DÉCISION
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[1] Le 22 septembre 2000, monsieur Michel Lalonde (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), rendue le 10 août 2000, à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST maintient sa décision initiale du 26 juin 2000 de refuser le remboursement d’un frais de 200 $ pour l’installation d’une piscine.
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[3] Le 13 septembre 2001, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la Santé et de la sécurité du travail (la CSST), rendue le 5 septembre 2001, à la suite d’une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST maintient la décision qu’elle a rendue le 14 février 2001 et déclare que le diagnostic retenu en relation avec l’événement du 10 janvier 2000 est une entorse lombaire, que les soins ou traitements ne sont plus requis après le 30 novembre 2000, que la lésion a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2,20% lui donnant droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 332,30 $ et que le travailleur a droit à des indemnités jusqu’à ce qu’elle se prononce sur sa capacité de travail. Par sa décision du 5 septembre 2001, la CSST confirme également celle du 26 avril 2001 et décide que le travailleur n’a pas droit au remboursement de frais pour des travaux de déneigement à son domicile.
[5] Le travailleur est présent et représenté à l’audience. Mavic Construction (l’employeur), pour sa part, fait parvenir avant l’audience une lettre à la Commission des lésions professionnelles indiquant son intention de ne pas être présent à l’audience et demandant que la décision soit rendue sur dossier. Quant à la CSST, partie intervenante au dossier, elle y est représentée par procureure.
L'OBJET DE LA REQUÊTE
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[6] À l’audience, le travailleur se désiste de cette contestation concernant le remboursement de frais pour l’ouverture d’une piscine.
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[7] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître que le diagnostic relié à l’événement du 10 janvier 2000 est une hernie discale L4-L5 ayant eu pour conséquences une atteinte permanente à l’intégrité physique de 8 % et des limitations fonctionnelles, tel qu’en fait foi le rapport du docteur Roch Banville du 27 août 2001.
[8] De façon subsidiaire, si le tribunal retient le diagnostic d’entorse, le travailleur demande que les conclusions du docteur Raouf Antoun du Bureau d’évaluation médicale (le BEM) soient maintenues en ce qui a trait à l’atteinte permanente à l’intégrité physique et aux limitations fonctionnelles. La date de consolidation de la lésion n’est pas en litige ni la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits.
[9] De plus, le travailleur demande que les frais encourus pour le déneigement de l’entrée de sa résidence soient remboursés par la CSST conformément aux limitations fonctionnelles établies aussi bien par les docteurs Parent, Antoun que Banville.
LES FAITS
[10] Le travailleur est charpentier-menuisier depuis plus de 25 ans. Il est chef d’équipe marqueur dans le domaine de la charpente résidentielle chez l’employeur depuis juin 1999, occupant un poste à temps plein. Dans le cadre de ses fonctions, le 10 janvier 2000, il est à ériger une cloison de mur extérieur avec 3 collègues lorsque, accroupi et en entant de se relever de cette position, il ressent une vive douleur au bas du dos, douleur qui descend à ce moment dans la fesse gauche. Il explique, à l’audience, que la cloison en question pèse entre 300 et 500 livres, a une longueur de 26 pieds et une hauteur de 8 pieds. La cloison est préparée pour recevoir, une fois montée, un revêtement extérieur de vinyle. La cloison est confectionnée au sol, y est taquée sur un morceau de bois pour empêcher qu’elle ne glisse lorsqu’elle est remontée en place. L’opération oblige les travailleurs à prendre une position accroupie, à agripper avec les mains la cloison et, un peu à la façon de l’athlète leveur de poids, dans un premier temps, à se donner une impulsion pour se relever de la position accroupie tout en remontant la cloison. Dans un deuxième temps, le travailleur doit changer la position des mains pour que la paume soit appuyée sur la cloison et pousse, avec le poids de son corps afin que la cloison prenne sa place à angle droit avec le sol.
[11] Le lendemain, devant l’intensité de la douleur, le travailleur consulte, au Centre Hospitalier des Vallées de l’Outaouais, le docteur Jean Bouthillier qui pose un diagnostic d’entorse lombaire. Le médecin recommande un arrêt du travail en prévoyant le retour 7 jours plus tard, soit le 18 janvier 2000.
