Vêtements Cookshire inc. et Ménard |
2013 QCCLP 330 |
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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Montréal |
17 janvier 2013 |
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Région : |
Estrie |
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391278-05-0910-R 418800-05-1009-R 419772-05-1009-R 432583-05-1103-R |
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Dossier CSST : |
135066173 |
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Commissaire : |
Claude-André Ducharme, juge administratif |
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Membres : |
Jacques Leduc, associations d’employeurs |
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Shirley St-Onge, associations syndicales |
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391278 418800 |
419772 432583 |
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Vêtements Cookshire inc. |
Lyne Ménard |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
et |
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Lyne Ménard |
Vêtements Cookshire inc. |
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Partie intéressée |
Partie intéressée |
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et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
Partie intervenante |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 29 mars 2012, madame Lyne Ménard (la travailleuse) dépose une requête par laquelle elle demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu'elle a rendue le 26 juillet 2011.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles infirme une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 2 octobre 2009 à la suite d'une révision administrative et déclare que madame Ménard n'a pas subi une lésion professionnelle le 25 juin 2009 (dossier 391278).
[3] De plus, elle déclare sans effet une décision de la CSST rendue le 24 février à la suite d'une révision administrative (dossiers 418800 et 419772). Enfin, elle confirme une décision de la CSST rendue le 17 février 2011 à la suite d'une révision administrative et déclare que madame Ménard n'a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 26 septembre 2010.
[4] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience le 14 janvier 2013 à Sherbrooke en présence de madame Ménard et du représentant de Vêtements Cookshire inc. (l'employeur).
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] Madame Ménard invoque la découverte d'un fait nouveau. Elle demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer la décision rendue le 26 juillet 2011 et de déclarer qu'elle a subi une lésion professionnelle le 25 juin 2009.
LES FAITS
[6] Madame Ménard occupe un emploi de presseuse chez l'employeur depuis l'année 2003. Son travail consiste à poser des bandes de tissus enduites de colle sur des devants et des dos de vestons. Elle effectue ce travail avec un fer pesant trois ou quatre livres qu'elle tient de sa main droite. Elle pose 1 600 bandes par jour.
[7] Le 9 juillet 2009, elle présente à la CSST une réclamation pour faire reconnaître comme maladie professionnelle une tendinite au poignet droit diagnostiquée le 25 juin 2009 par son médecin, le docteur François Desroches.
[8] Le 24 juillet 2009, la CSST accepte sa réclamation et elle confirme cette décision le 2 octobre 2009 à la suite d'une révision administrative. L'employeur en appelle à la Commission des lésions professionnelles (dossier 391278).
[9] Le 15 octobre 2009, le docteur Destoches consolide la lésion avec le diagnostic de tendinite chronique au poignet et à la main droite. Il conclut à l'existence d'une atteinte permanente à l'intégrité physique et de limitations fonctionnelles.
[10] Le 17 novembre 2009, le docteur François Turcotte examine madame Ménard à la demande de l'employeur. Il estime que les symptômes qu'elle présente correspondent à un tableau de rhizarthrose et que la tendinite au poignet droit retenue par la CSST n'entraîne pas d'atteinte permanente à l'intégrité physique ni de limitations fonctionnelles.
[11] Dans des commentaires qu'il joint à son expertise, il émet l'opinion qu'il n'y a pas de relation entre le travail de madame Ménard et une tendinite au poignet droit et il retient plutôt comme diagnostic une condition personnelle d'arthrose (rhizarthrose).
[12] Le 22 juin 2010, le docteur André Léveillé, plasticien, examine madame Ménard en qualité de membre du Bureau d'évaluation médicale, aux fins de l'émission d'un avis sur l'atteinte permanente à l'intégrité physique et les limitations fonctionnelles. Il formule les commentaires suivants à la suite de son examen :
Je retrouve actuellement une perte de 10° de flexion passive du poignet droit, mais il m'est difficile d'expliquer avec certitude cette limitation par le seul fait d'avoir une tendinite.
Y-a-il une pathologie résiduelle sous-jacente qui explique et / ou qui pourrait expliquer un phénomène douloureux résiduel au poignet droit? À cet effet, si le médecin traitant le juge à propos, il pourrait y avoir lieu de poursuivre l'investigation dans un but d'élucider les inconforts résiduels soit par une scintigraphie et / ou une résonance magnétique concomitante.
