hamel, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 22 avril 2009 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur est apte à occuper, à compter du 9 mars 2009, l’emploi convenable de commis de dépanneur, emploi qui pourrait lui procurer un revenu annuel de 17 727,60 $;

DÉCLARE que le travailleur a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’au 9 mars 2010, au plus tard, après quoi cette indemnité sera réduite, conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles;

DÉCLARE que l’indemnité réduite de remplacement du revenu à laquelle aura droit le travailleur est de 2 685,75 $ par année.

 

 

__________________________________

 

Diane Lajoie

 

 

 

 

M. Claude Gagné

T.U.A.C. (local 1991-P)

Représentant de la partie requérante

 

 

M. Pierre Perron

Securigest inc.

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Marie-Ève Dagenais

Panneton Lessard

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           Diplôme d’études professionnelles.

[2]           L.R.Q., c. 3.001.

[3]           Article 181 de la loi.

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