Poulin et CRT — Hamel

2011 QCCLP 5996

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

13 septembre 2011

 

Région :

Laurentides

 

Dossiers :

418750-64-1009      420601-64-1009      421362-64-1010     

 

Dossier CSST :

133448506

 

Commissaire :

Daniel Martin, juge administratif

 

Membres :

René F. Boily, associations d’employeurs

 

Réjean Lemire, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

418750          421362

420601

 

 

Mario Poulin

CRT - Hamel

Partie requérante

Partie requérante

 

 

et

et

 

 

CRT - Hamel

Mario Poulin

Partie intéressée

Partie intéressée

 

 

et

et

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

Partie intervenante

Partie intervenante

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

Dossier 418750-64-1009

[1]           Le 1er septembre 2010, monsieur Mario Poulin (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 16 août 2010, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST conclut qu’elle ne pouvait reconsidérer la décision du 21 janvier 2010 et déclare nulle la décision émise le 4 mars 2010. Elle rétablit alors la décision rendue le 21 janvier 2010 concernant le pourcentage de l’atteinte permanente.

[3]           Par cette décision, la CSST déclare irrecevable la demande de révision du travailleur quant à l’évaluation médicale complétée par son médecin. Elle déclare conforme le bilan des séquelles fait par le médecin qui a charge et confirme la décision du 21 janvier 2010. Elle déclare que la lésion professionnelle du 20 juin 2008 a entraîné une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique du travailleur de 1,10 % et que le travailleur a droit à l’indemnité minimale pour préjudice corporel de 922 $ plus intérêts.

Dossier 420601-64-1009

[4]           Le 28 septembre 2010, CRT - Hamel (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue par la CSST le 21 septembre 2010, à la suite d’une révision administrative.

[5]           Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 8 juillet 2010 et déclare qu’elle était bien fondée de ne pas transmettre au Bureau d’évaluation médicale la demande de l’employeur en ce qui concerne l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

Dossier 421362-64-1010

[6]          Le 12 octobre 2010, le travailleur dépose également à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision rendue par la CSST le 21 septembre 2010, à la suite d’une révision administrative.

[7]          Le 24 août 2011, une audience est tenue à Saint-Jérôme en présence du travailleur et de son procureur. Pour sa part, l’employeur est également représenté et assisté de son procureur. Enfin, la procureure de la CSST a informé le tribunal qu’elle ne serait pas présente.

[8]          À la demande des parties, l’audience a été convoquée uniquement sur des moyens préalables. Le dossier a été pris en délibéré le jour même.


MOYENS PRÉALABLES

Dossier 418750-64-1009

[9]          Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’invalider le rapport d’évaluation médicale émis par le docteur Maurice Duquette le 11 janvier 2010. En conséquence, il demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le rapport d’évaluation médicale émis par le docteur Charles Desautels le 23 juin 2010 est celui qui lie la CSST quant à l’évaluation de l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.

Dossier 420601-64-1009

[10]        L’employeur demande à la Commission des lésions professionnelles de conclure que le rapport d’évaluation médicale du docteur Duquette est valide et lie la CSST au sujet de l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Subsidiairement, dans la mesure où le tribunal conclut que ce rapport ne lie pas la CSST, il demande que le dossier soit acheminé au Bureau d’évaluation médicale afin qu’il soit statué sur ces sujets.

Dossier 421362-64-1010

[11]        Le travailleur demande au tribunal de reconnaître, dans la mesure où le rapport d’évaluation médicale du docteur Duquette est écarté, que la CSST était liée par les conclusions du docteur Desautels. De plus, il demande de conclure que la CSST était justifiée de ne pas soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

LES FAITS SUR LES MOYENS PRÉALABLES

Dossiers 418750-64-1009, 420601-64-1009 et 421362-64-1010

[12]        Dans le présent dossier, le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle le 20 juin 2008. À la suite de cette lésion professionnelle, la CSST a reconnu le diagnostic d’entorse du genou gauche et déchirure du ménisque interne gauche. Le travailleur a été suivi par divers médecins, dont le docteur Duquette, chirurgien orthopédiste, lequel a procédé à une méniscectomie interne le 29 septembre 2009.

[13]        Le 17 novembre 2009, une agente d’indemnisation de la CSST communique avec le travailleur. Elle lui explique qu’elle travaille avec une conseillère en réadaptation et qu’elle aimerait le rencontrer avec cette dernière. Elle fixe cette rencontre au 10 décembre 2009. Le travailleur l’informe qu’il a rendez-vous avec le docteur Duquette le 3 décembre prochain.

[14]        Le 3 décembre 2009, le docteur Duquette émet un rapport final. Il consolide la lésion à cette date et prévoit une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Il précise qu’il produira le rapport d’évaluation médicale.

[15]        Le 10 décembre 2009, le travailleur rencontre une agente d’indemnisation et une conseillère en réadaptation de la CSST. Lors de cette rencontre, il discute du processus de réadaptation. Le travailleur relate le contenu de sa conversation avec le docteur Duquette. Le travailleur décrit les difficultés qui persistent au sujet de son genou.

[16]        Il relate en avoir parlé au docteur Duquette, lequel lui a dit que cela prendrait une orthèse. À cette occasion, le travailleur confirme que le docteur Duquette lui a remis un rapport médical final avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Il aurait également fait l’évaluation puisqu’il a pris des mesures. Cela fait supposer à l’agente d’indemnisation que ce dernier a effectivement fait l’évaluation, soit un rapport d’évaluation médicale.