[13] En fonction du diagnostic de tendinite au poignet droit retenu par la CSST, il conclut qu'il n'y a aucune atteinte permanente à l'intégrité physique ni limitations fonctionnelles.
[14] Le 12 juillet 2010, la CSST rend une décision donnant suite à l'avis du docteur Léveillé et le 24 août 2010, elle confirme cette décision à la suite de la demande de révision de madame Ménard. L'employeur demande également la révision de cette décision, mais sa demande de révision est déclarée irrecevable. Les deux parties en appellent à la Commission des lésions professionnelles (dossiers 418800 et 419772).
[15] Le 26 septembre 2010, le docteur Desroches complète un rapport médical dans lequel il fait état de la survenance d'une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 25 juin 2009. Il pose les diagnostics de tendinite et d'arthralgie chronique « occupationnelle » au poignet droit. Il prescrit un arrêt de travail et demande une consultation en orthopédie. Le 1er octobre 2010, le CHUS transmet à madame Ménard un avis de réception de sa demande de consultation en orthopédie.
[16] Le 9 décembre 2010, la CSST refuse la réclamation de madame Ménard et conclut qu'elle n'a pas subi une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle le 26 septembre 2010. Elle confirme cette décision le 17 février 2011 à la suite d'une révision administrative. Madame Ménard en appelle à la Commission des lésions professionnelles (dossier 432583).
[17] Le 18 mars 2011, à la demande du docteur Desroches, madame Ménard passe une scintigraphie osseuse des membres supérieurs dans le but d'éliminer une dystrophie sympathique réflexe au poignet droit. Le nucléiste retient ce qui suit :
- Pas d'évidence scintigraphique de dystrophie sympathique réflexe aux membres supérieurs.
- Léger remaniement osseux punctiforme de la loge du semi-lunaire de chaque carpe, un peu plus marqué à droite qu'à gauche avec légère composante inflammatoire focale surajoutée en ce site à droite qui, dans le contexte clinique actuel, représentent le plus probablement des réactions de stress, plus marquées à droite qu'à gauche. L'hypothèse d'une ostéonécrose locale et bilatérale m'apparaît très peu probable.
- Léger phénomène inflammatoire ou dégénératif articulaire cubitocarpien droit. [sic]
[18] Le 8 avril 2011, le docteur Desroches pose le diagnostic d'arthralgie chronique occupationnelle au poignet droit. Il mentionne de plus : « Scinti osseuse + pour foyer inflammatoire focal; tendinite vs synovite? Locale ? ». Il dirige madame Ménard vers un rhumatologue pour une infiltration possible.
[19] Le 16 juin 2011, la Commission des lésions professionnelles tient une audience portant sur les quatre contestations de l'employeur et de madame Ménard. Dans la décision qu'elle rend le 26 juillet 2011, elle décide que cette dernière n'a pas subi de lésion professionnelle pour les raisons suivantes :
[80] En somme, l’opinion non contredite du docteur Turcotte est à l’effet que la travailleuse n’a pas été exposée aux facteurs de risques professionnels susceptibles d’entrainer une tendinite du poignet droit.
[81] Par ailleurs, alors que la travailleuse a commencé à effectuer le travail ciblé en 2003, la Commission des lésions professionnelles constate que les premiers symptômes sont apparus quelque part en 2008. Si les activités professionnelles étaient en cause, comment expliquer que la lésion ne se soit pas manifestée avant?
[82] De plus, telle qu’exposée par le docteur Turcotte dans son analyse du 17 novembre 2009, l’évolution de la symptomatologie ne cadre pas avec l’hypothèse d’une maladie professionnelle. Malgré son assignation temporaire à un poste n’impliquant aucune sollicitation du membre supérieur droit, la travailleuse a continué à souffrir. Après le retrait complet du travail, le 29 août 2009, la situation n’a pas changé.
[83] Dans sa note du 13 septembre 2009, le docteur Desroches a rapporté que la douleur demeurait « rebelle même au repos » et le docteur Turcotte a signalé, dans son expertise du 17 novembre 2009, que le tableau était « toujours tapageur et incapacitant ». Même à l’audience, soit pratiquement deux ans après la première consultation médicale, la travailleuse reste sévèrement handicapée.