[12] Le travailleur complète, le 11 janvier 2000, le formulaire de Réclamation du travailleur dans lequel il décrit l’événement comme suit :
« En levant des murs extérieur (sic) point (sic) dans le dos en bas à gauche »
[13] Il complète également une annexe dans laquelle il écrit :
« Mal au côté gauche depuis le 10/01/2000- Mal intense bas du dos- Douleur monte à la poitrine et au bras gauche. »
[14] Le 18 janvier suivant le travailleur voit son médecin de famille, le docteur Jean-Serge Lalonde, qui pose un diagnostic d’entorse dorso-iliaque et prescrit des traitements de physiothérapie. Ses notes médicales indiquent une sciatalgie droite moins importante qu’à gauche. Le 27 janvier 2000, il indique à nouveau l’entorse avec la sciatalgie gauche.
[15] Une radiographie de la colonne lombo-sacrée du 12 février 2000 est normale. Une tomodensitométrie pratiquée à la même date révèle :
« Dégénérescence radiaire des fibres annulaires du disque au niveau L3-L4 et surtout L4-L5 sans évidence de hernie discale franche. Les articulations facettaires sont normales. Pas d’évidence franchement d’arthrose significative au niveau des articulations facettaires ou des articulations sacro-iliaques. »
[16] Le 17 février 2000, le docteur Lalonde reprend le diagnostic d’entorse dorso-iliaque avec sciatalgie gauche plus importante qu’à droite. Le 29 février 2000, il réfère le travailleur au docteur Michel Petit, physiatre et au docteur Platon Papadopoulos, chirurgien-orthopédiste. Le 16 mars suivant, il recommande de cesser les traitements de physiothérapie et d’entreprendre des traitements de chiropraxie.
[17] Le 27 mars 2000, le docteur Papadopoulos indique à son rapport « lombalgies » et renvoie le travailleur à son médecin de famille.
[18] Le 10 mai 2000, le docteur Petit examine le travailleur. Il rapporte que la physiothérapie et les anti-inflammatoires se sont avérés inefficaces. Il constate que le travailleur a des lombalgies constantes avec irradiation d’allure non neurologique aux membres inférieurs. Il constate une limitation marquée des amplitudes de la colonne lombaire et conclut que le travailleur souffre d’une entorse lombaire avec lombalgie d’allure discogénique. Il croit qu’il « s’est déchiré le pourtour du disque, c’est à dire l’annulus fibrosus, une partie très innervée du disque, qui est la cause du syndrome actuel ». Le médecin ne propose aucun autre traitement, si ce n’est la prise d’analgésiques (Oxy Contin). En l’absence de symptômes neurologiques, le médecin soutient qu’une tomodensitométrie n’est pas indiquée puisqu’ « il est bien connu que 33% des patients asymptomatiques chez qui on fait une résonance ou un Scan ont des anomalies significatives alors qu’ils n’ont aucune douleur au dos ».
[19] Le 1er juin 2000, le travailleur est examiné par le docteur François Racine, physiatre. Celui-ci estime que la tomodensitométrie du 10 février 2000 est « très peu conclusive suggérant des changements d’ordre dégénératifs ». À son examen, les manoeuvres du tripode et de la jambe tendue sont négatives. Aux membres inférieurs, il n’y a pas de faiblesse, aucun déficit sensoriel et les réflexes ostéo-tendineux sont normaux. Il n’y a aucun spasme ni « scoliose spasmodique ». Le médecin conclut que le travailleur s’est infligé une entorse lombaire difficile à résorber à cause d’une certaine irritation facettaire lors des extensions. Le médecin est d’avis que la lésion devrait être consolidée dans 6 à 8 semaines, avec des limitations fonctionnelles qu’il ne décrit cependant pas.
[20] Le 21 juin 2000, le docteur Hung-Ba Lieu, neurochirurgien, examine le travailleur à la demande du docteur Lalonde. Il retient que le travailleur souffre de lombalgie d’origine musculo-ligamentaire, sans évidence clinique ni radiologique de hernie discale lombaire. Il retourne le travailleur à son médecin traitant.
[21] Le 14 juillet 2000, le docteur Lalonde réfère à nouveau le travailleur au docteur Racine qui le voit le 21 août suivant. Le docteur Racine note que le travailleur n’a pas développé de faiblesse d’atrophie ni de perte de réflexes et les manœuvres du tripode et de la jambe tendue donnent des douleurs lombaires à une élévation dépassant 70° de chaque côté. Il demande, à l’insistance du travailleur, une résonance magnétique à cause de paresthésies sous les pieds.
