COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC MONTRÉAL, le 21 septembre 1988 DISTRICT D'APPEL DEVANT LE COMMISSAIRE: Réal Brassard DE MONTRÉAL RÉGION: MONTÉRÉGIE AUDITION TENUE LE: 22 septembre 1987 DOSSIER: 02462-62-8703 DOSSIER CSST: 9151 262 À: Montréal DOSSIER B.R. : 60030063 (R551-62) BEXEL (1979) INC.3380, rue Principale St-Jean Baptiste de Rouville (Québec) J0L 2B0 PARTIE APPELANTE et M. RICHARD BOUDREAULT 3451, rue Principale St-Jean Baptiste de Rouville (Québec) J0L 2B1 PARTIE INTÉRESSÉE 02462-62-8703 2/ D É C I S I O N Le 12 mars 1987, la compagnie Bexel (1979) Inc., l'employeur, en appelle d'une décision rendue par le bureau de révision de la région de la Montérégie le 19 décembre 1986 et transmise aux parties le 16 janvier 1987.
Cette décision unanime infirme la décision rendue le 20 septembre 1986 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) et déclare que monsieur Richard Boudreault (le travail- leur), partie intéressée au présent appel, a droit au remboursement des frais encourus pour le trans- port et les traitements de physiothérapie reçus au Centre de santé de Cookshire.
Bien que dûment convoqué, le travailleur ne s'est pas présenté à l'audience et il n'y était pas représenté. Il n'a pas non plus fait connaître de motif justifiant son absence. Conformément à l'article 427 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001), la Commission d'appel a procédé à l'instruction de la présente affaire en l'absence du travailleur.
02462-62-8703 3/ OBJET DE L'APPEL L'appelante demande à la Commission d'appel d'in- firmer la décision du bureau de révision et de déclarer que le travailleur n'a droit au rembourse- ment ni des frais encourus pour recevoir des soins de physiothérapie au Centre de santé de Cookshire ni des frais de transport pour se rendre à ce centre.
EXPOSÉ DES FAITS Aucune preuve n'a été produite devant la Commission d'appel. Les faits exposés ci-après proviennent exclusivement de la preuve documentaire au dossier.
Le 3 septembre 1985, le travailleur, alors qu'il est à son travail, ressent une douleur à la main et à l'épaule gauche. On diagnostique une «péri- arthrite tendinite à l'épaule gauche». Il est mis en arrêt de travail et reçoit des traitements de physiothérapie à l'hôpital Charles Lemoyne.
Il reprend son travail le 10 mars 1986 et il y a rechute le 14 mars 1986 et le 3 juillet 1986. Ces rechutes sont acceptées par la Commission.
02462-62-8703 4/ Lors de la rechute du 3 juillet 1986, le travail- leur décide de consulter le docteur Legault qui le met en arrêt de travail et le réfère en physiatrie et en rhumatologie. Dans son rapport médical du 3 juillet 1986, le docteur Legault inscrit la note suivante: «N.B. le client décide de consulter à titre de généraliste le Dr Jean Boilard, 160 rue Pope, Cookshire. Celui-ci assumera la prise en charge à charge à compter du 14/7/86». (sic) A noter que la ville de Cookshire est située à environ 150 km de la résidence du travailleur. Le docteur Boilard réfère le travailleur en physiothé- rapie au Centre de santé intégrale et de recherche clinique à Cookshire. Le travailleur utilise sa voiture personnelle pour se rendre de son domicile à cet endroit pour les visites médicales et pour y recevoir des soins de physiothérapie prescrits par le docteur Boilard. Le travailleur produit une réclamation pour remboursement des frais de déplacements.
02462-62-8703 5/ Le 23 septembre 1986, la Commission refuse la réclamation du travailleur. Cette décision est rédigée en ces termes.
«Les frais de transport pour vos traite- ments de physiothérapie ne sont pas remboursables car ces services étaient disponibles près de chez vous. De plus, le Centre de Santé Intégrale et de Recherche Clinique à Cookshire Inc. n'est pas une clinique autorisée par la C.S.S.T. Il n'y aura donc aucun rembour- sement fait par la C.S.S.T. pour les traitements suivis.
Les frais de transport pour vos visites médicales vous sont remboursés selon un kilométrage raisonnable car le médecin rencontré (Dr Boilard) à Cookshire est un généraliste et qu'il y a des généralistes près de votre résidence principale».
