Décision

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Unimin Canada ltée et Desjardins

2011 QCCLP 4609

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

11 juillet 2011

 

Région :

Laurentides

 

Dossier :

360984-64-0810

 

Dossier CSST :

132054750

 

Commissaire :

Isabelle Piché, juge administrative

 

Membres :

Monsieur Alain Allaire, associations d’employeurs

 

Monsieur Réjean Lemire, associations syndicales

 

Assesseur :

Jean Morin, médecin

______________________________________________________________________

 

 

 

Unimin Canada ltée

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Serge Desjardins

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 20 octobre 2008, Unimin Canada ltée (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendue le 10 octobre 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme deux décisions initiales rendues le 16 avril 2008. Dans un premier temps, elle déclare que monsieur Serge Desjardins (le travailleur) est atteint d’une maladie professionnelle pulmonaire dont le diagnostic est une silicose. En second lieu, elle déclare que le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 2877,30 $ correspondant à une atteinte permanente de 5,75 %.

[3]           L’audience s’est tenue le 13 juin 2011 à St-Jérôme en présence du travailleur et de son représentant. L’employeur était pour sa part représenté par un procureur.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Unimin Canada ltée demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’a pas développé une silicose et par conséquent qu’il n’est pas atteint d’une maladie pulmonaire professionnelle.

[5]           Advenant par ailleurs que le tribunal maintienne le diagnostic de silicose, l’employeur ne remet pas en cause la relation entre cette maladie et le travail exercé par monsieur Desjardins.

LES FAITS

[6]           Le travailleur occupe différentes fonctions au sein d’Unimin Canada ltée depuis 1979, dont celles de journalier, d’ensacheur, ainsi que d’opérateur de moulin et de séchoir. Il s’agit d’une entreprise où l’on broie la pierre pour en faire du sable et de la pierre de silice qui sert notamment à la confection de la vitre et du papier sablé.

[7]           Au cours des années, la compagnie requiert de ses employés qu’ils se soumettent à certains examens médicaux afin de vérifier leur état de santé.

[8]           Ainsi, le 21 novembre 1983, le radiologue Armand Trépanier effectue une radiographie des poumons de monsieur Desjardins et note qu’il semble y avoir quelques discrètes opacités réticulo-nodulaires dans la moitié supérieure des deux poumons, mais sans aucun épaississement pleural, ni ganglion hypertrophié dans le médiastin ou les hiles. Il estime que les images décrites étant très discrètes et peu nombreuses, il n’y a pas lieu de conclure au premier degré de silicose d’après la classification internationale bit 1980.

[9]           Par ailleurs, le 25 mai 1984, l’interprétation d’un examen radiologique pulmonaire interprété par un radiologue qualifié lecteur B entraîne une référence au Comité de Pneumoconiose puisque le résultat obtenu quant à la densité des opacités est supérieur à 1/0. Il est en fait de 1/1.

[10]        Le 13 juin 1985, le travailleur est effectivement examiné par trois pneumologues composant le Comité de Pneumoconiose afin d’étudier la possibilité d’une silicose pulmonaire.


[11]        À l’histoire occupationnelle du rapport concerné, il est mentionné que monsieur Desjardins porte un masque et que le filtre de ce dernier est changé de façon régulière. Par contre, le travailleur est tout de même exposé à une très grande quantité de poussière de sable.

[12]        Au terme de cette évaluation, le Comité de Pneumoconiose estime qu’il ne peut reconnaître l’existence d’une silicose compte tenu de l’absence de symptôme et de signe clinique, de l’étude des films pulmonaires et de l’absence de modification sur le plan fonctionnel.

[13]        Sur réception de cette conclusion, la CSST refuse la réclamation de monsieur Desjardins à titre de maladie pulmonaire professionnelle.

[14]        Le 20 avril 1988, le travailleur est appelé à répondre à certaines questions concernant sa condition physique. Monsieur Desjardins mentionne notamment à ce moment avoir souffert d’une pneumonie en janvier 1988.

[15]        Le 16 mai 1988, le radiologue Trépanier interprète à nouveau une radiographie et inscrit au rapport qu’il existe un petit nodule à contour précis de 7 à 8 mm homogène à la base droite, mais que cette image ne s’est pas modifiée depuis les derniers clichés de janvier 1988. Il indique qu’il peut s’agir d’un granulome cicatriciel.

