Bolduc et Fenebec inc. |
2007 QCCLP 120 |
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DOSSIER 299891-03B-0610
[1] Le 3 octobre 2006, monsieur Stéphane Bolduc (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre de la décision rendue le 15 septembre 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la révision administrative confirme la décision que la CSST a initialement rendue le 15 juin 2006 et déclare que le travailleur ne peut bénéficier d’une remise de dette de 14 064,47 $ qu’il a envers la CSST.DOSSIER 300392-03B-0610
[3] Le 10 octobre 2006, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre de deux décisions rendues le 3 octobre 2006 par la CSST, à la suite d’une révision administrative.
[4] La première décision de la CSST confirme celle qu’elle a initialement rendue le 20 juillet 2006 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement de frais de garde d’enfants.
[5] Dans sa deuxième décision, elle confirme également sa décision initiale du 3 août 2006 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement de la somme de 950 $ pour les travaux de peinture de la toiture de sa résidence en 2006.
[6] À l’audience tenue le 28 novembre 2006, à St-Joseph-de-Beauce, le travailleur était présent et non représenté.
[7] Fenebec inc. (l’employeur) ainsi que la CSST, bien que dûment informés, étaient absents lors de l’audition.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
DOSSIER 299891-03B-0610
[8] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’il est en droit de bénéficier d’une remise de dette en vertu de l’article 437 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001) (la loi) puisqu’il était de bonne foi ou dans une situation financière précaire.
DOSSIER 300392-03B-0610
[9] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles d’obtenir de l’aide personnelle à domicile pour la garde de ses deux enfants mineurs puisqu’il en est incapable en raison de sa lésion professionnelle.
[10] De plus, il estime qu’il a droit au remboursement de la somme de 950 $ pour les travaux de peinture de la toiture de sa résidence en 2006.
LES FAITS
DOSSIERS 299891-03B-0610 ET 300392-03B-0610
[11] Le travailleur a subi un grave accident du travail le 20 mai 1986 lorsque sa main gauche est entrée dans le cylindre d’une machine à bois servant à enlever la ripe.
[12] Quatre doigts furent coupés lors de cette manœuvre, soit les 2e, 3e, 4e et 5e qui ont dû être amputés, sauf le pouce gauche. Cette lésion fut consolidée le 7 mars 1988 avec une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[13] Le 21 octobre 1988, le travailleur a subi une récidive, rechute ou aggravation (RRA) alors qu’il a dû être amputé jusqu’au niveau du tiers distal de l’avant-bras gauche dans le but d’obtenir un appareillage plus fonctionnel.
[14] Au total et des suites de son accident du travail du 20 mai 1986, le travailleur s’est vu reconnaître un déficit anatomo-physiologique (DAP) de 105,75 %.
[15] Le travailleur rappelle qu’il a subi d’autres RRA, notamment le 5 juin 1991 alors qu’il exerçait le métier de concierge chez un autre employeur.
[16] En 1995, le travailleur subit une autre RRA qui a consisté en l’installation d’un neurostimulateur épidural cervical qui a été pratiqué le 13 septembre 1995. Par la suite, le 21 septembre suivant, il subit une laminectomie partielle à C6-C7 gauche et l’installation d’une électrode épidurale à C5-C6 ainsi que l’implantation permanente d’un générateur et d’un neurostimulateur.
[17] Cette dernière lésion fut consolidée par le membre du Bureau d'évaluation médicale (BEM) le 21 août 1996 avec une atteinte permanente additionnelle de 15,50 %. Comme limitations fonctionnelles, il est reconnu au travailleur qu’il ne peut « utiliser son membre supérieur gauche et sa prothèse compte tenu des phénomènes douloureux résiduels, ce qui l’oblige à utiliser seulement son membre supérieur droit. »
[18] Le 6 mai 1999, la Commission des lésions professionnelles entérine un accord conformément à l’article 429.46 de la loi et déclare que « le travailleur est capable d’occuper l’emploi convenable de gardien de sécurité passif et qu’il a droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à cette date, déduction faite des sommes déjà reçues. De plus, le revenu brut annuel de l’emploi convenable est évalué à 15 246 $ afin de fixer l’indemnité réduite de remplacement du revenu à laquelle a droit le travailleur. »
[19] Le 25 août 1999, la CSST accepte la réclamation du travailleur pour une RRA en regard d’un névrome du membre supérieur gauche, lequel a été traité de façon chirurgicale par le docteur Daniel Cloutier, chirurgien.