[84] Dans un contexte où le diagnostic est imprécis et que des intervenants, dont le docteur Desroches, pensent qu’une composante arthrosique joue un rôle important dans la symptomatologie, la Commission des lésions professionnelles croit que l’ensemble des éléments disponibles fait en sorte que l’effet de la présomption de l’article 29 de la loi est renversé.
[85] Essentiellement pour les mêmes raisons, il est impossible de conclure que la travailleuse s’est acquittée du fardeau de preuve imposé par l’article 30 de la loi.
[20] En conséquence, la Commission des lésions professionnelles accueille la requête de l'employeur et infirme la décision de la CSST du 2 octobre 2009 dans le dossier 391278, déclare que la décision rendue le 24 août 2010 portant sur l'avis du membre du Bureau d'évaluation médicale est devenue sans effet (dossiers 418800 et 419772) et confirme la décision de la CSST du 17 février 2011, voulant que madame Ménard n'ait pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 26 septembre 2010.
[21] Le 7 octobre 2011, après une année d'attente, madame Ménard rencontre un orthopédiste, le docteur Luc Dumont. Ce dernier demande un examen du poignet droit par résonance magnétique qui est effectuée le 7 décembre 2011. Le rapport de cet examen n'est pas au dossier.
[22] Le 10 janvier 2012, un examen par arthrographie-résonance magnétique du poignet droit est également réalisé. Selon l'interprétation du radiologiste, cet examen révèle la présence d'une déchirure du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe ainsi que d'autres anomalies. Ses conclusions se lisent comme suit :
1- Tel que décrit ci-haut, déchirure transfixiante impliquant le fibrocartilage triangulaire du carpe à son versant radial. Secondairement, il y a une communication entre le compartiment radio-carpien et radio-lunaire distal bien démontrée par l'arthrographie résonance. Je note que le cubitus démontre une variante plutôt neutre, voire discrètement positive qui aurait pu prédisposer à un syndrome d'impaction du fibrocartilage triangulaire du carpe. Notons également la présence de changements dégénératifs au niveau du semi-lunaire et du pyramidal vraisemblablement en lien avec des phénomènes d'impactions répétées probables. Par ailleurs, j'observe des signes de dégénérescence sans signe franc de déchirure au niveau des ligaments scapho-lunaire et luno-pyramidal. Ajoutons de petites déchirures entraînant des communications entre le compartiment radio-carpien et les gaines tendineuses extenseurs carpi ulnaris de même que des tendons extenseurs carpi radialis brevis et longus. Le reste de cet examen est inchangé par rapport au précédent. [sic]
[23] Le 24 février 2012, le docteur Dumont diagnostique une déchirure du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe du poignet droit en mentionnant qu'il s'agit d'une maladie professionnelle. Il prévoit une chirurgie. Il indique qu'il a demandé l'avis d'un orthopédiste du CHUS.
[24] Le 27 mars 2012, après avoir parlé au juge administratif coordonnateur de la région, madame Ménard transmet une requête en révocation de la décision du 16 juin 2011 fondée sur l'établissement du nouveau diagnostic posé à la suite de l'examen d'imagerie effectué le 10 janvier 2012. La Commission des lésions professionnelles reçoit cette requête le 29 mars 2012.
[25] Selon son témoignage, madame Ménard a entrepris auparavant une démarche auprès de la CSST et c'est celle-ci qui l'a dirigée vers la Commission des lésions professionnelles.
[26] Le 31 mai 2012, après avoir examiné madame Ménard, le docteur Nicolas Patenaude, orthopédiste du CHUS, émet l'opinion qu'elle présente une « déchirure chronique du complexe triangulaire fibrocartilagineux droit, associée à des mouvements répétitifs » et il est d'accord pour une chirurgie.
[27] Le 26 septembre 2012, le docteur Dumont effectue une chirurgie qu'il décrit dans le protocole opératoire comme étant une « arthroscopie du poignet droit avec débridement du ligament triangulaire et débridement du ligament scapho-lunaire ». Il retient comme diagnostic une déchirure du ligament triangulaire du poignet droit avec déchirure partielle du ligament scapho-lunaire.
