Décision

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Construction et Pavage Dujour ltée et Commission de la santé et de la sécurité du travail

2010 QCCLP 4231

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

10 juin 2010

 

Région :

Estrie

 

Dossier :

360008-05-0810-R

 

Dossier CSST :

85939230

 

Commissaire :

Lucie Nadeau, juge administrative

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Construction et Pavage Dujour ltée

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 11 août 2009, Construction et Pavage Dujour ltée (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révocation d’une décision rendue le 22 juillet 2009 par la Commission des lésions professionnelles.

[2]                Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la requête de l’employeur, confirme la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 août 2008 à la suite d’une révision administrative et déclare que la CSST était justifiée d’émettre le 29 avril 2007 un nouvel avis de cotisation à l’employeur pour l’année 2006. Elle déclare également que cet avis de cotisation est bien fondé.

[3]                L’audience sur la présente requête s’est tenue à Sherbrooke le 8 juin 2010 en présence de M. René Desrosiers et d’une représentante de la CSST- Estrie.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]                L’employeur demande de révoquer la décision rendue le 22 juillet 2009 et d’être convoqué à nouveau pour être entendu sur le bien-fondé de sa contestation.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]                La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de révoquer la décision rendue le 22 juillet 2009.

[6]                Le pouvoir de révision et de révocation est prévu à l’article 429.56 de la Loi sur les accidents et les maladies professionnelles[1] (la loi) :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[7]                Dans le présent dossier, l’employeur demande la révocation de la décision du 22 juillet 2009 en vertu du deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi. Il soutient qu’il n’a pas pu se faire entendre en raison de ses problèmes de santé.

[8]                En effet, l’employeur ne s’est pas présenté à l’audience tenue le 10 juillet 2009 devant la première juge administrative. Celle-ci le note au procès-verbal et à sa décision.

[9]                Rappelons les circonstances entourant la mise au rôle de la contestation de l’employeur. Le 6 octobre 2008, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste la décision de la CSST rendue le 21 août 2008. Dans son formulaire de contestation, il indique qu’il sera représenté par un procureur. Une première audience est fixée pour le 24 avril 2009. Cependant, le procureur de l’employeur demande la remise de cette audience en indiquant que pour des motifs qu’il ignore, son client n’a pas été en mesure de se présenter au rendez-vous pour préparer l’audience. La demande de remise est accordée et on indique au procès-verbal qu’une nouvelle date d’audience devra être convenue entre les parties et confirmée au Tribunal. Le 27 avril suivant, le procureur de l’employeur avise la Commission des lésions professionnelles qu’il cesse d’occuper dans le dossier.

[10]           Le 25 mai suivant, les parties conviennent d’une nouvelle date d’audience soit le 10 juillet 2009. La CSST dépose en preuve un extrait du système informatique de la Commission des lésions professionnelles dans lequel une note du 25 mai 2009 du préposé au rôle indique que le consentement de toutes les parties a été obtenu. Ce même jour, un avis de convocation est transmis aux parties pour l’audience du 10 juillet suivant.

[11]           Tel qu’indiqué plus haut, l’employeur ne se présente pas à cette audience. Dans sa requête en révocation de même que lors de son témoignage, M. René Desrosiers invoque essentiellement un motif pour expliquer son absence, soit le fait qu’il était à cette période en traitements de chimiothérapie pour un cancer. Il est président et actionnaire de l’entreprise et sa conjointe occupe des fonctions administratives. À l’été 2009, il reçoit des traitements de chimiothérapie une fois aux trois semaines environ pour un cancer des ganglions diagnostiqué l’automne précédent.

[12]           Plus les traitements progressent, plus ils sont difficiles à assumer. Sa condition est variable selon les jours mais, suivant son expression, il en perd des bouts. Son entreprise a continué à fonctionner tant bien que mal avec les services, au niveau administratif, d’une nouvelle secrétaire et d’une réceptionniste. Il explique également que sa conjointe est tout autant que lui, sinon plus, perturbée par la maladie et les traitements qu’il doit suivre.

[13]           Il ne se souvient pas d’avoir convenu en mai 2009 d’une date d’audience ni s’il a noté l’audience du 10 juillet à son agenda. Il était totalement accaparé par son combat contre la maladie et les effets des traitements qu’il recevait. Il explique que c’est lui-même qui avait contesté la décision de la CSST et qu’il aurait été là pour faire valoir son point de vue. Sa condition était telle, dit-il, que «c’est comme si la terre avait arrêté de tourner».

[14]           La Commission des lésions professionnelles estime que l’employeur lui a démontré qu’il n’a pas pu se faire entendre «pour des raisons jugées suffisantes». La jurisprudence[2] a retenu que cette notion de «raisons suffisantes » est beaucoup plus souple que l’impossibilité d’exercer son droit d’être entendu. Comme le soulignait la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Gaggiotti et Domaine de la Forêt[3], le droit du travailleur d’être entendu doit primer dans l’appréciation des raisons qui font qu’une partie n’a pu se faire entendre.

[15]           La CSST fait valoir que l’employeur a fait preuve de négligence. Elle invoque qu’il avait le devoir de mandater quelqu’un pour assurer le suivi de ses affaires ou obtenir des instructions du procureur qui s’est retiré du dossier. Elle soumet que par sa négligence, il a renoncé à son droit d’être entendu. M. Desrosiers témoigne qu’il est en affaires depuis 40 ans et qu’il s’est généralement acquitté de toutes ses obligations. Il reconnaît qu’il a «échappé» des choses pendant sa maladie mais que la lutte pour sa survie prenait toute la place.

[16]           La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir la prétention de la CSST. La preuve ne permet pas de conclure que l’employeur a été négligent.

[17]           Dans Tzelardonis et Ameublement Lafrance[4], la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision affirme que «les règles de justice naturelle et particulièrement celle consacrant le droit d’être entendu, doivent primer par rapport à une certaine imprudence ou insouciance». Dans les circonstances bien particulières du présent dossier, le Tribunal estime qu’il ne peut même pas conclure à de l’insouciance de la part de l’employeur. À plus forte raison, son droit d’être entendu doit primer.

[18]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la décision du 22 juillet 2009 a été rendue alors que l’employeur n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre. Il y a donc lieu de révoquer cette décision et de convoquer à nouveau les parties pour être entendues sur le bien-fondé de la contestation de l’employeur.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révocation de Construction et Pavage Dujour ltée, l’employeur;

RÉVOQUE la décision rendue le 22 juillet 2009 par la Commission des lésions professionnelles;


CONVOQUERA à nouveau les parties à une audience sur le fond de la contestation déposée par Construction et Pavage Dujour ltée.

 

 

__________________________________

 

Lucie Nadeau

 

 

 

 

 

Mme Évelyne Julien

PANNETON LESSARD

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3..01

[2]           Les Viandes du Breton inc. et Dupont, C.L.P. 89720-01A-9707, 18 décembre 2000, M. Carignan

[3]           C.L.P. 86666-71-9703, 22 janvier 1999, J.-M. Duranceau

[4]           C.L.P. 208378-71-0305, 7 mars 2008, S. Sénéchal; voir également Delapaz et S.T.M. (Réseau des Autobus, C.L.P. 354193-71-0807, 12 janvier 2010, S. Di Pasquale.

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