[17]        Le travailleur déclare à l’agente qu’il lui fera parvenir le rapport médical final par courriel. Il ajoute que son médecin lui a mentionné que son genou « était fini à 80 % » et qu’il ne pouvait plus marcher en terrain accidenté. Il lui aurait aussi dit qu’il devait changer de carrière. L’agente d’indemnisation convient qu’elle vérifiera auprès du médecin si ce dernier va produire le rapport d’évaluation médicale.

[18]        Le 14 décembre 2009, l’agente d’indemnisation communique avec le bureau du docteur Duquette au sujet du rapport d’évaluation médicale. Puis le 17 décembre 2009, l’agente note que la secrétaire du médecin confirme que le rapport d’évaluation médicale n’a pas été dicté et, dès qu’il le sera, elle le fera parvenir.

[19]        Le 5 janvier 2010, l’agente d’indemnisation confirme au travailleur qu’elle a fait des démarches afin d’obtenir le rapport d’évaluation médicale du docteur Duquette. Elle lui demande de faire également un appel au bureau du médecin afin d’avoir des nouvelles puisqu’elle aura besoin des limitations fonctionnelles. À ce sujet, les notes révèlent que le 12 et 13 janvier 2010, le travailleur a communiqué avec le bureau du docteur Duquette. Dans la note du 13 janvier 2010, le travailleur précise à l’agente d’indemnisation que la secrétaire du médecin lui a mentionné qu’elle enverrait le rapport d’évaluation médicale demain.

[20]        Le 14 janvier 2010, l’agente d’indemnisation informe la représentante de l’employeur, soit madame Caroline Gauthier, laquelle est mandatée pour l’assister dans la gestion des dossiers d’accidents du travail, que la CSST a reçu le rapport médical final avec atteinte permanente et limitations fonctionnelles et qu’elle est en attente d’un rapport d’évaluation médicale.

[21]        Le 19 janvier 2010, l’agente d’indemnisation mentionne avoir reçu le rapport d’évaluation médicale du docteur Duquette, lequel est daté du 11 janvier 2010. Elle reprend alors le contenu du rapport d’évaluation médicale. Elle note le diagnostic de séquelles de méniscectomie interne associée à une ostéoarthrose du compartiment interne. La limitation fonctionnelle se décrit comme suit : « Il doit éviter les positions accroupies. Comme il commence à présenter une ostéoarthrose, la position debout sans période de repos est à éviter. Le patient se dit apte à pouvoir exercer son travail d’arpenteur géomètre ». L’agente d’indemnisation note également une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique de 1,10 %. Elle précise qu’une copie de ce rapport d’évaluation médicale est postée au travailleur. Enfin, elle transmet par télécopieur une copie du rapport final et du rapport d’évaluation médicale au médecin désigné de l’employeur, soit le docteur André Gilbert.

[22]        Le 21 janvier 2010, la conseillère en réadaptation de la CSST communique avec le travailleur. Elle discute avec lui de diverses mesures de réadaptation.

[23]        Le 21 janvier 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle déclare qu’à la suite de la lésion professionnelle du 20 juin 2008, le travailleur demeure avec une atteinte permanente de 1,10 %. Elle précise que cela lui donne droit à une indemnité de 680,22 $. Cependant, elle ajoute que l’indemnité minimale s’élève à 922 $.

[24]        À cette même date, madame Gauthier transmet une lettre à la CSST. Elle demande que lui soit acheminé dans les plus brefs délais le dossier administratif et médical complet du travailleur. Elle demande en particulier de transmettre tous les nouveaux rapports au docteur André Gilbert.

[25]        Le 22 janvier 2010, la conseillère en réadaptation communique avec le représentant de l’employeur, monsieur Sylvain Roy, afin de lui faire part des limitations fonctionnelles et de vérifier la disponibilité d’un emploi convenable. Monsieur Roy demande à la conseillère de faire parvenir ce rapport d’évaluation médicale à son médecin désigné.

[26]        Le 25 janvier 2010, la conseillère en réadaptation communique avec le travailleur. Elle l’informe que l’employeur ne met pas encore fin au lien d’emploi puisqu’il se questionne sur la possibilité d’un emploi convenable, et ce, compte tenu des limitations fonctionnelles. Le travailleur se dit en accord avec les démarches entreprises par la conseillère en réadaptation.

[27]        Le 2 février 2010, le travailleur discute par téléphone avec l’agente d’indemnisation. Le travailleur lui demande des explications à la suite de la réception de la décision concernant l’atteinte permanente. Elle lui mentionne que le 1 % vient du rapport de son médecin, le docteur Duquette. Elle lui explique la procédure suite au pourcentage donné par le médecin. Le travailleur souligne que son médecin lui avait dit que son genou « était fini à 80 % ». Le travailleur s’attendait donc à ce pourcentage. Elle lui explique que tout le corps équivaut à 100 %. Le travailleur ne pouvait donc pas avoir droit à 80 % pour un genou. Le travailleur lui demande ce qu’il peut faire. Elle l’informe qu’il peut vérifier le pourcentage avec son médecin. Elle ajoute qu’il peut aussi contester la décision de l’atteinte permanente s’il désire être dans les délais de contestation. Le travailleur indique qu’il fera parvenir sa contestation en attendant de parler au docteur Duquette, car celui-ci est en vacances pour deux semaines.

[28]        Le 4 février 2010, le travailleur transmet un courriel à la CSST. Il fait référence à sa discussion avec l’agente du 2 février 2010 concernant le rapport du docteur Duquette. Il ajoute avoir communiqué avec le bureau du médecin et que ce dernier sera de retour à la fin du mois de février.