L’AVIS DES MEMBRES
[28] Le membre issu des associations d'employeurs et la membre issue des associations syndicales sont d'avis que la requête doit être accueillie.
[29] Ils estiment d'abord que la requête a été déposée dans le délai prévu par l'article 429.57 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) dans la mesure où le point de départ du délai doit être établi au 24 février 2012, soit à la date de la consultation du docteur Dumont.
[30] En ce qui a trait au bien-fondé de la requête, ils retiennent de la preuve au dossier et de celle soumise par madame Ménard que la déchirure du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe du poignet droit qui a été révélée par l'examen d'imagerie du 10 janvier 2012 constitue un fait nouveau découvert après l'audience qui justifie la révocation de la décision du 26 juillet 2011.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[31] La Commission des lésions professionnelles doit décider s'il y a lieu de révoquer la décision rendue le 26 juillet 2011.
[32] Le tribunal a soulevé d'office la question de la recevabilité de la requête déposée par madame Ménard.
[33] Rappelons qu'en vertu de l'article 429.57 de la loi, la requête en révocation fondée sur la découverte d'un fait nouveau doit être déposée à la Commission des lésions professionnelles dans un délai raisonnable « à partir de la connaissance du fait nouveau susceptible de justifier une décision différente ».
[34] La jurisprudence considère que le délai raisonnable prévu à cet article est de 45 jours comme celui établi à l'article 359 de la loi pour contester à la Commission des lésions professionnelles une décision de la CSST rendue à la suite d'une révision administrative[2].
[35] Bien que, comme elle l'indique lors de son témoignage, madame Ménard ait été informée de la présence d'une déchirure du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe du poignet droit au moment où elle a passé l'examen d'imagerie du 10 janvier 2012, le tribunal estime que le point de départ du délai de 45 jours doit être établi plutôt au 24 février 2012, soit à la date de la première consultation médicale subséquente à l'examen au cours de laquelle le médecin qui avait charge d'elle, le docteur Dumont, a confirmé et posé ce diagnostic.
[36] La requête reçue par la Commission des lésions professionnelles le 29 mars 2012 est donc recevable parce qu'elle a été a été déposée dans le délai de 45 jours retenu par la jurisprudence.
[37] Le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles de réviser ou de révoquer une décision qu'elle a rendue est prévu par l'article 429.56 de la loi, lequel se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
__________
1997, c. 27, a. 24.
[38] Madame Ménard invoque le premier motif, soit la découverte d'un fait nouveau. La jurisprudence[3] a établi que les trois conditions suivantes doivent être satisfaites pour qu’on soit en présence d’un fait nouveau qui justifie la révocation d'une décision :
1- la découverte postérieure à la décision d'un fait nouveau;
2- la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s'est tenue l'audience initiale;
3- le caractère déterminant qu'aurait eu cet élément sur le sort du litige, s'il avait été connu en temps utile.
[39] Le tribunal estime que la preuve au dossier ainsi que celle soumise par madame Ménard permettent de retenir que les deux premières conditions sont satisfaites.
[40] Comme l'indique la jurisprudence, ce n'est pas l'examen par arthrographie et résonance magnétique qui a été effectué le 10 janvier 2012 qui constitue un fait nouveau, mais plutôt l'information médicale qu'il a révélée, soit l'existence d'une déchirure du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe au poignet droit de madame Ménard.
[41] Cette déchirure n'était pas connue lors de l'audience initiale et certains éléments de la preuve établissent qu'elle était présente avant celle-ci.
[42] En effet, les examens d'imagerie qui ont été effectués avant l'audience initiale n'ont pas mis en évidence la présence d'une déchirure du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe. La scintigraphie osseuse montre une zone inflammatoire au poignet droit, mais il ne s'agit pas d'un examen spécifique pour une déchirure et il n'y a pas de conclusion en ce sens de la part du nucléiste.
[43] De plus, aucun des médecins qui ont suivi ou examiné madame Ménard avant l'audience initiale n'a posé ce diagnostic, bien qu'ils aient remis en question celui de tendinite au poignet droit.
[44] En effet, le docteur Turcotte ne retient pas le diagnostic de tendinite au poignet droit, mais il envisage plutôt celui de rhizarthrose.
