Panza et Ind. Poltec ltée |
2012 QCCLP 7463 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 16 juillet 2012, monsieur Nick Panza (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il demande la révocation d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 12 juillet 2012.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête déposée par le travailleur le 12 mars 2012, confirme la décision rendue le 8 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative et déclare que la CSST est justifiée de refuser d’autoriser le remboursement du coût des traitements de massothérapie.
[3] Une audience portant sur la requête en révocation est tenue le 20 septembre 2012 à Laval en présence du travailleur. Quant à Ind. Poltec ltée (l’employeur) personne ne le représente à l’audience. L’affaire est mise en délibéré à la date de l’audience du 20 septembre 2012.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] Par sa requête, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision du 12 juillet 2012, invoquant qu’il n’a pu se faire entendre lors de l’audience initiale du 12 juillet 2012. Il souhaite que la Commission des lésions professionnelles déclare qu’il a droit au remboursement de traitements de massothérapie.
AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de révoquer la décision du 12 juillet 2012 puisque le travailleur n’a pas pu se faire entendre.
[6] Quant au fond du litige, le membre issu des associations d’employeurs est d’avis que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de massothérapie, ceux-ci n’étant pas prévus aux dispositions législatives ou réglementaires. Quant au membre issu des associations syndicales, il estime que puisqu’il s’agit de traitements prescrits par le médecin du travailleur, en lien avec la lésion professionnelle, la CSST se doit d’en rembourser le coût.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] Le présent tribunal doit déterminer s’il y a lieu de révoquer la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 12 juillet 2012.
[8]
Soulignons que la Commission des lésions professionnelles ne peut
réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue que pour l’un des motifs
prévus à l’article
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Ainsi, pour pouvoir bénéficier de la révision ou de la révocation d’une décision de la Commission des lésions professionnelles, une partie doit démontrer, par une preuve prépondérante dont le fardeau lui incombe, l’un des motifs prévus par le législateur à la disposition précitée, sans quoi, sa requête doit être rejetée.
[10]
Comme l’énonce la jurisprudence constante de la Commission des lésions professionnelles[2], les pouvoirs de révision
et de révocation prévus à l’article
[11]
En l’espèce, le travailleur demande la révocation de la décision de la
première juge administrative invoquant le droit d’être entendu prévu au
deuxième paragraphe de l’article
[12]
Comme la Commission des lésions professionnelles le retient dans
l’affaire Valois[3], le motif énoncé au
deuxième paragraphe de l’article
[50] La Commission des lésions professionnelles estime en effet que ce deuxième motif vise davantage la situation où une partie n’a pu se présenter à l’audience pour des raisons que le tribunal juge suffisantes. Cette interprétation s’impose, ne serait-ce que s’il fallait inclure au deuxième motif les cas de violation des règles de justice naturelle par un commissaire, le dernier alinéa de l’article 429.56 n’aurait aucun sens puisque le commissaire à qui on reproche un tel manquement pourrait à la limite être saisi de la requête en révision ou en révocation de sa propre décision, situation qui ne peut se présenter si ces cas sont analysés dans le cadre du troisième motif de l'article 429.56.
[13]
Cette interprétation est reprise à bon droit dans l’affaire Lebrasseur[4],
la juge administrative énonçant que le deuxième paragraphe de l’article
[24] Le fait qu’une partie n’ait pu se faire entendre
constitue un motif de révocation expressément prévu au second paragraphe de
l’article
[14] Aussi, la Commission des lésions professionnelles a décidé à bon droit dans Imbeault et S.E.C.A.L.[6], que lorsque le deuxième paragraphe de l’article 429.56 est soulevé par une partie au soutien d’une requête en révocation, il revient à la Commission des lésions professionnelles d’apprécier la preuve et de décider si des raisons suffisantes ont été démontrées pour expliquer que la partie n’a pu se faire entendre. Pour être suffisantes, les raisons invoquées doivent être sérieuses et il ne doit pas y avoir eu négligence de la part de la partie qui prétend n’avoir pu se faire entendre. La règle qui doit toujours guider le tribunal, lorsqu’il a à décider de cette question, est le respect des règles de justice naturelle.
[15]
Il y a donc lieu dans le cadre du présent recours en révocation de
décider, conformément au deuxième paragraphe de l’article
[16] En l’espèce, le travailleur invoque le fait qu’il était absent de l’audience en raison du décès de son père survenu 2 jours avant, le 10 juillet 2012. Il dépose d’ailleurs le certificat de décès.
[17] Le tribunal estime qu’il s’agit d’un motif sérieux. De plus, rien dans la preuve ne démontre que le travailleur aurait été négligent dans la conduite de son dossier.
[18]
En somme, le tribunal considère que le travailleur a fait valoir des
raisons suffisantes pour expliquer son absence lors
de l’audience du 12 juillet 2012. La décision du 12 juillet 2012 doit donc être
révoquée, en application du second paragraphe de l’article
[19] Cette question étant réglée, étant donné que la preuve est complète, le présent tribunal doit maintenant se prononcer sur le litige lui-même à savoir si les traitements de massothérapie doivent être remboursés par la CSST. Le travailleur plaide que la preuve au dossier démontre que son médecin a prescrit ces traitements en raison de la lésion professionnelle, que ces traitements avaient été acceptés dans le passé par la CSST et qu’il ressent du soulagement après de tels traitements.
[20] Les faits au dossier sont les suivants :
· Le travailleur est journalier dans une entreprise de métal.
· Le 27 janvier 1998, il subit accident du travail.
· Le diagnostic retenu est une hernie discale L5-S1.