[29]        Le 11 février 2010, l’agente d’indemnisation rencontre le travailleur. Ce dernier lui déclare avoir un rendez-vous avec le docteur Duquette le 25 février 2010, afin de discuter avec lui au sujet du 1 % indiqué au rapport d’évaluation médicale. Selon le travailleur, il s’agit d’une erreur. L’agente convient qu’elle attendra le résultat de cette démarche.

[30]        À cette date, la conseillère en réadaptation communique avec monsieur Roy. Ce dernier mentionne que l’employeur a tenu compte des limitations fonctionnelles et qu’il croit possible de pouvoir accommoder le travailleur afin qu’il reprenne son travail. Il se réfère plus particulièrement à la limitation fonctionnelle qui concerne la position debout.

[31]        Selon le contenu de cette note, l’employeur avait alors connaissance du contenu du rapport final et du rapport d’évaluation médicale du docteur Duquette. À compter de cette période, il disposait d’un délai de trente jours pour obtenir un rapport qui infirme les conclusions du médecin qui a charge.

[32]        Le 25 février 2010, le docteur Duquette rédige un rapport médical. Dans ce rapport, il mentionne qu’il « cancelle » l’évaluation du 11 janvier 2010. Il recommande que soit effectuée une évaluation selon l’article 204 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

[33]        Le 2 mars 2010, l’agente d’indemnisation note avoir reçu le rapport du 25 février 2010. Elle note également avoir reçu un courriel du travailleur daté du 28 février 2010 dans lequel il accepte la recommandation du docteur Duquette d’aller en expertise. Le travailleur dit s’être rendu compte qu’il ne pourrait plus exécuter des tâches comme arpenteur sur le terrain étant donné l’état de son genou. L’agente communique avec l’employeur le lendemain afin de l’informer de la décision du docteur Duquette. Elle discute alors avec monsieur Roy. Puis le 4 mars 2010, le médecin régional de la CSST confirme qu’il est approprié d’aller en expertise.

[34]        Le 4 mars 2010, la CSST rend une décision en reconsidération où elle annule sa décision du 21 janvier 2010. Cette décision est contestée par l’employeur.

[35]        Le 23 avril 2010, le docteur J. Dionne, chirurgien orthopédiste, complète une expertise à la demande de l’employeur. Ce dernier retient un diagnostic de déchirure méniscale interne du genou gauche. Il note la présence d’un phénomène dégénératif au ménisque, lequel avait également été observé lors d’une investigation radiologique le 1er décembre 2002. Il fixe la date de consolidation au 3 décembre 2009. Il ne recommande aucun autre traitement ou soin. Il établit à 1 % le déficit anatomo-physiologique de 1 % pour une méniscectomie interne gauche sans séquelle fonctionnelle. Il n’émet aucune limitation fonctionnelle.

[36]        Le 21 juin 2010, le travailleur est examiné par le docteur C. Desautels, chirurgien orthopédiste, le tout en application de l’article 204 de la loi. Selon les notes au dossier, le travailleur a consenti à cette évaluation. Il n’existe donc au dossier aucune déclaration du travailleur voulant qu’il remette en cause le choix de ce médecin par la CSST.

[37]        Dans son rapport d’évaluation daté du 23 juin 2010, le docteur Desautels conclut qu’il résulte de la lésion professionnelle du 20 juin 2008 un déficit anatomo-physiologique de 1 % pour une méniscectomie interne gauche avec séquelles fonctionnelles et de 2 % pour une atrophie musculaire du mollet gauche de 3 centimètres. Il ne retient aucune limitation fonctionnelle reliée à la méniscectomie. Par contre, il souligne que le travailleur présente des changements compatibles avec une arthrose interne et fémoro-rotulienne au genou gauche. Il ne retrouve pas d’arthrose significative au genou droit. Il envisage que cette dernière puisse être en relation avec une ancienne méniscectomie. Il émet alors des limitations fonctionnelles en lien avec cette arthrose.

[38]        Le 30 juin 2010, l’employeur demande à la CSST d’acheminer le dossier au Bureau d’évaluation médicale puisque le rapport du docteur Duquette est annulé.

[39]        Le 26 juillet 2010, l’employeur réitère sa demande. Il manifeste son désaccord au sujet des séquelles permanentes évaluées par le docteur Desautels. Il précise avoir reçu cette évaluation en date du 23 juillet 2010.

[40]        Pendant cette période, la CSST entreprend des démarches pour acheminer le dossier au Bureau d’évaluation médicale. Cette démarche est annulée à la suite de la décision rendue en révision administrative le 16 août 2010. Cette décision est contestée par le travailleur.

[41]        Le 21 septembre 2010, la CSST, à la suite d’une révision administrative, rend une décision où elle refuse de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale. Cette décision est contestée par le travailleur et l’employeur.

L’AVIS DES MEMBRES SUR LES MOYENS PRÉALABLES

Dossier 418750-64-1009

[42]       Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir le moyen préalable soulevé par le travailleur. Ils considèrent que le travailleur a démontré ne pas avoir été informé par son médecin du contenu de son évaluation médicale. Ils concluent que cette évaluation ne doit pas être retenue et que la CSST était bien fondée d’obtenir une nouvelle évaluation des séquelles permanentes. Ils sont d’avis que l’évaluation du docteur Desautels liait la CSST sur ces sujets et constituait alors celle du médecin qui a charge.

