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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Laval |
25 février 2005 |
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Région : |
Laval |
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206523-61-0304 207896-61-0305 217801-61-0310 217802-61-0310 217803-61-0310 232709-61-0404 245868-61-0410 245869-61-0410 245899-61-0410 |
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Dossier CSST : |
118595412 |
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Commissaire : |
Me Lucie Nadeau |
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Membres : |
Sarto Paquin, associations d’employeurs |
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Marc Caissy, associations syndicales |
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206523 232709 245868 245869 245899 |
207896 217801 217802 217803 |
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Louise Lemieux |
Projets de préparation à l'emploi |
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Partie requérante |
Partie requérante |
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et |
et |
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Projets de préparation à l'emploi |
Louise Lemieux |
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Partie intéressée |
Partie intéressée |
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et |
et |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
Partie intervenante |
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Dossiers 206523-61-0304 et 207896-61-0305
[1] Le 26 avril 2003, madame Louise Lemieux (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 avril 2003 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme la décision rendue initialement le 17 septembre 2002 et déclare que le diagnostic de hernie discale L4-L5 est en relation avec la lésion professionnelle du 5 mai 2000. Elle confirme également la décision qu’elle a initialement rendue le 5 février 2003 donnant suite à l’avis du membre du Bureau d’évaluation médicale et déclare que la lésion est consolidée le 23 janvier 2003, sans nécessité de traitements après cette date et que la travailleuse a droit de recevoir des indemnités jusqu’à ce que la CSST se prononce sur sa capacité de travail.
[3] Le 13 mai 2003, le programme «Projets de préparation à l’emploi» du Ministère de l’emploi et de la solidarité sociale (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste cette même décision.
Dossiers 217801-61-0310, 217802-61-0310 et 217803-61-0310
[4] Le 10 octobre 2003, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles trois requêtes par lesquelles il conteste trois décisions de la CSST rendues le 6 octobre 2003 à la suite d’une révision administrative.
[5] Dans l’une, la CSST confirme la décision qu’elle a rendue initialement le 27 mars 2003 et déclare que 100 % du coût des prestations versées en raison de la lésion professionnelle subie par la travailleuse doit être imputé au dossier financier de l’employeur.
[6] Dans la seconde, la CSST confirme la décision rendue initialement le 17 juin 2003 et déclare que la travailleuse a droit à l’aide personnelle à domicile, et suivant la grille des besoins, a ainsi droit à un montant total de 282,91 $ pour la période du 9 mai 2003 au 27 juin 2003 et à un montant de 79,21 $ aux deux semaines pour la période du 28 juin 2003 au 8 mai 2004.
[7] Dans la troisième, la CSST confirme la décision rendue initialement le 23 juin 2003 et déclare que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique de 18 % ce qui lui donne droit à une indemnité pour préjudice corporel.
Dossier 232709-61-0404
[8] Le 27 avril 2004, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision de la CSST rendue le 22 avril 2004 à la suite d’une révision administrative.
[9] Par cette décision, la CSST confirme deux décisions qu’elle a initialement rendues le 23 janvier 2004. Donnant suite à l'avis du Bureau d'évaluation médicale, elle déclare que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique et des limitations fonctionnelles. Elle déclare également que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 24 novembre 2003.
Dossiers 245868-61-0410, 245869-61-0410 et 245899-61-0410
[10] Le 18 octobre 2004, la travailleuse dépose à la Commission des lésions professionnelles trois requêtes par lesquelles elle conteste trois décisions de la CSST rendues le 14 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative.
[11] Dans l’une, la CSST confirme la décision qu’elle a initialement rendue le 19 mai 2004 et déclare que la travailleuse a droit à une indemnité pour dommages corporels correspondant à une atteinte permanente à l’intégrité physique de 21,60 %.
[12] Dans une autre, la CSST confirme la décision rendue le 21 mai 2004 et déclare que la travailleuse n’a plus droit à l’aide personnelle à domicile après le 20 mai 2004.
[13] Dans la troisième, la CSST confirme la décision rendue le 20 mai 2004 et déclare que la travailleuse a droit au remboursement des frais reliés aux travaux de peinture intérieure de son domicile à tous les cinq ans et à des travaux de grand ménage une fois l’an.
[14] L’audience s’est tenue à Laval le 1er décembre 2004. Toutes les parties y sont représentées. La travailleuse s’est engagée à produire certaines notes de consultations médicales, ce qui fut finalement fait le 31 janvier 2005. L’employeur et la CSST avaient un délai d’une semaine pour produire des commentaires supplémentaires si nécessaire. N’ayant rien reçu de leurs parts, le dossier a été pris en délibéré le 8 février suivant.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[15] La travailleuse ne conteste pas les conclusions du Bureau d’évaluation médicale quant au diagnostic de la lésion du 5 mai 2000, la date de consolidation et la nécessité de traitements. Elle demande de déclarer irrégulier le second avis du Bureau d’évaluation médicale portant sur l’atteinte permanente et les limitations fonctionnelles et de reconnaître le caractère liant du rapport d’évaluation médicale du Dr Paul Décarie le 12 mai 2003. Elle demande cependant d’exclure de l’évaluation du Dr Décarie le diagnostic de fibrose et de reconnaître ce dernier diagnostic pour la récidive, rechute ou aggravation du 24 novembre 2003, dont elle réclame la reconnaissance. Elle demande également la poursuite de son droit à l’aide personnelle à domicile. Finalement quant aux frais d’entretien de son domicile, elle conteste uniquement les modalités fixées par la CSST puisque le droit lui a été reconnu.
[16] L’employeur demande de retenir un diagnostic d’entorse lombaire et de lui accorder un partage des coûts de la lésion professionnelle de l’ordre de 90 % à l’ensemble des employeurs et de 10 % à son dossier. Quant à ses autres contestations, il les maintient mais il ne soumet aucune représentation.
L’AVIS DES MEMBRES
[17] Tel que requis par l’article 429.50 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), la soussignée a recueilli l’avis des membres issus des associations à l’exception de la contestation qui relève de la division du financement. Compte tenu du grand nombre de contestations visées par la présente décision et afin de ne pas alourdir le texte, leurs avis sont rapportés pour chacun des objets de litiges sans identification du sort de chacune des contestations.
[18] Le membre issu des associations syndicales est d’avis de retenir le diagnostic de hernie discale L4-L5 gauche compte tenu de la présence de signes cliniques depuis l’événement de mai 2000. Il écarte l’opinion du Dr Renaud qui apparaît isolée. Il considère qu'il y a lieu de maintenir les conclusions du Bureau d'évaluation médicale sur l'ensemble des sujets. Il est d’avis de maintenir à la travailleuse le droit à l’aide personnelle à domicile suivant l’évaluation antérieure de 2003. Il considère finalement qu’il y a lieu de faire droit à sa demande pour les frais d’entretien du domicile mais en excluant les modalités fixées par la CSST.
[19] Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis de retenir uniquement un diagnostic d’entorse lombaire. La preuve ne démontre pas que l’événement décrit par la travailleuse soit susceptible de causer une hernie discale. De plus, la travailleuse a pu poursuivre son travail de juin à novembre 2000. En conséquence, il attribuerait uniquement une atteinte permanente à l’intégrité physique de 2 %. Compte tenu de cette conclusion, il considère que la travailleuse n’a pas droit à l’aide personnelle à domicile ni aux frais d’entretien de son domicile.
[20] Quant à la récidive, rechute ou aggravation de novembre 2003, les deux membres sont d’avis de ne pas la reconnaître en l’absence d’une preuve prépondérante de détérioration de la condition de la travailleuse.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[21] La travailleuse est présentement âgée de 44 ans. Elle occupe à compter du 3 février 2000 un poste d’animatrice auprès de personnes âgées semi-autonomes.