[16]        En juillet 1989, le docteur Trépanier mentionne que le cliché est hypopénétré, mais ne semble pas montrer de lésion intrathoracique.

[17]        Le 24 mai 1990, le travailleur rapporte une pneumonie en janvier 1990 et la présence d’asthme.

[18]        Au mois de juillet 1991, le travailleur répond encore une fois à un questionnaire relatif à son état de santé. Il y mentionne notamment avoir souffert de pneumonies à l’âge de 20 et 30 ans.

[19]        Le 18 décembre 1991, le docteur Trépanier écrit à son rapport radiologique que la réaction pleurale qui avait été observée à la base droite sur les clichés de 1990 est complètement disparue, mais qu’il existe un ensemble de quelques petites opacités nodulaires cicatricielles de quelques millimètres de diamètre à la périphérie axillaire du tiers supérieur droit. Il conclut à l’absence de lésion active ou de signe de pneumoconiose.


[20]        Le 20 février 1992, des questions sont posées au travailleur en ce qui a trait spécifiquement à sa condition respiratoire. Monsieur Desjardins révèle alors avoir souffert de pneumonies 2 ans plus tôt et de plusieurs autres dans sa jeunesse. Il est aussi question d’utilisation de Ventolin au besoin à compter de 1991 afin de contrôler un problème d’asthme.

[21]        Le 8 août 1994, le travailleur rapporte à nouveau à l’infirmière de l’entreprise faire de l’asthme, utiliser une pompe au besoin depuis plusieurs années, et avoir connu des épisodes de pneumonies à répétition depuis l’enfance.

[22]        Le 11 août 1995, le radiologue Marcel Lortie est d’avis que l’interprétation de l’image cardio-pulmonaire s’avère dans les limites de la normale.

[23]        Le 12 décembre 2006, le radiologue Normand cote à 1/0 la densité des petites opacités. Il signale cependant que celles-ci sont difficiles à caractériser au tiers moyen droit et qu’il y a lieu de reprendre la radiographie. Celle-ci est effectuée le 7 mars 2007 et est alors interprétée comme étant normale. Le 25 avril 2007, le docteur Normand mentionne qu’il y a stabilité des opacités visualisées au tiers moyen droit et gauche, mais recommande tout de même un scan thoracique.

[24]        Le 9 juin 2007, le radiologiste Paul Lamarre effectue une tomodensitométrie du thorax et conclut à la présence d’un patron réticulo-nodulaire du tiers supérieur des deux plages pulmonaires compatible avec le diagnostic clinique d’atteinte silicotique.

[25]        Le 20 juillet 2007, le docteur Arsenault procède à un lavage bronchique droit du lobe supérieur afin d’éliminer la possibilité de pathologies autres qu’une silicose. Le pathologiste Robert Nicholson et la cytologiste Gisèle Caron concluent à une absence de cellules néoplasiques malignes, à la présence d’éosinophiles, de même qu’à une métaplasie épidermoïde. Rien de particulier n’est donc décelé.

[26]        Le 21 août 2007, le pneumologue Chalifour relate que le niveau d’hyperexcitabilité bronchique constaté chez le travailleur peut se rencontrer notamment chez des patients porteurs d’asthme en général peu symptomatique.

[27]        Le 21 septembre 2007, le docteur Arsenault complète un Rapport médical sur lequel il retient le diagnostic de silicose (atteinte radiologique) avec tests fonctionnels respiratoires normaux. À titre de traitements, il recommande au travailleur d’éviter toute exposition à la silice.

[28]        Monsieur Desjardins présente ensuite une nouvelle réclamation à la CSST pour maladie pulmonaire professionnelle.

[29]        Le 25 octobre 2007, le radiologiste Philippe René considère, à la lecture du scan thoracique, être en présence d’un tableau d’infiltrat réticulo-nodulaire modéré prédominant aux lobes supérieurs stable depuis juin 2006. Il signale une stabilité dans le nombre, la taille et l’aspect morphologique de ganglions médiastinaux moyens calcifiés. Il indique en dernier lieu que les trouvailles sont compatibles avec une silico-anthracose telle que mentionnée dans les renseignements cliniques.

