Décision

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Gendron et Transport Week N inc.

2009 QCCLP 8519

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Trois-Rivières

9 décembre 2009

 

Région :

Mauricie-Centre-du-Québec

 

Dossiers :

305153-04-0612      311537-04-0703      322681-04-0707

356091-04-0808     

 

Dossier CSST :

127602183

 

Commissaire :

J. André Tremblay, juge administratif

 

Membres :

Guy-Paul Hardy, associations d’employeurs

 

Serge Saint-Pierre, associations syndicales

 

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Daniel Gendron

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Transport Week N inc. (F)

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

LES LITIGES :

Dossier 305153-04-0612

[1]          Le 11 décembre 2006, M. Daniel Gendron, le travailleur, dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 2 novembre 2006 à la suite d’une révision administrative.

[2]          Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a rendue initialement le 18 octobre 2006 par laquelle elle déclare qu’il n’y a pas de relation entre les diagnostics de lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence discale étagée et de syndrome de douleurs chroniques et l’événement du 10 mars 2005. Elle déclare par conséquent que le travailleur n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) en regard de ces diagnostics.

[3]          La CSST déclare par ailleurs qu’elle est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu, jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi, étant donné que la lésion est consolidée avec des limitations fonctionnelles.

[4]          La CSST déclare de plus qu’elle doit cesser de payer les soins et les traitements puisqu’ils ne sont plus justifiés et déclare que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné la présence d’une atteinte permanente.

Dossiers 311537-04-0703

[5]          Le 6 mars 2007, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 28 février 2007 à la suite d’une révision administrative.

[6]          Par cette décision, la CSST confirme la décision du 27 décembre 2006 et déclare que le travailleur est redevenu capable d’exercer l’emploi convenable de représentant de commerce depuis le 8 décembre 2006 et que le versement de l’indemnité réduite de remplacement du revenu doit se poursuivre à partir de cette date.

[7]          La CSST confirme par ailleurs la décision qu’elle a rendue initialement le 22 novembre 2006 par laquelle elle déclare que le diagnostic de symptômes dépressifs (état dépressif) n’est pas en relation avec l’événement du 10 mars 2005 et que le travailleur n’a pas droit aux prestations prévues par la loi en regard de ce diagnostic.

Dossier 322681-04-0707

[8]          Le 11 juillet 2007, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 6 juillet 2007 à la suite d’une révision administrative.

[9]          Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a rendue initialement le 4 avril 2007 et déclare que le travailleur n’a pas droit au versement d’une allocation d’aide personnelle après le 13 avril 2007.

Dossier 356091-04-0808

[10]           Le 19 août 2008, le travailleur dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le  4 août 2008 à la suite d’une révision administrative.

[11]           Par cette décision, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue initialement le 24 avril 2008 et déclare que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle sous forme d’une récidive, rechute ou aggravation le 6 mars 2008[2] et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la loi.

[12]           Une audience s’est tenue le 20 avril 2009 à Trois-Rivières en présence du travailleur qui est représenté. Transport Week N inc., l’employeur, bien que dûment convoqué est absent à l’audience et non représenté.

[13]           La CSST, qui conformément à l’article 429.16 de la loi est intervenue, est représentée.

[14]           Le dossier a été pris en délibéré le 16 juin 2009 à la suite de la production des argumentations écrites des représentants du travailleur et de la CSST, ainsi que de la réception du dossier médical du travailleur et des notes cliniques du Dr Jean-François Roy, chirurgien orthopédiste.

 

L’OBJET DES CONTESTATIONS

Le moyen préliminaire

[15]           À l’audience et dans son argumentation écrite, le représentant du travailleur soumet un moyen préliminaire en regard de la validité du processus d’évaluation médicale, qui ne serait pas conforme à la loi. Il allègue essentiellement que les obligations du médecin traitant visées à l’article 205.1 de la loi n’ont pas été respectées, ce qui aurait fait en sorte de priver le travailleur de son droit de faire valoir son point de vue et d’exercer le droit au médecin de son choix.

[16]           Le travailleur demande de déclarer la procédure d’évaluation irrégulière, de retourner en conséquence le dossier à la CSST et d’ordonner à celle-ci de recommencer le versement de l’indemnité de remplacement du revenu à compter du 8 décembre 2006.

[17]           Subsidiairement, le travailleur demande les conclusions qui suivent.

Dossier 305153-04-0612

[18]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST rendue le 2 novembre 2006 à la suite d’une révision administrative et de déclarer qu’il y a relation entre les diagnostics de lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence discale étagée et de syndrome de douleurs chroniques et l’événement du 10 mars 2005. Le travailleur demande par conséquent de déclarer qu’il a droit aux prestations prévues à la loi en regard de ces diagnostics.

[19]           À l’audience, le travailleur demande de déclarer que sa lésion n’est pas consolidée et qu’il est trop tôt pour se prononcer sur les limitations fonctionnelles. Dans son argumentation écrite, il demande toutefois de reconnaître qu’il est porteur de limitations fonctionnelles de classe IV.

[20]           Le travailleur demande de déclarer qu’il a toujours besoin de soins et de traitements, puisqu’ils sont toujours justifiés.

[21]           Il demande enfin de déclarer qu’il est trop tôt pour se prononcer sur le droit à une indemnité pour préjudice corporel.

Dossiers 311537-04-0703

[22]           Le travailleur demande de déclarer qu’il est incapable d’exercer l’emploi convenable de représentant de commerce à compter du 8 décembre 2006.

[23]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST rendue le 28 février 2007 à la suite d’une révision administrative et de déclarer que le diagnostic de symptômes dépressifs est en relation avec l’événement du 10 mars 2005 et qu’il a droit, en conséquence, aux prestations prévues par la loi en regard de ce diagnostic.

[24]           Dans son argumentation écrite, le travailleur demande de reconnaître qu’il est « porteur d’une RRA psychique en relation avec son accident du travail du 10 mars 2005 » en ne précisant toutefois pas le diagnostic à retenir.

Dossier 322681-04-0707

[25]           Le travailleur demande d’infirmer la décision de la CSST rendue le 6 juillet 2007 à la suite d’une révision administrative et de déclarer qu’il a droit conformément à l’article 158 de la loi au versement d’une allocation d’aide personnelle après le 13 avril 2007.

Dossier 356091-04-0808

[26]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’infirmer la décision de la CSST rendue le  4 août 2008 à la suite d’une révision administrative et de déclarer qu’il a subi une lésion professionnelle, sous forme d’une récidive, rechute ou aggravation, le 4 février 2008 pour une fracture du 4e métatarse droit de la main droite et qu’il a droit en conséquence aux prestations prévues par la loi.

 

LES FAITS

[27]           De l’ensemble du dossier et des témoignages, le tribunal retient les faits suivants :

[28]           Le travailleur a subi une lésion professionnelle le 7 décembre 1994. À cette date il a fait une chute sur l’asphalte, alors qu’il était monté sur le côté d’un camion à une hauteur de 14 pieds. Alors qu’il soulève la toile du camion, celle-ci a été soufflée par le vent. Le travailleur est alors été projeté par terre sur les fesses.

[29]           Cette lésion est acceptée par la CSST. Elle est consolidée le 15 janvier 1997 et entraîne une atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique totale de 21,60 %, ainsi que des limitations fonctionnelles.

[30]           Le travailleur retourne au travail en 1998-1999.

[31]           La lésion de 1994 a par ailleurs fait l’objet de plusieurs récidives, rechutes ou aggravations jusqu’en 2005.

[32]           Le travailleur subit une tomodensitométrie le 24 mars 1995. Cet examen révèle de légers signes de vieillissement discal au niveaux L3-L4 et L4-L5 avec absence de hernie discale. Au niveau L5-S1, des signes importants de vieillissement discal avec pincement sévère de l’espace discal et bombement circonférentiel important sont constatés. Un examen par myélographie du 10 mai 1995 confirme la présence d’une « grosse hernie discale centrale avec des phénomènes de compression sur les culs-de-sac et les racines des deux côtés de façon à peu près égale » à l’espace L5-S1.

[33]           Le 13 octobre 1995, le travailleur fait l’objet d’une discoïdectomie L5-S1 bilatérale et une laminectomie partielle à L5 du côté gauche.

[34]           Un rapport d’évaluation médicale est rédigé le 4 décembre 1996 par le Dr Maurice Duquette, chirurgien orthopédiste.

[35]           À l’examen subjectif, le Dr Duquette rapporte que le travailleur se plaint de douleur après une marche de 5 ou 10 minutes « avec sensation d’engourdissement et de picottement [sic] ». Il mentionne une douleur pire sur le côté gauche, au-dessus de la fesse irradiant vers la cuisse gauche.

[36]           À l’examen objectif, le Dr Duquette retient une limitation de la flexion antérieure de la colonne dorso-lombaire à 45°, l’extension est à 0°, la flexion latérale droite et la flexion latérale gauche sont limitées à 10°, les rotations droite et gauche limitées à 20°.

[37]           Le Dr Duquette consolide la lésion le 15 janvier 1997 et accorde 18 % de déficit anatomophysiologique, ainsi que des limitations fonctionnelles.

[38]           À la suite du rapport du Dr Duquette, le travailleur est admis en réadaptation et un emploi de représentant de commerce est déterminé le 16 février 2004 par la CSST. La décision déterminant l’emploi convenable est non contestée. Le travailleur n’occupe jamais cet emploi convenable.

[39]           En 2005, le travailleur retourne dans ses tâches de camionneur. Alors qu’il exerce ses fonctions depuis deux jours pour l’employeur, il est victime d’un accident du travail.

[40]           Le 10 mars 2005, après avoir effectué une dernière livraison de métal chez un client, le travailleur veut inverser la toile du camion. En la retournant, il ressent une vive douleur au dos.

[41]           Le travailleur, qui témoigne, mentionne que c’est en « swingnant » la toile qui pèse 200 livres que la douleur est apparue.

[42]           Le travailleur consulte la Dre Danielle Samson le jour de l’événement, laquelle émet un diagnostic de lombalgie bilatérale, avec sciatalgie gauche. Elle prescrit un arrêt de travail jusqu’au 20 mars 2005.

[43]           Le 15 mars 2005, la Dre Samson revoit le travailleur, elle se questionne sur la présence d’un syndrome de la queue de cheval et dirige le travailleur au Dr Éric Truffer en neurochirurgie.

[44]           Le 16 mars 2005, à la demande du Dr Truffer, le travailleur fait l’objet d’une résonance magnétique de la colonne lombaire. Cet examen révèle l’absence de hernie ou sténose aux niveaux L1-L2, L2-L3, L3-L4 et L4-L5. Il y a pincement intersomatique marqué avec dégénérescence discale au niveau L5-S1, mais absence de hernie ou de sténose.

[45]           Une radiographie de la colonne dorsale et lombaire faite à la même date révèle par ailleurs qu’il y a pincement important entre L5-S1 et de l’arthrose facettaire surtout à L5-S1 et un peu d’arthrose périvertébrale.

[46]           Le 16 mars 2005, le travailleur rencontre le Dr Mario Pelletier, neurochirurgien, au lieu du Dr Truffer. Le Dr Pelletier ne rédige par de rapport pour la CSST, mais écrit dans ses notes cliniques que le travailleur souffre d’une dégénérescence discale multiétagée, ainsi que d’une hernie discale L5-S1 sans compression radiculaire. Il conclut qu’il n’y a pas de compression médullaire et pas d’indication chirurgicale. Il recommande des épidurales (qui seront refusées par le travailleur), ainsi que de la physiothérapie.

[47]           La Dre Samson revoit le travailleur le 29 mars 2005 et émet un diagnostic de hernie discale L5-S1 gauche sans compression médullaire, mais avec atteinte radiculaire L5 (sensitif). Elle prolonge l’arrêt de travail jusqu’au 12 avril 2005.

[48]           Le 13 avril 2005, le travailleur est vu par le Dr Steve Gagnon, son médecin de famille. Il maintient le diagnostic de hernie discale L5-S1 gauche avec atteinte radiculaire sensitive. Il prescrit des traitements de physiothérapie à raison de trois fois par semaine. Il prolonge l’arrêt de travail (indéterminé à plus de six mois).

[49]           Le Dr Gagnon réexamine le travailleur le 18 mai 2005 lors d’un suivi. Il rapporte une évolution de la lésion et que la stabilisation est non atteinte. Aux notes cliniques, le Dr Gagnon indique « évolution lente ». Il poursuit la physiothérapie et prescrit l’utilisation d’une chaise roulante « pour une durée indéterminée »

[50]           Une note clinique du Dr Gagnon du 15 juin 2005 indique que les traitements de physiothérapie n’ont pas amélioré la condition du travailleur. Il réfère le travailleur en ergothérapie.

[51]           Le 13 juillet 2005, le Dr Gagnon revoit le travailleur. Aucun changement dans l’état du travailleur n’est noté.

[52]           Le 22 juillet 2005, le travailleur est examiné à l’urgence du CSSS de Bécancour-Nicolet-Yamaska par le Dr Sylvain Lessard, en raison de fortes douleurs et de la difficulté qu’il a à marcher.  Un analgésique est prescrit.

[53]           Dans le cadre de la participation du travailleur au processus de réadaptation avec approche multidisciplinaire et à la demande de Mme Michèle Arseneault, conseillère en réadaptation à la CSST, le travailleur fait l’objet d’une évaluation en psychologie le 20 juillet 2005.

[54]           Dans un rapport initial d’intervention en psychologie rédigé le 29 juillet 2005, Mme Marie-Claude Boulet, psychologue retient que le travailleur souffre de symptômes pouvant permettre de conclure à une dépression « considérée comme étant modérée. De manière plus spécifique, on retrouve une humeur dépressive, de la tristesse, de la perte de plaisir, une culpabilisation importante, de la perte d’intérêts, des difficultés cognitives, une perte d’énergie, de l’insomnie, une perte d’appétit et de la fatigue. (…) Les données psychométriques correspondent aux données cliniques recueillies durant l’évaluation psychologique et indiquent clairement la présence de symptômes dépressifs. »

[55]           Mme Boulet recommande un suivi en psychothérapie visant à adresser les symptômes dépressifs, offrir un soutien au travailleur, lui permettre d’identifier et de ventiler ses émotions, l’amener à une meilleure gestion des ses émotions et l’aider à mettre en place des stratégies d’adaptation. Elle propose de commencer les traitements par 12 rencontres.

[56]           Le 4 août 2005, le Dr Gagnon revoit le travailleur. Il maintient le diagnostic initial et note l’apparition de symptômes dépressifs importants « Donc épisode dépressif secondaire à traiter. Cesser réadaptation physique pour l’instant (pt incapable présentement) » [sic].