(sic) Il ressort des notes évolutives au dossier du travailleur qu'en août 1986, la Commission a demandé au travailleur pourquoi il avait décidé de consulter un médecin généraliste aussi loin de chez lui. Le 5 septembre 1986, la physiothérapeute écrit la lettre suivante à la Commission: «La présente est pour confirmer que Monsieur Richard Boudreault suit présen- tement des traitements de physlothérapie pour une tendinite du sous-épineux à l'épaule gauche: ces traitements consis- tent en un massage profond transverse 02462-62-8703 6/ ainsi qu'une stimulation électrique au niveau des fibres lésées.» Il est à noter que ces nouvelles méthodes ne sont pas encore répandues au Québec et que le patient semble s'améliorer peu à peu». (sic) La décision de la Commission a été contestée par le travailleur devant le bureau de révision de la région de la Montérégie qui, le 19 décembre 1986, l'infirmait et déclarait que le travailleur avait droit au remboursement des soins reçus à Cookshire ainsi qu'au remboursement des frais de transport, aux motifs que le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix, que les soins reçus n'étaient donnés qu'à cet endroit et que la Commission ne pouvait contester les conclu- sions du médecin qui a charge d'un travailleur quant a la nature ou la nécessité des soins pres- crits que par le biais de l'arbitrage médical, ce qui n'a pas été fait.
ARGUMENTATION DE L'APPELANTE L'appelante soutient qu'il faut considérer séparé- ment la question du paiement des frais de traite- ments de physiothérapie et la question du rembour- sement des frais de transport.
02462-62-8703 7/ La question des frais de traitements, soumet l'appelante, met en cause les articles 189 , 192 , 193 et 194 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. L'article 189 définit ce que comprend l'assistance médicale, soumet-elle; l'article 192 précise que le travail- leur a droit au professionnel de la santé de son choix; l'article 193 précise qu'il a droit à l'établissement de santé de son choix; l'article 194 édicte que le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.
L'appelante soutient que la notion d'établissement reconnu, motif invoqué par la Commission pour refuser de rembourser les frais de traitements reçus par le travailleur, tire son origine d'une résolution adoptée en 1983 par la Commission et elle indique qu'un certain nombre de décisions refusant le paiement de traitements ont par la suite été rendues par la Commission, jusqu'à ce que la Cour d'appel, dans l'affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail vs Louise Duranceau (500-09-000317-792, le 19 janvier 1984, les honorables juges Turgeon, Xaufman, Malouf) décide que cette résolution allait à l'encontre de la loi.
02462-62-8703 8/ L'appelante soutient que l'actuelle Loi sur les accidents du travail et les maladies profession- nelles est venue corriger la Loi sur les accidents du travail (L.R.Q., c. A-3) sous cet aspect, par le paragraphe 5e de l'article 189, qui donne à la Commission une certaine discrétion quant au rem- boursement du coût des soins autres que ceux indiqués aux quatre premiers paragraphes du même article.
L'appelante soutient que le physiothérapeute n'est pas un professionnel de la santé au sens de la Loi sur l'assurance-maladie (L.R.Q., c. A-29) et que, par conséquent, l'article 192 ne s'applique pas au physiothérapeute puisque ces soins ne peuvent pas être inclus dans les services de professionnels de la santé au sens du paragraphe premier de l'article 189. Ces soins, soutient-elle, font donc plutôt partie de la catégorie prévue au paragraphe 5 de l'article 189 sous la rubrique «les autres soins ou frais déterminés par la Commission».
La Commission pouvait-elle, tout en se conformant à la loi, refuser de payer les traitements de physio- thérapie parce que ceux-ci n'étaient pas donnés 02462-62-8703 9/ dans un établissement de santé reconnu, se ques- tionne l'appelante.
La loi oblige-t-elle la Commission à payer les frais de traitements encourus quel que soit l'éta- blissement de santé choisi par le travailleur, se demande l'appelante.
L'établissement de santé n'est pas défini dans la loi, soumet l'appelante, et celle-ci se dit d'avis, compte tenu de la jurisprudence à cet effet, que l'établissement où ont été prodigués les traite- ments de physiothérapie au travailleur, est un établissement de santé au sens de la loi.