[30]        Le 15 janvier 2008, une radiographie pulmonaire est examinée par le radiologiste Alexandre Lamarre. Ce dernier fait état d’un très discret infiltrat micronodulaire touchant les tiers supérieurs des deux poumons associé à une accentuation du relief interstitiel. Il indique qu’à titre de diagnostic différentiel, s’il y a un contexte d’exposition, il est possible d’envisager une pneumoconiose telle une atteinte par silicose, mais il est aussi possible d’envisager, s’il n’ y a pas d’histoire d’exposition, une atteinte par sarcoïdose ou encore une atteinte infectieuse.

[31]        Le 18 janvier 2008, le travailleur est convoqué au Comité des maladies pulmonaires professionnelles.

[32]        À la section antécédents personnels du rapport de ce Comité, il n’est pas fait état des pneumonies dont a souffert le travailleur à plusieurs reprises.

[33]        En ce qui concerne le bilan fonctionnel respiratoire, ce dernier est considéré dans les limites de la normale, sauf pour un volume de réserve abaissé en raison de l’obésité.

[34]        Pour ce qui est de l’interprétation radiologique pulmonaire et de la scanographie thoracique réalisées quelques jours plus tôt, la densité des opacités est notée à nouveau à 1/0 et il est fait état de petites opacités rondes et irrégulières au tiers moyen des deux plages pulmonaires, sans autre anomalie significative.

[35]        Il est mentionné également que la scanographie permet de mieux visualiser la vision nodulaire au tiers moyen des deux plages pulmonaires et de constater une adénopathie avec calcifications en coquille d’œuf en paratrachéal droit.

[36]        En conclusion, les membres du Comité des maladies pulmonaires professionnelles reconnaissent que monsieur Desjardins était exposé de façon importante à la poussière de silice dans le cadre de son travail et que les radiographies pulmonaires actuelles confirment la présence de petits nodules compatibles avec une silicose pulmonaire simple.

[37]        Conséquemment, un déficit anatomophysiologique de 5 % est désigné et il est suggéré que le travailleur ne soit plus exposé à de la poussière de silice.

[38]        Le 21 février 2008, les membres du Comité spécial des présidents étudient le dossier de monsieur Desjardins et entérinent les conclusions du Comité des maladies pulmonaires professionnelles à l’effet que le travailleur est porteur d’une silicose pulmonaire simple permettant d’attribuer un déficit anatomophysiologique de 5 %.

[39]        Le 11 avril 2008, le docteur Desjardins analyse les résultats d’une tomodensitométrie thoracique et considère l’examen inchangé comparativement à celui d’octobre 2007.

[40]        Le 16 avril 2008, la CSST rend une décision en conformité de l’avis du Comité spécial des présidents.

[41]        Le 3 avril 2009, le docteur Lamarre interprète une tomographie axiale du thorax et conclut à l’absence d’évolution des lésions par rapport à l’examen d’avril 2008.

[42]        Le 1er octobre 2009, l’employeur demande au radiologiste Paul Wheeler, qualifié à titre de lecteur B, d’examiner les films radiologiques. Ce dernier indique regarder 11 radiographies effectuées entre 1998 et 2009, de même que 3 scans réalisés en 2007 et 2008.

[43]        En conclusion, ce spécialiste retient qu’il n’existe pas de petits nodules ronds et symétriques à la partie moyenne et supérieure des poumons et qu’en conséquence, il n’est pas possible de conclure à une silicose. Pour lui, les changements sont plutôt compatibles avec une ancienne infection.

[44]        Le 30 mars 2010, c’est le docteur Daniel Henry qui donne son avis. Ce dernier considère que les trouvailles sont compatibles avec un processus granulomateux pouvant correspondre à une sarcoïdose ou à une silicose. Il signale toutefois que le patron est atypique pour une silicose. Il recommande par conséquent une biopsie pour départager le tout et rappelle l’importance de s’attarder à l’exposition et à l’histoire clinique pour établir un diagnostic définitif.

[45]        Enfin, le docteur Goldstein se prête au même exercice, mais est d’avis à la révision des films qu’il n’existe pas de signe d’une pneumoconiose.