Dossier 420601-64-1009

[43]        Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir le moyen préalable soulevé par l’employeur. Ils considèrent que l’employeur était justifié de demander à la CSST de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale quant à l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

Dossier 421362-64-1010

[44]        Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis sont de rejeter le moyen préalable soulevé par le travailleur. Ils concluent qu’en raison des opinions divergentes des docteurs Desautels et Dionne au sujet de l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, il y a lieu d’acheminer le dossier au Bureau d’évaluation médicale sur ces sujets, le tout conformément à la loi.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION SUR LES MOYENS PRÉALABLES

Dossiers 418750-64-1009, 420601-64-1009 et 421362-64-1010

[45]       La Commission des lésions professionnelles doit se prononcer sur les moyens préalables soulevés par les parties quant à la régularité de la procédure d’évaluation médicale.

[46]       À l’audience, le procureur du travailleur invoque que le médecin qui a charge, le docteur Duquette, n’a pas transmis au travailleur son rapport d’évaluation médicale, le tout conformément à la loi. Il se réfère plus particulièrement au libellé du dernier alinéa de l’article 203 de la loi, lequel se lit comme suit :

203.  Dans le cas du paragraphe 1° du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2° du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.

 

Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant :

 

1° le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des indemnités pour préjudice corporel adopté par règlement;

 

2° la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion;

 

3° l'aggravation des limitations fonctionnelles antérieures à celles qui résultent de la lésion.

 

Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.

__________

1985, c. 6, a. 203; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

[47]        En vertu du dernier alinéa de cette disposition, le docteur Duquette devait informer le travailleur sans délai du contenu de son rapport. Or, selon le procureur du travailleur, cette obligation n’a pas été respectée, de telle sorte que la CSST était justifiée de déclarer qu’elle n’était pas liée par ses conclusions. Il considère que la CSST était alors liée par les conclusions du docteur Desautels.

[48]        Il ressort de la preuve au dossier que le travailleur a rencontré le docteur Duquette le 3 décembre 2009 et ne l’a pas revu pour la rédaction de son rapport d’évaluation médicale.

[49]        Lors de cette rencontre du 3 décembre 2009, le docteur Duquette a effectué certaines mesures. Il a informé le travailleur que son genou « était fini à 80 % » et qu’il ne pourrait plus marcher en terrain accidenté. Il lui aurait aussi dit qu’il devait changer de carrière. Il a alors consolidé la lésion professionnelle et émis un rapport médical final. Il prévoyait une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. C’est d’ailleurs le travailleur qui a transmis ce rapport final à la CSST. Il a également effectué des démarches afin d’obtenir le rapport d’évaluation médicale annoncé par le docteur Duquette.

[50]        Ce rapport a finalement été produit par le docteur Duquette à la CSST le 19 janvier 2010. Il ressort clairement des notes évolutives de l’agente d’indemnisation et de la conseillère en réadaptation de la CSST que le travailleur n’a pas reçu une copie de ce rapport d’évaluation médicale. La CSST a alors fait parvenir une copie de ce rapport au travailleur. Ce dernier a revu le docteur Duquette uniquement le 25 février 2010.

[51]        De plus, il ressort des déclarations faites par le travailleur à l’agente d’indemnisation que ce dernier avait l’impression qu’il résultait de sa lésion professionnelle une atteinte permanente importante puisque le médecin lui avait mentionné que son genou « était fini à 80 % ». C’est ce qui explique sa surprise lorsqu’il reçoit la décision rendue par la CSST le 21 janvier 2010. Le travailleur est alors informé que les propos tenus par son médecin ne correspondent pas nécessairement au pourcentage reconnu par la CSST. Ce n’est qu’après avoir obtenu les explications de l’agente d’indemnisation le 2 février 2010 que le travailleur est informé de l’origine de son pourcentage d’atteinte permanente.

[52]        Il ressort également des notes évolutives que les informations données au travailleur par le docteur Duquette, à l’égard de ses limitations fonctionnelles, ne correspondent pas à ce qui a été décrit au rapport d’évaluation médicale. Lorsque le docteur Duquette s’adresse au travailleur, il lui mentionne qu’il ne pourra plus travailler en terrain accidenté. Or, dans son rapport d’évaluation médicale, il détermine que le travailleur ne pourra plus effectuer de travail en position accroupie. Le médecin ajoute que la position debout sans période de repos est à éviter. Cela diffère de ce que le travailleur avait retenu de la conversation avec le docteur Duquette, tel qu’il appert de la note évolutive du 10 décembre 2009.

[53]        Or, le législateur a prévu à l’article 203, dernier alinéa de la loi, que le médecin qui a charge doit informer sans délai le travailleur du contenu de son rapport.

[54]        La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a également confirmé à maintes reprises cette obligation du médecin qui a charge[2].

[55]        La Cour d’appel dans l’affaire Lapointe[3] a également reconnu qu’un travailleur devait être informé par son médecin du contenu de son rapport, tel que le prévoit l’article 203 de la loi. Lorsque ce dernier a manqué à cette obligation, la CSST doit conclure qu’elle n’est pas liée par le rapport de ce médecin.

[56]        À ce sujet, l’employeur soumet que le travailleur était adéquatement informé du contenu du rapport d’évaluation médicale du docteur Duquette. Il est d’avis que le travailleur tente de façon indirecte de contester les conclusions de son médecin, ce que la loi ne lui permet pas. Il s’appuie entre autres sur une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Plante et Commission scolaire des Samares[4].

