Monette et Ascenseurs Lumar Concord Québec inc. |
2007 QCCLP 1153 |
______________________________________________________________________
______________________________________________________________________
[1] Le 2 mars 2006, monsieur Yves Monette (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 22 février 2006, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme celle initialement rendue le 13 décembre 2005 et refuse de rembourser les frais encourus pour l’ouverture et la fermeture de la piscine puisque ces frais ne sont pas considérés comme des travaux d’entretien courant du domicile.
[3] Le 14 novembre 2006, la Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Joliette en présence du travailleur qui n’était pas représenté. L’employeur, Ascenseurs Lumar Concord Québec inc., était absent et non représenté bien que dûment convoqué.
[4] Avant l’audience, le représentant du travailleur a informé le tribunal de son absence mais il a transmis des décisions rendues par la Commission des lésions professionnelles dans des dossiers similaires.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[5] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a droit aux frais de remboursement pour l’ouverture et la fermeture de sa piscine.
LES FAITS
[6] Pour rendre sa décision, la Commission des lésions professionnelles a pris connaissance du dossier, des documents additionnels déposés dans le cadre de l’audience et entendu le témoignage du travailleur. Le tribunal retient les éléments suivants.
[7] Le 7 août 2000, le travailleur, qui est alors âgé de 33 ans, ressent une forte douleur au dos en soulevant des matériaux lourds en exécutant son travail de mécanicien d’ascenseurs.
[8] Le 2 avril 2001, le docteur Robert Lefrançois, neurochirurgien, rédige le rapport d’évaluation médicale sur la base du diagnostic de hernies discales L4-L5 et L5-S1. Il conclut à un déficit anatomo-physiologique de 6 % sans toutefois qu’il y ait de limitations fonctionnelles à respecter.
[9] Dans une décision rendue le 20 avril 2001, la CSST déclare que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 22 janvier 2001, date à laquelle il est retourné au travail.
[10] Dans une décision rendue le 15 août 2002, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour une récidive, rechute ou aggravation qui s'est manifestée le 3 juillet 2002 sur la base d’un diagnostic de discoïdectomie L5-S1.
[11] Le 3 février 2003, le docteur Lefrançois signe son rapport d’évaluation médicale. Il indique avoir pratiqué une discoïdectomie radicale L5-S1 et une exploration L4-L5 le 4 juillet 2002. Il fait état de douleurs et d'un spasme lombaire résiduel.
[12] Le docteur Lefrançois conclut à une augmentation du déficit anatomo-physiologique de 2 % et il décrit de plus les limitations fonctionnelles suivantes que le travailleur devra respecter :
Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
· soulever, porter, pousser, tirer des charges dépassant environ 5 kg;
· travailler en position accroupie;
· ramper, grimper;
· effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;
· effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude;
· subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale;
· monter fréquemment plusieurs escaliers;
· marcher en terrain accidenté ou glissant;
· marcher longtemps;
· garder la même posture (debout, assis) plus de 30 à 60 minutes;
· travailler dans une position instable (ex. : dans des échafaudages, échelles, escaliers);
· effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs (ex. : actionner des pédales).
[13] Dans une décision rendue le 2 mars 2004, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour une récidive, rechute ou aggravation qui s'est manifestée le 29 août 2003.
[14] Le 28 décembre 2004, le docteur Thierry Dahan, physiatre, procède à la rédaction du rapport d’évaluation médicale et conclut à une augmentation du déficit anatomo-physiologique de 2 % de même qu’à un préjudice esthétique de 1.8 %. Il indique que les limitations fonctionnelles décrites antérieurement par le docteur Lefrançois demeurent applicables.
[15] Dans une décision rendue le 27 avril 2005, la CSST applique le rapport d'évaluation médicale du docteur Dahan et reconnaît que le travailleur conserve une augmentation de l’atteinte permanente à l’intégrité physique de 3,75 % pour sa condition lombaire.
[16] Dans une décision rendue le 19 octobre 2005, la CSST déclare qu’il est impossible de déterminer un emploi convenable que le travailleur pourrait exercer à temps plein et qu’en conséquence, il a droit à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
[17] Le 27 août 2005, le travailleur transmet à la CSST une estimation pour les frais de fermeture d’une piscine hors terre de 21 pieds incluant l’installation de la toile d’hiver.
[18] Lors d’une évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile effectuée par monsieur Claude Bougie à la demande de la CSST le 3 octobre 2005, il est mentionné que le travailleur ne participe plus aux activités de ménage léger et que même passer l’aspirateur engendre des malaises. Il a besoin d’une assistance totale pour la réalisation des travaux lourds, ce qu'il déplore. Il participe aux activités d’approvisionnement mais il a besoin d’assistance pour les manutentions de charges et il a peu de tolérance pour conserver la position debout prolongée, comme pour attendre dans une file. Le travailleur identifie des besoins d’assistance totale pour les travaux de peinture, de lavage de murs, plafonds et vitres de même que pour le déneigement et l'entretien du terrain.