[22] Le 7 septembre 2000, le docteur Lalonde recommande à nouveau des traitements de physiothérapie.
[23] Le 19 septembre 2000, une résonance magnétique interprétée par le docteur François Hudon, radiologiste, révèle une discopathie avec perte du signal du disque et déchirure de l’anneau fibreux au niveau L4-L5. Il y a également « étalement discal radiaire avec convexité du rebord postérieur du matériel discal qui déborde en regard des portions inférieures des foramens intervertébraux bilatéralement plus marquée du côté droit ». Il n’y a pas de contact franc avec les gaines radiculaires adjacentes de L4. Le docteur Hudon est d’avis qu’il y a une ébauche de petite hernie discale foraminale inférieure droite greffée sur de l’étalement discal dégénératif relié à la discopathie. Ce diagnostic doit, cependant, être corrélée avec l’examen clinique. Aux niveaux L1-L2, L3-L4 et L5-S1, il n’y a pas de signe de discopathie significative, pas de hernie discale focalisée et pas de compression du sac dural. La région du conus médullaire est normale et il n’y a pas d’anomalie de signal intra-osseux.
[24] Le 2 octobre 2000, le travailleur est revu par le docteur Racine qui note à nouveau une limitation des amplitudes articulaires du rachis lombaire. Son examen ne révèle aucune faiblesse ni perte de réflexes. Les manoeuvres du tripode et de la jambe tendue sont encore négatives et ne donnent pas de douleur dans le membre inférieur. Le médecin conclut toutefois au feuillet de la CSST en une « hernie discale documentée L4-L5 d>g au niveau foraminal ». Il estime que le plateau a été atteint en thérapie et que le travailleur devrait prévoir une réorientation professionnelle.
[25] Le 6 octobre 2000, le docteur Lalonde prescrit un TENS et recommande une réorientation professionnelle. Le 9 novembre suivant, il réfère le travailleur au docteur Khalil Khalaf, neurochirurgien.
[26] Le 28 novembre 2000, le docteur Petit conclut à nouveau en une lombalgie discogénique sur entorse lombaire avec déchirure de l’anneau fibreux. Il recommande la consolidation de la lésion dans moins de 60 jours ainsi qu’une réorientation professionnelle.
[27] Le 30 novembre 2000, le docteur Julien Parent, chirurgien-orthopédiste, examine le travailleur à la demande de la CSST. Il conclut à une entorse lombaire qu’il consolide à la date de son examen compte tenu qu’avec les traitements habituels, la condition du travailleur a atteint un plateau. Il indique qu’il y aurait peut-être lieu d’essayer une infiltration épidurale lombaire. Le médecin estime qu’il y a atteinte permanente à l’intégrité physique de 2% coprrespondant à une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées. Il recommande les limitations fonctionnelles suivantes :
« [E]viter d’accomplir, de façon répétitive, les activités qui impliquent :
- de soulever, porter, pousser et tirer des charges de plus de 10 kilogrammes;
- travailler en position instable ou garder la même position debout pendant plus de 15 à 20 minutes à la fois;
- effectuer des mouvements répétitifs de flexion, d’extension et de torsion de la colonne lombaire ».
[28] Le 6 décembre 2000, le docteur Lalonde est d’avis que la lésion ne sera pas consolidée dans 60 jours. Il exprime le même avis le 15 janvier 2001.
[29] Le 8 janvier 2001, le docteur Lalonde indique dans une lettre que le travailleur ne pourra plus exercer un travail extérieur. Le 19 février 2001, le médecin écrit que le travailleur ne peut effectuer aucun emploi rémunérateur.
[30] Par ailleurs, le 2 février 2001, le docteur Raouf Antoun, chirurgien-orthopédiste, procède à l’examen du travailleur à titre de membre du Bureau d’évaluation médicale (le BEM). Il retient le diagnostic d’entorse lombaire rappelant que plusieurs spécialistes n’ont pas retenu le diagnostic de hernie discale. Son examen clinique ne révèle pas de hernie discale. Il retient que les douleurs au membre inférieur droit rapportées par le travailleur ne correspondent pas à une sciatalgie véritable. Les épreuves de mise en tension sont totalement négatives et l’examen neurologique est négatif, malgré l’hypoesthésie circulaire de la cuisse que le travailleur dit ressentir. Le médecin fixe la date de consolidation au 30 novembre 2000, sans nécessité de soins supplémentaires après cette date. Il évalue que la lésion a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2% correspondant à une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées (code 204004) et que les limitations fonctionnelles sont identiques à celle établies par le docteur Parent du BEM. Il indique cependant que le travailleur devra éviter d’accomplir ces activités de façon répétitive ou fréquente.