[22] Le vendredi 5 mai 2000, elle se sent en forme et effectue ses activités de travail habituelles : tournée des chambres, service des cabarets de repas, aide pour les repas. En après-midi, vers 13 h 30, elle organise une activité de danse avec les résidents de l’établissement.
[23] Dans sa réclamation à la CSST, elle indique qu’elle a ressenti une douleur au dos en aidant des résidents à se lever. À l’audience, elle précise qu’elle aidait un résident en particulier qui était grand et costaud. Elle l’a pris par les mains pour l’aider à se lever de sa chaise. Il s’est levé mais a perdu l’équilibre et s’est retenu après elle, sur ses épaules, afin de ne pas tomber. En le retenant, elle a fait un mouvement de flexion latérale vers la gauche. Elle ressent alors une douleur lombaire du côté gauche, une sensation de crampe ainsi qu’une douleur à la fesse gauche.
[24] Elle continue l’activité jusqu’à 14 h 00 mais elle avise une collègue qu’elle doit quitter le travail en raison de ses douleurs. Elle retourne à la maison et se repose pendant la fin de semaine qui suit.
[25] Le lundi 8 mai, elle consulte un médecin. La Dre Claire Lortie pose un diagnostic d’inflammation musculaire lombaire. Elle prescrit un arrêt de travail et une médication.
[26] À compter du 12 mai, elle est suivie et prise en charge par le Dr André Régimbald qui diagnostique une entorse lombaire et une sciatalgie gauche. Il demande un examen de tomodensitométrie de la colonne lombaire qui est effectué le 25 mai suivant. Le radiologiste observe un léger bombement discal diffus en L4-L5 et une petite hernie discale en L5-S1 à droite. Il est d’opinion qu’il n’y a pas de modification radiologique démontrée compatible avec une sciatalgie gauche.
[27] Le 12 juin 2000, la CSST refuse la réclamation de la travailleuse mais elle y fait droit, en révision administrative, dans une décision du 27 novembre 2000. Cette décision a été contestée par l’employeur à la Commission des lésions professionnelles mais il s'est désisté de sa contestation[2]. La décision est donc devenue finale. Tel que signalé à l’audience au procureur de l’employeur, l’admissibilité de la réclamation concernant l’événement du 5 mai 2000 ne peut aujourd’hui être remise en cause.
[28] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer les aspects médicaux de cette lésion professionnelle : le diagnostic, la date de consolidation, la nécessité de traitements, l’existence et l’évaluation des limitations fonctionnelles et de l’atteinte permanente à l’intégrité physique. La Commission des lésions professionnelles doit également décider de la réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation en date du 24 novembre 2003 puis du droit de la travailleuse à l’aide personnelle et à des frais d’entretien du domicile. Finalement elle disposera de la demande de l’employeur pour un partage des coûts engendrés par cette lésion.
Ø Les aspects médicaux de la lésion professionnelle du 5 mai 2000
[29] La première et la principale question dans le présent dossier est celle du diagnostic de la lésion professionnelle. L’employeur demande de retenir un diagnostic d’entorse lombaire alors que la CSST a retenu celui d’une hernie discale L4-L5 gauche à la suite de l’avis d’un Bureau d’évaluation médicale à ce sujet.
[30] À la suite du refus initial de la CSST, la travailleuse a repris son travail le 12 juin 2000 et ce, jusqu’au 21 novembre 2000, date où elle cesse de nouveau de travailler. Elle revoit le Dr Régimbald le 23 novembre suivant et il signe un certificat d’incapacité sur la base cette fois d’un diagnostic de hernie discale lombaire.
[31] Signalons que sur le plan administratif, ce nouvel arrêt de travail a été traité par la CSST comme une continuité de la lésion initiale puisque celle-ci n’avait jamais été consolidée[3].
[32] L’employeur ne remet pas en cause l’existence comme telle d’une hernie discale L4-L5. En effet, une résonance magnétique réalisée le 31 janvier 2001 démontre une petite hernie latérale gauche L4-L5 avec compression probable de la racine L4 gauche. La travailleuse a finalement dû subir une discectomie L4-L5 gauche le 7 janvier 2002. L’intervention a été faite par le Dr Marc F. Giroux, neurochirurgien. Il note au protocole opératoire la présence d’une volumineuse hernie discale rupturée qui repoussait fortement la racine et la coinçait dans son foramen.
[33] L’employeur questionne plutôt la relation entre cette hernie discale et l’événement du 5 mai 2000. Il plaide qu’il n’y a pas de manière contemporaine à l’événement de signes cliniques d’une hernie discale. Il fait valoir les résultats de la tomodensitométrie du 25 mai 2000 qui ne démontre pas de hernie discale et il invoque l’opinion du Dr Paul-Émile Renaud, chirurgien orthopédiste, qui effectue une expertise médicale le 21 octobre 2002 à la demande de l’employeur. Ce dernier écrit :
[...]
En ce qui a trait à la relation entre le fait d'avoir aidé des résidents à se lever pour aller danser le 5 mai 2000 et la discoïdectomie pour laquelle elle a subi une intervention chirurgicale ainsi que les séquelles de l'intervention en question demeure fort improbable. En effet, elle dit avoir aidé un résident à retenir son équilibre, ce qui n'est pas du tout de nature à causer une hernie discale lombaire.
Il s'agit d'une lésion de nature dégénérative, qui n'était pas du tout présente à L4 L5 sur un scan effectué le 25 mai 2000, trois semaines après la survenance de l'événement allégué.
Dans ces circonstances, je ne crois pas que l'on puisse attribuer de relation entre l'intervention chirurgicale qu'elle a subie à L4 L5 et le fait d'avoir aidé des résidents à se relever.
[...]
[34] Le Dr Renaud conclut qu’il n’a pas examiné la travailleuse à l’époque de l’événement mais qu’elle «a pu présenter des signes cliniques d’une entorse lombaire, sans plus».
[35] La Commission des lésions professionnelles estime que la preuve médicale prépondérante démontre au contraire une relation entre la hernie discale L4-L5 et l’événement du 5 mai 2000.
[36] Il est vrai que le diagnostic est posé pour la première fois six mois après l’événement, en novembre 2000, et qu’il est confirmé par la résonance magnétique de janvier 2001. Cependant des signes cliniques d’une atteinte radiculaire sont apparus de manière contemporaine à l’événement.
[37] Dès la première visite médicale du 8 mai 2000, la Dre Lortie note un engourdissement du membre inférieur gauche secondaire à un pincement radiculaire. Certes, elle rapporte une manoeuvre de Lasègue négative mais dès la consultation subséquente, le 12 mai, le Dr Régimbald rapporte une manœuvre du tripode positif à gauche de même qu’un Lasègue positif à 45° à gauche. Il juge d’ailleurs nécessaire d’obtenir une tomodensitométrie. Les notes de physiothérapie du 6 juin 2000 font état de signes neurologiques L4, L5 et S1 sans toutefois les décrire.
[38] De juin à novembre 2000, la travailleuse a pu travailler mais elle témoigne qu’elle demeurait souffrante, avec une douleur au dos, à la jambe gauche et un engourdissement à cette jambe. Il est vrai que la travailleuse n’a pas revu le Dr Régimbald pendant cette période. Elle a cependant continué à prendre des anti-inflammatoires (Vioxx), qui, suivant un relevé de la pharmacie déposé en preuve, lui ont été prescrits le 24 juillet et le 30 août 2000 par d’autres médecins. Elle n’a pas été victime pendant cette période d’autre incident pouvant expliquer ses douleurs.