[20] Cette lésion est consolidée le 16 décembre 1999 alors que les séquelles sont identiques à celles déjà reconnues en 1996.
[21] Le travailleur rapporte qu’il doit prendre plusieurs médicaments anti-douleurs tels que du Dilaudid, Oxycontin, Supeudol ainsi qu’une médication anti-dépressive.
[22] Le travailleur relate que le Dilaudid est un narcotique ayant des effets sur sa concentration et que des antidépresseurs se sont ajoutés compte tenu de sa condition psychique présentée à l’automne 1999 et qui sont notés au dossier tels que le Paxil, le Wellbutrin et le Tégrétol qui sont les antidépresseurs et analgésiques.
[23] Le docteur Deslandes, médecin du travailleur depuis le début, mentionne que ces médicaments ont été prescrits non seulement sur le plan physique mais également pour amenuiser les effets psychologiques et dépressifs présents depuis novembre 1999.
[24] Le travailleur mentionne que la nombreuse médication qui lui était prescrite avait des effets secondaires importants et qu’en raison de la douleur chronique et de troubles du sommeil, il était incapable de travailler et que sa lésion n’était pas consolidée tant sur le plan physique que psychologique.
[25] Dans une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 10 novembre 2000, le tribunal déclare que le travailleur a toujours droit à l’indemnité de remplacement du revenu depuis le 16 décembre 1999, et ce, jusqu’à ce que son médecin traitant se prononce sur les cinq sujets de l’article 212 de la loi résultant de la RRA du 25 août 1999.
[26] Dans une décision rendue le 28 juillet 2003 par la Commission des lésions professionnelles, le tribunal déclare que le travailleur a été victime d’une lésion professionnelle le 28 mars 2002, en l’occurrence une lésion psychologique qui constitue une aggravation, au plan psychique, des séquelles de la lésion professionnelle dont il a été victime le 20 mai 1986 et des récidives, rechutes ou aggravations de cette lésion en 1989, 1991, 1995 et 1999 et qu’en conséquence, le travailleur a droit, sur la base de cette lésion professionnelle et dans la mesure prévue par la loi, aux indemnités et autres avantages prévus par cette loi.
[27] Le 2 septembre 2004, la Commission des lésions professionnelles déclare qu’il est prématuré de se prononcer sur la capacité ou non du travailleur à exercer l’emploi convenable déjà retenu, soit celui « d’agent de sécurité passif » alors que la CSST concluait que le travailleur avait la capacité de l’exercer à compter du 11 février 2004; ce que nie le travailleur à l’audition.
[28] Dans sa décision, la Commission des lésions professionnelles « rétablit le droit à l’indemnité de remplacement du revenu entière du travailleur et retourne le dossier à la CSST afin qu’elle désigne un membre du BEM qui verra à se prononcer, notamment sur le diagnostic de stress post-traumatique ainsi que sur les soins et les traitements administrés ou prescrits au travailleur sur le plan psychique, résultant du ou des diagnostics retenus, notamment celui de trouble d’adaptation avec humeur mixte retenu par les docteurs Nobécourt et Lévesque et d’établir l’existence ou non de limitations fonctionnelles et l’énumération de celles-ci, s’il y a lieu. »
[29] Madame Hélène Fortin est médecin-psychiatre et examine le travailleur à titre de membre du Bureau d'évaluation médicale, le 2 décembre 2005, à la demande de la CSST. Le diagnostic psychiatrique retenu est celui de trouble d’adaptation avec humeur mixte chronique et présence de symptômes résiduels d’un état de stress post-traumatique. Elle note que le travailleur, suite à l’accident du travail, s’est fait amputer un bras. Il souffre de symptômes anxieux relatifs au traumatisme de l’accident, relatifs aux douleurs et limitations psychiques résiduelles suite aux lésions physiques subies par ailleurs. Selon la spécialiste, il se sent très handicapé par sa lésion d’ordre physique. Par ailleurs, elle juge que les soins administrés furent adéquats et il est conseillé de poursuivre l’Effexor comme prescrit. De plus, le travailleur pourra avoir besoin d’une aide psychothérapeutique avec une approche supportive et béhaviorale cognitive.