[57]           Dans ses notes cliniques, le Dr Gagnon rapporte que le travailleur est « à bout de nerfs, irritable, impulsif, insomniaque, triste intolérant, etc. » Il ajoute à la médication du travailleur le Celexa, un antidépresseur, afin de traiter ses symptômes.

[58]           Le Dr Gagnon revoit le travailleur le 1er septembre 2005. Il ne note aucun changement, sinon une augmentation de la douleur lombaire à la suite d’une chute récente dans l’escalier. Il rapporte que l’épisode dépressif secondaire est « présentement traité ». Aux notes cliniques, il écrit que le travailleur est plus calme et plus serein, il maintient la prise de Celexa.

[59]           Le 6 octobre 2005, le Dr Gagnon rapporte « une aggravation » suite à la chute et que l’état dépressif sous médication est « amélioré ». Une nouvelle évaluation en neurochirurgie est demandée. Le travailleur est dirigé au Dr Marc F. Giroux, neurochirurgien.

[60]           Une note médicale de la Dre Line Lemay de la CSST au dossier du travailleur fait état d’une conversation téléphonique du 6 octobre 2005 entre cette dernière et le Dr Gagnon :

« Dr Gagnon nous souligne que monsieur Gendron présenterait, suite à une chute dans un escalier (monsieur aurait chuté de la première jusqu’à la dernière marche), un problème dépressif réactionnel. Suite à cette chute, monsieur présenterait plusieurs symptômes dont les pertes urinaires, douleurs lombaires, ankyloses, etc. pour lesquels une consultation en neurologie a été demandée. Dr Marc Giroux aurait été demandé pour consultation. Actuellement, la réadaptation a été cessée compte tenu de la présence trop importante de symptômes douloureux. Dr Gagnon nous confirme que les problèmes dépressifs sont réactionnels à ce nouvel événement survenu chez lui. »

 

 

[61]           Le 24 novembre 2005, le Dr Gagnon revoit le travailleur. Il propose trois nouvelles « conduites » : « 1) tentons Cesamet[3] 2) tentons qques séances d’ostéopathie (ressource compétente localement) 3) prescription d’aide à domicile. » [sic] Le Dr Gagnon prescrit de l’aide à domicile « depuis chute de juillet ».

[62]           Le 23 janvier 2006, à la demande de la CSST, M. Claude Bougie, ergonome, procède à l’analyse des besoins du travailleur en regard de l’aide personnelle à domicile.

[63]           Il conclut son bilan d’intervention en recommandant l’installation d’aides techniques afin de rendre le travailleur plus autonome. Après l’attribution des aides techniques, dans sa grille d’évaluation, il retient un besoin d’aide partielle pour l’habillage (bas support), l’utilisation des commodités du domicile, la préparation des soupers, le lavage de linge et l’approvisionnement. Seul le ménage lourd nécessite un besoin d’assistance complète. Ainsi sur 48 points, M. Bougie attribue 8,5 points.

[64]           Différentes adaptations sont proposées par M. Bougie pour améliorer l’autonomie du travailleur, tel l’achat d’une base de lit sur roulettes pour surélever le matelas, l’installation d’une barre d’acier pour faciliter les transferts, une planche de transfert pour le bain, l’achat d’une éponge avec manche allongé, l’achat d’un tapis de bain antidérapant, l’installation d’une barre d’appui au muret d’accès du bain, l’installation d’un siège de toilette surélevé, l’installation d’une barre d’appui au mur adjacent à la toilette, remplacer le dossier Obus actuel par un dossier haut et enfin l’installation de mains courantes pour accéder à l’étage supérieur.

[65]           Il appert du dossier du travailleur que la CSST a autorisé la grande majorité des aides techniques suggérées par l’ergonome. Seules les mains courantes et la base de lit ne sont pas remboursables.

[66]           Le 25 janvier 2006, le travailleur est réexaminé par le Dr Gagnon. Il note que l’état physique du travailleur est stationnaire depuis la chute de juillet. Il écrit « prescription d’aide à domicile demeure. »

[67]           À la demande de la CSST, le travailleur est examiné le 24 janvier 2006 par le Dr Jacques Potvin, neurochirurgien, afin qu’il se prononce sur l’ensemble des sujets visés par l’article 212 de la loi.

[68]           À l’état actuel, le Dr Potvin rapporte une lombalgie persistante et constante, sous forme de brûlure ou de point à la région lombaire. Le travailleur présente une sciatalgie presque constante, à la face externe de la cuisse gauche jusqu’au genou. Il note que cette sciatalgie est nouvelle depuis mars 2005. le travailleur peut s’adonner à ses activités de la vie quotidienne, mais avec l’assistance de son épouse. Il ne prend que du Tylenol.

[69]           À l’examen physique, le Dr Potvin décrit une démarche théâtrale avec un polygone de base très élargi. Il rapporte que tous les mouvements du tronc sont refusés, car allégués comme très douloureux. L’indice de Schoeder est de 10/10.

[70]           Le tripode est positif à 10° bilatéralement. Le Lasègue est impossible à effectuer, le travailleur refusant de tendre les jambes et de déplier les genoux. Il n’y a aucun déficit dans les dermatomes de L3 à S1.

[71]           Il écrit :

« Dans la mesure où on peut l’évaluer en raison de la pauvre collaboration du patient, il n’y a également aucun déficit dans les myotomes correspondants.

 

 

 

Toujours de façon aussi étonnante, il n’y a aucune atonie ou atrophie de la musculature des deux membres inférieurs et les mensurations donnent les mêmes chiffres, tant à droite qu’à gauche, à 17 cm au-dessus de la rotule et à 13 cm en dessous de ce même point. »

 

 

[72]           Le Dr Potvin après avoir souligné que le dossier du travailleur le laissait perplexe. Souligne que le médecin traitant parle de hernie discale L5-S1 « avec atteinte radiculaire sensitive » mais que le neurochirurgien consulté mentionne expressément « qu’il n’y a pas de compression radiculaire à l’examen. »

[73]           Il conclut en soulignant qu’il ne peut retenir un diagnostic de hernie discale « avec ou sans atteinte radiculaire » mais plutôt celui d’entorse lombaire sévère. Il ne consolide pas la lésion et ne se prononce pas sur les autres sujets.

[74]           Dans un rapport complémentaire du 2 mars 2006, le Dr Potvin maintient le diagnostic d’entorse lombaire sévère, qu’il ne consolide pas. Il estime qu’il est trop tôt pour se prononcer sur l’atteinte permanente additionnelle et sur l’existence de limitations fonctionnelles. Il est enfin d’avis qu’il y aurait dû y avoir une évaluation en physiatrie avant d’entreprendre la physiothérapie et suggère des épidurales thérapeutiques. Il estime enfin intéressant d’obtenir un bilan psychiatrique.

[75]           Le 15 février 2006, la CSST informe le travailleur qu’il a droit à une allocation d’aide personnelle à domicile pour la période du 22 juillet 2005 au 3 mars 2006. Elle l’informe qu’elle lui verse le montant total de l’allocation en un seul versement de 2 951,95 $. Cette décision n’est pas contestée.

[76]           Le Dr Gagnon revoit le travailleur le 5 avril 2006. Il émet un diagnostic d’entorse lombaire sévère avec dégénérescence discale L5-S1 et symptomatologie douloureuse importante et incapacitante. Il écrit : « D’accord avec le fait qu’une hernie discale n’est pas en cause. Modalités thérapeutiques à réévaluer avec consultation en physiatrie. Le patient refusera toute épidurale. » [sic]

[77]           Le 24 avril 2006, la CSST donne un mandat à la psychologue Anabelle Bollens. Le mandat est le suivant : « Aider le travailler [sic] dans la gestion des difficultés reliées à l’accident de travail et des symptômes dépressifs reliés à son état. »

[78]           Le 25 avril 2006, le travailleur est examiné par le Dr Jean-François Roy. Dans une attestation médicale, il retient un diagnostic de séquelles de hernies discales L4-L5 et L5-S1. Il indique qu’une discométrie est prévue le 1er juin 2006.

[79]           Le 13 avril 2006, le travailleur commence une série de consultations avec Mme Bollens, psychologue. Dans un rapport de suivi, elle souligne que le travailleur a besoin d’aide pour le soulagement de sa détresse psychologique « qui lui nuie [sic] dans la recherche de solutions à ses malaises. Nous recommandons donc la poursuite de la psychothérapie et augmentons graduellement la durée des rencontres pour passer d’environ 30 à 45 minutes. »

[80]           Le 25 mai 2006, le Dr Gagnon lors d’une visite de contrôle porte le diagnostic de lombalgie secondaire à une entorse lombaire, plus dégénérescence discale à trois niveaux. Il ajoute que le travailleur est en investigation par le Dr Roy.

[81]           Le 26 mai 2006, à la demande de la CSST, le travailleur est examiné par le Dr Roberto Tosti, psychiatre, afin qu’il se prononce sur le diagnostic, la date de consolidation, l’existence d’une atteinte permanente, la nécessité, la suffisance ou la durée des soins et sur l’existence de limitations fonctionnelles.

[82]           Lors de la rencontre, le Dr Tosti note que le travailleur prend de façon occasionnelle le Celexa, à raison d’une fois par semaine.

[83]           Après évaluation et discussion avec le travailleur, le Dr Tosti retient l’impression diagnostique suivante :

« Axe I :            Pas de diagnostic psychiatrique clairement défini. Monsieur présente des éléments d’irritabilité et de découragement reliés à sa condition lombaire.

 

Axe II :             Traits de personnalité du groupe B.

 

Axe III :            Problème lombaire.

 

Axe IV :            Stresseurs en rapport à la condition médicale et la douleur omniprésente.

 

Axe V :             Évaluation globale du fonctionnement : actuellement aux alentours de 70. »

 

 

[84]           Le Dr Tosti conclut, vu un examen mental normal, qu’il ne peut retenir clairement de diagnostic psychiatrique chez le travailleur, la plainte principale « est davantage reliée à sa condition lombaire et cela se situe en dehors de notre champ d’expertise. ». En conséquence de l’absence de diagnostic, il ne se prononce pas sur la date de consolidation, ni sur l’atteinte permanente, sur les soins et sur les limitations fonctionnelles. Il souligne toutefois qu’il encourage le travailleur a poursuivre le travail psychothérapeutique qui l’aide à verbaliser sur sa condition.

[85]           Le travailleur subit une discométrie L3-L4, L4-L5 et L5-S1 qui s’est avérée positive à 3 niveaux le 1er juin 2006 à l’Hôpital Saint-François d’Assise par le Dr Jean-François Roy, chirurgien orthopédiste.

[86]           Le 9 juin 2006, à la demande de la CSST, le travailleur est examiné par le Dr René Parent, physiatre. À l’examen subjectif, le Dr Parent rapporte que le travailleur se plaint de douleurs lombaires chroniques. Le travailleur évalue sa douleur à 9/10 avec irradiation au niveau de la fesse gauche irradiant jusqu’au genou à la face latérale. La douleur est présente tous les jours, augmentée par la position assise et la position debout prolongée.

[87]           L’examen objectif est limité par les douleurs importantes alléguées du travailleur. La démarche est difficilement évaluable, mais aucune atrophie musculaire n’est notée.

[88]           Le Dr Parent écrit :

« L’amplitude de la colonne lombaire est tout à fait non fiable puisqu’à toute fin pratique presque nulle dans tous les axes de mouvement. Ainsi, le patient demeure fléchi à près de 20° de flexion, on obtiendra à peine 10° de flexion et le patient ne peut même pas revenir à 0° lors de l’extension. La latéroflexion, la rotation est limitée dans tous les axes de mouvement. Cette portion de l’examen est donc très peu fiable.

 

(…) En position couchée, la manœuvre du Lasègue est difficilement évaluable, le patient refusant d’étendre les jambes, la manœuvre est donc effectuée les genoux fléchis provoquant une vive douleur lombaire bilatéralement. Je considérerais cette manœuvre comme négative et peu fiable. »

 

 

[89]           L’examen de la mobilité des hanches, des genoux et des chevilles, est jugé peu fiable par le Dr Parent, le travailleur refusant d’étendre les jambes. Du point de vue sensitif, l’examen s’avère normal. Les forces musculaires proximales et distales entre les myotomes L3-L4-L5-S1 bilatéralement sont jugées normales.

[90]           Le Dr Parent souligne une importante discordance entre l’intensité des symptômes décrits par le travailleur et l’examen objectif. Il conclut à la présence d’un diagnostic de status post-discoïdectomie L5-S1 sans atteinte neurologique objectivable avec lombalgie chronique secondaire et syndrome de douleurs chroniques. Il estime cette lésion consolidée le 9 juin 2006. Il n’accorde aucune nouvelle atteinte permanente à celle déjà accordée par le Dr Duquette en 1996, ni aucune nouvelle limitation fonctionnelle accordée par ce dernier. Il écrit qu’il ne modifie aucunement les restrictions antérieures qui se situaient entre « une classe II et une classe III ». Il estime enfin que seule une médication analgésique peut soulager le travailleur et qu’il n’y a donc aucun autre traitement à donner au travailleur.

[91]           Le 1er juillet 2006, à la suite de l’expertise du Dr Tosti, le Dr Gagnon rédige une information médicale complémentaire écrite. Il écrit :

 

« Bonjour Dre Lemay,

 

Malgré que monsieur Gendron ait présenté des symptômes dépressifs à un moment donné dans la dernière année suite à ses problèmes, je l’ai constaté amélioré psychologiquement lors des dernières rencontres. Il démontre en effet un moral plus solide. À cet effet, je suis d’accord avec les conclusions du dr Tosti dont l’expertise semble bien faite. »

 

 

[92]           Dans un rapport d’évolution de Mme Bollens du 27 juillet 2006, cette dernière écrit que la détresse psychologique du travailleur « s’est beaucoup atténuée nous considérons que monsieur a besoin de beaucoup de repos et de soins qui peuvent venir des autres mais qu’il peut aussi s’apporter lui-même en faisant des choses qui lui plaisent, à son rythme à lui, avec ses goûts à lui. » Elle recommande de poursuivre le traitement.

[93]           Le 27 juillet 2006, à la suite de l’expertise du Dr Parent, le Dr Gagnon rédige un rapport complémentaire :

« N.B. Expertise médicale reçue le 3 juillet 2006.

- Concernant le diagnostique, j’ajoute une lombalgie par entorse lombaire et dégénérescence discale L3 à L5-S1.