[57]        Les faits de cette affaire diffèrent de ceux du présent dossier. En premier lieu, dans cette affaire, le travailleur contestait le statut de médecin qui a charge afin de remettre en cause les conclusions du rapport d’évaluation médicale. Il invoquait également ne pas avoir obtenu une copie de ce rapport. Toutefois, lors de son témoignage, il admettait qu’il connaissait l’essentiel du contenu de ce rapport à la suite de sa rencontre avec le médecin. Il était alors déjà informé qu’il ne résultait de sa lésion professionnelle aucune limitation fonctionnelle et qu’il pourrait reprendre son travail régulier.

[58]        Certes, dans cette affaire le tribunal souligne que l’obligation du médecin ne va pas jusqu’à exiger de ce dernier qu’il soumette une description détaillée des déficits retenus et des codes correspondant en vertu du Règlement sur barème des dommages corporels[5]. Toutefois, les informations données par un médecin ne doivent pas induire en erreur un travailleur.

[59]        Dans le présent dossier, le travailleur a discuté avec son médecin, le docteur Duquette, uniquement le 3 décembre 2009. Il ne l’a pas revu au moment de la rédaction du rapport d’évaluation médicale. Selon le contenu des notes évolutives, le docteur Duquette n’a pas donné d’information au travailleur quant à l’atteinte permanente et n’a pas décrit les limitations fonctionnelles. En comparant l’information que le travailleur a obtenue de son médecin, telle que rapportée à l’agente d’indemnisation, avec les conclusions émises finalement par le docteur Duquette, cela confirme une nette différence.

[60]        Jusqu’au moment où le travailleur est notifié de la décision du 21 janvier 2010, dans laquelle la CSST détermine le pourcentage d’atteinte permanente et l’indemnité pour dommages corporels, il a l’impression qu’il résulte de sa lésion professionnelle une atteinte permanente importante. À cette période, il n’a pas encore connaissance des limitations fonctionnelles qui ont finalement été retenues par son médecin.

[61]        D’ailleurs, le dossier révèle que le docteur Duquette a rédigé son rapport d’évaluation médicale plusieurs semaines après avoir rencontré le travailleur, soit le 11 janvier 2010. Lors de sa rédaction, il n’a pas repris pas le contenu de sa conversation avec le travailleur, puisqu’entre autres, il a émis des limitations fonctionnelles différentes de celles discutées avec lui. Ainsi, le travailleur n’a pas été notifié du rapport d’évaluation médicale. Ce dernier a été transmis directement à la CSST.

[62]        D’ailleurs, dans une note datée du 21 janvier 2010 une agente d’indemnisation relate sa conversation avec le travailleur au sujet de la réadaptation. Elle a alors entre les mains le rapport d’évaluation médicale. Il n’est pas décrit dans cette note les conclusions du docteur Duquette.

[63]        Le 2 février 2010, cette agente d’indemnisation répond aux interrogations du travailleur quant à l’origine du pourcentage d’atteinte permanente. À cette date, il est informé que le pourcentage de 1 % provient de l’évaluation de son médecin, le docteur Duquette. Lors de cette communication, il ne comprend pas cette conclusion puisque son médecin avait déclaré que son genou « était fini à 80 % ».

[64]        Après avoir obtenu ces informations, soit le 4 février 2010, le travailleur a manifesté son désaccord avec la décision rendue le 21 janvier 2010.

[65]        La preuve démontre donc que le travailleur ne disposait pas des informations adéquates lui permettant de bien saisir la portée de l’évaluation de son médecin.

[66]        Cette situation diffère de celle décrite dans l’affaire Plante[6], puisqu’il n’est pas question de l’absence de description détaillée des déficits retenus par le docteur Duquette, mais plutôt d’un manque réel d’information quant à l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.

[67]        Tous ces éléments amènent le tribunal à conclure que le docteur Duquette n’a pas révélé au travailleur le 3 décembre 2009 le contenu de son rapport d’évaluation médicale rédigée en janvier 2010.

[68]        Il ressort de ces faits que le docteur Duquette ne s’est pas conformé à l’exigence prévue au dernier alinéa de l’article 203 de la loi. Il n’a pas informé le travailleur du contenu de son évaluation.

[69]        Dans l’affaire Latulippe et CSST[7], le tribunal rappelle cette obligation du médecin et souligne ce qui suit :

[53]      Dans l’affaire Lapointe et Sécuribus inc.7, la Cour d’appel, par l’opinion du juge Dalphond, mentionne ceci quant à l’obligation du médecin qui a charge d’informer le travailleur :

[32]      La deuxième possibilité était de considérer que le médecin qui avait charge de l’appelante en juin 1998 était désormais le Dr Roy. Il demeure que l’appelante a allégué dès la décision de la CSST connue, qu’elle ignorait le contenu de ce rapport. En somme, elle a allégué violation de l’obligation faite à l’art. 203 in fine au médecin qui avait charge de l’informer. La CSST devait alors vérifier la véracité de l’allégation et, si bien fondée, conclure que le rapport final reçu du Dr Roy ne pouvait lier l’appelante en vertu de la Loi, car violant l’art. 203 de la Loi et la finalité sous-jacente, soit celle du droit du travailleur de choisir le médecin de son choix (art. 192) et d’être informé du contenu du rapport final de ce dernier.