[39] Elle a consulté le 23 novembre 2000 parce que la douleur était devenue intolérable et qu’elle avait de la difficulté à marcher. Ce jour-là, le Dr Régimbald ne rapporte pas d’examen physique mais il note que la travailleuse veut consulter le Dr Robert Lefrançois, neurochirurgien. Cette consultation a lieu le 7 décembre suivant. À son examen, les amplitudes articulaires sont limitées en flexion et en extension. Cependant il n’y a pas de Lasègue et il n’observe pas de signes neurologiques. C’est lui qui demande la résonance magnétique en signalant un «tableau clinique et radiologique inusité».
[40] À la suite du résultat de la résonance magnétique démontrant la présence d’une petite hernie latérale gauche L4 L5 avec compression probable de la racine L4 gauche, tant le Dr Lefrançois que le Dr Régimbald retiennent un diagnostic de hernie discale L4-L5. Des traitements de physiothérapie sont prescrits mais la condition de la travailleuse demeure douloureuse.
[41] En septembre 2001, la travailleuse consulte un autre neurochirurgien, le Dr Giroux, qui maintient ce même diagnostic. Il prescrit des blocs facettaires mais la travailleuse refuse. Il recommande alors une chirurgie qui est pratiquée en janvier 2002.
[42] Un avis est demandé au Bureau d’évaluation médicale sur le diagnostic de la lésion, la date de consolidation et la nécessité de traitements. La travailleuse est examinée le 23 janvier 2003 par le Dr Michel Fallaha, orthopédiste, qui conclut lui aussi à un diagnostic de hernie discale L4-L5, et ce, pour les raisons suivantes :
Considérant l'apparition d'un tableau de lombo-sciatalgie gauche documenté dans les jours qui ont suivi l'événement;
Considérant les trouvailles de la résonance magnétique nucléaire du rachis lombaire;
Considérant l'absence d'arthrose au niveau L4-L5 selon la résonance magnétique;
Considérant les trouvailles opératoires lors de la discoïdectomie lombaire;
Considérant la symptomatologie clinique actuelle;
Je retiens le diagnostic suivant : hernie discale lombaire L4-L5.
[43] Dans une note de mars 2001, le Dr Benoit Fleury du bureau médical de la CSST émettait lui aussi une opinion à l’effet que la hernie discale est en relation avec l’événement en notant une continuité des symptômes à gauche.
[44] Dans une expertise réalisée le 20 mai 2003, le Dr Lefrançois conclut lui aussi à une relation entre la hernie discale L4-L5 gauche et l’événement de mai 2000. Il retient que la lombosciatalgie gauche est apparue en faisant un effort au travail et que la symptomatologie a été constante depuis. Il a revu les rapports de tomodensitométrie et de résonance et il signale qu’il n’y est pas fait mention de dégénérescence discale.
[45] En résumé, il y a eu apparition d’un tableau de lombosciatalgie gauche dans les jours qui ont suivi l’événement, les médecins traitants (Drs Régimbald, Lefrançois et Giroux) ont tous posé ce diagnostic et les Drs Fallaha, Lefrançois et Fleury ont reconnu une relation avec l’événement de mai 2000.
[46] Seul le Dr Renaud est d’avis contraire. Il attribue la hernie discale à de la dégénérescence mais cette dégénérescence n’est pas démontrée aux examens radiologiques, tel que mentionné par les Drs Fallaha et Lefrançois.
[47] Quant à son affirmation à l’effet que le mécanisme accidentel n’est pas susceptible de causer une hernie discale, elle n’est pas motivée. Il n’explique pas, non plus, en quoi le mécanisme de production d’une entorse lombaire, diagnostic qu’il retient, serait différent de celui d’une hernie discale.
[48] La Commission des lésions professionnelles retient donc un diagnostic de hernie discale L4-L5. L’employeur a déposé plusieurs décisions dans lesquelles on y réitère le principe que pour poser un diagnostic de hernie discale l’imagerie doit être superposée à la clinique et concernant le délai d’apparition des signes cliniques. Or, en l’espèce, la preuve a démontré la présence de signes cliniques de manière contemporaine à l’événement et en continuité jusqu’à ce que le diagnostic de hernie discale soit posé.
[49] Quant à la date de consolidation et à la nécessité de traitements, les parties n’ont soumis aucune représentation à ce sujet. La Commission des lésions professionnelles estime qu’il y a lieu de maintenir les conclusions du membre du Bureau d’évaluation médicale à ce sujet.
[50] Il appert du dossier et du témoignage de la travailleuse que celle-ci n’a pas été améliorée par la chirurgie. Elle a reçu des traitements en physiothérapie et en ergothérapie qui ne l’ont pas aidée non plus. Seuls les exercices en piscine, pendant environ deux mois, l'ont soulagée. La notion de consolidation est ainsi définie à la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par:
« consolidation » : la guérison ou la stabilisation d'une lésion professionnelle à la suite de laquelle aucune amélioration de l'état de santé du travailleur victime de cette lésion n'est prévisible;
__________
1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.
[51] Le Dr Fallaha a consolidé la lésion au jour de son examen, soit le 23 janvier 2003, considérant que le traitement conservateur était plus que suffisant suite à la chirurgie et que l’état de la travailleuse était stable depuis plusieurs mois. Le 11 février 2003, le médecin qui a charge de la travailleuse, le Dr Régimbald, se disait en accord avec les conclusions du Bureau d’évaluation médicale en ajoutant seulement la possibilité de permettre à la travailleuse de poursuivre ses cours de natation et activités aquatiques qui lui font du bien.
[52] Le Dr Lefrançois est le seul à ne pas considérer la lésion consolidée dans son expertise du 20 mai 2003. Il signale que la travailleuse attend un rendez-vous en clinique de la douleur. Or la travailleuse a été évaluée en août 2003 par l’équipe multidisciplinaire de l’Hôpital juif de réadaptation qui ne l’a pas admise au programme compte tenu de l’attitude de celle-ci face à la douleur. Le Dr Lefrançois ajoute que la travailleuse n’a pas épuisé toutes les possibilités de traitements mais il n’en suggère aucune autre.
[53] Signalons que la travailleuse présente également des difficultés psychologiques. Elle a soumis une réclamation à la CSST à ce sujet pour laquelle une contestation est actuellement pendante mais dont la Commission des lésions professionnelles n’est pas ici saisie.
[54] Plus d’un an après l’intervention chirurgicale, la lésion de la travailleuse est stabilisée sans amélioration prévisible. La preuve prépondérante démontre donc que la lésion était consolidée en date du 23 janvier 2003, sans nécessité de traitements après cette date.
[55] Ceci nous amène à la question des limitations fonctionnelles et de l’atteinte permanente découlant de cette lésion professionnelle.
[56] Le 4 mars 2003, le Dr Régimbald signe un rapport final en indiquant qu’il y a atteinte permanente et limitations fonctionnelles. Il dirige la travailleuse à un autre médecin pour le rapport d’évaluation médicale. Ce rapport est rédigé par le Dr Paul Décarie, orthopédiste, le 25 mars 2003. Il émet des limitations fonctionnelles et évalue les séquelles permanentes à 15 %. Son rapport est soumis au Bureau d’évaluation médicale avec celui du Dr Renaud du 21 octobre 2002.
[57] Le 13 janvier 2004, la travailleuse est examinée par le Dr Mahmoud Djan-Chékar, orthopédiste, agissant pour le Bureau d’évaluation médicale. Il émet des limitations fonctionnelles et il évalue les séquelles à 18 % dans un avis complémentaire du 9 février suivant.