-    Concernant la date de consolidation je rectifie que le patient ne peut être consolidé puisqu’une démarche diagnostique et de traitement est encore en cours de spécialité (Dr Roy, orthopédiste). Un PAP adapté devra être déterminé ultérieurement à une date de consolidation à venir.

-    Concernant la suffisance , etc, il faudra connaître les conclusions du Dr Roy avant de conclure.

-    Dans ce contexte, plusieure des conclusions de cette expertise sont prématurée et à mettre de côté pour l’instant et réévaluer plus tard selon le cas suite aux conclusions du Dr Roy. » [sic]

 

 

[94]           À la demande de la CSST, le dossier du travailleur est soumis le 1er août 2006 au Bureau d’évaluation médicale (le BEM).

[95]           Un rapport d’évolution de Mme Bollens du 11 septembre 2006, rapporte des hauts, des bas et des périodes tempérés chez le travailleur. Elle rapporte que le travailleur continue à lutter contre des affects dépressifs non négligeables. Une autorisation de prolongation de la thérapie est demandée à la CSST.

[96]           Le 20 septembre 2006, le Dr Gagnon fait un suivi du travailleur. Aucun changement n’est noté. Dans une note clinique du 6 octobre 2006, le Dr Gagnon écrit que les symptômes de dépression du travailleur se sont améliorés.

[97]           Dans un avis du 25 septembre 2006, le Dr Jean-Maurice D’Anjou, physiatre et membre du BEM se prononce sur les cinq sujets visés à l’article 212 de la loi.

[98]           À l’examen subjectif, le Dr D’Anjou rapporte que le travailleur se plaint toujours des mêmes douleurs lombaires qui irradient au membre inférieur gauche jusqu’au niveau du genou et, à l’occasion, jusqu’au niveau du talon. Il note que le travailleur a fait une chute dans l’escalier le 2 juillet 2005.

[99]           À l’examen objectif, le Dr D’Anjou note que le travailleur s’est présenté à son examen en fauteuil roulant, mais qu’il est demeuré la plus grande partie de son temps debout en se tenant après le dossier de la chaise avec une flexion antérieure du tronc de 20°. Il maintient ses jambes écartées avec un polygone de base très large.

[100]       Il y a beaucoup de douleurs d’alléguées à la palpation de la région lombaire de L3 à S1 sur la ligne médiane et en paravertébral des deux côtés.

[101]       Toute tentative de mobilisation de la colonne lombaire est « pratiquement impossible » Le Dr D’Anjou écrit :

« Il est donc difficile d’apprécier, de façon objective, les mouvements de la colonne lombaire en flexion antérieure ou lors des flexions latérales droite et gauche, ou en extension. »

 

 

[102]       Le Dr D’Anjou note toutefois que le travailleur est capable de se lever sur la pointe des pieds bilatéralement. En position assise, les réflexes rotuliens sont présents et symétriques, tout comme les réflexes achilléens. La manœuvre du Tripode reproduit une douleur bilatérale, à la région lombaire, mais sans mouvement de recul de la part du travailleur.

[103]       Il note qu’il est impossible de faire la manœuvre du Lasègue ou de faire tourner le travailleur sur le ventre.

[104]       Le Dr D’Anjou dans la section discussion souligne la difficulté à faire l’examen du travailleur et les nombreuses périodes de rechute du travailleur entre 1994 et 2005.

[105]       Il retient comme diagnostics ceux de status post-discoïdectomie L5-S1 sans atteinte neurologique objectivable, de lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence discale étagée et de syndrome de douleurs chroniques. Il consolide la lésion à la date retenue par le Dr Parent, soit le 9 juin 2006, puisqu’il estime qu’il y a atteinte d’un plateau thérapeutique. Il est d’avis qu’il n’y a pas d’autres traitements actifs à proposer et suggère de reconduire les séquelles antérieures émises par le Dr Duquette le 4 décembre 1996, à savoir :

« CODE           DESCRIPTION                                                 DAP %

 

204457             hernie discale lombaire opérée, un espace          3%

207591             flexion antérieure de la colonne lombaire

                       limitée à 45°                                                     5%

207626             extension de la colonne lombaire limitée à 0°      3%

207671             flexion latérale droite limitée à 10° au niveau

                       lombaire                                                          2%

207715             flexion latérale gauche de la colonne lombaire

                       lombaire limitée à 10°                                       2%

207760             rotation droite de la colonne lombaire limitée

                       à 20°                                                               1%

207804             rotation gauche de la colonne lombaire limitée

                       à 20°                                                               1% »

 

 

[106]       Il retient enfin les limitations émises par le Dr Duquette le 4 décembre 1996 :

« -        Il devra éviter les flexions et extensions répétitives de la colonne.

-           Il ne peut pas travailler dans un endroit où des vibrations basses sont présentes.

-           Il ne peut manipuler des poids de plus de 10 kg.

-           Nous croyons qu’il devra faire un travail sédentaire léger où il peut s’asseoir s’il travaille debout et se lever s’il travaille assis pour éviter des ankyloses. »

 

 

[107]       Le 6 octobre 2006, le Dr Roy revoit le travailleur, pour un suivi. Il maintient le diagnostic de séquelles d’hernie discale L4-L5 et L5-S1 et émet des restrictions de travail de classe IV de l’IRSST.

[108]       À la même date, la CSST faisant suite à l’avis du Dr D’Anjou, avise le travailleur que sa lésion du 10 mars 2005, n’a entraîné aucune atteinte supplémentaire à son intégrité physique ou psychique. En conséquence, aucune indemnité pour préjudice corporel ne peut être versée. Cette décision n’est pas contestée par le travailleur.

[109]       Le 18 octobre 2006, la CSST rend une seconde décision à la suite de l’avis du BEM. Par cette décision la CSST avise le travailleur que le diagnostic retenu est celui de status post-discoïdectomie L5-S1 sans atteinte neurologique objectivable. Elle ajoute : « À NOTER que la lombalgie chronique secondaire à la dégénérescence discale étagée et le syndrome de douleurs chroniques sont considérés non en lien avec l’événement du 10 mars 2005 ».

[110]       La CSST confirme par ailleurs qu’il n’y a pas d’autres traitements et qu’une autre décision sera rendue quant à l’atteinte permanente. La CSST conclut en informant le travailleur que compte tenu de la consolidation de la lésion et de l’existence de limitations fonctionnelles que le travailleur recevra des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur sa capacité à exercer un emploi.

[111]       Le 24 octobre 2006, le travailleur demande la révision de la seconde décision du 18 octobre 2006.

[112]       Un bilan médical rédigé par la Dre Line Lemay, médecin de la CSST, fait état d’une conversation téléphonique du 2 novembre 2006, avec le Dr Steve Gagnon. La Dre Lemay écrit :

« Nous discutons avec Dr Gagnon de la condition de monsieur Gendron. Le médecin nous indique avoir été en accord avec l’opinion du Dr Tosti à l’effet qu’aucun diagnostic psychiatrique ne serait à retenir. Les problèmes de cette nature étaient contextuels suite à sa chute dans l’escalier et le problème serait actuellement réglé. Aucune médication ne serait associée à ce problème, les traitements de psychothérapie sont également terminés. Temporairement, monsieur a eu la nécessité de traitements dans le contexte où il y avait eu chute (dans un escalier) et cette problématique se serait amendée. Jusqu’à actuellement, aucune [sic] traitement de psychothérapie ni médication ne serait nécessaire. Quant à la condition physique, celle-ci est consolidée suite à l’évaluation par le Bureau d’évaluation médicale. Dr Gagnon est au courant que monsieur Gendron contesterait certains éléments dans les décisions rendues. »

 

 

[113]       Le 2 novembre 2006, la CSST en révision administrative confirme la décision initiale du 18 octobre 2006. C’est cette décision qui fait l’objet de la première requête du travailleur.

[114]       Le 22 novembre 2006, la CSST refuse la relation entre le diagnostic de symptômes dépressifs (état dépressif) et l’événement du 10 mars 2005.

[115]       Un rapport médical du Dr Gagnon du 30 novembre 2006 mentionne que le travailleur souffre de lombalgie incapacitante avec dégénérescence discale et entorse lombaire chronique. Il écrit « patient demeure symptomatique et a besoin d’aide à domicile contrairement à mon dernier entretien avec Dr Lyne Lemay, patient poursuit psychologue » [sic]

[116]       Le 4 décembre 2006, Mme Michèle Arseneault, procède à l’évaluation de la capacité de travail du travailleur. Elle procède d’abord à l’évaluation en regard du travail de chauffeur de camion avec toilage et conclut que les exigences physiques de ce travail sont incompatibles avec les limitations fonctionnelles retenues par le BEM. Elle procède ensuite à une analyse en regard de l’emploi convenable de représentant de commerce déterminé le 16 février 2004. Considérant qu’il n’y a pas d’augmentation des limitations fonctionnelles et que ce sont les mêmes limitations qui ont été retenues par le membre du BEM que celles émises par le Dr Duquette, Mme Arseneault conclut que le travailleur est capable d’occuper son emploi convenable de représentant de commerce.

[117]       Le 8 décembre 2006, la CSST rend une décision par laquelle elle considère que le travailleur est capable à compter de cette date, d’occuper l’emploi convenable déjà retenu, soit celui de représentant de commerce.

[118]       Le 12 décembre 2006, le travailleur demande la révision de la décision du 22 novembre 2006.

[119]       Le 27 décembre 2006, le travailleur demande la révision de la décision du 8 décembre 2006.

[120]       Dans un rapport du 13 février 2007, le Dr Roy parle d’une entorse lombaire « avec séquelles, classe IV IRSST ».

[121]       Le 28 février 2007, la CSST en révision administrative confirme la décision du 27 décembre 2006 et déclare que le travailleur est redevenu capable d’exercer l’emploi convenable de représentant de commerce depuis le 8 décembre 2006 et que le versement de l’indemnité réduite de remplacement du revenu doit se poursuivre à partir de cette date. La CSST confirme par ailleurs la décision qu’elle a rendue initialement le 22 novembre 2006 par laquelle elle déclare que le diagnostic de symptômes dépressif (état dépressif) n’est pas en relation avec l’événement du 10 mars 2005 et que le travailleur n’a pas droit aux prestations prévues par la loi en regard de ce diagnostic. C’est cette décision du 28 février 2007 qui fait l’objet de la deuxième requête du travailleur.

[122]       Une note évolutive du 3 avril 2007 indique qu’à la suite du BEM, la réévaluation des besoins d’aide à domicile doit avoir lieu. La conseillère en réadaptation écrit :

« En tenant compte du fait que l’aide personnelle étant une mesure temporaire;

- Que des aides techniques ont été fournis au T;

- Que le dernier BEM réfère aux limitations fonctionnelles suivantes :

- Éviter des flexions et des extensions répétitives de la colonne

- Éviter de travailler dans un endroit où des vibrations de basses fréquences sont présentes

- Éviter de manipuler des poids de plus de 10 kg

- Faire un travail sédentaire léger où il pourrait s’asseoir s’il travaille debout et se lever s’il travaille assis pour éviter les ankyloses

 

- Que ces limitations fonctionnelles ne justifie pas l’octroi d’aide personnelle à domicile;

 

→ Nous mettons fin à l’allocation vs l’aide personnelle à domicile à la fin de la période soit le 13.04.2007 » [sic]

 

 

[123]       Le 4 avril 2007, la CSST à la suite de l’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile du travailleur, informe celui-ci qu’il a droit à une allocation de 144,61 $ pour la période du 31 mars 2007 au 13 avril 2007. Après cette date la CSST indique :

« L’analyse de la situation actuelle nous permet de conclure que vous n’avez plus droit aux allocations d’aide personnelle. Considérant que votre lésion est consolidée et que nous sommes maintenant liés par la limitation émise par le BEM, cette allocation n’est plus justifiée.

 

Veuillez donc prendre note que votre allocation prend fin le 13 avril 2007. »

 

 

[124]       Le 17 avril 2007, le travailleur demande la révision de la décision du 4 avril 2007.

[125]       Le 6 juillet 2007, la CSST en révision administrative confirme la décision qu’elle a rendue initialement le 4 avril 2007 et déclare que le travailleur n’a pas droit au versement d’allocation d’aide personnelle après le 13 avril 2007. C’est cette décision qui fait l’objet de le troisième requête du travailleur.

[126]       Dans un rapport du 27 août 2007, le Dr Roy parle de séquelle de hernie L4-L5 et L5-S1.

[127]       Dans une lettre adressée au représentant du travailleur le 30 novembre 2007, le Dr Gagnon écrit relativement au travailleur :

« Je tiens à apporter certaines précisions de même que quelques corrections dans le dossier de ce patient. Tout d’abord, j’ai bel et bien décelé chez M. Gendron des symptômes dépressifs aussi tôt qu’en juillet 2005. Suite à la piètre évolution de sa condition physique ainsi que d’une violente chute à son domicile en début juillet 2005, les symptômes ont évolué jusqu’à véritablement remplir les critères d’un épisode dépressif majeur. C’est dans ce contexte que j’ai institué début août 2005 un traitement aux antidépresseurs (Celexa) qui venait s’ajouter à la psychothérapie. Durant les mois qui suivirent, le patient a vu ses symptômes psychologiques évoluer lentement.

 

Le 26 mai 2006, lorsque le Dr R. Tosti a préparé son expertise, Monsieur Gendron montrait suffisamment de signes d’amélioration pour qu’un clinicien avisé ne crût pas qu’il fût en dépression.  C’est en effet ce qui s’est passé, puisque Monsieur Gendron semblait bénéficier favorablement des traitements antidépresseur et psychothérapeutique. C’est cette notion d’amélioration d’un état sous-jacent toujours présent qui a échappé à ce psychiatre. J’ai donc par erreur entériné son rapport alors que j’aurais dû tout de suite argumenter que le patient avait encore besoin de support et de soins psychologiques.

 

J’espère que ces quelques précisions pourront faire en sorte de rétablir les faits et de faire valoir les droits de ce patient. Je demeure disponible pour fournir de plus amples renseignements au besoin. »

 

 

[128]       Le Dr Gagnon dans une attestation du 6 mars 2008, émet un diagnostic de lombalgie chronique invalidante et incapacitante. Il écrit « nouvel événement suite à chute lorsque ses membres inf. « manquent » et fracture base du 4e métatarsien droit (main droite).