 

[54]      Dans l'affaire Bergeron et Fondations André Lemaire8, la Commission des lésions professionnelles mentionne ceci quant à l’obligation d’information du médecin qui a charge dans le cadre de l’article 212.1 de la loi9 :

 

[51]      Le second motif qui amène le tribunal à ne pas accorder un caractère liant à l’information médicale complémentaire écrite du docteur Dextradeur réside dans le fait que la procédure de l’article 212.1 de la LATMP n’a pas été respectée notamment en ce qui concerne l’obligation du médecin qui a charge d’informer sans délai le travailleur du contenu de son rapport. Cette exigence n’est pas une simple formalité, mais bien une exigence de fond compte tenu des conséquences qu’a l’opinion du médecin qui a charge sur les droits du travailleur. Cette étape est le seul moment où le travailleur a l’occasion de faire valoir son point de vue et d’exercer le droit qui lui est dévolu à l’article 192 de la LATMP d’avoir recours au médecin de son choix si jamais il est en désaccord avec le contenu de ce rapport.

 

[55]      Le tribunal considère que le Rapport complémentaire du docteur Maurais n’est pas suffisamment motivé et n’a pas le caractère liant nécessaire pour éviter une procédure d’évaluation médicale. De plus, le tribunal retient que le docteur Maurais avait l’obligation d’aviser sans délai le travailleur du contenu de son rapport et il n’a pas respecté ce qui est prévu par la loi quant à cet aspect.

 

[56]      Le tribunal est donc d’avis d’annuler le Rapport complémentaire du docteur Maurais et de retourner le dossier à la CSST afin de recommencer la procédure d’évaluation médicale. En conséquence, les décisions rendues par la CSST les 16 décembre, 18 décembre et 21 décembre 2009 sont annulées.

____________

            7 C.A. Montréal : 500-09-013413-034, 2004-03-19, jj. Forget, Dalphond, Rayle.

            8 C.L.P. 334647-71-0712, 9 avril 2009, J.-C. Danis.

9 Cette disposition de la loi est similaire à ce que prévoit l’article 205.1 de la loi mais dans le cas d’un rapport provenant du médecin désigné par l’employeur.

 

 

[70]        Cette exigence du législateur ne constitue pas une simple formalité, mais bien une exigence de fond, et ce, en raison des conséquences que cela peut avoir sur les droits d’un travailleur.

[71]        Or, la procédure d’évaluation ne doit pas prendre par surprise un travailleur comme cela est survenu dans le présent dossier. Le contexte entourant le dépôt par le docteur Duquette à la CSST le 19 janvier 2010 d’un rapport d’évaluation médicale, sans que le travailleur en reçoive une copie et qu’il ait eu l’occasion d’en discuter de nouveau avec ce dernier, ne rencontre pas les exigences du législateur.

[72]        Devant une telle situation, le tribunal n’a d’autre choix que de conclure, tout comme l’a reconnu implicitement le docteur Duquette le 25 février 2010, que son rapport ne liait pas la CSST. Ce médecin a d’ailleurs demandé que l’évaluation des séquelles permanentes soit effectuée par un médecin désigné par la CSST.

[73]        Le 28 février 2010, le travailleur transmet à la CSST un message par courriel où il reconnaît qu’il accepte la recommandation du docteur Duquette d’obtenir une autre expertise. La CSST a alors entrepris les démarches pour obtenir une évaluation.

[74]        Cette évaluation médicale a été complétée par le docteur Desautels avec l’accord du travailleur. En effet, l’agente d’indemnisation de la CSST après avoir annulé le rapport d’évaluation médicale a discuté avec le travailleur le 2 mars 2010. Le travailleur devait alors réfléchir sur ce sujet étant donné le délai que pouvait générer une nouvelle évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

[75]        À ce sujet, l’article 204 de la loi prévoit ce qui suit :

204.  La Commission peut exiger d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle qu'il se soumette à l'examen du professionnel de la santé qu'elle désigne, pour obtenir un rapport écrit de celui-ci sur toute question relative à la lésion. Le travailleur doit se soumettre à cet examen.

 

La Commission assume le coût de cet examen et les dépenses qu'engage le travailleur pour s'y rendre selon les normes et les montants qu'elle détermine en vertu de l'article 115 .

__________

1985, c. 6, a. 204; 1992, c. 11, a. 13.

 

 

[76]        Dans le contexte du présent dossier, la CSST était justifiée d’obtenir une telle évaluation.

[77]        À la suite de la réception de l’évaluation du docteur Desautels, dont les conclusions diffèrent de celles du docteur Duquette, la CSST avait entrepris d’acheminer le dossier au Bureau d’évaluation médicale. Cette démarche a été annulée en raison de la décision rendue à la suite d’une révision administrative le 16 août 2010.

[78]        C'est pourquoi jusqu’à maintenant le dossier n’a pas été acheminé au Bureau d’évaluation médicale.

[79]        La Commission des lésions professionnelles doit donc déterminer si l’évaluation du docteur Desautels liait la CSST ou si l’employeur pouvait demander que le dossier soit acheminé au Bureau d’évaluation médicale.

[80]        À l’audience, le procureur de l’employeur soumet que dans l’éventualité où le tribunal écarte le rapport d’évaluation médicale du docteur Duquette, il doit alors reconnaître son droit à obtenir de la CSST que le dossier soit acheminé au Bureau d’évaluation médicale. Une telle demande est fondée sur les dispositions suivantes de la loi :

212.  L'employeur qui a droit d'accès au dossier que la Commission possède au sujet d'une lésion professionnelle dont a été victime un travailleur peut contester l'attestation ou le rapport du médecin qui a charge du travailleur, s'il obtient un rapport d'un professionnel de la santé qui, après avoir examiné le travailleur, infirme les conclusions de ce médecin quant à l'un ou plusieurs des sujets suivants :

 

1° le diagnostic;

 

2° la date ou la période prévisible de consolidation de la lésion;

 

3° la nature, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins ou des traitements administrés ou prescrits;

 

4° l'existence ou le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur;

 

5° l'existence ou l'évaluation des limitations fonctionnelles du travailleur.