[58] La procureure de la travailleuse soumet d’abord que cette seconde demande d’un avis au Bureau d’évaluation médicale est irrégulière et, qu’en conséquence, le Tribunal est lié par l’évaluation du Dr Décarie. Elle fait valoir que le Dr Renaud ne s’est pas prononcé sur l’atteinte permanente. Elle fait également valoir que la contestation de l’employeur au Bureau d’évaluation médicale a été déposée en dehors du délai de 30 jours prévu à l’article 212.1 de la loi :
212.1. Si le rapport du professionnel de la santé obtenu en vertu de l'article 212 infirme les conclusions du médecin qui a charge du travailleur quant à l'un ou plusieurs des sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de cet article, ce dernier peut, dans les 30 jours de la date de la réception de ce rapport, fournir à la Commission, sur le formulaire qu'elle prescrit, un rapport complémentaire en vue d'étayer ses conclusions et, le cas échéant, y joindre un rapport de consultation motivé. Le médecin qui a charge du travailleur informe celui-ci, sans délai, du contenu de son rapport.
La Commission soumet ces rapports, incluant, le cas échéant, le rapport complémentaire au Bureau d'évaluation médicale prévu à l'article 216.
__________
1997, c. 27, a. 5.
[59] La Commission des lésions professionnelles ne peut faire droit à cet argument. D’abord au niveau des délais, il appert du dossier que l’employeur n’avait pas reçu le rapport d’évaluation médicale du Dr Décarie. L’agente de la CSST le note et transmet le rapport en question en date du 25 juin 2003. Le lendemain, l’employeur écrit à la CSST pour contester la décision du 23 juin 2003 qui donnait suite à l’évaluation du Dr Décarie sur une atteinte permanente de 18 % (déficit anatomo-physiologique de 15 % plus 3 % pour douleurs et perte de jouissance de la vie) et il précise également qu’il enclenche la procédure d’évaluation médicale. Il obtient un autre rapport médical du Dr Renaud daté du 14 octobre 2003. Celui-ci indique, sans revoir la travailleuse, qu’il ne subsiste aucune atteinte permanente ni limitations fonctionnelles considérant qu’à son avis la discoïdectomie de janvier 2002 n’est pas reliée à l’événement de mai 2000.
[60] La Commission des lésions professionnelles estime que la demande de l’employeur a été faite dans le délai de 30 jours. L’employeur a reçu le rapport d’évaluation médicale du Dr Décarie le 25 juin et dès le lendemain, il indique dans sa lettre de contestation qu’il enclenche la procédure d’évaluation médicale. Il a obtenu un autre rapport du Dr Renaud du 14 octobre 2003 qui effectivement n'est pas dans les 30 jours de celui du Dr Décarie. Cependant l’employeur avait en main un rapport précédent, celui d’octobre 2002, dans lequel le Dr Renaud s’était déjà prononcé sur les questions contestées. C'est d'ailleurs le rapport d'octobre 2002 que la CSST transmet au Bureau d'évaluation médicale. Dans ce rapport, on peut lire ce qui suit :
4) Atteinte permanente : à déterminer après la consolidation. Je ne crois pas qu’il en existe relié à l’événement du 5 mai 2000.
5) Limitations fonctionnelles : Elle est définitivement apte à effectuer des travaux légers actuellement, durant une période de trois semaines, avant de reprendre son travail régulier.
[61] Dans son rapport d’octobre 2003, après avoir pris connaissance du dossier mis à jour, le Dr Renaud vient confirmer l’opinion déjà émise l’année précédente.
[62] Même si elle concluait à une demande hors délai, la Commission des lésions professionnelles relèverait l’employeur de son défaut en vertu de l’article 352 de la loi car, dans ces circonstances, il a démontré clairement une intention de contester.
[63] Les parties n’ont pas soumis de commentaires sur le bien-fondé de l’évaluation des limitations fonctionnelles et des séquelles à l’exception du pourcentage accordé pour la fibrose sur lequel nous reviendrons. Le Dr Renaud n’en attribue pas mais son opinion repose sur le refus de reconnaître la hernie discale L4-L5 gauche, ce que la Commission des lésions professionnelles a accepté pour les motifs énoncés ci-haut. De toute façon, la preuve prépondérante est nettement en faveur de la reconnaissance de limitations fonctionnelles et d’une atteinte permanente. En effet, les examens des Drs Décarie et Djan-Chékar sont assez semblables.
[64] Les limitations fonctionnelles qu’ils retiennent sont comparables à l’exception de la manipulation de charges que le Dr Décarie limite à 10 livres alors que le Dr Djan-Chékar la restreint à 10 kilos. La Commission des lésions professionnelles retient les limitations telles que libellées par le Dr Djan-Chékar soit :
Éviter d'accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
- soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 10 kg ;
- travailler en position accroupie ;
- ramper, grimper :
- effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude ;
- monter fréquemment plusieurs escaliers ;
- marcher en terrain accidenté ou glissant ;
- subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale ;
- garder la même posture (debout ou assise) de plus de 60 minutes à la fois.
[65] Quant à l’évaluation des séquelles, ils attribuent tous deux les mêmes pourcentages pour la discoïdectomie avec séquelles fonctionnelles objectivées, pour une fibrose périneurale L5 gauche, pour une atteinte motrice et pour une atteinte sensitive. Les seules différences se situent au niveau des ankyloses plus précisément pour l’extension que le Dr Décarie a évaluée comme étant normale alors que le Dr Djan-Chékar a mesuré une perte de 10°. Cette seule variation n’apparaît pas significative. Tous deux mesurent une perte de 10° en flexion latérale droite et une perte de 30° en flexion antérieure. Cependant le Dr Décarie a utilisé pour la perte de flexion le mauvais code du Règlement sur le barème des dommages corporels[4]puisque l’article 2 des règles particulières du chapitre sur le système musculo-squelettique prévoit que lorsqu’une ankylose se situe entre deux mesures, on se réfère à la mesure voisine correspondant au déficit anatomo-physiologique (DAP) le plus élevé. Dans le présent cas, une perte de 30°(se situant entre 20 et 40) donne droit à un DAP de 5 % tel qu’établi par le Dr Djan-Chékar et non de 3 % tel qu’établi par le Dr Décarie.
[66] La Commission des lésions professionnelles établit donc les séquelles à 18 % pour les éléments suivants tels qu’évalués par le Dr Djan-Chékar :
SÉQUELLES ACTUELLES :
Code Description Dap%
204 219 Discoïdectomie L4-L5 gauche avec séquelles
fonctionnelles 3 %
204 585 Fibrose périneurale L5 gauche 2 %
Ankylose incomplète
207 591 Flexion antérieure 60° retenus 5 %
207 644 Extension 20° retenus 1 %
207 680 Flexion latérale droite 20° retenus 1 %
111 729 Déficit moteur classe II L5 gauche 5 %
112 425 Déficit sensitif classe II L5 gauche 1 %
[67] Au DAP de 18 % s’ajoute 3,6 % pour les douleurs et perte de jouissance de la vie, ce qui représente une atteinte permanente à l’intégrité physique de 21, 6 %.
[68] Sur le plan administratif, tel que signalé plus haut, la CSST avait rendu une décision le 23 juin 2003 donnant suite au rapport d’évaluation médicale du Dr Décarie et accordant une atteinte permanente à la travailleuse de 18 %. L’employeur a demandé la révision de cette décision qui a été confirmée par la révision administrative. Or cette contestation est devenue sans objet puisque la décision du 23 juin 2003 est devenue sans effet (dossier 217803-61-0310). La procédure d’évaluation médicale ayant été par la suite enclenchée, la décision du 23 janvier 2004 donnant suite à l’avis du Bureau d’évaluation médicale portant sur cette même question remplace celle du 23 juin 2003.
[69] L’ensemble des conclusions émises par le Bureau d’évaluation médicale étant maintenues par la Commission des lésions professionnelles, de même que la relation entre le diagnostic de hernie discale et l’événement, les contestations de la travailleuse et de l’employeur concernant ces questions sont rejetées (dossiers 206523-61-0304, 207896-61-0305 et 245868-61-0410).