Cependant, soutient l'appelante, il y a lieu de concilier l'article 193 de la loi, qui donne au travailleur le libre choix de l'établissement de santé, avec l'article 189 paragraphe 5 qui accorde à la Commission une discrétion pour déterminer l'assistance médicale qu'elle doit assumer.
Selon l'appelante, la Commission doit payer l'as- sistance médicale obtenue dans un établissement de santé pourvu que les règles qu'elle a établies, comme elle en a la discrétion en vertu de l'article 02462-62-8703 10/ 189 paragraphe 5, soient suivies par le travail- leur, notamment l'obligation de recevoir ces soins dans un établissement reconnu dans la mesure où les soins de physiothérapie sont inclus dans l'assis- tance médicale prévue au paragraphe 5 de l'article 189 de la loi.
Selon l'appelante, le bureau de révision passe à côté de la question soumise quant il indique que, si elle voulait contester les soins reçus, la Commission devait passer par l'arbitrage médical pour remettre en question la nature et la nécessité des soins prescrits. Car, soutient-elle, la question soumise est celle de déterminer si les soins prescrits par le médecin qui a charge du travailleur peuvent être donnés dans n'importe lequel établissement de santé choisi par lui. Il s'agit de l'application des articles 188 et suivants de la loi et non de l'application de l'article 214, soutient l'appelante.
Le remboursement des frais de transport, selon l'appelante, est une question différente de celle du remboursement des frais de traitement et il serait déraisonnable, soutient-elle, d'établir en 02462-62-8703 11/ principe que, dès que les traitements sont admissibles au remboursement, les frais de transport le sont nécessairement. Les motifs qui pourraient justifier la Commission à accepter le remboursement des frais de traitement ne sont pas les mêmes que ceux qui pourraient la justifier d'accepter ou de refuser les frais de transport.
En effet, soutient l'appelante, il serait tout à fait déraisonnable et contraire à l'esprit et l'économie de la loi que d'obliger la Commission à payer, par exemple, des frais de transport de Montréal à Val d'Or à un travailleur pour y rece- voir des traitements chez un médecin en qui il a confiance pour le seul motif qu'il a le droit fondamental de choisir son médecin. Ce serait abuser d'un droit fondamental, soumet l'appelante, et si le travailleur tient absolument à exercer ce droit, il ne peut le faire au détriment de l'organisme chargé de l'application d'une loi, un organisme qui, au surplus, peut exercer une cer- taine discrétion en vertu de l'article 189 para- graphe 5 de la loi.
02462-62-8703 12/ L'appelante soumet que, dans la présente affaire, le travailleur a choisi d'être traité par un médecin de Cookshire dans une clinique de cet endroit, qui est située à environ 150 km de son domicile. Elle soutient que cette façon de faire force littéralement l'organisme chargé de l'appli- cation de la loi à le faire de façon déraisonnable.
L'appelante soutient que si la Commission d'appel estime qu'il serait discriminatoire de priver un travailleur du remboursement des soins auxquels il a droit et qui ne coûtent pas plus chers à Cookshire qu'ailleurs, la Commission est cependant justifiée de faire comme les autres compagnies d'assurances et de payer les frais équivalents à ce qu'il en aurait coûté si ces soins avait été donnés à St-Hilaire ou à St-Hyacinthe, près du domicile du travailleur. Ce serait une façon raisonnable pour la Commission d'exercer la discrétion qu'elle a en vertu du paragraphe 5 de l'article 189 de la loi, soumet l'appelante.
MOTIFS DE LA DÉCISION En l'espèce, la Commission d'appel doit décider si le travailleur a droit au remboursement des frais encourus pour recevoir des soins de physiothérapie 02462-62-8703 13/ au Centre de santé de Cookshire et au remboursement des frais de transport pour se rendre à ce centre de santé et au remboursement intégral des frais de transport encourus pour les visites médicales effectuées à Cookshire.
Le choix du professionnel de la santé L'article 192 de la loi traite du choix du professionnel de la santé. Cet article se lit ainsi: 192. Le travailleur a droit aux soins du professionnel de la santé de son choix.
Il ressort de cet article de la loi que le travailleur a le libre choix du professionnel de la santé. En l'espèce, le travailleur a choisi d'être soigné par un médecin pratiquant sa profession à Cookshire, un endroit situé à environ 150 km de sa résidence.