[30] Elle retient un DAP de 15 % au chapitre des névroses et considère que le travailleur présente les limitations fonctionnelles suivantes :
« Du point de vue psychiatrique, monsieur ne pourra occuper un emploi où il y a risque de blessure physique ou d’agression. Il ne pourra non plus effectuer un emploi demandant un niveau de concentration soutenu élevé, étant donné les effets secondaires de sa médication. »
[31] Dans son avis complémentaire du 15 mars 2005, la psychiatre Fortin fait une mise en garde relativement aux limitations fonctionnelles émises à l’égard du travailleur :
« Limitations fonctionnelles :
Je dois ici émettre une mise en garde en regard des effets qu’ont la forte médication analgésique prise par le travailleur sur ses capacités d’attention et de concentration, surtout lorsque l’environnement est plus stimulant et stressant.
Du point de vue strictement psychiatrique, chez ce travailleur ayant été hospitalisé à deux reprises en psychiatrie étant donné de velléités suicidaires et présentant un tableau anxio-dépressif suffisant pour justifier un déficit anatomo-physiologique de 15 %, l’examinateur ajoute que quoique à l’examen mental durant l’entrevue, les fonctions cérébrales supérieures étaient dans la normale, il demeure préférable de ne pas exposer le travailleur à un emploi demandant un niveau de concentration soutenue élevé dans un contexte où on veut prévenir les rechutes du point de vue psychique et maintenir les acquis. » [sic]
[32] Selon le dossier, le 25 mars 2004, la CSST verse au travailleur une somme de 12 285,90 $ en regard de l’atteinte permanente qui lui a été établie relativement à sa condition psychologique, et ce, à la suite de la RRA du 27 mars 2002.
[33] Par la suite, le 2 mai 2005, la CSST verse à nouveau et, semble-t-il, par erreur, une somme de 14 064,47 $ en regard de l’atteinte permanente qui lui a été allouée relativement à sa condition psychologique à la suite de la même RRA du 27 mars 2002.
[34] Aux notes évolutives du dossier, la CSST aurait avisé par téléphone la sœur du travailleur le 4 mai 2005 qu’il y aura un surpayé pour son frère puisque ce dernier sera indemnisé deux fois pour son atteinte permanente. De plus, le 5 mai 2005, la CSST avise également par téléphone la représentante du travailleur de la décision.
[35] Une décision de reconsidération est également rendue le 18 mai 2005 par la CSST et cette dernière est confirmée par la révision administrative le 29 août 2005. De plus, le 2 juin 2006, la Commission des lésions professionnelles confirme cette décision.
[36] À la suite de cette décision, le travailleur demande à la CSST d’effectuer une remise de sa dette de 14 064,47 $ conformément à l’article 437 de la loi puisqu’il a été de bonne foi et que sa situation financière ne lui permet pas de rembourser cette somme.
[37] Le 15 juin 2006, la CSST avise le travailleur qu’il n’y a pas lieu de faire une remise de dette.
[38] Témoignant à l’audition, le travailleur affirme sous serment qu’il lui était strictement défendu de communiquer avec la CSST ou de rencontrer un de ses agents sans l’intervention d’un intermédiaire.
[39] Il affirme qu’il a contacté le service de conciliation de la Commission des lésions professionnelles qui lui fournissait certaines informations.
[40] Ainsi, avant la remise du deuxième chèque, au montant de 14 064,47 $, le conciliateur lui a affirmé, après avoir communiqué avec la CSST, que ce montant lui était dû compte tenu que son déficit anatomo-physiologique avait trait non seulement à sa condition physique mais également à sa condition psychologique. D’ailleurs, il s’est ajouté un déficit anatomo-physiologique additionnel dès l’avis rendu par la psychiatre Hélène Fortin, à la suite de son avis comme membre du Bureau d'évaluation médicale en date du 5 janvier 2005 et également après son avis complémentaire en mars 2005.
[41] Selon l’information reçue par le conciliateur, la CSST a répondu dans l’affirmative et lorsque le travailleur a reçu le chèque, il n’a jamais douté qu’il s’agissait d’un montant versé « en trop ».
[42] En fait, la CSST aurait déclaré au conciliateur : « Il va recevoir un autre chèque ».