[70] Avant d'aborder les autres litiges, quelques mots s'imposent sur la crédibilité de la travailleuse. L'employeur a tenté de la mettre en doute en soulignant divers aspects de la preuve : ses motivations pour retourner au travail en juin 2000 puisqu'elle était dans le passé bénéficiaire d'aide sociale; la description du fait accidentel qui est devenue plus précise avec le temps et le fait qu'initialement elle décrit uniquement un simple malaise.
[71] La Commission des lésions professionnelles estime le témoignage de la travailleuse crédible. La travailleuse n'est pas précise dans son témoignage et elle a souvent de la difficulté à se situer dans le temps. La soussignée considère cependant que cela relève davantage d'une difficulté à s'exprimer et ne remet pas en cause sa crédibilité. Dans une évaluation psychologique versée au dossier (rapport de Mme Lévy, psychologue, en septembre 2003), il est d'ailleurs mentionné que la travailleuse a de faibles capacités à développer et échanger des concepts. On note un manque de stimulation des fonctions verbales et une faible scolarité.
[72] Rien dans les éléments soulevés par l'employeur n'apparaît réellement affecter la crédibilité de la travailleuse. Sa description du fait accidentel s'est précisée lorsque questionnée à ce sujet mais il n'y a pas de contradictions. Quant au «simple malaise», la travailleuse a écrit que le jour de l'accident elle a cru qu'il en était ainsi mais elle est allée consulter le 8 mai parce que la douleur était trop intense. Par ailleurs, le fait qu'elle est retournée travailler lorsque la CSST a refusé sa réclamation peut difficilement lui être reproché, surtout pas, du simple fait qu'elle a déjà été prestataire de l'aide sociale. Cela frise le préjugé.
[73] Au surplus, rappelons que l'admissibilité de la lésion n'est pas remise en cause. Les éléments soulevés par l'employeur sont peu pertinents par rapport aux questions en litige.
Ø La récidive, rechute ou aggravation du 24 novembre 2003
[74] Le 15 décembre 2003, la travailleuse soumet une réclamation à la CSST et allègue une récidive, rechute ou aggravation en date du 24 novembre 2003. Sa réclamation est accompagnée d’un rapport médical du Dr Régimbald qui pose un diagnostic de fibrose périneurale et qui indique «douleur récidivante». Il suggère de reprendre la physiothérapie et la piscine.
[75] La loi inclut la notion de récidive, rechute ou aggravation dans celle de lésion professionnelle sans pour autant en définir les termes. L’article 2 prévoit :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n’indique un sens différent, on entend par :
[…]
« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation ;
________
1985, c. 6, a. 2.
[76] La jurisprudence a établi que les notions de récidive, rechute ou aggravation signifient, dans leur sens courant, une reprise évolutive, une réapparition ou recrudescence d’une lésion ou de ses symptômes. Les critères généralement reconnus pour déterminer la relation entre la lésion initiale et une récidive, rechute ou aggravation sont la similitude ou la compatibilité du site des lésions et des diagnostics, la continuité de la symptomatologie, le suivi médical, la gravité de la lésion initiale, la présence ou l’absence d’atteinte permanente et de limitations fonctionnelles à la suite de celle-ci ainsi que le délai entre la lésion initiale et la récidive, rechute ou aggravation[5]. Comme l’a précisé la Commission d’appel dans l’affaire Boisvert et Halco inc.[6] aucun de ces facteurs n'est à lui seul décisif mais, pris ensemble, ils peuvent permettre de se prononcer sur le bien-fondé d’une réclamation pour récidive, rechute ou aggravation.
[77] Il appartient à la travailleuse d'établir, par une preuve prépondérante, la relation entre la pathologie présentée lors de la rechute, récidive ou aggravation et la lésion professionnelle initiale.
[78] Or le Tribunal estime que la travailleuse ne lui a pas fait cette preuve.
[79] En premier lieu, le Tribunal ne peut accepter cette rechute par la reconnaissance en soi du diagnostic de fibrose. Ce diagnostic est au dossier depuis déjà plusieurs mois. Deux mois après la discectomie, le Dr Giroux, devant le fait que la travailleuse se plaint toujours d’une sciatalgie gauche, demande une résonance magnétique postopératoire. Elle est effectuée le 15 mars 2002. Le radiologiste est d’opinion qu’il n’y a pas de signe de hernie discale résiduelle ou récidivante. Il observe cependant un rehaussement de tissu cicatriciel au pourtour de la racine L5 gauche.
[80] C’est en référant à cette résonance magnétique que le Dr Décarie accorde à la travailleuse 2 % à titre de séquelles pour fibrose périneurale. Le Dr Djan-Chékar fait de même.
[81] Cette condition de fibrose a donc déjà été diagnostiquée et indemnisée comme séquelle de la discectomie. La Commission des lésions professionnelles ne peut donc, tel que soumis par la procureure de la travailleuse, exclure ce diagnostic de la lésion initiale pour le considérer comme constituant une récidive, rechute ou aggravation.
[82] Il faut plutôt, en second lieu, examiner la preuve de l’évolution de la condition de la travailleuse. Or, à cet égard, la preuve prépondérante ne démontre pas une détérioration de la condition de la travailleuse ou une récidive de ses douleurs. On est ici face à un tableau de douleurs persistantes qui se sont chronicisées.
[83] Le tableau clinique présenté par la travailleuse demeure stable depuis sa consolidation. En janvier 2003, lors de l'examen du Dr Fallaha, la travailleuse se plaint de lombalgie sous forme de brûlure irradiant vers la fesse, la cuisse gauche et le pied gauche de même qu'un engourdissement du premier orteil gauche. En mars 2003, le Dr Décarie mentionne qu’il y a peu d’amélioration depuis l’opération et que son état s’est même aggravé. Il y a persistance de douleurs à la région lombaire avec irradiation des douleurs au niveau de la fesse gauche jusqu’au niveau du gros orteil du pied gauche. Le 13 janvier 2004, le Dr Djan-Chékar rapporte la persistance d’une douleur constante, partant de la région lombaire gauche, s’étendant à la fesse gauche, au membre inférieur gauche jusqu’au gros orteil.
[84] Donc entre janvier 2003 et janvier 2004, la condition de la travailleuse apparaît stable, et ce, tant dans les plaintes subjectives de la travailleuse qu’au niveau des examens physiques. Les examens des Drs Décarie et Djan-Chékar sont, tel que signalé plus haut, assez semblables.
[85] C’est aussi ce que constatait le Dr Réal Lemieux du bureau médical de la CSST le 22 janvier 2004 en analysant le dossier. Il notait qu’il n’y avait pas d’aggravation dans l’examen objectif.
[86] Interrogée sur les raisons qui l’ont amenée à consulter en novembre 2003, elle indique que la douleur est de pire en pire mais elle ne peut préciser en quoi. Elle ne se souvient pas qu’il se soit passé quelque chose à cette époque. Le Tribunal a demandé la production des notes cliniques du Dr Régimbald pour la consultation du 24 novembre 2003. Il n’y a aucun examen clinique rapporté. Le médecin indique qu’elle le voit à la demande de sa procureure pour un rapport de récidive pour fibrose.
[87] Il n’y a pas de preuve d’un changement de la condition de la travailleuse, tant sur le plan clinique que sur le plan subjectif. La Commission des lésions professionnelles conclut donc que la travailleuse n’a pas subi de récidive, rechute ou aggravation le 24 novembre 2003.
Ø L’aide personnelle à domicile
[88] Le 17 juin 2003, la travailleuse s’est vu reconnaître le droit à l’aide personnelle à domicile pour la période du 9 mai 2003 au 8 mai 2004. Cette aide est prévue à l’article 158 de la loi qui se lit ainsi :
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
__________
1985, c. 6, a. 158.
