Boisvert et Cascades Carton Plat inc. (Carton) |
2009 QCCLP 3702 |
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Dossier 358170-05-0809
[1] Le 16 septembre 2008, monsieur Réjean Boisvert (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 25 août 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Cette décision a pour effet d’annuler la décision rendue par la CSST le 1er avril 2008 (laquelle porte sur le droit au remboursement des frais d’entretien courant du domicile) et déclare sans objet la demande de révision soumise par le travailleur à l’encontre de cette décision.
Dossier 364279-05-0812
[3] Le 1er décembre 2008, le travailleur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision rendue le 30 octobre 2008 par la CSST à la suite d’une révision administrative.
[4] Cette décision confirme la décision rendue le 24 juillet 2008 et déclare que l’allocation d’aide personnelle à domicile du travailleur pour la période du 16 mai 2007 au 19 juillet 2010 est évaluée à 88,42 $ à toutes les deux semaines.
[5] À l’audience tenue à Sherbrooke le 2 avril 2009, le travailleur est présent et représenté. Cascades Carton Plat inc. (l’employeur) est absent et non représenté.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[6] Dans le dossier 358170-05-0809, le travailleur demande de rétablir la décision rendue par la CSST le 1er avril 2008 concernant le remboursement de certains frais d’entretien courant à domicile.
[7] Dans le dossier 364279-05-0812, le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître qu’il a droit à l’aide personnelle à domicile depuis 1997 et de référer aux grilles complétées par son médecin traitant. Il demande également que des intérêts soient versés sur les montants auxquels il a droit depuis 1997.
LES FAITS
[8] Le 11 août 1997, le travailleur subit un accident du travail alors qu’il est conducteur de chariot élévateur chez l’employeur. Il se blesse au dos et doit être opéré le 4 décembre 1998 par le Dr Ferron. Il subit alors une fusion antérieure intersomatique L4-L5, L5-S1 avec greffon autogène et instrumentation par vis corticales. Sa lésion est jugée consolidée le 7 avril 1999 avec un déficit anatomo-physiologique de 20 % et des limitations fonctionnelles consistant à éviter de lever des poids de plus de 20 livres, éviter les mouvements répétés de flexion, torsion, rotation de la colonne, éviter de conduire un camion lourd, éviter des marches très prolongées, éviter de monter et descendre fréquemment des escaliers et éviter toute position stationnaire de plus de deux heures consécutives.
[9] Suite au processus de réadaptation, il appert qu’avec l’accord du Dr Ferron, le travailleur peut, malgré les limitations fonctionnelles qu’il conserve, exercer à nouveau son emploi de conducteur de chariot élévateur. Quelque temps plus tard, le travailleur occupera plutôt un poste d’expéditeur de relève où il doit effectuer de l’échantillonnage et de la rédaction de documents administratifs.
[10] Le 22 janvier 2004, le travailleur subit un nouvel accident du travail en cherchant à déplacer un rouleau qui pèse de 70 à 80 livres. Un diagnostic d’entorse lombaire aiguë, un failed back syndrome ainsi que des séquelles d’une hernie discale L5-S1 et d’un « bulging disk » L4-L5 et L5-S1 est émis. Les mêmes limitations fonctionnelles sont maintenues par le Dr Ferron.
[11] Le travailleur continue d’être suivi par son médecin de famille, le Dr Desroches, pour un problème de lombalgie chronique aggravée. Lors d’une évaluation faite par le Dr Raymond Hould à la demande de l’employeur, le 30 octobre 2007, celui-ci note une restriction supplémentaire significative des amplitudes rachidiennes particulièrement au niveau de l’extension. Il note également que les documents radiologiques confirment la détérioration discale multi-étagée, laquelle est prévisible dans un contexte de fusion vertébrale L4-L5 et L5-S1. Le Dr Hould émet des restrictions fonctionnelles de classe 3 :
[…]
Limitations fonctionnelles
En relation avec cet événement initial daté du 11 août 1997 avec une date de RRA reconnue par la C.L.P. au 22 janvier 2004, considérant l’arthrodèse L4 S1 conséquente à ce traumatisme initial de 1997, considérant la symptomatologie telle que décrite par M. Boisvert, considérant la corrélation positive définie entre le subjectif, l’objectif et l’investigation radiologique, considérant les discopathies maintenant documentées impliquant les espaces L2 L3 et L3 L4, à notre avis, la condition actuelle que présente M. Boisvert justifie des restrictions sévères de classe 3 selon l’IRSST à savoir que M. Boisvert devrait éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente les activités qui impliquent de :
. Soulever, pousser, porter, tirer de façon répétitive ou fréquente des charges dépassant environ 5 kilos,
. Travailler en position accroupie,
. Ramper ou grimper,
. Effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire même de faible amplitude,
. Subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale,
. Monter fréquemment plusieurs escaliers,
. Marcher en terrain accidenté ou glissant,
. Marcher longtemps,
. Garder la même posture (debout, assis) pour plus de 30 à 60 minutes,
. Travailler dans une position instable (ex. : dans des échafaudages, échelles, escaliers),
. Effectuer des mouvements répétitifs des membres inférieurs (actionner des pédales).