[31] Le 28 février 2001, le docteur Khalaf examine le travailleur et conclut à l’instar du docteur Lieu qu’une chirurgie n’est pas indiquée et se réfère au rapport de son confrère pour l’établissement des limitations fonctionnelles.
[32] Les 12 et 26 avril 2001, le travailleur est vu par le docteur Agnes Jankowska, anesthésiste. Elle retient le diagnostic de lombalgie chronique avec hernie discale L4-L5 droite et radiculopathie incapacitante et prescrit le médicament Neurontin. Par ailleurs, le rapport mentionne que le travailleur refuse un traitement par épidurale.
[33] Le 27 août 2001, le docteur Roch Banville évalue le travailleur. À l’inspection, il note une légère boiterie à la marche ainsi qu’une diminution de lordose. À la palpation de tous les étages de la région lombaire, il rapporte des douleurs à droite plus qu’à gauche. Le Valleix est positif bilatéralement avec prédominance à gauche. Il y a un point de crête bilatéral. Le Straight leg raising est positif bilatéralement, à droite plus qu’à gauche. Le Lasègue est positif à droite plus qu’à gauche. Les réflexes rotuliens et achilléens sont présents et symétriques. Le médecin rapporte des diminutions d’amplitudes articulaires. Il pose le diagnostic de hernie discale lombaire L4-L5 et de discopathie lombaire L4-L5 et conclut à l’existence d’une atteinte permanente de 8% correspondant à 2% pour une hernie discale non opérée, prouvée cliniquement et par des tests spécifiques (code 204148), à 1% pour une extension de 20° (code 207844), à 3% pour une flexion antérieure de 70° (code 207608), à 1% pour une rotation droite à 20° (code 207760) et à 1% pour une rotation gauche à 20° (code 207804). Il estime que les limitations fonctionnelles suivantes sont applicables :
« Il devra éviter de :
- soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 10 kilos;
- travailler en position instable ou garder la même position pendant plus de 20 minutes;
- effectuer des mouvements répétitifs de flexion, extension et de torsion de la colonne lombaire. »
[34] Le travailleur témoigne à l’audience. Il explique que les douleurs lombaires sont encore présentes, intenses et constantes. Elles irradient dans les fesses, les jambes, les orteils, de façon plus prononcée dans le membre inférieur droit. Le travailleur ressent aussi des douleurs référées au bras gauche et au cou. Il a des engourdissements à la jambe droite de façon plus intense qu’à gauche. Il ajoute qu’avant l’accident du 10 janvier 2000, il avait eu un épisode de lombalgie en décembre 1999, dans des circonstances semblables à celles du 10 janvier 2000, soit lors de l’érection d’un mur extérieur. Il soutient toutefois que, lors de cet événement, les douleurs étaient de moindre intensité et se sont estompées au bout de 3 à 4 jours. À part cet épisode, le travailleur dit n’avoir jamais eu auparavant de douleurs au dos. Il témoigne œuvrer dans le domaine de la construction depuis 22 ans (depuis l’âge de 17 ans) à titre de charpentier-menuisier. Il se sent maintenant incapable de faire quelque travail que ce soit. Il ne peut exercer certaines activités de la vie quotidienne tel le lavage de la vaisselle. Il ne peut non plus déneiger son entrée de cour, alors qu’il effectuait lui-même cet entretien avant l’accident du 10 janvier 2000. C’est dans ce contexte qu’il a demandé à la CSST de rembourser les frais qu’il a encourus pour faire faire le travail à contrat, soit une somme de 228,00$.
[35] Il dit avoir pratiqué certains sports comme le ski nautique et le skin alpin dans le passé sans jamais se blesser. Il ne fait plus aucun sport maintenant.
L'AVIS DES MEMBRES
[36] Le membre issu des associations d’employeurs de même que le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le diagnostic à retenir est une entorse lombaire, lésion qui a entraîné un déficit anatomo-physiologique de 2,20% correspondant à une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées (code 204004). Les limitations fonctionnelles qui résultent de la lésion sont, selon les membres, celles établies par le docteur Antoun du BEM.