· Le travailleur reçoit notamment des traitements de physiothérapie, d’ergothérapie et de massothérapie tous remboursés par la CSST.
· Le 18 juin 1999, la lésion est consolidée avec une atteinte permanente à l'intégrité physique de 9,20% et des limitations fonctionnelles.
· Le travailleur ne peut reprendre son travail prélésionnel. Il est dirigé en réadaptation et un emploi convenable d’agent de sécurité est déterminé .
· Il reprend un travail dans le domaine de la sécurité en avril 2002.
· Le 2 mai 2002, il fait une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation produisant un rapport médical avec un diagnostic d’entorse lombaire.
· La CSST refuse de reconnaître la lésion, mais accepte de payer des traitements de physiothérapie.
· Le 19 septembre 2002, le médecin du travailleur indique que cette lésion est consolidée sans nouvelles séquelles.
· Selon les notes évolutives au dossier, faisant référence à un autre dossier concernant une lésion au niveau lombaire acceptée par la CSST, le 12 mars 2005, le travailleur est victime d’un nouvel événement pour lequel une journée d’indemnité de remplacement du revenu est payée. Cette lésion est consolidée sans atteinte permanente à l'intégrité physique ni limitations fonctionnelles.
· Selon les notes évolutives au dossier, faisant référence à un autre dossier concernant une lésion au niveau lombaire acceptée par la CSST, le 26 mars 2006, le travailleur est victime d’un nouvel événement pour lequel 474 jours d’indemnité de remplacement du revenu sont payés. Cette lésion est consolidée avec atteinte permanente à l'intégrité physique de 2,30% et des limitations fonctionnelles. Le dossier actuel ne comporte pas d’autres informations à ce sujet.
· Le 27 juin 2011, le travailleur fait une nouvelle réclamation pour récidive, rechute ou aggravation produisant un rapport médical du docteur Sarto Imbault, physiatre, avec un diagnostic de lomboradiculalgie et de hernie discale. Le travailleur indique avoir ressenti des douleurs de type brûlure alors qu’il passait la vadrouille chez son employeur.
· La CSST reconnaît qu’il s’agit d’une lésion professionnelle. Elle rembourse notamment des traitements de physiothérapie et un appareil Tens prescrits par le docteur Imbault.
· Le 24 janvier 2012, le docteur Imbault prescrit 12 traitements de massothérapie.
· Le 22 février 2012, le travailleur dépose à la CSST un document du docteur Serge Ferron, chirurgien orthopédiste, sur « les traitements suggérés pour maux de dos ». Il y est indiqué notamment des traitements de physiothérapie, d’ergothérapie, et de massothérapie.
[21] La CSST refuse de rembourser les traitements de massothérapie prescrits par le docteur Imbault, en janvier 2012, d’où le présent litige.
[22]
L’article
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1° les services de professionnels de la santé;
2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes et des tissus et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4 ° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166; 2009, c. 30, a. 58.
[23]
En l’espèce, ni l’article 189 ni le règlement prévu au cinquième
paragraphe de l’article
[24] Dans plusieurs cas, la jurisprudence a accepté de rembourser certains traitements non prévus explicitement à ces dispositions. Des traitements d’ostéopathie ont été reconnus à titre d’assistance médicale, selon les conditions prévues au règlement, dans la mesure où ils étaient prescrits par le médecin qui a charge et prodigués par un intervenant de la santé, généralement un physiothérapeute[8]. Dans ces situations, la Commission des lésions professionnelles a considéré que les traitements sont eux-mêmes inclus au règlement puisqu’ils s’assimilent à un soin, traitement ou aide technique qui s’y trouvent expressément.
[25] Ainsi, appliquant ce principe aux faits de l’espèce, les traitements de massothérapie prescrits seraient remboursables par la CSST dans la mesure où ils seraient dispensés par un professionnel de la santé, comme un physiothérapeute. Si par contre, les traitements de massothérapie prescrits par le docteur Imbault sont donnés par un massothérapeute, ils ne sont pas remboursables comme assistance médicale puisque ces personnes ne sont pas considérées comme des professionnels de la santé visés par le premier paragraphe de l’article 189 de la loi[9]. Cette conclusion s’impose même si la CSST a déboursé pour des traitements de massothérapie dans le passé.
[26] Par ailleurs, la soussignée estime que la situation du travailleur ne remplit pas les conditions prévues aux autres dispositions de la loi en matière de réadaptation, puisque la lésion du travailleur n’est pas encore consolidée et qu’il est difficile à cette étape de prévoir si une atteinte permanente à l'intégrité physique pourrait découler de la nouvelle lésion professionnelle.
[27]
Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut qu’en
l’absence de preuve que les traitements de massothérapie soient prodigués par
un physiothérapeute ou un autre professionnel de la santé au sens du premier
paragraphe de l’article
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révision ou en révocation déposée le 16 juillet 2012, par monsieur Nick Panza, le travailleur;
RÉVOQUE la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 12 juillet 2012;
REJETTE la requête du travailleur déposée le 12 mars 2012;
CONFIRME la décision rendue le 8 mars 2012 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est justifiée de refuser d’autoriser le remboursement du coût des traitements de massothérapie.
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Marie Langlois |
[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Voir entre autres Franchellini et
Sousa,
[3] Valois et Service d'entretien Macco ltée,
[4] Lebrasseur et Société de l'assurance-automobile, C.L.P.
[5] Précité, note 3.
[6] C.L.P.
[7] R.R.Q., c. A-3001, r.1.
[8] Dicaire et Métallurgie Noranda inc. (Division CCR),
C.L.P.
[9] Voir à ce sujet Marcel et Buanderie Centrale de
Montréal,
AVIS :
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