L'employeur transmet copie de ce rapport à la Commission dans les 30 jours de la date de la réception de l'attestation ou du rapport qu'il désire contester.

__________

1985, c. 6, a. 212; 1992, c. 11, a. 15; 1997, c. 27, a. 4.

 

 

212.1.  Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .

__________

1997, c. 27, a. 5.

 

 

215.  L'employeur et la Commission transmettent, sur réception, au travailleur et au médecin qui en a charge, copies des rapports qu'ils obtiennent en vertu de la présente section.

 

La Commission transmet sans délai au professionnel de la santé désigné par l'employeur copies des rapports médicaux qu'elle obtient en vertu de la présente section et qui concernent le travailleur de cet employeur.

__________

1985, c. 6, a. 215; 1992, c. 11, a. 17.

 

 

217.  La Commission soumet sans délai les contestations prévues aux articles 205.1, 206 et 212.1 au Bureau d'évaluation médicale en avisant le ministre de l'objet en litige et en l'informant des noms et adresses des parties et des professionnels de la santé concernés.

__________

1985, c. 6, a. 217; 1992, c. 11, a. 19; 1997, c. 27, a. 6.

 

 

[81]        Il ressort de ces dispositions que l’employeur peut demander à la CSST d’acheminer le dossier au Bureau d’évaluation médicale dans la mesure où le médecin qu’il désigne rédige un rapport qui infirme les conclusions du médecin qui a charge sur l’un des sujets prévus à l’article 212 de la loi. Pour ce faire, l’employeur dispose d’un délai de trente jours à compter de la réception de l’attestation ou du rapport qu’elle désire contester.

[82]        Dans le présent dossier, l’employeur souhaite remettre en cause l’existence et l’évaluation d’une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles en lien avec la lésion professionnelle subie par le travailleur le 20 juin 2008.

[83]        Certes, l’employeur n’a pas remis en cause le rapport final émis par le médecin qui a charge, le docteur Duquette, en date du 3 décembre 2009. Toutefois, il a exprimé son désaccord avec l’évaluation des séquelles permanentes.

[84]        C’est ainsi que le 21 janvier 2010, madame Gauthier a demandé que soient acheminés au médecin désigné de l’employeur, le docteur André Gilbert, tous les récents rapports médicaux.

[85]        Le 22 janvier 2010, monsieur Roy a réitéré cette demande lors d’une communication avec la conseillère en réadaptation.

[86]        L’employeur a donc reçu par l’intermédiaire de son médecin désigné une copie de cette évaluation à ladite période.

[87]        Or, le 2 mars 2010, la CSST avise l’employeur de la décision prise par le médecin qui a charge, le docteur Duquette, d’annuler son évaluation du 11 janvier 2010.

[88]        À compter de cette période, la CSST envisage d’obtenir une nouvelle évaluation des séquelles permanente.

[89]        D’ailleurs, le 4 mars 2010, la CSST rend une décision en reconsidération où elle annule sa décision du 21 janvier 2010.  Cette décision est contestée par l’employeur le 17 mars 2010.

[90]        Peu de temps après, la CSST mandate le docteur Desautels pour compléter une évaluation médicale.

[91]        Une nouvelle évaluation a alors été obtenue de la part du docteur Desautels, le tout avec l’accord du travailleur. D’ailleurs, à l’audience, le procureur du travailleur ne remet pas en cause les conclusions de ce médecin.

[92]        À l’égard d’une telle évaluation, la Commission des lésions professionnelles[8] a déjà statué à maintes reprises qu’un médecin suggéré à un travailleur par la CSST afin d’évaluer l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles pouvait être considéré comme étant le médecin qui a charge de ce dernier.

[93]        De l’avis du tribunal, les circonstances entourant le choix du docteur Desautels permettent au tribunal de conclure dans le même sens. En effet, le travailleur a consenti à cette évaluation effectuée et ne la remet pas en cause.

[94]        Dans ce contexte, le tribunal conclut que le docteur Desautels peut être considéré comme étant le médecin qui a charge du travailleur au sens de la loi, quant à l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. Cette évaluation liait alors le travailleur et la CSST.

[95]        Toutefois, en vertu de l’article 212 de la loi, l’employeur peut remettre en cause les conclusions du docteur Desautels.

[96]        Or, l’employeur avait préalablement obtenu une expertise du docteur Dionne, datée du 23 avril 2010, laquelle finalement infirme les conclusions du docteur Desautels.

[97]        L’employeur a reçu cette évaluation du docteur Desautels le 23 juillet 2010, et a transmis en date du 26 juillet 2010, une demande afin que le dossier soit acheminé au Bureau d’évaluation médicale. Aucune suite n’a été donnée à ladite demande. Il a donc agi à l’intérieur du délai prescrit par la loi.

[98]        Cette demande a été transmise avant que ne soit rendue la décision de la CSST le 16 août 2010. Par cette décision, la CSST à la suite d’une révision administrative, a annulé la décision du 4 mars 2010 et rétablit par la même occasion les conclusions du docteur Duquette.