[43] Interrogé par le soussigné de ce qui est advenu du 14 064,47 $, le travailleur déclare qu’il a payé ses frais d’avocat et de nombreuses dettes qu’il avait encourues à la suite des nombreuses contestations relatives à la reconnaissance de sa lésion professionnelle et aux conséquences de celles-ci. Il a même dû s’adresser à la Cour supérieure du Québec dans le but d’obtenir justice.
[44] Finalement, la CSST a déclaré le travailleur « invalide depuis quelques années ».
[45] Enfin, le travailleur conteste la décision du 26 juillet 2006 de la CSST rejetant sa demande de remboursement d’aide pour gardiennage de ses deux enfants âgés respectivement de 7 et 8 ans dont il a la garde partagée.
[46] Il estime qu’il est incapable de s’en occuper adéquatement compte tenu de sa lésion professionnelle et que l’aide lui coûte 65 $ à toutes les fins de semaine.
[47] De plus, il demande la révision d’une décision rendue par la CSST le 3 août 2006 qui l’informe qu’il n’a pas droit au remboursement d’une somme de 950 $ pour des frais de peinture de sa toiture puisqu’il a déjà atteint le montant maximum annuel prévu pour tous ses travaux d’entretien en 2006.
L’AVIS DES MEMBRES
[48] Le membre issu des associations d’employeurs ainsi que le membre issu des associations syndicales sont d’avis que le travailleur aurait dû bénéficier d’une remise de dette telle que prévue à l’article 437 de la loi en raison de sa bonne foi ou de sa situation financière.
[49] Ils sont également d’avis que le témoignage du travailleur est crédible et qu’il a été victime d’un malheureux accident qui a chambardé sa vie et pour lequel un déficit anatomo-physiologique très important et des limitations fonctionnelles lui ont été reconnus.
[50] Par ailleurs, ils confirmeraient les deux décisions rendues par la CSST puisque l’article 164 de la loi ne permet pas le remboursement de frais de garde d’enfants. De plus, comme le travailleur avait atteint le maximum disponible pour le remboursement des travaux d’entretien pour l’année 2006, ils sont d’avis que la CSST était justifiée de refuser des travaux de peinture de la toiture de sa résidence.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
DOSSIER 299891-03B-0610
[51] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la CSST était justifiée de refuser au travailleur une remise de dette au motif qu’il n’était pas de bonne foi ou dans une situation financière précaire.
[52] Les articles 430 et 437 de la loi énoncent ce qui suit :
430. Sous réserve des articles 129 et 363, une personne qui a reçu une prestation à laquelle elle n'a pas droit ou dont le montant excède celui auquel elle a droit doit rembourser le trop-perçu à la Commission.
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1985, c. 6, a. 430.
437. La Commission peut, même après le dépôt du certificat, faire remise de la dette si elle le juge équitable en raison notamment de la bonne foi du débiteur ou de sa situation financière.
Cependant, la Commission ne peut faire remise d'une dette qu'elle est tenue de recouvrer en vertu du quatrième alinéa de l'article 60 ou de l'article 133.
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1985, c. 6, a. 437.
[53] Le fait que l’article 430 soit placé au début de la section I indique clairement l’intention du législateur de formuler une règle générale à laquelle il apporte certaines exceptions. En matière de recouvrement de l’indemnité de remplacement du revenu, la règle édictée à l’article 430 de la loi ne s’applique pas. En effet, les seules modalités pour le recouvrement d’une telle indemnité sont prévues aux articles 60, 129, 133, 363 et 366 de la loi.[1]
[54] En fait, les articles 129 et 363 de la loi sont des cas d’exception à la règle générale qui veut qu’une somme reçue sans droit soit remboursée à moins que la CSST n’accorde une remise de dette en vertu de l’article 437 de la loi.
[55] Les motifs énumérés à l’article 437 de la loi précité afin de pouvoir bénéficier d’une remise de dette ne sont pas exhaustifs vu l’utilisation du terme « notamment ».