[89] La loi prévoit, à l’article 161, une réévaluation périodique des besoins :
161. Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.
__________
1985, c. 6, a. 161.
[90] Le 21 mai 2004, après réévaluation des besoins, la CSST décide que la travailleuse n’a plus droit à cette aide.
[91] L’évaluation comme la réévaluation se fait suivant les normes prévues au Règlement sur les normes et barèmes de l'aide personnelle à domicile[7], (ci-après le règlement) et en remplissant la grille d’évaluation prévue au règlement. La «Grille d'évaluation des besoins d'aide personnelle à domicile» décrit une série de besoins d’assistance pour seize activités. Chacune est évaluée selon trois cotes : la cote «A» signifie un besoin d'assistance complète pour réaliser l'activité en question, la cote «B » signifie un besoin d'assistance partielle et «C» équivaut à aucun besoin d'assistance. À chaque cote, correspond un certain nombre de points pour un maximum de 48 points au total. Le pointage total obtenu correspond à un pourcentage du montant maximum mensuel d'aide prévu à la loi et revalorisé annuellement.
[92] L’évaluation initiale est réalisée le 8 mai 2003. L’agente de réadaptation évalue que la travailleuse n’a aucun besoin d’assistance pour les activités suivantes : le lever, le coucher, l’hygiène corporelle, l’habillage, le déshabillage, les soins vésicaux, les soins intestinaux, l’alimentation, l’utilisation des commodités du domicile, la préparation du déjeuner et celle du dîner.
[93] Cependant pour les autres activités prévues à la grille, elle évalue que la travailleuse a les besoins suivants :
- Préparation du souper : besoin d’assistance partielle (2)
- Ménage léger : besoin d’assistance complète (1)
- Ménage lourd : besoin d’assistance complète (1)
- Lavage du linge : besoin d’assistance partielle (0.5)
- Approvisionnement : besoin d’assistance partielle (1.5)
[94] Ces besoins représentent un total de 6 points sur un maximum de 48, ce qui donne droit à la travailleuse à un montant d’aide mensuelle de 172,00 $. Certaines aides techniques sont aussi accordées à la travailleuse, par exemple, un banc de bain avec dossier, une poignée de bain, une pince à long manche, etc.
[95] La réévaluation des besoins a lieu un an plus tard, soit le 20 mai 2004 et elle est effectuée par un autre agent. Son évaluation diffère de celle de 2003 pour deux activités. Il estime que la travailleuse n’a plus besoin d’assistance pour la préparation du souper et uniquement d’une assistance partielle pour le ménage léger. Cela donne un total de 3,5 points.
[96] Cependant l’agent conclut que la travailleuse ne rencontre plus les 1er et 3e critères de l’article 158 de la loi après avoir noté que son conjoint participe beaucoup à la vie domestique et avoir écrit ceci :
Depuis l'opération, l'autonomie de madame s'est grandement améliorée. Elle n'a plus besoin d'aide technique pour se déplacer comme la canne ou la marchette. Elle utilise sa pince à long manche pour ramasser des objets trop bas ou trop haut. Elle est autonome pour son hygiène personnelle. Elle participe à la préparation des repas mais évite de demeurer debout près du comptoir ou du poêle trop longtemps. Elle prépare les légumes assis à la table. Elle se fait aider pour sortir le linge de la laveuse et de la sécheuse. Elle a une femme de ménage 1/2 journée par semaine pour les travaux lourds comme laver le plancher, les murs, les fenêtres, les appareils électriques et la salle de bain. Elle fait ses commissions comme acheter son linge mais elle doit se limiter en y allant sur semaine, le matin et ne magasiner jamais plus 11/2 hres à la fois. Elle me déclare qu'elle réussirait à se débrouiller si elle n'avait pas de conjoint et qu'elle demeurerait seule.
[...] [sic]
[97] À l’audience, la travailleuse prétend qu’elle a un besoin d’assistance partielle pour son hygiène corporelle, pour la préparation du déjeuner, du dîner et du souper, pour le ménage léger et pour l’approvisionnement. Elle reconnaît qu’elle fait le lavage elle-même. Elle a également un besoin d’assistance complète pour le ménage lourd. Suivant sa prétention, cela représente en vertu du tableau prévu au règlement un total de 10,5 points.
[98] Après avoir entendu le témoignage de la travailleuse sur chacune des activités, la Commission des lésions professionnelles estime qu’il y a lieu d’accueillir en partie sa demande et de maintenir l’aide personnelle à domicile à compter de mai 2004.
[99] Signalons que la décision du 17 juin 2003 a été contestée par l’employeur (dossier 217802-61-0310). Il n’a cependant soumis aucune représentation à ce sujet. L’évaluation effectuée à ce moment n'est pas contestée par la travailleuse et elle est donc maintenue.
[100] De manière générale, le Tribunal retient que, contrairement à ce qu’affirme l’agent au moment de la réévaluation, il n’y a pas d’amélioration de la condition de la travailleuse de mai 2003 à mai 2004. L’évaluation de mai 2003 a lieu plus d’un an après l’intervention chirurgicale et la lésion est consolidée depuis janvier 2003. Tel qu'indiqué plus haut, son état apparaît stable.
[101] Contrairement aux prétentions de la travailleuse, sa condition ne s’est pas non plus détériorée de mai 2003 à mai 2004. Elle témoigne que sa douleur est pire mais ne décrit pas de difficultés supplémentaires dans l’accomplissement des tâches prévues au règlement. Elle reconnaît même que c’est à peu près la même chose.
[102] Il appert du témoignage de la travailleuse qu'elle a toujours besoin d'assistance partielle pour le ménage léger et complète pour le ménage lourd. Elle a beaucoup de difficultés à se pencher. Elle peut passer le balai mais arrive difficilement à se pencher pour ramasser les saletés. Elle ne peut pas passer la balayeuse. L'agent signale qu'elle a une femme de ménage mais la travailleuse explique qu'elle a mis fin à ses services depuis qu'on lui a coupé l'aide personnelle à domicile.
[103] Elle a toujours besoin d'une assistance partielle pour le souper. Elle peut faire certaines activités, comme la coupe de légumes, mais a encore besoin d'aide, pour d'autres. Elle ne peut pas sortir un chaudron du four ou se rendre à l'étage inférieur du lave-vaisselle. Cependant, pour le déjeuner et le dîner, la Commission des lésions professionnelles considère qu'elle est capable de se préparer des repas légers, et c'est ce qu'affirme la travailleuse.
[104] Pour l'approvisionnement, elle a également besoin d'assistance partielle car elle peut manipuler uniquement des sacs légers.
[105] En ce qui a trait à son hygiène personnelle, elle reconnaît qu'avec les aides techniques qui lui ont été fournies, elle est en mesure de se laver seule. Cependant elle ne peut pas se raser ni voir à l'entretien des ongles de pied. Or, l'activité relative à l'hygiène personnelle est décrite au règlement comme comprenant les soins de base tels que se raser ou se maquiller. La travailleuse a donc un besoin d'assistance partielle.
[106] Suivant le tableau d'évaluation, ces besoins correspondent à un total de 7.5 points soit :
- Hygiène corporelle : besoin d'assistance partielle (2.5)
- Préparation du souper : besoin d’assistance partielle (2)
- Ménage léger : besoin d’assistance partielle (0.5)
- Ménage lourd : besoin d’assistance complète (1)
- Approvisionnement : besoin d’assistance complète (1.5)
[107] Cette analyse démontre que la travailleuse est encore incapable de prendre soin d'elle-même et d'effectuer les tâches domestiques qu'elle effectuerait normalement. Elle a besoin d'aide pour son maintien à domicile. Les critères de l'article 158 de la loi sont donc rencontrés.