Le libre choix du professionnel de la santé est-il absolu ou ce libre choix doit-il être soumis à des critères de raisonnabilité? Sur le libre choix du professionnel de la santé par le travailleur et sur la faculté qu'aurait ou n' aurait pas la Commission 02462-62-8703 14/ d'intervenir dans ce libre choix, la Commission d'appel réfère les parties au jugement ci-haut évoqué de la Cour d'appel du Québec dans l'affaire Commission de la santé et de la sécurité du travail vs Louise Duranceau. Dans cette affaire, la Commission, en vertu d'une directive adoptée par son conseil d'administration, refusait de rembourser les soins de plastie reçus par un accidenté du travail parce que ces soins avaient été dispensés dans une clinique privé et non en milieu hospitalier. La Cour d'appel s'exprimait ainsi dans son jugement: «L'accidenté a le droit de recevoir l'assistance médicale nécessitée par son état; cette assistance comprend, outre les soins médicaux, l'hospitalisation; si celle-ci est nécessaire, l'accidenté peut choisir celui des centres hospitaliers de la localité dans lequel il entend être traité.
L'accidenté a le libre choix absolu de son médecin traitant; il peut bénéficier de la gratuité de l'assistance médicale.
Le seul pouvoir que la Commission possède relativement à l'assistance médicale, c'est celui de trancher certaines contestations, qui lui est donné par le paragraphe 5 de cet article 48.
(...) On ne trouve nulle part dans la loi et particulièrement dans la section IV de l'assistance médicale, une disposition accordant un pouvoir discrétionnaire à l'appelante qui légitimerait l'exclusion de certains soins médicaux donnés en 02462-62-8703 15/ cabinet privé. L'appelante le reconnaît lorsqu'elle prétend qu'elle avait 1e droit de passer la résolution attaquée en vertu de son pouvoir implicite d'agir par directive. Aucun article ne donne à la Commission le droit de régir les droits des tiers par une simple résolution.
(...) La Loi des accidents du travail a orga- nisé un régime de gratuité des soins médicaux. La Commission, comme gestion- naire de ce régime, n'a aucune juridic- tion pour contredire la loi, ni pour empêcher un médecin d'y participer en cabinet privé, ni pour apprécier sa compétence; ce n'est pas là la mission de la Commission. Voir: Dumont v. La Reine (1977) C.A. 114 .
(...) La Commission a vulu s'interposer entre l'accidenté et son médecin traitant; bien que reconnaissant que les soins chirurgi- caux de plastie sont nécessaires et que l'accidenté y a droit, la Commission les lui refuse si le médecin traitant entend procéder au traitement en cabinet privé.
Si l'on examine la situation créée par la résolution attaquée, il faut conclure que le malade qui a besoin de soins de plastie aurait moins de droit si le handicap dont il souffre résulte d'un accident de travail; dans toutes les autres circonstances, ce malade pourra être traité en cabinet privé, droit que lui reconnaît le régime de l'assurance- maladie».
En l'espèce rien dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles ne permet à la Commission de soumettre le libre choix du professionnel de la santé à quelque critère que ce 02462-62-8703 16/ soit. Aussi la Commission d'appel en vient à la conclusion qu'on ne peut soumettre le choix du travailleur à un critère basé sur l'éloignement du médecin choisi.
Dans la présente affaire, comme l'a indiqué le docteur Legault dans sa note du 3 juillet 1986, c'est le travailleur qui a choisi d'être suivi et soigné par le docteur Boilard, un médecin généra- liste de Cookshire. Le travailleur exerçait alors le libre choix qu'il a en vertu de l'article 192 de la loi.
Le droit à l'assistance médicale L'article 188 établit que le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état. Cet article se lit: 188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
L'article 189 détermine ce que comprend l'assis- tance médicale à laquelle le travailleur a droit en 02462-62-8703 17/ vertu de l'article 188. Cet article se lit comme suit: 189. L'assistance médicale comprend: 10 les services de professionnels de la santé; 20 les soins hospitaliers; 30 les médicaments et autres produits pharmaceutiques; 40 les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur la protection de la santé publique, prescrites par un profes- sionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance-maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par 1a Commission; 50 les autres soins ou frais déterminés par la Commission.
Les soins en question sont des traitements de physiothérapie prescrits par le docteur Boilard.
L'appelante a plaidé que ces soins sont ceux prévus au 5e paragraphe de l'article 189 ci-haut cité et qu'ils doivent en conséquence être approuvés par la Commission.