[129]       Le 18 mars 2008, le travailleur produit une nouvelle réclamation à la CSST pour un événement survenu le 6 mars 2008. Dans sa réclamation il décrit ainsi l’événement :

« Le 4 février 2008, monsieur Gendron a effectué une chute lorsque ses membres inférieurs ont « manqué ». Il s’est fracturé le 4ième métatarse droit (main droite). Nous vous référons au rapport médical # 24253 émis par le Dr Gagnon le 6 mars 2008 (pièce jointe). »

 

 

[130]       Le 24 avril 2008, la CSST refuse la réclamation produite le 18 mars 2008 au motif qu’il n’y a pas de détérioration objective de l’état de santé du travailleur.

[131]       Cette décision est contestée en révision administrative par le travailleur le 5 mai 2008.

[132]       Dans une décision du 4 août 2008, la CSST en révision administrative confirme la décision du 24 avril 2008. C’est cette décision qui fait l’objet de la dernière requête du travailleur.

[133]       À la demande du représentant du travailleur, ce dernier est examiné le 29 septembre 2008 par le Dr Michel Giguère, chirurgien orthopédiste, afin qu’il se prononce sur les trois questions suivantes :

« 1.       Est-ce qu’il y a une relation entre les diagnostics de lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence étagée et de syndrome de douleurs chroniques et l’événement du 10 mars 2005?

 

2.         Est-ce que monsieur Gendron était capable d’occuper l’emploi convenable déjà retenu de représentant de commerce à partir du 8 décembre 2006?

 

3.         Est-ce que monsieur Gendron a présenté une RRA le 6 mars 2008 suite à une chute occasionnée par le « manquement » de ses membres inférieurs entraînant une fracture du 4e métacarpe [sic] droit? »

 

 

[134]       À l’examen subjectif, le Dr Giguère rapporte que le travailleur se plaint d’une douleur constante, sous forme de brûlure au niveau lombaire avec irritation au niveau de deux fesses sous forme de point et de brûlure. « Cette douleur irradie fréquemment à chaque genou, parfois jusqu’au talon, symptômes pires au membre inférieur gauche qu’à droite. » Le travailleur affirme circuler en chaise roulante, parce qu’il y a dérobements fréquents au niveau des membres inférieurs. Le travailleur lui affirme ne plus faire certaines activités, tel qu’aller à son ruisseau situé près de sa demeure et pouvoir faire certaines activités lentement et à son rythme.

[135]       À l’évaluation objective, le Dr Giguère rapporte que le travailleur ne peut se déshabiller seul. Il a des varices importantes aux deux membres, plus importantes à droite qu’à gauche.

[136]       Le travailleur se maintient debout en position avec le tronc fléchi vers l’avant d’environ 20° avec une musculature qui est contractée. Il se tient les jambes écartées. Il est incapable de marcher sur la pointe des orteils et sur les talons.

[137]       Le Dr Giguère écrit :

« Nous avons tenté de mesurer les amplitudes articulaires, monsieur bouge à peine 10° dans chaque direction, se disant trop souffrant. Monsieur ne peut faire plus de mouvement alléguant des douleurs lombaires avec irradiation aux fesses. 

 

En position assise sur le bord de la table, monsieur a beaucoup de difficulté à s’asseoir, nous lui laissons le temps de le faire avec l’aide de son épouse. Les réflexes sont symétriques au niveau des rotuliens et des achiléens [sic]. Le cutané plantaire est neutre à droite et en flexion à gauche.

 

En position assise sur le bord de la table, nous devons arrêter la manœuvre du tripode à -30° à gauche et à -20° à droite, monsieur se plaint de douleurs lombaires lorsque nous tentons de forcer davantage, son tronc est projeté vers l’arrière, ses mains sont appuyées sur la table derrière lui. »

 

 

[138]       Il note que le travailleur a beaucoup de difficulté à se mettre sur le dos et qu’il est incapable d’étendre les genoux. Le Dr Giguère est incapable de mesurer adéquatement les amplitudes articulaires au niveau des chevilles, des genoux et des hanches.

[139]       À la palpation en cubitus latéral, le travailleur se plaint de douleurs partant de la région lombaire, niveau présumé de L1 à S2. Après chaque changement de position, le travailleur doit récupérer pendant quelques minutes, se disant trop souffrant.

[140]       Le Dr Giguère est incapable de vérifier les signes de tension radiculaire tels que le tripode et l’élévation de la jambe tendue. Il est incapable également de vérifier le SLR renversé. Lors de l’extension avec le genou en flexion, le Dr Giguère est incapable de ramener la hanche en position neutre, le travailleur demeure à 30° de flexion au niveau de la hanche, tant à droite qu’à gauche.

[141]       En réponse aux questions posées, le Dr Giguère reconnaît d’abord que le travailleur ne présente pas de symptômes neurologiques, mais qu’il présente des symptômes rachidiens « ceci n’empêche pas que le handicap fonctionnel important qu’il présente. La dégénérescence discale était déjà présente lors de l’événement du 10 mars 2005, elle était déjà présente même lors du 7 décembre 1994. »

[142]       Il souligne que le travailleur présente des signes d’instabilité lombaire avec une contracture lombaire, attitude en flexion du tronc, des tolérances à la position debout, assise ou couchée diminuées. « Ceci en lien avec la dégénérescence discale sévère au niveau L5-S1, rendue symptomatique suite à l’événement du 10 mars 2005. »

[143]       Il conclut en écrivant que l’événement du 10 mars 2005 a aggravé une condition de discopathie dégénérative sévère au niveau L5-S1 prévalant depuis le premier événement du 7 décembre 1994.

[144]       Le Dr Giguère est par ailleurs d’avis que le travailleur présente des limitations fonctionnelles de classe IV de l’IRSST. « Le caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et sur la capacité de concentration sont incompatibles avec tout travail régulier. » Le travailleur est donc selon le Dr Giguère inapte à occuper l’emploi convenable de représentant de commerce à partir du 8 décembre 2006.

[145]       Quant à la présence d’une rechute, récidive ou aggravation le 6 mars 2008 suite à un « manquement » de ses membres inférieurs, le Dr Giguère souligne que le dérobement des membres inférieurs accompagne les signes et symptômes d’instabilité lombaire. « Monsieur présente des dérobements occasionnels, c’est pourquoi il ne peut marcher longtemps, il circule principalement en chaise roulante. La chute qu’il a faite, ayant occasionné une fracture du 4e métacarpe droit s’inscrit dans l’évolution de sa symptomatologie au niveau lombaire. » Le Dr Giguère ajoute que le dérobement des membres inférieurs peut survenir sur une condition de dégénérescence discale sévère par contracture de la musculature lombaire avec douleur irradiant dans les deux membres inférieurs, provoquant ainsi un dérobement des membres inférieurs. Il conclut à la survenance d’une rechute, récidive ou aggravation le 6 mars 2008.

[146]       À la demande du représentant du travailleur, ce dernier est examiné le 16 décembre 2008 par le Dr Pierre Vincent, psychiatre. Il est demandé au Dr Vincent de déterminer la présence ou non de trouble psychopathologique, d’en déterminer la nature et les liens avec l’accident de travail de 1994 et surtout la rechute du 10 mars 2005. Il est également demandé de commenter le rapport du Dr Tosti.

[147]       Dans son évaluation le Dr Vincent estime que le Dr Tosti a rencontré le travailleur a un moment où il semble que ce dernier était le plus fonctionnel au cours des dernières années « tant au dire de son médecin de famille que sa psychologue » Il note par ailleurs que le Dr Tosti fait un lien entre les symptômes du travailleur et la condition lombaire. Le Dr Vincent souligne que l’amélioration du travailleur s’est faite dans le contexte de la prise en charge psychothérapeutique « pour laquelle on a mis fin de façon prématurée à mon avis à l’automne 2006. » Il conclut qu’il y a un lien direct entre la condition psychologique du travailleur et l’impact des séquelles des accidents du travail qu’il a vécus en 1994 et 2005.

[148]       Sur le plan diagnostic, le Dr Vincent retient en Axe I un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse. Il souligne en Axe II que le travailleur n’a pas de comportement déviant ou ayant eu des impacts significatifs sur son fonctionnement. Contrairement au Dr Tosti, il est d’avis que le travailleur ne présente pas des traits de personnalité du type B. Il estime que la présentation d’irritabilité et d’explosivité que le travailleur peut avoir semble plus en rapport avec sa condition récente. Ainsi, il est d’avis qu’on ne peut parler de trouble de personnalité. Il rapporte en Axe III le problème lombo-sacré. En Axe IV il retient les stresseurs physiques et les limitations fonctionnelles physiques et estime en Axe V une évaluation globale du fonctionnement entre 61 et 65.

[149]       À l’audience, le tribunal a entendu trois témoins.

[150]       Dans un premier témoignage, le travailleur précise qu’il a ressenti le 10 mars 2005 le même mal que celui ressenti en 1994, à savoir une douleur lombaire irradiant jusque dans ses deux talons; plus à gauche, qu’à droite.

[151]       Le travailleur mentionne que son accident du travail de mars 2005 a eu un effet important sur sa condition mentale. Il accepte mal sa condition physique et en a parlé aux Drs Gagnon et Roy et aussi à Mme Bollens.

[152]       À cet effet, le travailleur mentionne avoir été suivi en psychothérapie par Mme Bollens de mars 2006, jusqu’après les fêtes 2007. Il a vu la psychothérapeute 25 ou 26 fois. Ces traitements ont été payés par la CSST. Le travailleur précise toutefois que les traitements ne sont plus remboursés par la CSST depuis « après les fêtes 2007 ».

[153]       Le travailleur explique par ailleurs qu’il a discuté avec Mme Bollens de « son acceptation » de vivre en permanence avec de la douleur lombaire, avec des engourdissements, une sensation de pulsations dans les talons et de courtes nuits.

[154]       Il mentionne que depuis 2005, il ne peut plus pratiquer plusieurs activités physiques, telles que les randonnées en forêt, le sport avec ses enfants, l’équitation, la pêche, le basketball et le baseball.

[155]       Le travailleur ajoute qu’à la suite d’une chute dans l’escalier menant au second étage de sa résidence, il a dû déménager sa chambre à coucher au rez-de-chaussée.

[156]       Selon le travailleur sa vie sociale est aussi affectée par son accident du travail, il affirme être devenu plus irritable. Cela affecte aussi ses relations familiales, selon lui. Il ajoute avoir fait aussi deux tentatives de suicide.

[157]       Quant à l’emploi convenable déterminé en décembre 2006, le travailleur estime qu’il n’a pas la capacité de l’exercer en raison des douleurs qu’il ressent et de son état mental.

[158]       Le travailleur relate qu’il a reçu de l’aide personnelle à domicile jusqu’au 13 avril 2007. Il affirme être incapable de se laver seul, notamment les pieds et ne pas pouvoir mettre ses bas.

[159]       Il ajoute que sa résidence n’est pas adaptée et que ça lui prend quelqu’un de façon régulière à la maison pour l’aider. Il souligne que l’évaluation de ses besoins d’aide à domicile faite par la CSST, cette dernière a évalué qu’il avait besoin d’une assistance partielle pour le lever, le coucher, l’hygiène corporelle, l’habillage et le déshabillage, pour l’utilisation des commodités du domicile et la préparation du souper. Il est noté aussi un besoin d’assistance complète pour le ménage lourd et partiel pour le lavage du linge et l’approvisionnement.

[160]       Le travailleur souligne par ailleurs qu’en février 2008 il s’est fracturé la main droite (4e métatarse). Il a alors fait une chute, qu’il attribue à des engourdissements dans les jambes. Cette chute a fait l’objet d’une réclamation produite à la CSST le 18 mars 2008 et qui a été refusée par cette dernière.

[161]       Le travailleur confirme qu’avant l’événement de 1994, il a été victime de plusieurs lésions professionnelles, notamment :

-           14 février 1979 : « problématique » lombaire avec arrêt de travail de 5 jours;

-           8 juillet 1985 : entorse lombaire, 136 jours d’arrêt de travail;

-           25 août 1988 : ecchymose lombaire, 6 jours d’arrêt;

-           9 août 1990 : entorse lombaire, arrêt de travail de 14 jours;

-           25 octobre 1991 : entorse lombaire, avec arrêt de 12 jours;

-           16 novembre 1991 : entorse lombaire 15 jours d’arrêt de travail.

 

[162]       Ces événements n’ont entraîné aucune atteinte permanente, ni limitation fonctionnelle.

[163]       Le travailleur confirme avoir fait des réclamations en 1997 et le 18 février 1998 pour des récidives, rechutes ou aggravations. Ces deux réclamations ont été refusées par la CSST et n’ont pas été contestées par le travailleur. La réclamation de 1998 faisait suite à une chute dans les escaliers, alors que selon le travailleur la jambe lui aurait engourdi.

[164]       Enfin, le travailleur a produit une nouvelle réclamation pour une entorse lombaire survenue le 3 août 2001. Cette réclamation a été refusée initialement par la CSST, mais acceptée par la Commission des lésions professionnelles. Cette lésion a été consolidée le 19 novembre 2001, sans atteinte permanente, ni limitations fonctionnelles additionnelles.

[165]       Au dossier du travailleur, les Drs Potvin et Parent rapportent qu’entre le 15 octobre 1995 (date de sa chirurgie lombaire) et le 10 mars 2005, le travailleur aurait subi 37 rechutes, récidives ou aggravations.

[166]       Le tribunal a également entendu le témoignage du Dr Steve Gagnon, omnipraticien. Le Dr Gagnon mentionne qu’il fait le suivi médical du travailleur, à titre de médecin de famille, depuis 2005. Il confirme que le travailleur se plaint de douleurs lombaires, de même que de la difficulté à la marche et à rester debout ou assis.

[167]       Le Dr Gagnon souligne que l’état du travailleur « n’a pas évolué » depuis 2005. Il mentionne que le travailleur est incapable de faire ce qu’une personne normale peut exécuter. Il ajoute avoir observé le travailleur dans diverses activités, tel que monter des escaliers, marcher ou descendre d’une automobile. Il souligne que le travailleur titube lors de ces activités.

[168]       Le Dr Gagnon ajoute que le travailleur a présenté des problèmes d’ordre psychologique qui ont peu évolué. Il ajoute que les symptômes « à un certain moment donné » étaient compatibles avec la dépression. Selon le Dr Gagnon, c’est la détérioration de la condition physique du travailleur qui est la principale raison de son état psychique et qui a amené une baisse de « moral ».

[169]       Quant à l’information médicale complémentaire écrite du 1er juillet 2006, le Dr Gagnon confirme ne pas en avoir discuté avec le travailleur. Il confirme par ailleurs que le travailleur allait mieux au moment de la rédaction de ce document. Le Dr Gagnon explique qu’il aurait dû élaborer plus dans ce document. « Ça n’évoquait pas le fait que le travailleur était en dépression », ajoute-t-il.