[46]        Le 15 octobre 2010, l’employeur mandate le pneumologue et professeur titulaire de l’université de Montréal Paolo Renzi afin de réviser l’ensemble du dossier du travailleur et donner son avis relativement à la condition pneumologique de ce dernier. À cette fin, ce spécialiste obtient une copie des films radiologiques réalisés dans divers hôpitaux, une copie des lectures radiologiques des lecteurs B Wheeler, Henry et Goldstein, une copie des différents dossiers médicaux, ainsi que le dossier constitué par la Commission des lésions professionnelles.

[47]        Au terme de sa révision, le docteur Renzi estime qu’il n’existe pas d’évolution radiologique entre 1983 et 2009, et ce, malgré le fait que monsieur Desjardins a continué de travailler et à être exposé à la silice. Il conclut en conséquence, considérant l’histoire clinique d’infections pulmonaires à répétition, que les constats radiologiques sont des séquelles granulomateuses.

[48]        Lors de l’audience, le tribunal bénéficie également des explications du docteur Renzi.

[49]        Sur la question de la silicose, ce témoin expert explique dans un premier temps qu’il arrive, lors d’un travail avec exposition à la silice, que cette matière pénètre les bronchioles. Dans un mécanisme de défense, le corps attaque ce corps étranger et fabrique des nodules. L’aspect linéaire est moins fréquent en ce domaine. Le plus souvent, ces nodules se retrouvent dans la partie supérieure des poumons.

[50]        Au début de la maladie, seuls des changements radiologiques sont perçus. La fonction respiratoire pour sa part n’est pas atteinte. Toutefois, si l’exposition à la silice se maintient, les nodules grossissent et peuvent même s’unifier. On parle alors d’une fibrose massive progressive.

[51]        Le docteur Renzi signale que durant les années 30, la silicose était la maladie pulmonaire professionnelle numéro 1, mais qu’aujourd’hui elle est très rare compte tenu des limites d’exposition.

[52]        Dans le présent dossier, ce médecin mentionne qu’il a pu réviser les images réalisées à compter de 1998 et lire les rapports des radiologistes depuis 1983. De manière constante, il considère que les documents révèlent l’existence de changements légers et discrets au lobe moyen et supérieur du côté droit principalement. Il rapporte que ces changements sont si peu importants qu’ils peuvent même passer inaperçus dépendamment de la technique de lecture.

[53]        Le docteur Renzi indique que le type d’anomalies retrouvées aux radiographies peut correspondre essentiellement à trois maladies, soit une sarcoïdose, une granulomatose ou une silicose.

[54]        En l’espèce, puisque ces changements sont apparus rapidement, soit 4 ans après le début de l’emploi, mais qu’ils n’ont pas évolué durant plus de 20 ans et que le travailleur présente une histoire de pneumonies répétitives, il est convaincu qu’il s’agit de séquelles granulomateuses. Son opinion est d’ailleurs soutenue par l’interprétation du radiologue Trépanier lorsqu’il fait état en 1988 de la possibilité d’un granulome cicatriciel, c'est-à-dire une séquelle d’infection antérieure.

[55]        Il estime que les avis des pneumologues du Comité des maladies pulmonaires professionnelles et du Comité spécial des présidents doivent être écartés puisque ceux-ci n’ont pas bénéficié de l’éclairage du dossier complet et qu’ils ignoraient les antécédents de pneumonies. Dans les faits, ils se limitent à éliminer la possibilité que les nodules soient en lien avec une tuberculose ou avec une condition tabagique.

[56]        Au soutien de son opinion, le docteur Renzi présente trois articles de littérature médicale.

[57]        Le premier, intitulé Work-Related Lung Disorders[1], discute des facteurs de risque en ce qui a trait au développement d’une silicose. Les auteurs mentionnent que la progression de la maladie est directement reliée à l’exposition à la silice à un jeune âge, à la grosseur des nodules et au maintien de l’exposition.

[58]        En l’espèce, bien que le travailleur soit touché par le 1er et le 3e facteur de risque, les anomalies n’évoluent pas pour autant, ce qui ne milite donc pas en faveur du diagnostic de silicose.