[108] La travailleuse a donc droit à des frais d'aide personnelle à domicile correspondant à un total de 7.5 points suivant la grille d'évaluation prévue au règlement.
Ø Les frais d’entretien du domicile
[109] L’article 165 de la loi accorde aussi le droit à une aide financière pour des travaux d’entretien courant du domicile :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
__________
1985, c. 6, a. 165.
[110] Le 20 mai 2004, la CSST reconnaît à la travailleuse ce droit et, plus particulièrement, elle la déclare admissible au remboursement des coûts de main-d’œuvre pour la peinture intérieure de son logement, aux cinq ans, ainsi qu’au grand ménage de son logement une fois l’an. La décision précise ce qui est inclus et ce qui est exclu du grand ménage annuel.
[111] Ce que la travailleuse conteste, ce sont les modalités qui sont fixées dans cette décision. Elle fait valoir que l’article 165 ne limite pas la fréquence des travaux et que les autres modalités fixées sont irréalistes et ont un effet limitatif sur son droit. On peut lire ce qui suit dans la décision :
[...]
Vous serez responsable vous-même de l'exécution des travaux ainsi que des paiements de ceux-ci à vos fournisseurs. Pour tous travaux dépassant la somme de 300$, vous devez nous soumettre 2 soumissions lors de votre première demande. Celles-ci doivent identifier clairement la nature et l'importance des travaux (dimension des pièces, la nature des travaux exécutés, le nombre d'heures de travail nécessaire et le tarif horaire des soumissionnaires) ainsi que les individus ou les entreprises qui offriront leurs services. Pour les travaux de moins de 300$, une seule soumission suffit. Pour le renouvellement des travaux que nous vous avons déjà accordés, une seule soumission suffira et le prix demandé ne devra pas dépasser 5% de celui de l'année précédente. Vos demandes de remboursement devront être accompagnées de factures ou des reçus originaux détaillant bien les services rendus et indiquant les numéros de TPS et de TVQ de vos fournisseurs. Si ceux-ci n'ont pas de numéros de TPS et de TVQ, vous devrez nous fournir leurs noms, leurs adresses et leurs numéros de téléphone.
[112] La travailleuse fait valoir la décision toute récente rendue dans l’affaire Bastien et CHSLD Plateau Mont-Royal[8]dans laquelle se posait une question similaire au présent dossier. La Commission des lésions professionnelles conclut ainsi :
[22] La Commission des lésions professionnelles constate que les dispositions de l’article 165 de la loi, contrairement à ce qui est prévu aux articles 154 et 155 de la loi, n’obligent nullement le travailleur à fournir deux soumissions pour des travaux d’entretien courant du domicile. La CSST ne pouvait donc pas exiger du travailleur de telles soumissions, sans ajouter au texte de la loi. La soussignée souscrit ainsi à l’opinion exprimée par la commissaire Blanchard dans une décision rendue sur le même objet, à l’effet que les soumissions demandées par la CSST ne sont pas nécessaires en vertu de l’article 165 de la loi, aux fins du remboursement de montants pour l’entretien courant du domicile.
[23] La seule obligation du travailleur est de fournir la preuve que les travaux engagés représentent effectivement des travaux d’entretien courant du domicile et que des sommes ont effectivement été déboursées pour de tels travaux.
[24] La Commission des lésions professionnelles note que dans sa décision, la CSST semble limiter ces travaux à un seul grand ménage par année. Or, rien dans la loi ne vient limiter la fréquence des travaux exécutés. La seule limite étant le montant annuel de remboursement et le type de travaux.
[25] En l’espèce, le travailleur a démontré que les travaux exécutés visaient à faire un grand ménage de son appartement. Ce type de travaux correspond à la définition retenue par la Commission des lésions professionnelles pour des travaux courants d’entretien.
[26] De plus, il a démontré avoir déboursé la somme de 1 070,00 $ pour faire faire ces travaux. Rien dans les dispositions de la loi ne prévoit que les travaux doivent être exécutés par une entreprise donnée, approuvée par la CSST. S’il apparaît souhaitable qu’une entreprise sérieuse soit encouragée à faire de tels travaux et que la CSST encourage les travailleurs à faire affaire avec de telles entreprises, il est également souhaitable que la CSST n’intervienne pas directement auprès d’une telle entreprise lorsque le travailleur choisit justement d’en retenir les services, afin de faire modifier, à la baisse, les conditions négociées par le travailleur. Il n’appartient pas à la CSST d’intervenir dans les modalités et l’horaire choisis par le travailleur pour l’exécution de tels travaux. C’est du moins la lecture que fait la soussignée des conditions imposées par le législateur pour qu’un travailleur puisse obtenir un remboursement en vertu de cet article 165 de la loi.
[27] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que le travailleur a rempli les conditions exigées par l’article 165 de la loi et qu’il a droit, par conséquent au remboursement du montant engagé de 1 070,00 $, plutôt que le montant de 1 500,00 $ qu’il réclamait à l’origine.
[113] La soussignée partage cette approche. Les nombreuses conditions fixées par la CSST viennent ajouter au texte de loi.
[114] Le procureur de la CSST plaide qu'il s'agit de modalités qui visent à encadrer les demandes mais qui ne privent la travailleuse de son droit de soumettre des demandes qui seront évaluées au mérite. Or, la Commission des lésions professionnelles considère qu'il s'agit plus que de modalités et qu'on limite ainsi le droit de soumettre une demande. D'ailleurs il est intéressant de noter que même le libellé de la décision du 20 mai 2004 présente ces «modalités» comme des critères. Après avoir énoncé que la travailleuse satisfait aux critères de l'article 165, l'agent écrit : «Vous êtes donc admissible aux remboursements de certains de ces travaux selon les critères qui vous seront décrits dans les paragraphes qui suivent».
[115] Comme le signale la Commission des lésions professionnelles dans l'affaire Bastien, les exigences relatives aux soumissions ne sont pas prévues à la loi ni la limite concernant la fréquence. On peut facilement imaginer des circonstances qui peuvent entraîner un besoin de travaux de peinture avant un délai de 5 ans. Refuserait-on les travaux de grand ménage si les coûts excédaient de plus de 5 % ceux de l'année précédente ? Ces hypothèses permettent d'illustrer qu'on ajoute ainsi des critères non prévus à la loi.
[116] La Commission des lésions professionnelles fait donc droit à la demande de la travailleuse. Elle maintient évidemment son droit au remboursement des frais reliés aux travaux de peinture intérieure et aux travaux de grand ménage mais, en excluant, les critères ajoutés par la CSST. Son droit se limite au maximum annuel prévu par la loi.
Ø L’imputation des coûts
[117] Le 7 novembre 2002, l’employeur soumet à la CSST une demande de partage des coûts en vertu de l’article 329 de la loi qui prévoit :
329. Dans le cas d'un travailleur déjà handicapé lorsque se manifeste sa lésion professionnelle, la Commission peut, de sa propre initiative ou à la demande d'un employeur, imputer tout ou partie du coût des prestations aux employeurs de toutes les unités.
L'employeur qui présente une demande en vertu du premier alinéa doit le faire au moyen d'un écrit contenant un exposé des motifs à son soutien avant l'expiration de la troisième année qui suit l'année de la lésion professionnelle.
__________
1985, c. 6, a. 329; 1996, c. 70, a. 35.
[118] La loi ne définit pas la notion de «travailleur déjà handicapé». Après des débats sur la portée de cette expression, la Commission des lésions professionnelles a maintenant une jurisprudence bien établie. Selon cette jurisprudence[9], un travailleur déjà handicapé au sens de l'article 329 de la loi est celui qui présente une déficience physique ou psychique qui a entraîné des effets sur la production de la lésion professionnelle ou sur les conséquences de cette lésion.