[170]       Le Dr Gagnon confirme qu’il n’a pas discuté avec le travailleur du rapport complémentaire du 27 juillet 2006 parce qu’il était évident que le travailleur venait de voir le Dr Roy et qu’il était question de dégénération discale chez le travailleur.

[171]       Quant à l’emploi convenable, le Dr Gagnon est d’avis que le travailleur est incapable de l’occuper, puisqu’il ne peut rester assis plus de 15 minutes et qu’il est sous médication. Il ajoute que le travailleur est incapable d’occuper tout emploi, notamment en raison de sa condition psychique.

[172]       Le Dr Gagnon affirme, quant aux besoins d’aide personnel à domicile, que le travailleur est dans un état similaire à de « l’incapacité ».

[173]       Il ajoute quant à la fracture de mars 2005, que selon lui la chute qui a occasionné la fracture a été causée par la condition lombaire du travailleur. Il ajoute toutefois que son opinion se base « à partir des dires du travailleur ».

[174]        Le tribunal a enfin entendu le témoignage de Mme Isabelle Bollens, psychologue. Mme Bollens mentionne avoir traité le travailleur d’avril 2006 à mars 2007. Elle a rencontré le travailleur 25 fois et les rencontres étaient payées par la CSST.

[175]       Mme Bollens mentionne que lors des rencontres qu’elle a eues avec le travailleur ce dernier avait des douleurs importantes au dos et des capacités de mouvements limitées. Il avait le moral « très bas » et était « déboussolé par ce qui lui arrivait ».

[176]       Elle explique que le travailleur ressentait beaucoup d’irritabilité. Il était impatient en raison de la douleur qui était parfois très aiguë et qui persistait toute la journée. Selon Mme Bollens, le travailleur avait de la difficulté à composer avec ses limites physiques, tel que vivre sur un seul étage de sa maison, marcher lentement, avoir constamment des douleurs, etc. Selon elle, tout devenait un irritant pour lui.

[177]       Mme Bollens mentionne que les séances de psychothérapie ont cessé en mars 2007, mais qu’elles auraient dû se poursuivre, puisqu’en octobre une amorce de processus de deuil de sa condition physique du travailleur avait commencé.

[178]       Pour Mme Bollens, il est évident que la condition psychique du travailleur découle de sa perte de capacité.

[179]       Quant à sa capacité d’occuper un emploi convenable, Mme Bollens affirme que le travailleur est incapable d’occuper tout emploi.

[180]       Mme Bollens confirme qu’elle est d’accord avec les conclusions du Dr Tosti.

[181]       À compter de cette date, le travailleur mentionne que ses problèmes lombaires ont empiré. Ainsi, le travailleur affirme avoir eu de la « misère » à bouger, à fonctionner quotidiennement. Il ajoute que les nuits sont « un calvaire » pour lui et qu’il ne dort que 3 à 3h15 par nuit. Il ressent des engourdissements dans les jambes et dans les talons.

 

L’ARGUMENTATION DES PARTIES

Le moyen préliminaire

[182]       Le représentant du travailleur soulève à titre de moyen préliminaire que la procédure d’évaluation médicale est irrégulière pour deux motifs. Premièrement, il soumet que les obligations du médecin traitant visées à l’article 205.1 de la loi n’ont pas été respectées. Il soumet que le Dr Gagnon a omis à deux reprises d’informer le travailleur sans délai du contenu de « son information médicale rendue le 1er juillet 2006 à propos du Dx psychiatrique ainsi que le rapport complémentaire rendu le 27 juillet 2006 à propos du volet orthopédique. » [sic]. Le représentant soumet par ailleurs que la CSST aurait dû transmettre au Dr Gagnon le formulaire de rapport complémentaire à la suite des conclusions du Dr Tosti infirmant ses conclusions.

[183]       Il souligne :

« En agissant ainsi, le Dr Gagnon a privé le travailleur de son droit de faire valoir son point de vue et d’exercer le droit au médecin de son choix. Il s’agit d’un accroc important au processus d’évaluation médicale puisque les obligations contenues à l’article 205.1 ne sont pas de simples formalités, mais bien des exigences de fond. 

 

Nous vous soumettons que les 2 rapports complémentaires rendus par le Dr Gagnon doivent êtres [sic] considérés comme non liants. Ainsi, les décisions rendues par la CSST suite à ces rapports complémentaires étaient prématurées et le dossier doit être retourné à la CSST pour qu’il soit traité conformément à la LATMP. »

 

 

[184]       Étant donné, que selon le représentant la procédure d’évaluation médicale est irrégulière, la CSST devrait reprendre le processus d’évaluation et les décisions faisant suite aux deux rapports devraient être annulées. En conséquence, la CSST devrait reprendre, et de façon rétroactive au 8 décembre 2006, le versement de l’indemnité de remplacement du revenu. À l’appui de son argumentation, il soumet notamment l’affaire Bergeron et Fondations André Lemaire[4]  et l’affaire Gagné et Entreprises Cuisine-Or[5]

[185]       La représentante de la CSST estime pour sa part que la procédure d’évaluation médicale est « régulière ». Elle soumet que la question de la communication des conclusions au travailleur ne rend pas la procédure irrégulière. À l’appui de son argumentation, elle réfère à la cause Trudel et Transelec/Common inc.[6].

[186]       La représentante soumet que selon la jurisprudence pour déclarer irrégulière la procédure d’évaluation médicale, il doit y avoir un préjudice pour le travailleur si les rapports étaient considérés comme liants. Elle estime qu’en l’espèce ce n’est pas le cas. D’une part, parce que rien ne démontre que même si le travailleur avait été avisé par le Dr Gagnon, il aurait changé de médecin. D’autre part, parce que quant au rapport complémentaire du 27 juillet 2006, le travailleur ne subit aucun préjudice puisque le dossier a été soumis au BEM.

[187]       En réplique, le représentant du travailleur souligne que le travailleur est victime d’un préjudice important, car la CSST n’a pas respecté les dispositions de la loi en regard du processus d’évaluation médicale.

Les représentations sur le fond des requêtes

[188]       Le représentant du travailleur soumet par ailleurs en regard des limitations émises par le Dr D’Anjou du BEM qu’elles « sont insuffisantes et inappropriées » puisqu’elles ne tiennent pas compte de la situation réelle du travailleur.

[189]       Il soumet que le Dr Roy a mis des limitations fonctionnelles de classe IV, notamment à la suite de la discométrie du 1er juin 2006. Il ajoute que le Dr Giguère retient également des limitations de classe IV de l’IRSST. Le représentant estime qu’il s’agit là d’une preuve prépondérante quant au fait que le travailleur est porteur de limitations de classe IV.

[190]       La représentante de la CSST soumet pour sa part que le travailleur souffre de « douleurs subjectives » qui ne peuvent permettre d’accorder des limitations fonctionnelles supplémentaires à celles déjà octroyées.

[191]       Elle souligne que le travailleur présente des plaintes de douleurs subjectives, constantes et très invalidantes selon lui depuis longtemps, mais non objectivées. Vu cet état de fait, la représentante estime qu’il est impossible et injustifié d’octroyer des limitations fonctionnelles additionnelles à celles accordées par le BEM et conclut que le tribunal doit confirmer les conclusions du BEM quant aux limitations fonctionnelles.

[192]       Quant à la lombalgie secondaire avec dégénérescence discale étagée et syndrome de douleurs chroniques, le représentant du travailleur soumet que ce dernier a aggravé sa condition personnelle préexistante et qu’elles sont en relation avec l’événement de mars 2005. Il souligne à cet effet que le Dr D’Anjou a retenu ces diagnostics, de même que le Dr Giguère. Il souligne également le témoignage du travailleur à l’effet que sa condition lombaire s’est grandement détériorée suite à l’événement du 10 mars 2005. Le représentant allègue qu’il s’agit d’une preuve prépondérante d’une relation entre ces diagnostics et l’événement de mars 2005.

[193]       La représentante de la CSST soumet pour sa part en regard du diagnostic à retenir que le Dr Potvin, médecin désigné par la CSST, le DD’Anjou du BEM et le Dr Giguère, médecin du travailleur, ne retiennent pas le diagnostic de hernie discale L5-S1. Même le Dr Gagnon changera d’opinion et ne retiendra plus ce diagnostic. C’est pourquoi la représentante allègue que ce diagnostic ne devrait pas être retenu par le tribunal.

[194]       La représentante de la CSST soumet qu’en mars 2006, le Dr Potvin retiendra le diagnostic d’entorse sévère; un diagnostic que le Dr Gagnon reprendra par la suite.

[195]       Elle souligne qu’il y a lieu de maintenir le diagnostic émis par le BEM de status post-discoïdectomie L5-S1 sans atteinte neurologique objectivable et estime que les autres diagnostics de lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence discale étagée et de syndrome de douleurs chroniques sont en lien avec une condition personnelle de dégénérescence discale, « condition causant des dérobements déjà dès 1998 et refusée par la CSST ».

[196]       La représentante demande de maintenir les autres conclusions du BEM en regard de la date de consolidation, la suffisance des soins, l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles.

[197]       Le représentant du travailleur allègue relativement aux symptômes dépressifs que la preuve prépondérante est voulant qu’il y ait une relation entre ceux-ci et l’événement du 10 mars 2005. Il réfère au rapport initial de la psychologue Boulet et du rapport initial du Dr Gagnon du 4 août 2005. Il souligne que le diagnostic psychique alors émis par le Dr Gagnon n’a pas été contesté par l’employeur ni la CSST. Il est selon le représentant liant au sens de l’article 224 de la loi.

[198]       Il souligne que le rapport du Dr Tosti ne peut être retenu, puisqu’il n’a rencontré le travailleur qu’une fois et que c’est insuffisant pour établir un diagnostic. Le représentant rappelle aussi le mandat confié à la psychologue Bollens par la CSST et à son rapport du 2 juin 2006 où elle souligne que le travailleur vit une détresse psychologique en lien avec ses fortes douleurs lombaires et les conséquences de celles-ci.

[199]       Le représentant soumet par ailleurs que la CSST avait accepté implicitement de reconnaître les symptômes dépressifs, puisqu’elle a accepté de payer 25 séances de psychothérapie. Le représentant allègue que la CSST a créé une « expectative légitime du travailleur » que sa lésion psychologique serait reconnue.

[200]       Le représentant quant à l’information médicale complémentaire du Dr Gagnon du 1er juillet 2007 souligne que tel qu’en a témoigné le Dr Gagnon c’est « par erreur s’il a entériné le REM du Dr Tosti. Il n’a jamais remis en question son diagnostic psychique en question, le libellé même de son rapport complémentaire en fait état. » Qui plus est, il réfère aux conclusions du Dr Vincent et conclut à une relation entre la condition psychique du travailleur et son accident du travail de mars 2005.

[201]       La représentante de la CSST soumet pour sa part que le Dr Gagnon indique clairement dans la lettre du 30 novembre 2007 que la chute dans l’escalier a amené vers un épisode dépressif. Elle souligne que le bilan médical d’octobre 2005 fait auprès du Dr Gagnon confirme que ses problèmes dépressifs sont réactionnels à la chute du travailleur. En mai 2006, le Dr Tosti concluait à l’absence d’un diagnostic franc au plan psychologique. Le Dr Gagnon se disait d’accord avec les conclusions du Dr Tosti. La représentante souligne que les parties sont liées par le diagnostic posé par le Dr Gagnon d’état dépressif et que c’est uniquement la question de la relation qui doit être décidée par le tribunal. De la preuve, la représentante soumet qu’il n’y a pas de lien entre l’état psychologique et l’événement de mars 2005 ou même de 1994.

[202]       En réplique, le représentant du travailleur souligne qu’aucun autre élément au dossier ne permet d’établir que la condition psychique du travailleur découlerait d’une autre source que sa condition lombaire.

[203]       Quant à la capacité de travail, le représentant souligne que la preuve prépondérante démontre que le travailleur n’a pas la capacité physique et psychique d’occuper l’emploi convenable déjà déterminé par la CSST. Il réfère au témoignage de la psychologue Bollens et au rapport du Dr Giguère.  Il souligne que la CSST devait tenir compte de la situation globale du travailleur qui était toujours sous traitements psychologiques payés par la CSST.

[204]       La représentante de la CSST soumet que le tribunal doit reconduire l’emploi convenable déjà déterminé le 18 février 2004 puisqu’aucune limitation fonctionnelle additionnelle ne donne droit au travailleur à la réadaptation.

[205]       Relativement à l’aide personnelle à domicile, le représentant allègue que la preuve prépondérante est à l’effet que le travailleur n’a jamais cessé d’avoir besoin d’aide à domicile. Il se réfère à cet effet à l’attestation médicale du Dr Gagnon du 30 novembre 2006.

[206]       La représentante de la CSST soumet pour sa part qu’en vertu de l’article 162 de la loi l’aide à domicile cesse quand le travailleur redevient capable de prendre soin de lui-même ou d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle. La lésion étant consolidée le 6 juin 2006, sans atteinte permanente additionnelle, ni limitation fonctionnelle additionnelle, il n’y a pas lieu de verser cette aide.

[207]       Enfin quant à la récidive, rechute ou aggravation alléguée du 4 février 2008, dont le diagnostic est une fracture du 4e métatarse de la main droite, le représentant réfère au rapport médical du Dr Gagnon du 6 mars 2008 et à l’expertise du Dr Giguère.

[208]       Il soumet qu’il s’agit d’un événement indemnisable, notamment en vertu du premier alinéa de l’article 1 de la loi. Il allègue que la chute ayant occasionné une fracture à la main droite est une conséquence directe de l’accident du travail survenu le 10 mars 2005.

[209]       La représentante de la CSST soumet pour sa part que l’événement de février 2008 est semblable à celui de 1998 qui a fait l’objet d’une décision de refus de la part de la CSST et qui n’a pas été contestée par le travailleur.

[210]       Appliquant les critères jurisprudentiels développés dans l’affaire Boisvert et Halco inc.[7] la représentante soumet que le travailleur n’a pas été victime d’une lésion professionnelle en février 2008.

 

L’AVIS DES MEMBRES

Le moyen préliminaire

[211]       Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter le moyen préliminaire du travailleur. Ils estiment que la procédure d’évaluation médicale en l’espèce est régulière.

Dossier 305153-04-0612

[212]       Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis d’accueillir en partie la requête du travailleur et de reconnaître qu’il n’y a une relation entre les diagnostics de lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence discale étagée et de syndrome de douleurs chroniques et l’événement du 10 mars 2005. Ils sont d’avis par conséquent que le travailleur a droit aux prestations prévues à la loi en regard de ces diagnostics.