[45] Le docteur Léveillé est incapable de relier la perte de flexion du poignet droit qu'il constate à son examen à une tendinite et, sans l'identifier ou soulever d'hypothèses, il s'interroge sur la présence d'une pathologie sous-jacente pour laquelle il recommande les examens d'imagerie qui seront effectués postérieurement.
[46] Dans le dernier rapport qu'il émet avant l'audience initiale, même le médecin traitant, le docteur Turcotte, remet lui aussi en cause la présence d'une tendinite et se limite à poser le diagnostic d'arthralgie au poignet droit, ce qui est un diagnostic descriptif de douleurs articulaires.
[47] Par ailleurs, l'examen d'imagerie du janvier 2012 est effectué à peine quelques mois après la décision de la Commission des lésions professionnelles et il est demandé pour investiguer les mêmes symptômes que ceux que présente madame Ménard depuis la première consultation de juin 2009.
[48] Dans ce contexte, on peut retenir que le diagnostic de déchirure du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe concerne la condition que madame Ménard veut faire reconnaître comme lésion professionnelle et qu'il ne s'agit pas d'une condition personnelle qui s'est manifestée après l'audience initiale.
[49] En ce qui a trait à la troisième condition, ce nouveau diagnostic n'entraînera pas nécessairement une décision différente de celle du 26 juillet 2011 sur la survenance d'une maladie professionnelle, mais il demeure susceptible d'avoir un effet déterminant dans la mesure où le juge administratif a conclu à l'absence de lésion professionnelle en raison, notamment, de l'imprécision du diagnostic.
[50] Madame Ménard aurait souhaité que le tribunal rende la décision au fond en tenant compte de la preuve faite lors de l'audience initiale et qu'il en vienne à la conclusion que la déchirure du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe constitue une lésion professionnelle.
[51] Le tribunal doit toutefois se ranger à la demande du représentant de l'employeur qui désire soumettre en preuve une opinion médicale sur le nouveau diagnostic posé.
[52] Par ailleurs, le tribunal n'est pas en mesure d'apprécier la preuve soumise lors de l'audience initiale à sa juste valeur parce que lors de cette audience, madame Ménard a expliqué, en les mimant, les gestes qu'elle posait avec sa main droite dans l'exécution de son travail de presseuse, preuve que seul le premier juge administratif a pu apprécier.
[53] Il convient donc de révoquer la décision rendue le 26 juillet 2011 et de convoquer les parties à une nouvelle audience qui portera sur les quatre contestations de l'employeur et de madame Ménard et notamment, sur la question de savoir si la déchirure du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe du poignet droit constitue une lésion professionnelle.
[54] Il va de soi que la prochaine audience ne pourra porter sur le diagnostic de tendinite du poignet droit parce que ce diagnostic n'a pas été reconnu comme lésion professionnelle par la décision du 21 juillet 2011 qui est révoquée par la présente et que la cause de la révocation de cette décision et de la tenue de la prochaine audience, c'est la découverte de la déchirure du complexe fibrocartilagineux triangulaire du carpe du poignet droit.
[55] Après considération de la preuve au dossier et de celle soumise, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que madame Ménard a démontré avoir découvert après l'audience initiale un fait nouveau qui justifie de révoquer la décision et en conséquence, révoque la décision du 26 juillet 2011.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
ACCUEILLE la requête en révocation de madame Lyne Ménard;
RÉVOQUE la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 26 juillet 2011;
CONVOQUERA à nouveau les parties à une audience sur le fond des quatre contestations déposées par Vêtements Cookshire inc. et par madame Ménard.
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Claude-André Ducharme |
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Joël Ross |
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Ressources P.M.E. inc. |
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Représentant de Vêtements Cookshire inc. |
[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] Moschin et Communauté urbaine de Montréal, [1998] C.L.P. 860 ; Adam et René Locas & fils inc., C.L.P. 92669-63-9711, 14 avril 1999, J.L. Rivard.
[3] Gariépy et Autobus Gaudreault inc., [2007] QCCLP 1280 ; Bing Bang Billard et Bilodeau, 2008 QCCLP 1346 ; Gagnon et Les Industries Motor Coach ltée, 2008 QCCLP 3974 ; Marius Deschamps (Succession) et Unimin Canada ltée, 2009 QCCLP 6202 .
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.