[119] L’employeur doit, dans un premier temps, établir par une preuve prépondérante que le travailleur est porteur d’une déficience avant que se manifeste sa lésion. Cette déficience a été définie comme «une perte de substance ou une altération d'une structure ou d'une fonction psychologique, physiologique ou anatomique et correspond à une déviation par rapport à une norme bio-médicale». Cette déficience peut être congénitale ou acquise. Elle peut exister à l'état latent, sans qu'elle se soit manifestée avant la survenance de la lésion professionnelle.
[120] Si l’on conclut à l’existence d’une déficience, l’employeur doit également démontrer que cette déficience a une incidence sur la production de la lésion professionnelle ou sur ses conséquences. C’est la seconde étape.
[121] Dans le présent dossier, la travailleuse était âgée de 39 ans au moment de l’accident. L’employeur allègue que la travailleuse était déjà handicapée par une condition personnelle de dégénérescence discale. Il s’appuie sur l’opinion rédigée le 21 octobre 2002 par le Dr Renaud qui est d’avis que la travailleuse «présente des lésions de dégénérescence discale surtout à L4-L5, et en a aussi à L5 S1 tel que décrit aux rapports de scan et de résonance magnétique». Il émet également l’opinion qu’elle dévie de la norme biomédicale d’une autre personne du même âge dont la colonne s’avère normale.
[122] Or, la Commission des lésions professionnelles estime que la prétention du Dr Renaud n’est pas démontrée par la preuve.
[123] Les examens radiologiques au dossier ne démontrent pas la dégénérescence alléguée. En L4-L5, le niveau auquel la travailleuse s’est blessée, la tomodensitométrie fait uniquement mention d’un discret bombement discal diffus. S'il s'agit là d'un signe de dégénérescence, la preuve n'a certes pas été faite que celle-ci est anormale, «hors norme», pour l'âge de la travailleuse. À la résonance, on ne note rien d’autre que la hernie discale pour laquelle la travailleuse sera opérée. En L5-S1, la résonance fait état d’une légère arthrose facettaire bilatérale.
[124] De plus, le Dr Fallaha lors du premier avis du Bureau d’évaluation médicale est d’avis qu’il y a «absence d’arthrose au niveau L4-L5 selon la résonance magnétique». De même, le Dr Lefrançois a opiné, après avoir revu les rapports de ces deux examens, qu’il n’est pas fait mention de dégénérescence discale.
[125] Le protocole opératoire ne démontre pas davantage de phénomène dégénératif. La seconde résonance magnétique de mars 2002 n’est pas pertinente puisque faite après l’intervention chirurgicale et reflétant les effets de celle-ci.
[126] L'employeur a soumis que la travailleuse avait des antécédents. La seule preuve à ce sujet est le témoignage de la travailleuse. Elle déclare avoir eu deux ou trois épisodes d'entorse lombaire sans séquelles. Cela n'apparaît pas suffisant pour conclure à une déficience.
[127] La preuve prépondérante ne démontre donc pas que la travailleuse était porteuse d’une déficience. Dans ces circonstances, on ne peut pas présumer du seul fait que la période de consolidation est longue (deux ans et demi) que cela témoigne de la présence d’une déficience. La déficience doit être démontrée.
[128] L’employeur a déposé plusieurs décisions où il y a eu partage de coûts accordé en vertu de l’article 329 de la loi. Les principes en cette matière sont bien établis. Toutefois reste à faire la preuve requise. L’employeur a le fardeau de faire la preuve de la déficience alléguée, ce qui a été fait dans plusieurs des décisions déposées mais non pas dans le présent dossier.
[129] La requête de l’employeur dans le dossier 217801-61-0310 est donc rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossiers 206523-61-0304 et 207896-61-0305
REJETTE la requête de madame Louise Lemieux, la travailleuse;
REJETTE la requête du programme «Projets de préparation à l’emploi» du Ministère de l’emploi et de la solidarité sociale, l’employeur;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 avril 2003 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le diagnostic de la lésion professionnelle subie par la travailleuse le 5 mai 2000 est une hernie discale L4-L5 gauche;
DÉCLARE que la lésion professionnelle est consolidée le 23 janvier 2003, sans nécessité de traitements après cette date.
Dossiers 217801-61-0310
REJETTE la requête de l’employeur;
CONFIRME la décision de la CSST rendue le 6 octobre 2003 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que 100 % des coûts de la lésion professionnelle doit être imputé au dossier de l’employeur.
Dossier 217802-61-0310
REJETTE la requête de l’employeur;
CONFIRME la décision de la CSST rendue le 6 octobre 2003 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit à l’aide personnelle à domicile pour la période de mai 2003 à mai 2004 suivant les montants établis.
Dossier 217803-61-0310
DÉCLARE sans objet la requête de l’employeur;
DÉCLARE que la décision de la CSST rendue le 6 octobre 2003 à la suite d’une révision administrative est devenue sans effet.
Dossier 232709-61-0404
REJETTE la requête de la travailleuse;
CONFIRME la décision de la CSST rendue le 22 avril 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse conserve une atteinte permanente à l’intégrité physique de 21,60 %;
DÉCLARE que la travailleuse conserve les limitations fonctionnelles suivantes :
Éviter d'accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
- soulever, porter, pousser, tirer des charges de plus de 10 kg ;
- travailler en position accroupie ;
- ramper, grimper :
- effectuer des mouvements répétitifs ou fréquents de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire, même de faible amplitude ;
- monter fréquemment plusieurs escaliers ;
- marcher en terrain accidenté ou glissant ;
- subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale ;
- garder la même posture (debout ou assise) de plus de 60 minutes à la fois.
DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi le 24 novembre 2003 une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle de mai 2000.
Dossier 245868-61-0410
REJETTE la requête de la travailleuse;
CONFIRME la décision de la CSST rendue le 14 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit à une indemnité pour dommages corporels correspondant à une atteinte permanente à l’intégrité physique de 21,60 %;
Dossier 245869-61-0410
ACCUEILLE en partie la requête de la travailleuse;
MODIFIE la décision de la CSST rendue le 14 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit de continuer à recevoir l’aide personnelle à domicile à compter de mai 2004 suivant une évaluation représentant 7.5/48 points.
Dossier 245899-61-0410
ACCUEILLE la requête de la travailleuse;
MODIFIE la décision de la CSST rendue le 14 septembre 2004 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que la travailleuse a droit au remboursement des frais reliés aux travaux de peinture intérieure et aux travaux de grand ménage, sur présentation de factures, jusqu'à concurrence du maximum annuel prévu à la loi.
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Lucie Nadeau |
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Commissaire |
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Me Lysanne Dagenais |
LYSANNE DAGENAIS, AVOCATE |
Représentante de la partie requérante |
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Me Jean Hébert |
CREVIER, ROYER |
Représentant de la partie intéressée |
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Me Robert Morin |
PANNETON LESSARD |
Représentant de la partie intervenante |
[1] L.R.Q. c. A-3.001
[2] Dossier C.L.P. 152253-61-0012
[3] Suivant les notes évolutives du 18 mars 2001 au dossier de la CSST.
[4] (1987) 119 G.O. II, 5576
[5] Boisvert et Halco inc. [1995] C.A.L.P. 19 ; Leblanc et Prud’homme & Frères ltée, C.A.L.P. 40863-63-9206, 19 août 1994, A. Leydet; Lapointe et Compagnie Minière Québec-Cartier [1989] C.A.L.P. 38
[6] précitée.
[7] (1997) G.O. II, 7365
[8] C.L.P. 226220-71-0401, 15 juillet 2004, L. Couture
[9] Municipalité Petite Rivière St-François et CSST-Québec, [1999] C.L.P. 891 . Cette décision de principe a été reprise de manière constante par la suite.
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