[213]       Ils sont par ailleurs d’avis que la CSST était justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu, jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi, étant donné que la lésion est consolidée le 9 juin 2006 avec des limitations fonctionnelles.

[214]       Ils sont par ailleurs d’avis que la CSST doit cesser de payer les soins et les traitements puisqu’ils ne sont plus justifiés.

[215]       Ils sont enfin d’avis que le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné l’absence d’une atteinte permanente additionnelle.

Dossiers 311537-04-0703

[216]       Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur.

[217]       Ils sont d’avis que le diagnostic de symptômes dépressifs (état dépressif) n’est pas en relation avec l’événement du 10 mars 2005 et que le travailleur n’a pas droit aux prestations prévues par la loi en regard de ce diagnostic. Ils sont d’avis que la preuve prépondérante ne démontre pas que le travailleur a souffert d’un état dépressif en relation avec son accident du travail du 10 mars 2005. Ils retiennent à cet effet l’expertise du Dr Tosti qui ne retient aucun diagnostic à caractère psychiatrique et le rapport  complémentaire du Dr Gagnon qui se dit en accord avec les conclusions de ce dernier.

[218]       Les membres soulignent d’ailleurs que le Dr Vincent, médecin expert du travailleur, ne retient pas de diagnostic d’état dépressif, mais retient plutôt celui de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse.

Dossier 322681-04-0707

[219]       Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur et de confirmer la décision de la CSST rendue le 6 juillet 2007 à la suite d’une révision administrative.

[220]       Ils recommandent au tribunal de déclarer que le travailleur n’a pas droit au versement d’allocation d’aide personnelle après le 13 avril 2007, puisqu’il ne rencontre plus les conditions d’attribution de l’aide prévues à la loi.

Dossier 356091-04-0808

[221]       Le membre issu des associations d’employeurs et celui issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur et de confirmer la décision de la CSST rendue le  4 août 2008 à la suite d’une révision administrative.

[222]       Ils sont d’avis que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle sous forme d’une récidive, rechute ou aggravation le 4 février 2008 et qu’il n’a pas droit aux prestations prévues par la loi.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

Le moyen préliminaire

[223]       La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le processus d’évaluation médicale est régulier en l’espèce ou s’il est vicié. La preuve révèle en l’espèce que le Dr Gagnon, médecin traitant du travailleur, a omis à deux reprises, soit lors de la rédaction d’une information médicale complémentaire le 1er juillet 2006, à la suite de l’expertise du Dr Tosti et le 27 juillet 2006, à la suite de l’expertise du Dr Parent, lors de la rédaction d’un rapport complémentaire, omis de communiquer avec le travailleur pour l’informer du contenu de ces rapports.

[224]       Le représentant du travailleur allègue, que ces omissions font en sorte que le processus d’évaluation médicale a été irrégulier et vicié et qu’en conséquence, la CSST devrait reprendre le processus d’évaluation et les décisions faisant suite à ces deux rapports devraient être annulées. Il appuie son argumentation sur la rédaction de l’article 205.1 de la loi qui stipule :

205.1.  Si le rapport du professionnel de la santé désigné aux fins de l'application de l'article 204 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.

 

La Commission peut soumettre ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216 .

__________

1997, c. 27, a. 3.

 

 

[225]       Comme la représentante de la CSST, le présent tribunal avec respect pour l’opinion contraire, est d’avis que l’obligation faite à l’article 205.1 de la loi au médecin traitant de communiquer.

[226]       Comme la Commission des lésions professionnelles en a décidé dans l’affaire Trudel et Transelec/Common inc.[8] la divulgation au travailleur de ses conclusions par le médecin traitant ne représente qu’un aspect technique, dont le non-respect ne peut donner de droits exorbitants au travailleur.

[227]       Comme la Commission des lésions professionnelles en a décidé dans l’affaire Clouâtre et Coroplast - division des Entreprises Grand Pacifique inc.[9] :

[…]

 

[20]      La Commission des lésions professionnelles a déjà eu à se pencher sur cette question.

 

[21]      Tout comme dans Raymond et Transformation B.F.L.7 et Trudel et Transelec/Common inc.8, le présent tribunal est d’avis que le fait pour le médecin qui a charge de ne pas avoir communiqué ses conclusions médicales directement et sans délai au travailleur ne représente qu’un aspect technique dont le non-respect ne peut donner de droits exorbitants au travailleur9.

 

[22]      Donc, le tribunal ne fait pas droit à la demande du travailleur de retourner le dossier à la CSST afin qu’elle procède à une évaluation détaillée. Il est lié par les conclusions du docteur Arsenault quant à la question de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.

 

[…]

______________________

 7             230973-04-0403, 25 février 2005, A. Gauthier.

 8             257302-01B-0502, 24 février 2006, L. Desblois.

 9              Au même effet voir : Tremblay et Providence N.-D. de Lourdes, 247398-71-0411, 24 février 2006, C. Racine; Jean et Belron Canada inc., 287234-31-0604, 6 septembre 2006, M.-A. Jobidon.

 

 

[228]       En l’espèce, le tribunal est donc d’avis que la procédure d’évaluation médicale est « régulière » et estime qu’il n’a pas à retourner le dossier à la CSST, comme le demande le travailleur. Comme le moyen préliminaire n’est pas retenu par le tribunal, il y a lieu de traiter sur le fond les requêtes du travailleur.

Dossier 305153-04-0612

[229]       La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a une relation entre les diagnostics de lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence discale étagée et de syndrome de douleurs chroniques et l’événement du 10 mars 2005. Le cas échéant, le tribunal doit déterminer si le travailleur a droit aux prestations prévues à la loi en regard de ces diagnostics.

[230]       La preuve médicale révèle qu’à la suite de l’événement de mars 2005, le diagnostic initial émis a été celui de lombalgie bilatérale, avec sciatalgie gauche. Ce diagnostic a évolué au cours des mois pour celui de dégénérescence discale multiétagée, ainsi que d’une hernie discale L5-S1 sans compression radiculaire.

[231]       Le diagnostic de hernie discale sera écarté tant par le médecin désigné, que le membre du BEM et aussi par le médecin traitant le Dr Gagnon. Avant que le dossier ne soit pris en charge par le BEM, le diagnostic retenu est celui d’entorse lombaire sévère avec dégénérescence discale L5-S1 et symptomatologie douloureuse importante et incapacitante.

[232]       Le Dr Parent, médecin désigné par la CSST, retiendra des diagnostics de status post-discoïdectomie L5-S1 sans atteinte neurologique objectivable avec lombalgie chronique secondaire et syndrome de douleurs chroniques. Le Dr D’Anjou reprendra intégralement ces diagnostics et ajoutera au diagnostic de lombalgie chronique secondaire « avec dégénérescence discale étagée ».

[233]       Le Dr Giguère conclut quant à lui qu’il y a une relation entre les diagnostics de lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence étagée et de syndrome de douleurs chroniques et l’événement du 10 mars 2005, estimant que cet événement a rendu symptomatique le dégénérescence discale sévère au niveau L5-S1 du travailleur.

[234]       Le 13 février 2007, le Dr Roy parle d’une entorse lombaire.

[235]       De l’avis du tribunal et bien que le travailleur présente une dégénérescence discale sévère avant l’événement du 10 mars 2005, il estime que la preuve médicale prépondérante est à l’effet que cette lésion a entraîné comme l’ont reconnus les Drs Parent, D’Anjou et Giguère des diagnostics de status post-discoïdectomie L5-S1 sans atteinte neurologique objectivable avec lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence discale étagée et syndrome de douleurs chroniques. D'ailleurs, le tribunal retient que l’événement de mars 2005 a rendu, comme le souligne le Dr Giguère, symptomatique la dégénérescence discale du travailleur.

[236]       La CSST déclare par ailleurs qu’elle est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu, jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité du travailleur d’exercer son emploi, étant donné que la lésion est consolidée avec des limitations fonctionnelles.

[237]       Le tribunal est par ailleurs d’avis que la CSST était justifiée, conformément à l’article 57 de la loi, de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité du travailleur d’exercer un emploi, puisque ce dernier conservait des limitations fonctionnelles attribuables à sa lésion, même si elles sont les mêmes que celles retenues par le Dr Duquette. Cet article stipule :

57.  Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants :

 

1° lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48 ;

 

2° au décès du travailleur; ou

 

3° au soixante-huitième anniversaire de naissance du travailleur ou, si celui-ci est victime d'une lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 64 ans, quatre ans après la date du début de son incapacité d'exercer son emploi.

__________

1985, c. 6, a. 57.

 

 

[238]       Le tribunal doit par ailleurs décider si la CSST était justifiée de cesser de payer les soins et les traitements puisqu’ils ne sont plus justifiés.

[239]       En l’espèce, la preuve démontre que la condition du travailleur, lors de l’examen effectué le 25 septembre 2006 par le Dr D’Anjou, est essentiellement la même que lors de l’examen du Dr Parent du 9 juin 2006. Ces deux médecins, qui comme d’ailleurs le Dr Giguère, ont eu beaucoup de difficulté à effectuer un examen physique en raison des douleurs alléguées par le travailleur, retiennent que la condition de ce dernier est la même que celle observée dix ans plus tôt par le Dr Duquette. 

[240]       Par ailleurs, au moment des examens des Drs Parent et D’Anjou le travailleur ne recevait plus de traitement pour ses douleurs lombaires. Aussi, concluaient-ils à l’atteinte d’un plateau thérapeutique et au fait qu’aucun nouveau traitement n’est nécessaire. Le Dr Giguère ne propose quant à lui aucun nouveau traitement.

[241]       Ainsi, le tribunal estime que le travailleur le 9 juin 2006 avait atteint un plateau thérapeutique et qu’aucun nouveau traitement n’était à envisager, c’est pourquoi la CSST était justifiée de cesser de payer pour les soins et traitements.

[242]       Le tribunal doit par ailleurs décider si la CSST était justifiée de déclarer que le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel étant donné l’absence d’une nouvelle atteinte permanente.

[243]       Sur cet aspect de la question, vu l’absence d’évaluation du Dr Giguère et l’absence de représentation et aussi vu les évaluations des Drs Duquette, Parent et D’Anjou, le tribunal retient que la lésion du 10 mars 2005 n’a entraîné aucune nouvelle atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique.

[244]       Aussi le tribunal est-il d’avis que le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel.

[245]       Le tribunal doit enfin décider si de nouvelles limitations fonctionnelles découlent de l’événement du 10 mars 2005.

[246]       Le tribunal retient de la preuve que c’est en 1996 que le Dr Duquette a retenu des limitations fonctionnelles lesquelles ont été reprises par le Dr D’Anjou du BEM dans son avis du 25 septembre 2006, puisqu’il estime que la condition du travailleur est la même que celle observée par le Dr Duquette. Ainsi, il retient les limitations suivantes, qui sont comme le Dr D’Anjou le souligne  :

 « -       Il devra éviter les flexions et extensions répétitives de la colonne.

-           Il ne peut pas travailler dans un endroit où des vibrations basses sont présentes.

-           Il ne peut manipuler des poids de plus de 10 kg.

-           Nous croyons qu’il devra faire un travail sédentaire léger où il peut s’asseoir s’il travaille debout et se lever s’il travaille assis pour éviter des ankyloses. »

 

 

[247]       Des limitations qui se situent, comme le Dr Parent le souligne, entre « une classe II et une classe III ».

[248]       Dans un rapport du 13 février 2007, le Dr Roy parle d’une entorse lombaire « avec séquelles, classe IV IRSST », mais ne décrit pas celles-ci et explique encore moins les raisons pour lesquelles il accorde ces limitations.

[249]       Quant au Dr Giguère, il est d’avis que le travailleur présente des limitations fonctionnelles de classe IV de l’IRSST en raison du « caractère continu de la douleur et son effet sur le comportement et sur la capacité de concentration sont incompatibles avec tout travail régulier. » Pour le Dr Giguère, le travailleur est inapte à occuper tout emploi dont l’emploi convenable de représentant de commerce « à partir du 8 décembre 2006 ».

[250]       Le tribunal constate que le Dr Giguère, d’ailleurs comme les Drs Parent et D’Anjou n’a pas réussi en raison des allégations de douleurs du travailleur à faire un examen clinique de ce dernier. Comment le Dr Giguère peut-il uniquement sur la base d’un examen très sommaire du travailleur évaluer que les limitations fonctionnelles de ce dernier ont augmenté jusqu’à une classe IV de l’IRSST? Le tribunal retient que c’est uniquement sur la base des plaintes subjectives du travailleur et non à partir d’un examen objectif de ce dernier que le Dr Giguère retient les limitations de classe IV.  

[251]       Dans le contexte le tribunal estime qu’il ne peut retenir les conclusions du Dr Giguère et du Dr Roy  quant aux séquelles découlant de l’événement de 2005. Aucun élément objectif ne peut supporter leurs conclusions.

[252]       Ainsi, le tribunal retient les conclusions du Dr D’Anjou du BEM quant au fait que la lésion professionnelle n’a pas entraîné de limitations fonctionnelles additionnelles à celles émises par le Dr Duquette en novembre 1996.

Dossiers 311537-04-0703

[253]       La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le diagnostic de symptômes dépressifs (état dépressif) est en relation avec l’événement du 10 mars 2005 et le cas échéant si le travailleur a droit aux prestations prévues par la loi en regard de ce diagnostic.

[254]       De la preuve le tribunal retient que c’est dans un rapport initial d’intervention en psychologie rédigé le 29 juillet 2005, qu’il est mentionné pour la première fois que le travailleur souffre de symptômes pouvant permettre de conclure à une dépression considérée comme étant modérée. On parle toutefois d’humeur dépressive, de tristesse, de perte de plaisir, de culpabilisation importante, etc. On souligne de la présence de « symptômes dépressifs ».

[255]       Un suivi en psychothérapie visant à adresser les symptômes dépressifs est proposé.

[256]       C’est le 4 août 2005 que le Dr Gagnon note pour la première fois l’apparition de symptômes dépressifs.

[257]       Dans les notes cliniques, le Dr Gagnon rapporte que le travailleur est « à bout de nerfs, irritable, impulsif, insomniaque, triste intolérant, etc. » Il prescrit alors du Celexa, un antidépresseur.

[258]       Le Dr Gagnon revoit le travailleur le 1er septembre 2005 et rapporte que l’épisode dépressif secondaire est « présentement traité ». Dans ses notes cliniques, il écrit que le travailleur est plus calme et plus serein et maintient la prise de Celexa.