[37] Quant aux frais de déneigement de l’entrée de cour du travailleur, les membres considèrent que cette activité ne respecte pas les limitations fonctionnelles retenues par les docteurs Parent, Antoun ou Banville et devraient en conséquence être remboursés par la CSST.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[38] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer le diagnostic qui fait suite à l’accident du 10 janvier 2000. Elle doit aussi décider de la présence et de la nature d’une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles le cas échéant. Le tribunal doit également décider si, compte tenu de la condition du travailleur, les frais de déneigement sont remboursables.
[39] À l’analyse de l’ensemble de la preuve, le tribunal n’est pas convaincu que l’ébauche de hernie discale mise en évidence par la résonance magnétique du 19 septembre 2000 est d’origine traumatique et qu’elle a été causée par l’effort fourni par le travailleur lors de l’événement du 10 janvier 2000. La prépondérance de la preuve médicale milite plutôt en faveur d’un diagnostic d’entorse lombaire.
[40] D’une part, le travailleur a été vu par 3 chirurgiens-orthopédistes, les docteurs Papadopoulos, Parent et Antoun, par 2 physiatres, les docteurs Petit et Racine de même que par 2 neurochirurgiens, les docteurs Lieu et Khalaf. Aucun de ces médecins spécialistes n’a conclu à la présence des signes cliniques de hernie discale. Une radiographie et une tomodensitométrie, pratiquées 1 mois après l’événement du 10 janvier 2000, n’ont pas montré la présence d’une hernie discale franche. Seule la résonance magnétique du 19 septembre 2000 a révélé une ébauche de petite hernie discale foraminale inférieure droite greffée sur de l’étalement discal dégénératif relié à la discopathie. Le docteur Hudon, radiologiste, indiquait cependant que l’image devait être corrélée avec le tableau clinique. Or, d’après les rapports des chirurgiens-orthopédistes, des physiatres et des neurochirurgiens qui ont vu le travailleur aussi bien avant qu’après la résonance magnétique, il n’y a aucune atteinte neurologique se traduisant par un déficit sensitif ou moteur ou par perte des réflexes ostéo-tendineux. Bref, on ne retrouve aucun signe de compression nerveuse.
[41] D’autre part, seuls les docteurs Jankowska et Banville concluent, en avril et août 2001, à une hernie discale. Le docteur Banville est le seul à rapporter des signes cliniques de hernie discale dans son rapport du 27 août 2001. Soulignons que le rapport du docteur Jankowska ne permet pas de connaître les résultats des différents tests normalement administrés dans les cas où une hernie discale est soupçonnée. De plus, ces deux rapports ont été rédigés plus d’un 1 an et demi après l’événement et ne sont pas corroborés malgré la multitude de médecins et spécialistes rencontrés. Ainsi, même en présence d’une imagerie positive permettant de conclure à une hernie discale, comme le soulignait le docteur Hudon, radiologiste, l’image doit être corrélée avec le tableau clinique, lequel est déterminant, ce qui dans le présent cas n’a pas été fait.
[42] Par conséquent, sur la base de la preuve soumise, le tribunal est d’avis que le diagnostic le plus probable et qui, par conséquent, doit être retenu en l’espèce, est le diagnostic d’entorse lombaire.
[43] Quant au déficit anatomo-physiologique découlant du diagnostic d’entorse lombaire et des diminutions d’amplitude articulaire s’y rapportant, le tribunal établit que le pourcentage doit se situer à 2% correspondant à une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectivées (code 204004), en application du Règlement sur le Barème des dommages corporels[1] et conformément aux évaluations des docteurs Parent et Antoun. À ce pourcentage s’ajoute 0,20% pour douleurs et perte de jouissance de la vie (code 225027) . L’atteinte permanente à l’intégrité physique est ainsi fixée à 2,20%.
[44] De plus, compte tenu des malaises ressentis par le travailleur, le tribunal retient les limitations fonctionnelles telles qu’établies par le docteur Antoun. Celles-ci se lisent comme suit :
« Éviter d’accomplir, de façon répétitive, les activités qui impliquent de :
- soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 10 kg;
- travailler en position instable ou garder la même position debout pendant plus de 15 à 20 minutes à la fois;
- effectuer des mouvements répétitifs de flexion, d’extension et de torsion de la colonne lombaire »
[45] En ce qui a trait au litige concernant les frais de déneigement, le tribunal rappelle que la loi prévoit que dans les cas d’atteinte permanente grave à l’intégrité physique, le CSST peut rembourser certains frais d’entretien courant du domicile que le travailleur n’est plus en mesure d’effectuer à cause de sa lésion professionnelle. L’article 165 de la loi se lit ainsi :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
________
1985, c. 6, a. 165.