[19] À l’audience, le travailleur explique qu’il demeure dans la même maison depuis 1996 et que la piscine a été installée en 1998. Il affirme avoir besoin d’aide pour l’ouverture et la fermeture de la piscine compte tenu de ses limitations fonctionnelles et de sa capacité physique résiduelle. Il motive sa demande en précisant qu’il est incapable de manipuler les pièces lourdes, de passer la balayeuse au fond de la piscine pour la nettoyer au début de l'été ou d'enlever les feuilles à l'automne. Il est de plus incapable d'installer la toile d’hiver et de l’enlever au début de l'été et il en est de même pour la rampe qui donne accès à la piscine.
[20] Il explique qu'avant son accident du travail, il faisait l'entretien de la piscine avec l'aide des membres de son entourage ou de ses voisins. Dans les deux années qui ont suivi sa chirurgie, la piscine n'a pas été vraiment entretenue. Depuis 2004, un service professionnel vient faire cet entretien mais il croit que ces frais devraient être remboursés par la CSST puisqu'il s'agit de travaux qu'il effectuait lui-même avant d'être blessé.
L’AVIS DES MEMBRES
[21] Le membre issu des associations syndicales et la membre issue des associations d’employeurs sont d’avis que la requête du travailleur devrait être accueillie. Les membres retiennent qu’avant son accident du travail, la maison du travailleur était déjà équipée d’une piscine hors terre et qu’il assumait, avec sa conjointe, et éventuellement l’aide de voisins, l’entretien de celle-ci. Par ailleurs, le travailleur conserve des limitations fonctionnelles sévères décrites par le docteur Lefrançois, lesquelles sont incompatibles avec certains gestes devant être posés pour effectuer l’entretien de la piscine.
[22] En conséquence, les membres considèrent que les frais relatifs à l’ouverture et à la fermeture de la piscine devraient être assumés par la CSST.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[23] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour l’ouverture et la fermeture de la piscine hors terre installée à son domicile avant la survenance de sa lésion professionnelle. Le tribunal retient que le travailleur s’est infligé une lésion professionnelle importante au niveau du rachis lombaire et qu’il conserve des limitations fonctionnelles de classe 3 selon l’IRSST pour la colonne lombosacrée.
[24] L’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit quels sont les travaux d'entretien courant du domicile qui peuvent être remboursés. Cet article se lit comme suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[25] Bien que la jurisprudence soit partagée sur cette question, la Commission des lésions professionnelles considère que dans le dossier sous étude, où le travailleur conserve des limitations fonctionnelles nettement incompatibles avec la majorité des gestes devant être posés lors de l’ouverture ou de la fermeture de la piscine, ces frais devraient être assumés par la CSST.
[26] Dans l'affaire Lussier[2], le tribunal a interprété l'article 165 de la loi pour conclure que la notion de « domicile » inclut le bâtiment principal et le terrain sur lequel celui-ci est construit et, en conséquence, les frais encourus pour la peinture de la clôture sont remboursables par la CSST. Dans une autre décision[3], le tribunal a reconnu que la CSST devait rembourser les frais d'ouverture et de fermeture de la piscine puisqu'elle avait accepté de rembourser les frais encourus pour l'adaptation de cette piscine. Plus récemment, dans l'affaire Bouras[4], le tribunal a conclu que les travaux d'ouverture et de fermeture de la piscine doivent être effectués chaque année, tout comme la tonte du gazon et le déneigement. Dans la mesure où le travailleur démontre qu'il effectuait ces travaux d'entretien courant du domicile avant la survenance de sa lésion professionnelle, il a droit au remboursement des frais encourus pour l'exécution de ceux-ci s'il devient incapable de les exécuter en raison des conséquences de cette lésion.
[27] À la lumière de ce qui précède, la Commission des lésions professionnelles conclut que le travailleur étant incapable d'effectuer lui-même les travaux d'ouverture et de fermeture de sa piscine en raison des limitations fonctionnelles reconnues en relation avec sa lésion professionnelle et de sa capacité résiduelle, la CSST doit lui rembourser les frais encourus pour faire exécuter ces travaux.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête de monsieur Yves Monette, le travailleur;
INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 22 février 2006, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour l’ouverture et la fermeture de sa piscine.
|
|
|
DIANE BESSE |
|
Commissaire |
|
|
|
|
|
|
|
|
M. Éric Marsan, consultant principal |
|
Léger & Marsan, associés |
|
Représentant de la partie requérante |
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.