[99]        Bien que le tribunal ne soit pas saisi de cette deuxième demande de l’employeur, il est manifeste que ce dernier a pris toutes les mesures afin de protéger ses droits quant à l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles. D’ailleurs, le but de sa contestation est de faire reconnaître son droit à ce sujet.

[100]     En vertu de l’article 377 de la loi, deuxième alinéa, le tribunal peut confirmer, modifier ou infirmer une décision et, s’il y a lieu, rendre la décision qui aurait dû être rendue en premier lieu. D’ailleurs, ce principe a été reconnu à maintes reprises par la jurisprudence du présent tribunal[9].

[101]     De plus, l’article 369 de la loi précise le cadre d’exercice de la compétence du tribunal :

369.  La Commission des lésions professionnelles statue, à l'exclusion de tout autre tribunal :

 

1° sur les recours formés en vertu des articles 359 , 359.1 , 450 et 451 ;

 

2° sur les recours formés en vertu des articles 37.3 et 193 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1).

__________

1985, c. 6, a. 369; 1997, c. 27, a. 24.

 

 

[102]     En vertu de cette disposition, le tribunal puise sa compétence dans les recours formés par les parties. Dans le présent dossier, les deux parties ont remis en cause la procédure d’évaluation médicale. Il s’agit donc là de l’objet du litige que doit trancher le tribunal.

[103]     Il y a lieu également de considérer le délai déjà encouru dans le dossier. Ce dernier est important puisqu’il s’agit de l’évaluation des séquelles permanentes d’une lésion professionnelle qui remonte au 20 juin 2008 et qui est consolidée depuis le 3 décembre 2009.

[104]     Il est alors dans l’intérêt des parties que le tribunal se prononce sur la procédure d’évaluation médicale.

[105]     Le tribunal rendra donc la décision qui aurait dû être rendue quant à la demande de l’employeur de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

[106]     Or, après analyse des faits du présent dossier, le tribunal conclut que l’employeur était justifié de demander à la CSST de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale.

[107]     En effet, cette demande de l’employeur se base sur les conclusions du docteur Dionne lesquelles diffèrent de celles décrites par le docteur Desautels. Ainsi, tel que le prévoient les dispositions de la loi, il y a lieu de soumettre les sujets infirmés, soit l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles, au Bureau d’évaluation médicale.

[108]     Le tribunal retourne donc le dossier à la CSST afin que soit enclenchée cette procédure d’évaluation médicale.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossier 418750-64-1009

ACCUEILLE le moyen préalable soulevé par monsieur Mario Poulin (le travailleur);

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 16 août 2010, à la suite d’une révision administrative;

ANNULE le rapport d’évaluation médicale du docteur Maurice Duquette, daté du 11 janvier 2010;

DÉCLARE que le rapport d’évaluation médicale du docteur Charles Desautels, daté du 23 juin 2010, constitue l’évaluation du médecin qui a charge.

 

Dossiers 420601-64-1009 et 421362-64-1010

ACCUEILLE le moyen préalable soulevé par CRT - Hamel (l’employeur);

REJETTE le moyen préalable soulevé par le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 21 septembre 2010, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que l’employeur était justifié de demander à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de soumettre le dossier au Bureau d’évaluation médicale au sujet de l’évaluation de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles;

RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin que soit obtenu un avis du Bureau d’évaluation médicale sur ces sujets.

 

 

__________________________________

 

Daniel Martin

 

 

 

 

Me Sylvain Gingras

GINGRAS AVOCATS

Représentant du travailleur

 

 

Me Jean-François Bélisle

A.C.R.G.T.Q.

Représentant de l’employeur

 

 

Me Sabrina Khan

VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON

Représentante de la Commission de la santé et de la santé du travail

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Brière et Vinyle Kaytec inc., C.L.P. 215828-62A-0309, 18 juin 2004, J. Landry; Brochu et Groupe Optivert inc., C.L.P. 184035-05-0205, 7 février 2007, F. Ranger; Scierie Parent et Duguay, [2007] C.L.P. 872 , révision rejetée, C.L.P. 271310-04-0509, 24 octobre 2008, J.M. Dubois (08LP-156); Gaudreault et Technologies Directes P.G. inc., [2008] C.L.P. 513 ; Desrosiers et Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, C.L.P. 375761-08-0904, 13 mai 2010, P. Champagne.

[3]           Lapointe c. C.L.P., C.A. Montréal, 50009-013413-034, 19 mars 2004, jj. Forget, Dalphond, Rayle, (03LP-313).

[4]           2011 QCCLP 909 .

[5]           [1987] 119 G.O. II, 5576.

[6]          Précitée note 4.

[7]           2010 QCCLP 7325 .

[8]           Prince et A. Grégoire & fils ltée, C.L.P. 312747-04B-0703, 11 mars 2008, L. Collin; Reid et Association des pêcheurs sportifs de la Rivière à Mars, C.L.P. 309862-02-0702, 12 juin 2007, J. Grégoire; Souci et Distribution Denis Parent inc., C.A.L.P. 46425-01-9212, 20 mars 1995, D. Beaulieu; Chouinard et Société de l’assurance-automobile du Québec, C.L.P. 248716-01C-0411, 21 septembre 2005, J.-F. Clément; Parent et Mines Agico Eagle ltée, C.L.P. 280601-08-0512, 18 juillet 2006, J.-F. Clément.

[9]           Bibaud et Proslide Technology inc., [2003] C.L.P. 294 ; Landry et J M Gagné inc., C.L.P. 363211-71-0811, 11 juin 2010, S. Sénéchal (décision sur requête en révision).

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