[56] Il faut comprendre que le critère d’appréciation pour décider de faire une remise de la dette est le caractère équitable de cette remise de dette de sorte que les éléments de la bonne foi et de la situation financière sont donc pertinents pour évaluer le caractère équitable de cette remise. De l’avis de la Commission des lésions professionnelles, l’article 437 de la loi constitue des éléments non limitatifs servant à déterminer de façon plus générale si une remise de dette est équitable pour un travailleur en raison des circonstances particulières du cas. Ainsi, il n’est pas essentiel que les deux critères de bonne foi ou situation financière précaire soient établis dans un dossier pour qu’une remise de dette puisse être considérée comme équitable, mais il importe que ces éléments puissent être pris en considération comme tout autre élément pertinent, afin de déterminer le caractère équitable d’une telle décision.[2]
[57] L’appréciation du caractère équitable s’assimile à l’appréciation du juste et de l’injuste, selon la définition du dictionnaire.[3]
[58] Le seul fait qu’un travailleur soit de bonne foi ne suffit pas à remettre en cause le principe général qui l’oblige à rembourser la CSST. Il peut arriver que la bonne foi permette de faire remise de dette sur la base de l’équité mais il faut se garder de transformer cette exception en règle générale.[4]
[59] Il faut rappeler également que l’évaluation de la capacité financière de remboursement du travailleur doit se faire en fonction de la situation au moment où la Commission des lésions professionnelles entend le dossier, le cas échéant.[5]
[60] Il a été également décidé que pour appliquer cette disposition, la Commission des lésions professionnelles doit uniquement évaluer la situation financière du travailleur. Elle n’a pas à porter un jugement sur sa gestion financière ni à suggérer une vente d’actifs pour liquider des dettes.[6]
[61] Dans le présent cas, la bonne foi du travailleur a été démontrée de façon prépondérante. Ne pouvant communiquer avec la CSST puisque celle-ci l’avait mis en demeure de ne pas communiquer avec son agent, le travailleur s’est adressé au service de conciliation afin d’obtenir les renseignements pertinents.
[62] Or, de l’avis motivé du Bureau d'évaluation médicale en date du 5 janvier 2005 par la docteure Hélène Fortin, psychiatre, et de son avis complémentaire en mars 2005, lequel faisait suite à des interrogations médicales « superflues » de la CSST, le travailleur était justifié de prétendre qu’il avait droit de recevoir la somme de 14 064,47 $ puisqu’il en avait été avisé par le service de conciliation.
[63] La preuve révèle également que le travailleur retire l’indemnité de remplacement du revenu, soit 1 468 $ par mois ou 19 032 $ annuellement, considéré comme étant le seuil de la pauvreté. De plus, il reçoit une aide de 142 $ par 14 jours pour des soins à domicile.
[64] Comme ce travailleur doit prendre soin de ses deux enfants mineurs à toutes les fins de semaine et qu’il est propriétaire d’une maison, en plus d’être incapable de travailler, ces sommes reçues par la CSST sont insuffisantes puisqu’il devra rembourser à sa mère un prêt totalisant 17 800 $.
[65] Dans une lettre adressée à la Commission des lésions professionnelles le 8 novembre 2006, le docteur Clermont Lévesque, médecin traitant du travailleur, confirme que le travailleur Bolduc, à la suite d’une amputation au niveau du membre supérieur gauche, doit engager une gardienne les fins de semaine puisqu’il a la garde partagée de ses deux enfants. Toutefois, le travailleur semble faire face à cette situation de façon correcte et que ses deux enfants peuvent l’aider lors de leur séjour les fins de semaine.
[66] Les motifs invoqués par la révision administrative pour refuser la remise de dette sont à l’effet que la situation financière du travailleur ne requiert pas une telle remise de dette puisque ce dernier bénéficie de la poursuite de sa pleine indemnité de remplacement du revenu, la CSST ayant conclu le 8 septembre 2005 à l’impossibilité de lui déterminer un emploi qu’il serait capable d’exercer à temps plein.
[67] Cette analyse de la révision administrative n’est nullement réaliste et elle ne tient pas compte du caractère d’équité prévu à l’article 437 de la loi et encore moins de la bonne foi du travailleur.
[68] Pour conclure, le soussigné rappellera les éléments suivants pour ordonner la remise de dette :
1) la condition psychologique du travailleur;
2) la médication excessive;
3) l’avis du BEM rendu par la psychiatre Hélène Fortin dans son avis complémentaire du 16 mars 2005;
4) l’interdiction de la CSST envers le travailleur de communiquer avec qui que ce soit pour obtenir des renseignements sur son dossier;
5) l’obligation du travailleur d’obtenir l’intermédiaire du service de conciliation de la Commission des lésions professionnelles afin d’obtenir certains renseignements.