La preuve révèle que ces soins ou traitements ont été prescrits par le médecin qui a charge du travailleur. En vertu du premier alinéa de l'arti- cle 224 de la loi, la Commission est en premier 02462-62-8703 18/ lieu liée par l'avis du médecin qui a charge en ce qui concerne la nature ou la nécessité des soins reçus par le travailleur. Puisque la Commission est liée par l'avis du médecin qui a charge quant à la nature des soins à recevoir, l'expression «les autres soins» que l'on retrouve au 5e paragraphe de l'article 189 ne peut être que des soins qui n'ont pas fait l'objet d'une recommandation par le professionnel de la santé qui a charge du travail- leur. On peut penser, par exemple, aux soins dispensés par un chiropracticien. Interpréter autrement le paragraphe 50 de l'article 189 serait permettre à la Commission de faire indirectement ce qu'elle ne peut faire directement, c'est-à-dire contrôler la nature des soins déterminés par 1e médecin qui a charge.
Par ailleurs, la Commission d'appel considère que les soins de physiothérapie qui sont donnés sous la surveillance et le contrôle d'un médecin, un professionnel de la santé, font partie des services de ce professionnel de la santé et sont inclus au paragraphe premier de l'article 189 supra. En l'espèce, les soins de physiothérapie ont été prescrits par le docteur Boilard et c'est ce dernier qui en a assuré le suivi. Ces soins font 02462-62-8703 19/ donc partie de l'assistance médicale dont il est question à l'article 189 de la loi.
Pour ces motifs, la Commission d'appel rejette l'argument de l'appelante à l'effet que les soins de physiothérapie doivent être préalablement approuvés par la Commission.
La Commission d'appel conclut que la Commission ne pouvait dénier au travailleur le droit de recevoir les traitements de physiothérapie prescrits pour le motif que l'établissement choisi par ce dernier n'était pas reconnu par elle. Rien dans les articles 188 et 189 n'assujettit le droit à l'assis- tance médicale à un établissement déterminé par la Commission. La notion d'établissement reconnu n'existe pas dans la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. La Commission ne peut donc invoquer un tel critère pour refuser de rembourser les soins reçus.
Ayant droit à l'assistance médicale que constitue les soins de physiothérapie reçus, le coût de cette assistance médicale est à la charge de la Commis- sion en vertu de l'article 194 de la loi qui édicte: 02462-62-8703 20/ 194. Le coût de l'assistance médicale est à la charge de la Commission.
Aucun montant ne peut être réclamé au travailleur pour une prestation d'assis- tance médicale à laquelle il a droit en vertu de la présente loi et aucune action à ce sujet n'est reçue par une cour de justice.
Puisqu' en vertu des articles 188 et 189 de la loi, le travailleur avait droit aux soins de physiothé- rapie reçus et puisqu'en vertu de l'article 194, ces soins sont à la charge de la Commission, celle-ci ne pouvait dans sa décision du 23 septem- bre 1986 refuser de rembourser les frais encourus pour recevoir ces soins à la clinique de Cookshire.
Le choix de l'établissement de santé Le choix de l'établissement de santé est gouverné par l'article 193, qui édicte: 193. Le travailleur a droit aux soins de l'établissement de santé de son choix.
Cependant, dans l'intérêt du travailleur, si la Commission estime que les soins requis par l'état de ce dernier ne sont pas disponibles dans un délai raisonnable dans l'établissement qu'il a choisi, ce travailleur peut, si le médecin qui en a charge est d'accord, se rendre dans l'établissement que lui indique la Commission pour y recevoir plus rapide- ment les soins requis.
02462-62-8703 21/ Le premier alinéa de cet article établit le libre choix du travailleur à l'établissement de santé.
Le seul critère qui permet à la Commission d'inter- venir sur le choix du travailleur est celui de la disponibilité des soins nécessaires dans un délai raisonnable en vertu du deuxième alinéa de l'arti- cle 193, ci-haut cité, et, encore, l'imposition d'un autre établissement que celui choisi par le travailleur est assujetti à l'accord du médecin qui a charge du travailleur.
En l'espèce, le travailleur a choisi un établisse- ment de santé situé à Cookshire et rien au dossier n'indique une intervention de la Commission en vertu du deuxième alinéa de l'article 193. La Commission d'appel conclut en conséquence que le travailleur avait le droit de choisir cet établis- sement pour y recevoir les soins prescrits.