[259]       Le 6 octobre 2005, le Dr Gagnon rapporte que l’état dépressif sous médication est « amélioré ».

[260]       Une note médicale de la Dre Lemay de la CSST fait état d’une conversation du 6 octobre 2005 avec le Dr Gagnon. Elle rapporte que le Dr Gagnon lui souligne que le travailleur présenterait, suite à une chute dans un escalier, un problème dépressif réactionnel. Elle écrit que « Dr Gagnon nous confirme que les problèmes dépressifs sont réactionnels à ce nouvel événement survenu chez lui ».

[261]       Le tribunal comprend que la chute dont il est question est celle de juillet 2005 à laquelle le Dr Gagnon fait référence dans sa lettre du 30 novembre 2007. Cette chute n’a pas fait l’objet d’une réclamation à la CSST et le tribunal doit conséquemment considérer que celle-ci s’est produite dans le cadre d’activités personnelles du travailleur.  

[262]       Le tribunal retient par ailleurs que la CSST a donné un mandat à la psychologue Bollens pour aider le travailleur dans la gestion des difficultés reliées à l’accident de travail et des symptômes dépressifs reliés à son état. 

[263]       Dans un rapport de suivi du 13 avril 2006, Mme Bollens souligne que le travailleur a besoin d’aide pour le soulagement de sa détresse psychologique. Il n’est pas question de symptômes dépressifs.

[264]       Le 26 mai 2006, le Dr Tosti examine le travailleur. Il note que le travailleur ne prend que de façon occasionnelle le Celexa, à raison d’une fois par semaine.

[265]       Après évaluation, le Dr Tosti conclut, vu un examen mental normal, qu’il ne peut retenir clairement à un diagnostic psychiatrique chez le travailleur, la plainte principale « est davantage reliée à sa condition lombaire et cela se situe en dehors de notre champ d’expertise. ». Il souligne toutefois qu’il encourage le travailleur à poursuivre le travail psychothérapeutique qui l’aide à verbaliser sur sa condition.

[266]       Le 1er juillet 2006, à la suite de l’expertise du Dr Tosti, le Dr Gagnon rédige une information médicale complémentaire écrite dans laquelle il écrit que le travailleur a présenté des symptômes dépressifs « à un moment donné » dans la dernière année « suite à ses problèmes » mais qu’il a constaté que le travailleur s’était amélioré psychologiquement lors des dernières rencontres. Il se dit d’accord avec les conclusions du Dr Tosti « dont l’expertise semble bien faite ».  Le tribunal retient que les propos du Dr Gagnon sont non équivoques.

[267]       Dans un rapport d’évolution du 27 juillet 2006, Mme Bollens écrit « détresse psychologique du travailleur s’est beaucoup atténuée ».

[268]       Un rapport d’évolution de Mme Bollens du 11 septembre 2006, rapporte des hauts, des bas et des périodes « tempérées » chez le travailleur. Elle rapporte que le travailleur continue à lutter contre des affects dépressifs non négligeables.

[269]       Dans une note clinique du 6 octobre 2006, le Dr Gagnon écrit que les symptômes de dépression du travailleur se sont améliorés.

[270]       Un bilan médical rédigé par la Dre Line Lemay, médecin de la CSST, fait état d’une conversation téléphonique du 2 novembre 2006, avec le Dr Steve Gagnon. La Dre Lemay écrit que le Dr Gagnon est en accord avec l’opinion du Dr Tosti à l’effet qu’aucun diagnostic psychiatrique ne serait à retenir. « Les problèmes de cette nature étaient contextuels suite à sa chute dans l’escalier et le problème serait actuellement réglé ».

[271]       Dans une lettre du 30 novembre 2007, le Dr Gagnon tient à apporter certaines précisions de même que quelques corrections dans le dossier de ce patient. Il réitère qu’il a diagnostiqué des symptômes dépressifs « aussi tôt qu’en juillet 2005. Suite à la piètre évolution de sa condition physique ainsi que d’une violente chute à son domicile en début juillet 2005, les symptômes ont évolué jusqu’à véritablement remplir les critères d’un épisode dépressif majeur. » Le Dr Gagnon écrit que lorsque le Dr Tosti a préparé son expertise, le travailleur montrait suffisamment « de signes d’amélioration pour qu’un clinicien avisé ne crût pas qu’il fût en dépression ».  Il ajoute que c’est cette notion d’amélioration d’un état sous-jacent toujours présent qui a échappé à ce psychiatre et que c’est par erreur qu’il a entériné son rapport.

[272]       Le tribunal retient également que le travailleur a été évalué par le Dr Vincent, psychiatre, le 16 décembre 2008. Le Dr Vincent souligne que l’amélioration du travailleur s’est faite dans le contexte de la prise en charge psychothérapeutique « pour laquelle on a mis fin de façon prématurée à mon avis à l’automne 2006. » Il conclut à un lien direct entre la condition psychologique du travailleur et l’impact des séquelles des accidents du travail qu’il a vécues en 1994 et 2005.

[273]       Sur le plan diagnostic, le Dr Vincent retient un diagnostic de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse. Il ne retient pas de diagnostic d’état dépressif ou de symptômes dépressifs.

[274]       À l’audience, le Dr Gagnon réitère que le travailleur a présenté des problèmes d’ordre psychologique et que les symptômes « à un certain moment donné » étaient compatibles avec la dépression. Le tribunal a bien noté le témoignage du Dr Gagnon et estime qu’ils ne sont pas en contradiction avec les propos qui sont rapportés par la Dre Lemay et aussi dans sa lettre du 30 novembre 2007.

[275]       Le tribunal souligne que la preuve doit démontrer de façon prépondérante que le travailleur a souffert d’état dépressif et d’autre part que cet état découle de l’événement de mars 2005.

[276]       Or, la preuve médicale est loin d’être convaincante à cet égard. D’abord parce que le psychiatre Tosti ne retient aucun diagnostic psychiatrique et que le Dr Gagnon, dans une information médicale complémentaire du 1er juillet 2006, se dit d’accord avec cette conclusion. Cet avis du Dr Gagnon est par ailleurs rapporté à deux reprises par la Dre Lemay de la CSST. Qui plus est, le Dr Vincent, psychiatre du travailleur, parle plutôt de trouble d’adaptation avec humeur anxieuse et non d’état dépressif.

[277]       Le tribunal note aussi que Mme Bollens confirme qu’elle est d’accord avec les conclusions du Dr Tosti. Mme Bollens mentionne avoir traité le travailleur d’avril 2006 à mars 2007 et explique que le travailleur ressentait beaucoup d’irritabilité en raison de la douleur qui était parfois très aiguë et qui persistait toute la journée. Pour Mme Bollens, il est évident que la condition psychique du travailleur découle de sa perte de capacité.

[278]       Qui plus est, même si le tribunal retenait un diagnostic d’état dépressif, il n’est pas convaincu que la source principale de cette pathologie psychiatrique découlerait principalement de l’événement de mars 2005.

[279]       Des dires mêmes du Dr Gagnon, c’est la chute de juillet 2005 qui serait l’élément déclencheur de l’état dépressif. C’est ce que le Dr Gagnon écrit dans sa note de novembre 2007 et aussi rapporté par la Dre Lemay. À noter d’ailleurs que l’évaluation par la psychologue Boulet s’est déroulée à la toute fin du mois de juillet 2005, soit après la chute du travailleur.

[280]       Qu’en est-il de l’expectative légitime invoquée par le travailleur?

[281]       Dans l’affaire Domenico Argento et Pavage Argento & Frères ltée et CSST[10], le tribunal a traité de la théorie de l’expectative légitime. On peut lire :

«  […]

 

[33]      L’introduction en droit administratif de la théorie de « l’expectative légitime » tient d’abord à un obiter de Lord Denning dans la cause Schmidt v. Secretary of State for Home Affairs4 

 

[34]      Cette théorie est également reconnu en droit administratif canadien depuis plusieurs années.  La Cour suprême du Canada a eu l’occasion d’en préciser la nature et les effets dans deux décisions très importantes :  d’abord en 1990, dans l’affaire Association des résidents du Vieux St-Boniface c. Ville de Winnipeg5 puis, en 1999, dans l’arrêt Baker c. Canada ( Ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration )6.

 

[35]      Dans l’affaire Association des résidents du Vieux St-Boniface, l’honorable juge Sopinka, après une revue de la jurisprudence, explique au sujet de cette notion d’expectative légitime :

 

«   Le principe élaboré dans cette jurisprudence n’est que le prolongement des règles de justice naturelle et de l’équité procédurale.  Il accorde à une personne touchée par la décision d’un fonctionnaire public la possibilité de présenter des observations dans des circonstances où, autrement, elle n’aurait pas cette possibilité.  La cour supplée à l’omission dans un cas où, par sa conduite, un fonctionnaire public a fait croire à quelqu’un qu’on ne toucherait pas à ses droits sans le consulter. »

(page 1204)

 

 

[36]      Ainsi, l’objectif d’introduire cette notion d’expectative légitime en droit anglais visait à appliquer les règles de justice naturelle aux décisions administratives.

 

[37]      L’affaire Baker c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration rendue par la Cour suprême a marqué, selon certains auteurs7 un tournant en droit administratif canadien puisque la doctrine des expectatives légitimes s’inscrira dorénavant formellement dans le processus de détermination du contenu de l’obligation d’agir avec équité.

 

[38]      L’honorable juge L’Heureux-Dubé dans l’arrêt Baker précité, souligne d’abord que l’obligation d’équité procédurale est souple et variable reposant sur une appréciation du contexte de la loi et des droits visés.  Puis, elle dresse une liste de facteurs jurisprudentiels qu’elle retient pour permettre de déterminer le contenu de cette obligation d’équité procédurale en common law :

 

« (…) Plusieurs facteurs sont pertinents pour déterminer le contenu de l’obligation d’équité procédurale : (1) la nature de la décision recherchée et le processus suivi pour y parvenir; (2) la nature du régime législatif et les termes de la loi régissant l’organisme; (3) l’importance de la décision pour les personnes visées; (4) les attentes légitimes de la personne qui conteste la décision; (5) les choix de procédure que l’organisme fait lui-même.  Cette liste de facteurs n’est pas exhaustive.»

               (page 819)

 

[39]      La doctrine de l’expectative légitime fait également l’objet d’une étude par la Cour suprême dans l’affaire Baker qui en définit ainsi les paramètres :

 

«             Au Canada, la reconnaissance qu’une attente légitime existe aura une incidence sur la nature de l’obligation d’équité envers les personnes visées par la décision. Si le demandeur s’attend légitimement à ce qu’une certaine procédure soit suivie, l’obligation d’équité exigera cette procédure. (…)

 

De même, si un demandeur s’attend légitimement à un certain résultat, l’équité peut exiger des droits procéduraux plus étendus que ceux qui seraient autrement accordés. (…)

 

Néanmoins, la doctrine de l’attente légitime ne peut pas donner naissance à des droits matériels en dehors du domaine de la procédure.  Cette doctrine appliquée au Canada, est fondée sur le principe que les « circonstances » touchant l’équité procédurale comprennent les promesses ou pratiques habituelles des décideurs administratifs, et qu’il serait généralement injuste de leur part d’agir en contravention d’assurances données en matière de procédures, ou de revenir sur des promesses matérielles sans accorder de droits procéduraux importants. »

(pages 839 et 840).

 

 

[40]      Les sources de l’expectative légitime sont nombreuses selon l’auteure Claudine Roy dans son ouvrage La théorie de l’expectative légitime en droit administratif 8 qui les énonce ainsi :

 

«             Qu’est-ce qui fait naître une expectative légitime?  Bien qu’aucune classification ne soit adoptée de façon uniforme par les auteurs, il est possible, à travers l’analyse de la jurisprudence, de regrouper certaines circonstances pouvant donner naissance à une expectative.  Nous avons identifié quatre sources possibles : le texte législatif, la nature de l’intérêt en litige, la promesse et la pratique antérieure. »

(page 7)

 

 

[41]      Ce sont les troisième et quatrième sources d’expectative légitime qui intéressent le présent tribunal.  À ce sujet, l’auteure Roy les qualifie ainsi :

 

«             Une troisième source d’expectative qui a proliféré dans les dernières années est la promesse faite par l’autorité publique.  À partir du moment où l’autorité fait une promesse, la personne aurait une expectative légitime qu’elle soit respectée.

 

De même, quand le citoyen ou la citoyenne peut démontrer la présence d'une pratique antérieure de l’Administration, il pourrait faire reconnaître par les tribunaux son expectative que l’Administration se conforme à cette pratique antérieure.  Cette dernière peut être écrite, ce serait le cas d'une directive, circulaire ou autre.  Elle peut également simplement exister de facto, à condition que le citoyen ou la citoyenne puisse en faire la preuve.

 

C’est depuis que la promesse et la pratique antérieure sont reconnues comme source d’expectative légitime que le Canada semble s’intéresser à cette nouvelle théorie. »

(page 8)

 

[42]      Ainsi, les tribunaux et les auteurs ont souligné que l’administration publique pourra être tenue, dans certaines circonstances, de respecter les expectatives légitimes qu’elle a créées et de donner suite aux attentes légitimes qu’elle a suscitées sur le plan de la procédure à suivre. 

 

[43]      La Commission des lésions professionnelles estime que si la théorie de « l’expectative légitime » peut être invoquée pour revendiquer des droits d’ordre procédural dans un contexte décisionnel relevant de l’ordre administratif, il va de soi qu’elle peut l’être tout autant, sinon plus, dans un contexte décisionnel relevant de l’ordre quasi-judiciaire tel que celui qui caractérise le fonctionnement de la Commission des lésions professionnelles.

 

[…] »

_________________

3           ancien article 3.2 des Lignes directrices en matière de conciliation adoptées en 1993 par la Commission d’appel que l’on retrouve maintenant à l’article 4.3 du Cadre de l’exercice de la conciliation à la Commission des lésions professionnelles.

4           [1969] 2 ch. 149.

5           [1990] 3 R.C.S. 1170 .

6           précité à la note 1.

7              CARTIER, Geneviève, Les lendemains de l’affaire Baker, dans Développements récents en droit administratif, no 131, Service de la formation permanente, Barreau du Québec, Les Éditions Yvon Blais inc., 1er trimestre 2000, aux pages 31 à 56.

8              ROY, Claudine, La théorie de l’expectative légitime en droit administratif, Cowansville, les éditions Yvon Blais inc., 1993.