[59]        Dans le second article portant le titre Continued Exposure to Silica After Diagnosis of Silicosis in Brazilian Gold Miners[2], une étude est réalisée en regard de l’effet du retrait du milieu de travail lorsqu’un travailleur présente un début de silicose (densité à 1/0). Cinquante ouvriers sur cent sont retirés de l’environnement, alors que les autres continuent d’être exposés.

[60]        Au terme de cette analyse, les chercheurs concluent que les employés toujours exposés ont six fois plus de chance de connaître une progression radiologique de leur maladie.

[61]        Enfin, dans le document Radiological Progression and its Predictive Risk Factors in Silicosis[3], des chercheurs examinent le risque de progression lors d’une exposition continue. Ces derniers en viennent à la conclusion qu’à chaque année d’exposition supplémentaire, 20 % des travailleurs suivis présentent une évolution de leur condition.

[62]        De l’avis du docteur Renzi, en tenant compte de ces deux derniers constats, il y a fort à parier qu’au bout de 20 ans, la majorité des ouvriers toujours exposés auront démontré une progression, ce qui n’est par ailleurs pas le cas de monsieur Desjardins.

L’AVIS DES MEMBRES

[63]        Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis d’accueillir la requête de l’employeur. Il considère que l’histoire médicale en cause et l’absence d’évolution des nodules observés militent davantage en faveur de l’existence de séquelles granulomateuses découlant de pneumonies.

[64]        Le membre issu des associations syndicales considère au contraire qu’il faut rejeter la demande d’Unimin Canada ltée et qu’il n’y a pas lieu de modifier l’opinion émise par les six pneumologues du Comité des maladies pulmonaires professionnelles et du Comité spécial des présidents.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[65]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si monsieur Desjardins est atteint d’une silicose et dans l’affirmative, si cette maladie résulte de son travail chez l’employeur.

[66]        De la preuve administrée dans le présent dossier, le tribunal constate que les spécialistes qui concluent à l’existence d’une silicose à compter de 2007 le font en se basant sur les images radiologiques obtenues et sur l’histoire occupationnelle.

[67]        La soussignée estime cependant que ces opinions sont incomplètes dans la mesure où elles ne tiennent pas compte de l’historique médical général du travailleur et de l’évolution des éléments visualisés.

[68]        En effet, puisque le type de nodules concernés peut correspondre à trois types de maladie tel que l’explique le docteur Renzi, il appert essentiel d’examiner l’ensemble du portrait en question et non de se limiter à la cause qui semble à première vue responsable de la condition physique du travailleur.

[69]        Des faits à l’étude, il ressort que dès 1983 de discrètes opacités réticulo-nodulaires sont observées dans la moitié supérieure des deux poumons. L’année suivante, une radiologue qualifiée lecteur B, note que la densité des opacités est de 1/1. Il s’agit dans les faits de la lecture la plus élevée durant les 25 années en cause. Pourtant, les pneumologues consultés à ce moment considèrent qu’il n’y a pas lieu de conclure à une atteinte silicotique.

[70]        Dans les années qui suivent, les examens radiologiques réalisés ne révèlent d’aucune façon une évolution de cette condition. C’est simplement une lecture d’opacité des nodules en 2007 à 1/0 qui déclenche de nouveau le processus d’évaluation auprès de la CSST.

[71]        Or, dans la mesure où monsieur Desjardins continuent d’être exposé durant cette période aux poussières de silice, mais qu’il ne présente aucune modification de sa condition physique à cet égard, le tribunal est d’opinion qu’il ne peut conclure que l’existence de ces nodules est reliée à silicose considérant la littérature médicale déposée par le docteur Renzi.

[72]        La Commission des lésions professionnelles retient en effet des articles spécialisés présentés qu’une exposition prolongée aux poussières de silice entraîne quasi inévitablement une progression dans l’aspect des nodules après plusieurs années, ce qui ne se produit pas en l’espèce.

[73]        Dans le même ordre d’idées, la soussignée constate que malgré la présence de deux facteurs de risques impliquant la progression d’une silicose, à savoir l’exposition à un jeune âge et le maintien dans le milieu professionnel contaminant, l’état de santé de monsieur Desjardins ne se modifie d’aucune façon.