Le remboursement des frais de déplacement Le seul article de la loi qui traite des frais de déplacement est l'article 115. Cet article se lit ainsi: 02462-62-8703 22/ 115. La Commission rembourse sur produc- tion de pièces justificatives, au tra- vailleur et, si son état physique le requiert, à la personne qui doit l'accom- pagner, les frais de déplacement et de séjour engagés pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation, selon les normes et les montants qu'elle détermine et qu'elle publie à la Gazette officielle du Québec.
Il appert de l'article 115 que la Commission n est pas tenue de rembourser tous les frais de déplace- ment et de séjour engagés pour recevoir des soins ou subir des examens médicaux mais qu'elle détermine elle-même les normes et les montants remboursables selon ces normes pourvu qu'elle en fasse la publication dans la Gazette officielle du Québec.
De telles normes ont été effectivement établies par la Commission et publiées dans la Gazette officielle le 14 août 1985. Les articles pertinents sont les suivants: 1. Le travailleur et, si l'état physique le requiert, la personne qui l'accompagne doivent utiliser les moyens de transport en commun. Toutefois, la Commission peut autoriser l'utilisation du véhicule personnel lorsque l'emploi de ce moyen de transport s'avère plus économique ou lorsque les circonstances le justifient.
02462-62-8703 23/ 3. Lorsque l'utilisation d'un véhicule automobile personnel a été autorisé par la Commission, les règles suivantes s'appliquent: a) aux fins de remboursement, la distance admise est la distance nécessaire et effectivement parcourue par le travailleur et la personne qui l'accompagne pour recevoir des soins, subir des examens médicaux ou accomplir une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation; b) les frais de stationnement et de péage supportés par le travailleur ou la personne qui l'accompagne sont remboursables.
11. Les montant des frais de déplacement et de séjour sont ceux prévus à l'annexe I.
L'annexe I prévoit pour l'usage du véhicule personnel le remboursement du stationnement et du kilométrage à raison de 0,245 du kilomètre et comme conditions, il y est inscrit: «selon les critères de l'article 1». Le même annexe, pour l'usage du transport en commun, par exemple, indique le remboursement du coût réel sur production de pièces justificatives.
Il ressort de l'article 1 supra que la règle générale est l'utilisation des transports en commun. Il appert de la même disposition que 02462-62-8703 24/ l'usage du véhicule personnel doit être autorisé par la Commission, laquelle base sa décision sur des critères économiques ou sur des circonstances particulières pouvant le justifier.
En l'espèce, le travailleur a utilisé son véhicule personnel pour consulter son médecin à Cookshire et pour recevoir à cet endroit des traitements de physiothérapie. C'est après avoir utilisé son véhicule que le travailleur a fait à la Commission une réclamation des frais encourus pour un tel usage. De toute évidence, puisqu'elle a refusé le remboursement, la Commission n'a pas autorisé l'usage d'une voiture personnelle et rien au dossier ne permet à la Commission d'appel de remettre en question cette décision de la Commis- sion. Il s'ensuit que le travailleur se devait d'utiliser un moyen de transport en commun dans ses déplacements.
Selon l'article 11 supra des normes établies, les frais de déplacement encourus pour l'utilisation d'une voiture personnelle sont remboursables selon les critères de l'article 1, lequel indique qu'un tel usage doit être autorisé par la Commission, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce.
02462-62-8703 25/ La Commission d'appel conclut en conséquence que les frais pour l'utilisation du véhicule personnel ne sont pas, en l'espèce, remboursables par la Commission.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES ACCUEILLE en partie l'appel; INFIRME la décision rendue le 19 décembre 1986 par le bureau de révision de la région de la Montérégie; DÉCLARE que monsieur Richard Boudreault a droit au remboursement du coût des traitements de physio- thérapie reçus au Centre de santé intégrale et de recherche clinique à Cookshire; DÉCLARE que monsieur Richard Boudreault a droit au remboursement des frais de consultations du docteur Boilard; 02462-62-8703 26/ DÉCLARE que monsieur Richard Boudreault n'a pas droit au remboursement des frais encourus pour l'utilisation de son véhicule personnel.
Réal Brassard Commissaire Goloff & Boucher (Me Jean-Denis Boucher) 666, rue Sherbrooke Ouest, bureau 600 Montréal (Québec) H3A 1E7 Représentant de la partie appelante
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.