 

 

[282]       Ainsi, la théorie de l’expectative légitime peut être invoquée pour revendiquer des droits d’ordre procédural dans un contexte décisionnel relevant de l’ordre administratif. En l’espèce, ce n’est pas le cas, le travailleur invoque cette théorie pour que le tribunal reconnaisse que la CSST, en acceptant de payer les traitements de psychothérapie, devait accepter en conséquence le diagnostic d’état dépressif ou de symptômes dépressifs.

[283]       D'une part, le tribunal estime que la théorie de l’expectative légitime ne peut trouver application en l’espèce, puisque ce n’est pas une question procédurale qui est soulevée, mais plutôt d’une question de fond. Qui plus est, rien dans la loi ne permet de croire que le fait par la CSST d’accepter de rembourser les traitements de psychothérapie, impliquait « nécessairement » une acceptation  d’une lésion psychologique.

[284]       Par ailleurs, aucune promesse de la CSST à cet effet n’a été démontrée par le travailleur et aucune preuve d’une pratique antérieure démontrant que dès que la CSST accepte de payer une thérapie, elle accepte systématiquement tout diagnostic à caractère psychiatrique ou psychologique.

[285]       Ainsi vu la preuve, le tribunal est d’avis qu’il ne peut faire droit à la requête du travailleur.

Dossier 322681-04-0707

[286]       La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au versement d’allocation d’aide personnelle après le 13 avril 2007.

[287]       C’est en vertu des articles 158 à 162 de la loi que l’aide est versée. Ces articles stipulent :

158.  L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.

__________

1985, c. 6, a. 158.

 

 

159.  L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.

 

Cette personne peut être le conjoint du travailleur.

__________

1985, c. 6, a. 159.

 

 

160.  Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.

__________

1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.

 

 

161.  Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.

__________

1985, c. 6, a. 161.

 

 

162.  Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :

 

1° redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou

 

2° est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5).

__________

1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.

(le soulignement est du tribunal)

 

 

[288]       Le droit à l'aide personnelle à domicile est subordonné au droit à la réadaptation. Un travailleur qui ne conserve pas d'atteinte permanente en raison de sa lésion professionnelle n'a pas droit à l'aide personnelle à domicile[11].

[289]       Pour avoir droit à l'aide personnelle à domicile, un travailleur doit satisfaire à trois conditions. Il doit être dans l'incapacité de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement. De plus, l'aide doit être requise pour son maintien ou son retour à domicile[12].

[290]       La jurisprudence[13] a déterminé que le « et » de l'expression « qui est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement » est conjonctif. Pour s'en convaincre, il suffit d'examiner la cessation du droit de l'aide personnelle à domicile. L'article 162 prévoit que la cessation a lieu lorsque le travailleur est redevenu capable de prendre soin de lui-même « ou » d'effectuer sans aide ses tâches domestiques. Ainsi, lorsque l'une de ces circonstances est rencontrée, le droit à l'aide personnelle cesse. Ceci démontre que l'obtention de l'aide doit satisfaire aux deux mêmes conditions. Même si le travailleur semble avoir besoin d'aide personnelle pour les tâches domestiques telles que le ménage, le lavage du linge et l'approvisionnement, il ne satisfait pas aux conditions énoncées à l'article 158, puisqu'il n'est pas incapable de prendre soin de lui-même:

[291]       En l’espèce, le tribunal retient qu’une analyse des besoins d’aide à domicile du travailleur a été effectuée par M. Bougie, ergonome, le 23 janvier 2006. M. Bougie concluait son bilan d’intervention en recommandant l’installation d’aides techniques afin de rendre le travailleur plus autonome, tel l’achat d’une base de lit sur roulettes pour surélever le matelas, l’installation d’une barre d’acier pour faciliter les transferts, une planche de transfert pour le bain, l’achat d’une éponge avec manche allongé, l’achat d’un tapis de bain antidérapant, l’installation d’une barre d’appui au muret d’accès du bain, l’installation d’un siège de toilette surélevé, l’installation d’une barre d’appui au mur adjacent à la toilette, remplacer le dossier Obus actuel par un dossier haut et enfin l’installation de mains courantes pour accéder à l’étage supérieur.

[292]       Il appert du dossier que la CSST a autorisé la grande majorité des aides techniques suggérées par l’ergonome. Seules les mains courantes et la base de lit n’ont pas été remboursées.

[293]       Le tribunal retient que le 25 janvier 2006, le Dr Gagnon fait la prescription d’une aide à domicile. Il n’explique pas les raisons de cette prescription.

[294]       Le tribunal estime qu’après l’attribution des aides techniques, le travailleur est redevenu capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer. Aussi le tribunal estime que le travailleur n’avait plus droit le 13 avril 2007 à de l’aide personnelle à domicile.

Dossier 356091-04-0808

[295]       Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 4 février 2008.

[296]       Le travailleur demande d’accueillir sa requête en s’appuyant sur les conclusions du Dr Gagnon dans son attestation médicale du 6 mars 2008 et sur son témoignage à l’effet que c’est en raison de la condition lombaire du travailleur que le travailleur a fait une chute et s’est fracturé la main droite.

[297]       Le tribunal tient à rappeler les critères à suivre en matière de récidive, rechute ou aggravation.

[298]       La loi définit la notion de « lésion professionnelle » ainsi :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1.

 

[299]       La loi inclut dans la définition de « lésion professionnelle » la récidive, rechute ou aggravation.

[300]       Cette notion n’est toutefois pas spécifiquement définie par la loi. C’est le sens courant des termes qu’il faut retenir, soit une reprise évolutive, une réapparition ou une recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes.

[301]       La jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles a, depuis longtemps, établi les critères qui permettent de reconnaître la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation. D’une part, il faut que la preuve démontre une détérioration objective de l’état de santé du travailleur au moment de la récidive, rechute ou aggravation alléguée et, d’autre part, qu’elle établisse la relation entre cette détérioration et la lésion initiale. Le témoignage d’un travailleur est insuffisant et une preuve médicale est nécessaire pour établir cette relation[14].

[302]       La jurisprudence[15] a indiqué qu’il y a lieu de considérer divers facteurs ou paramètres afin de déterminer si un lien de causalité existe entre la lésion initiale et la condition ultérieure. Les éléments à examiner sont les suivants :

-           la gravité de la lésion initiale;

-           la continuité des symptômes;

-           l’existence ou non d’un suivi médical;

-           le retour au travail, avec ou sans limitations fonctionnelles;

-           la présence ou l’absence d’une atteinte permanente à l’intégrité physique ou psychique;

-           la présence ou l’absence de conditions personnelles;

-           la compatibilité entre les symptômes allégués au moment de la récidive, rechute ou aggravation avec la nature de la lésion initiale;

-           le délai entre la récidive, rechute ou aggravation alléguée et la lésion initiale.

 

 

[303]       Aucun de ces facteurs n’est décisif à lui seul, mais c’est l’ensemble des facteurs qui permet de déterminer s’il y a ou non une récidive, rechute ou aggravation.

[304]       En l’espèce, la preuve démontre que le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle le 10 mars 2005, laquelle lui a causé une entorse lombaire, un status post-discoïdectomie L5-S1 sans atteinte neurologique objectivable, une lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence discale étagée et un syndrome de douleurs chroniques. Le tribunal souligne que la preuve médicale prépondérante révèle que le travailleur ne souffre pas de symptômes neurologiques en relation avec sa condition lombaire. Même le Dr Giguère reconnaît ce fait.

[305]       Le tribunal retient par ailleurs que selon le Dr Gagnon et aussi le travailleur, c’est en raison de la condition lombaire que la chute du 4 février 2008 serait survenue. Or, la preuve médicale objective démontre que le travailleur n’a aucun déficit neurologique. Qui plus est, les Drs Parent et D’Anjou constatent que le travailleur ne présente aucune atrophie des membres inférieurs. Le Dr Giguère ne traite pas de cette question.

[306]       La jurisprudence veut qu’une récidive, rechute ou aggravation doive être objectivée[16] et la preuve d’une détérioration objective doit être faite avant qu’on puisse conclure à la présence d'une récidive, rechute ou aggravation[17]. La simple affirmation de la persistance des symptômes, notamment de la part du travailleur ne permet pas de conclure en ce sens.

[307]       En l’espèce, le tribunal estime que le travailleur n’a pas fait par preuve médicale prépondérante la démonstration d’une détérioration objective de son état de santé.

[308]       En l’espèce, le tribunal estime que le travailleur n’a pas fait la preuve d’une relation entre la fracture de la main causée lors d’une chute qui a été occasionnée par les problèmes lombaires du travailleur.

[309]       Ainsi, en appliquant les critères établis par la jurisprudence pour décider de la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation le tribunal estime qu’ils ne sont pas rencontrés.

[310]       Ainsi, vu l’ensemble de la preuve, le tribunal est d’avis de rejeter la requête du travailleur.

 

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE le moyen préliminaire soulevé par le travailleur, M. Daniel Gendron;

DÉCLARE que le processus d’évaluation médicale est régulier.

Dossier 305153-04-0612

ACCUEILLE en partie la requête du travailleur, M. Daniel Gendron;

MODIFIE  la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 2 novembre 2006 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’il y a relation entre les diagnostics de lombalgie chronique secondaire avec dégénérescence discale étagée et de syndrome de douleurs chroniques et l’événement du 10 mars 2005;

DÉCLARE que le travailleur a droit aux prestations prévues à la loi en regard de ces diagnostics;

DÉCLARE que la lésion est consolidée le 9 juin 2006;

DÉCLARE que la lésion professionnelle du 10 mars 2005 n’a pas entraîné de limitations fonctionnelles additionnelles à celles déjà émises par le Dr Duquette le 4 décembre 1996, à savoir :

-           éviter les flexions et extensions répétitives de la colonne;

-           travailler dans un endroit où des vibrations basses sont présentes;

-           ne pas manipuler des poids de plus de 10 kg;

-           faire un travail sédentaire léger où le travailleur peut s’asseoir s’il travaille debout et se lever s’il travaille assis pour éviter des ankyloses.

 

DÉCLARE que la CSST est justifiée de cesser de payer pour les soins et les traitements, puisqu’ils ne sont plus justifiés;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit à une indemnité pour préjudice corporel, puisqu’aucune nouvelle atteinte permanente à l’intégrité physique et psychique ne découle de la lésion du 10 mars 2005.

Dossiers 311537-04-0703

REJETTE la requête du travailleur, M. Daniel Gendron;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 28 février 2007 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le diagnostic de symptômes dépressifs (état dépressif) n’est pas en relation avec l’événement du 10 mars 2005 et que le travailleur n’a pas droit aux prestations prévues par la loi en regard de ce diagnostic.

Dossier 322681-04-0707

REJETTE la requête du travailleur, M. Daniel Gendron;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 6 juillet 2007 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au versement d’une allocation d’aide personnelle à domicile après le 13 avril 2007.

Dossier 356091-04-0808

REJETTE la requête du travailleur, M. Daniel Gendron;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 4 août 2008 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas subi une lésion professionnelle sous forme d’une récidive, rechute ou aggravation le 4 février 2008 pour une fracture du métatarse droit et qu’il n’a pas droit en conséquence, aux prestations prévues par la loi.

 

 

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J. André Tremblay

 

 

 

 

 

Me Jean-François Lebel

RICARD, LEBEL, AVOCATS

Représentant de la partie requérante

 

 

RAYMOND CHABOT INC.

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Annie Veillette

PANNETON LESSARD

Représentant de la partie intervenante

 



[1]          L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           La CSST a retenu cette date comme date de la récidive, rechute ou aggravation alors qu’il s’agit de la date de la visite médicale. La récidive, rechute ou aggravation serait survenue le 4 février 2008.

[3]           Un cannabinoïdes.

[4]           C.L.P., 334647-04-0712, 9 avril 2009, J.-C. Denis.

[5]           C.L.P. 231454-04-0404 et 244281-04-0409, 13 juin 2005, M. Cusson.

[6]           C.L.P. 257302-01B-0502 et 261957-01B-0505, 24 février 2006, L. Desbois, révision rejetée, 13 juillet 2007, C.-A. Ducharme.

[7]           Boisvert et Halco inc., [1995] C.A.L.P. 19 .

[8]           Citée précédemment, note 4.

[9]           C.L.P. 288103-62B-0605, 16 octobre 2006, N. Blanchard.

[10]         C.L.P. 106392-72-9810, 28 décembre 2000, D. Lévesque.

[11]         Boucher et Sécuribec inc., C.A.L.P. 09306-60-8809, 1er août 1990, J.-M. Duranceau; L'Archevêque et Walsh & Brais inc., C.A.L.P. 13365-60-8908, 13 mars 1991, J.-P. Dupont; Lemay et Sintra inc., [1991] C.A.L.P. 743 ; Dubuc et Maurice J. Alain, [1993] C.A.L.P. 408 ; Collette et Corporation municipale de St-Calixte, C.A.L.P. 33100-63-9110, 19 mai 1993, F. Dion-Drapeau; D'Urso et Transport Canada, C.A.L.P. 32450-64-9110, 24 novembre 1993, M. Kolodny; Ministère de l'Éducation et Goulet, C.A.L.P. 30349-03-9107, 17 janvier 1994, M. Beaudoin (décision accueillant la requête en révision); Commission scolaire de Montréal et Hervé, C.L.P. 164351-72-0106, 4 octobre 2002, G. Robichaud.

[12]         Cameron et Services des données Asselin, [1998] C.L.P. 890 .

[13]         CSST et Fleurent, [1998] C.L.P. 360 ; Lebel et Municipalité Paroisse de Saint-Éloi, C.A.L.P. 124846-01A-9910, 29 juin 2000, L. Boudreault; Frigault et Commission scolaire de Montréal, C.A.L.P. 142721-61-0007, 25 mai 2001, L. Nadeau; Turgeon et Pro santé enr., C.A.L.P. 130628-01A-0001, 2 août 2001, R. Arseneau; Calandrino et Banyo Canada inc., C.A.L.P. 172440-71-0111, 4 septembre 2002, D. Taillon; Espinosa et Air Nova inc., C.A.L.P. 192230-31-0210, 20 décembre 2002, H. Thériault.

[14]         Boisvert et Halco inc., précitée note 6; Hervieux et Régie intermunicipale de police de Saint-Jérôme, C.L.P. 218468-64-0310, 2 novembre 2006, M. Montplaisir.

[15]         Boisvert et Halco inc., précitée note 6.

[16]         Lafontaine et C.H.-C.H.S.L.D. de Papineau, C.L.P., 170168-07-0110, 27 août 2003, N. Lacroix, décision accueillant une requête en révision.

[17]         Côté et Neilson inc., C.L.P., 229412-01B-0403, 7 février 2005, J.-F. Clément.

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