[74]        Or, dans la mesure où les nodules visualisés peuvent correspondre également à des séquelles cicatricielles de maladies infectieuses qui alors n’évoluent pas, le tribunal considère cette corrélation davantage probable.

[75]        D’ailleurs, il est intéressant de noter à ce sujet que plusieurs médecins considèrent sérieusement cette conclusion, tels les docteurs Armand Trépanier, Alexandre Lamarre, Paul Wheeler et bien sûr le docteur Renzi. Aussi, certains autres, sans se prononcer directement sur cette question, croient improbable une atteinte silicotique. Il y a lieu de citer à cet égard les pneumologues du Comité de pneumoconiose et le docteur Goldstein.

[76]        En définitive, la Commission des lésions professionnelles est d’avis que les conclusions et justifications apportées par le docteur Renzi sont davantage probables et que le travailleur n’est donc pas atteint d’une silicose, mais plutôt de séquelles granulomateuses résultant des diverses pneumonies survenues au fil des ans.

[77]        Dans ce contexte, monsieur Desjardins ne peut donc bénéficier de la présomption prévue à l’article 29 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[4] (la loi) et qui se lit comme suit :

29.  Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION V

 

MALADIES PULMONAIRES CAUSÉES PAR DES POUSSIÈRES

ORGANIQUES ET INORGANIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

1.     Amiantose, cancer pulmonaire ou mésothéliome causé par l'amiante:

un travail impliquant une exposition à la fibre d'amiante;

2.     Bronchopneumopathie causée par la poussière de métaux durs:

un travail impliquant une exposition à la poussière de métaux durs;

3.     Sidérose:

un travail impliquant une exposition aux poussières et fumées ferreuses;

4.     Silicose:

un travail impliquant une exposition à la poussière de silice ;

5.     Talcose:

un travail impliquant une exposition à la poussière de talc:

6.     Byssinose:

un travail impliquant une exposition à la poussière de coton, de lin, de chanvre et de sisal;

7.     Alvéolite allergique extrinsèque:

un travail impliquant une exposition à un agent reconnu comme pouvant causer une alvéolite allergique extrinsèque;

8.     Asthme bronchique:

un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant.

__________

1985, c. 6, annexe I.

 

 

[78]        En regard de l’article 30 de la loi, le tribunal écarte également la possibilité que la maladie diagnostiquée puisse être caractéristique du travail exercé puisque le travailleur n’a déposé aucune étude épidémiologique, ni ergonomique en ce sens.

[79]        Enfin, la Commission des lésions professionnelles ne peut conclure davantage que les séquelles granulomateuses dont souffre le travailleur sont directement reliées aux risques particuliers du travail en cause chez Unimin Canada ltée puisqu’il y a absence de preuve médicale prépondérante permettant d’établir une telle relation.

[80]        Par conséquent, la Commission des lésions professionnelles conclut que monsieur Desjardins n’est pas atteint d’une maladie pulmonaire professionnelle.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de Unimin Canada ltée, l’employeur;

INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 10 octobre 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Serge Desjardins, le travailleur, n’est pas porteur d’une silicose, mais plutôt de séquelles granulomateuses découlant de pneumonies à répétition;

DÉCLARE que le travailleur n’est pas atteint d’une maladie pulmonaire professionnelle en date du 13 juillet 2007;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au versement d’indemnités de remplacement du revenu, ni à une indemnité pour préjudice corporel.

 

 

 

__________________________________

 

Isabelle Piché

 

 

 

 

Me Carl Lessard

Lavery, de Billy

Représentant de la partie requérante

 

 

Monsieur René Bellemare

Syndicat des Métallos

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           Cotes J.E. et Steel J. «Work-Related Lung Disorders» Blackwell Scientific Publications, 1987, 152 et 153.

[2]           Carneiro A.P., Barreto S.M., Siqueira A.L., Cavariani F. et Foratiere F. «Continued Exposure to Silica After Diagnosis of Silicosis in Brazilian Gold Miners» American Journal of Industrial Medicine 49, 2006, 811 à 818.

[3]           Lee H.S., Phoon W.H. et Ng T.P. «Radiological Progression and its Predictive Risk Factors in Silicosis» Occupational and Environmental Medicine 58, 2001, 467 à 471.

[4]           L.R.Q., c. A-3.001

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