[69] Une erreur s’est produite et la CSST en est la seule responsable. Dans les circonstances, la Commission des lésions professionnelles infirme la décision de la révision administrative et déclare que le travailleur doit bénéficier de la remise de dette de 14 064,47 $.
DOSSIER 300392-03B-0610
[70] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement d’aide de gardiennage d’enfants à cause de sa lésion professionnelle survenue le 27 mars 2002 et s’il a également droit au remboursement d’une somme de 950 $ pour les frais de peinture de sa toiture pour l’année 2006.
[71] À l’audition, le travailleur explique qu’il a la garde de ses deux enfants les fins de semaine et qu’il a de la difficulté à les prendre dans ses bras en raison de la douleur et la crainte qu’un geste brusque occasionne un contact direct avec son moignon sensible au bras gauche.
[72] L’article 164 de la loi édicte ce qui suit :
164. Le travailleur qui reçoit de l'aide personnelle à domicile, qui accomplit une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ou qui, en raison de sa lésion professionnelle, est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2° de l'article 162 peut être remboursé des frais de garde d'enfants, jusqu'à concurrence des montants mentionnés à l'annexe V, si:
1° ce travailleur assume seul la garde de ses enfants;
2° le conjoint de ce travailleur est incapable, pour cause de maladie ou d'infirmité, de prendre soin des enfants vivant sous leur toit; ou
3° le conjoint de ce travailleur doit s'absenter du domicile pour se rendre auprès du travailleur lorsque celui-ci est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement ou pour accompagner le travailleur à une activité que celui-ci accomplit dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.
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1985, c. 6, a. 164; 1992, c. 21, a. 80.
[73] Il va de soi que le travailleur doit démontrer qu’il assume seul la garde de ses enfants alors que la preuve révèle qu’il en a la garde partagée les fins de semaine. De plus, l’absence de sa conjointe pendant cette période ne suffit pas à faire la démonstration de son incapacité. De plus, pour avoir droit au remboursement des frais de garde d’enfants, il importe que le travailleur ait accompli une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation d’autant plus que cette disposition doit être interprétée de façon stricte.[7]
[74] Or, dans le présent dossier, il appert que la CSST s’est prononcée sur l’incapacité de travail du travailleur depuis le 7 septembre 2005. En conséquence, celui-ci ne participe à aucune activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation d’autant plus qu’il n’est pas hébergé et qu’il n’est pas hospitalisé en raison de sa lésion professionnelle.
[75] En conséquence, la décision de la CSST rendue le 20 juillet 2006 est confirmée.
[76] Relativement aux travaux de peinture de la toiture de sa résidence en 2006, la preuve révèle que le travailleur a atteint le montant maximal disponible pour le remboursement de ces travaux et que la CSST a déjà remboursé la somme de 2 850 $ au travailleur pour ses travaux d’entretien.
[77] En conséquence, la décision de la CSST doit également être confirmée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
DOSSIER 299891-03B-0610
ACCUEILLE la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles le 3 octobre 2006 par monsieur Stéphane Bolduc (le travailleur);
INFIRME la décision rendue le 15 septembre 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative;
ORDONNE à la CSST d’accorder au travailleur une remise de dette au montant de 14 064,47 $ compte tenu de sa bonne foi et de sa situation financière.
DOSSIER 300392-03B-0610
REJETTE la requête déposée à la Commission des lésions professionnelles le 10 octobre 2006 par le travailleur;
CONFIRME la décision rendue le 3 octobre 2006 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de garde d’enfants;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement de la somme de 950 $ pour les travaux de peinture de la toiture de sa résidence en 2006.
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Rock Jolicoeur |
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Commissaire |
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[1] Desrivières c. General Motors du Canada, [2000], C.L.P. 60
[2] General Motors du Canada ltée et Brogan, [1995] C.A.L.P. 1031
[3] General Motors du Canada ltée et Rioux, [1995] C.A.L.P. 1097
[4] Manseau et Jérôme Houle et Fils ltée, [1996] C.A.L.P. 211
[5] General Motors du Canada ltée et Hardy, [1994] C.A.L.P. 1517
[6] Vo et Corporation Chalet d’Enfants Primavesi, [1998] C.L.P. 728
[7] Tincarre et Gempak Canada inc., [1993] B.R.P. 645
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