[46] La jurisprudence majoritaire de la Commission des lésions professionnelle et de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles a établi que l’analyse du caractère grave d’une atteinte permanente à l’intégrité physique doit s’effectuer en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi[2]. Dès lors, le pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique n’est pas le critère unique et déterminant à tenir compte. Il faut s’interroger sur la capacité du travailleur à effectuer lui-même les travaux en question compte tenu de ses limitations fonctionnelles. Soulignons que les limitations fonctionnelles mesurent l’étendue de l’incapacité résultant de la lésion professionnelle. En plus de déterminer si l’atteinte permanente est grave, l’application de l’article 165 de la loi oblige à vérifier si les travaux, pour lesquels un remboursement est réclamé, constituent des travaux d’entretien courant du domicile et s’ils auraient été effectués par le travailleur, n’eut été de sa lésion professionnelle.
[47] En l’espèce, le tribunal estime que le déneigement oblige à soulever, porter, pousser et tirer des charges qui peuvent être plus lourdes que 10 kilogrammes. La position est parfois instable et l’activité implique des mouvements de torsion, de flexion et d’extension du tronc. Il en résulte que le travailleur n’est pas en mesure d’exécuter les travaux de déneigement compte tenu de ses limitations fonctionnelles, et ce, même s’il peut exercer cette activité à son propre rythme. De plus, les travaux de déneigement, constituent certainement, ici au Québec, une activité qui s’assimile à de l’entretien courant du domicile, et ce, pendant les mois que dure notre hiver. Au surplus, il n’est pas contesté que le déneigement était, dans le passé, habituellement fait par le travailleur lui-même et le tribunal estime que le témoignage du travailleur est crédible quant à cet aspect. Par conséquent, le tribunal considère que les frais de déneigement sont remboursables en application de l’article 165 de la loi.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
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PREND ACTE du désistement de la requête de monsieur Michel Lalonde, le travailleur;
DÉCLARE que la requête est sans objet.
168418-07-0109
ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Michel Lalonde, le travailleur;
CONFIRME en partie la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, rendue le 5 septembre 2001, à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic retenu en relation avec l’événement du 10 janvier 2000 est une entorse lombaire;
DÉCLARE que la lésion professionnelle a entraîné une atteinte permanente de 2,20% pour une entorse lombaire avec séquelles fonctionnelles objectives (code 204004) et pour douleurs et perte de jouissance de la vie (code 225027);
DÉCLARE que la lésion professionnelle du 10 janvier 2000 a entraîné les limitations fonctionnelles suivantes :
Éviter d’accomplir, de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
- soulever, porter, pousser ou tirer des charges de plus de 10 kg;
- travailler en position instable ou garder la même position debout pendant plus de 15 à 20 minutes à la fois;
- effectuer des mouvements répétitifs de flexion, d’extension et de torsion de la colonne lombaire ;
ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de rembourser, en application de l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, à monsieur Michel Lalonde les frais de déneigement selon les normes établies.
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Me Marie Langlois |
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Commissaire |
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F.A.T.A. Montréal (Paul Côté) |
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Représentant de la partie requérante |
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A.P.C.H. (Dominique Gosselin) |
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Représentant de la partie intéressée |
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Panneton,
Lessard (Me Michèle
Gagnon Grégoire) |
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Représentant de la partie intervenante |
[1]
(1987)
119 G.O. II, 5576.
[2]
Chevrier et Westburne
ltée, 16175-08-8912, 1990-09-25, M. Cuddihy; Bouthillier et Pratt &
Whitney Canada Inc,
[1992] CALP 605
; Gasthier
inc. et Landry, CLP 118228-63-9906,
1999-11-03, M. Beaudouin; Dorais et Développement Dorais enr., CLP 126870-62B-9911,
127060-62B-9911, 2000-07-11, N. Blanchard; Allard
et Plomberie Lyonnais inc., CLP
141253-04B-0006, 2000-12-11, H. Thériault; Thibault
et Forages Groleau (1981), CLP
131531-08-0001, 130532-08-0001, 2001-03-23, P. Simard.