[12] Le 25 avril 2008, le Dr Desroches consolide la lésion professionnelle et réfère, pour ce qui est des limitations fonctionnelles, à la dernière expertise du Dr Hould d’octobre 2007. Il estime que le travailleur est inapte au travail et recommande qu’il bénéficie d’une aide personnelle à domicile.
[13] Dans une décision rendue le 18 décembre 2007[1], la Commission des lésions professionnelles entérine un accord dans lequel elle reconnaît que le travailleur a subi les 16 mai 2007 et 21 juin 2007 des rechutes, récidives ou aggravations de la lésion professionnelle du 11 août 1997 et déclare qu’il a droit à une évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile tenant compte de sa nouvelle condition médicale.
[14] Le 1er avril 2008, la CSST écrit la lettre suivante au travailleur :
[…]
Par la présente nous vous informons que vous êtes admissible au remboursement des frais d’entretien courant suivants :
. Déneigement de votre entrée et des deux accès.
. Entretien du terrain (tonte du gazon, ramassage des feuilles).
. Peinture intérieure et extérieure aux 5 ans.
. Un grand ménage annuel.
Veuillez prendre note que toute demande de travaux d’entretien doit être faite auprès de la CSST en étant accompagnée de deux (2) soumissions d’entrepreneurs officiels et qu’un montant maximum est prévu à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP). Pour l’année 2008, ce montant est de 2767,00$.
Par ailleurs, vos demandes de remboursement doivent être accompagnées de reçus originaux détaillant les services rendus et indiquant les numéros de TPS et de TVQ de votre fournisseur. Si celui-ci n’a pas de numéro de TPS ou de TVQ, vous devez nous fournir son nom et son adresse.
Nous vous invitons à communiquer avec nous si vous avez besoin de renseignements supplémentaires au sujet de cette décision ou pour toute autre question. Vous ou votre employeur pouvez demander la révision de la décision dans les 30 jours suivant la réception de la présente lettre.
[…]
[15] Le représentant du travailleur conteste cette décision et dans la décision rendue le 25 août 2008 par la révision administrative, le réviseur indique que cette décision en est une de principe général portant sur le genre de travaux d’entretien qui seront éventuellement remboursés ainsi que sur les procédures à entreprendre en cas de telles demandes. Le réviseur estime que cette lettre constitue une lettre d’information générale et non une décision malgré que sur celle-ci, il soit indiqué aux parties qu’il est possible d’en demander la révision. Le réviseur conclut que cette décision portant sur l’admissibilité au remboursement d’éventuels travaux d’entretien est prématurée et qu’elle doit être annulée.
[16] Concernant l’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile, on constate aux notes évolutives du dossier que la conseillère en réadaptation, madame Maryse Grondin, estime que le point de départ à retenir est la date de la rechute acceptée dans l’entente, c’est-à-dire le 16 mai 2007, puisque dans la décision entérinant celle-ci, il est indiqué que l’évaluation des besoins d’aide personnelle à domicile doit tenir compte « de la nouvelle condition médicale du travailleur ».
[17] Ce faisant, une évaluation a été complétée par madame Julie Bouffard, ergothérapeute, suite à des rencontres à l’appartement du travailleur les 9 et 30 mai 2008. Après avoir exposé les diagnostics retenus et les limitations fonctionnelles émises suite aux lésions professionnelles subies, madame Bouffard fait état des différentes capacités du travailleur notamment celles reliées aux activités motrices, à la protection et à la résistance.
[18] Au niveau des habitudes de vie et du fonctionnement dans le cadre des différentes activités quotidiennes, madame Bouffard rapporte les constatations suivantes :
VI- HABITUDES DE VIE
Historique du fonctionnement à domicile :
. À partir de l’événement du 11 août 1997 jusqu’au moment de la chirurgie réalisée le 4 décembre 1998, monsieur habitait avec son épouse et présentait un niveau d’autonomie semblable à ce qu’il est aujourd’hui.
. À partir du 4 décembre 1998 (date de la chirurgie), monsieur a été hospitalisé pour une période d’environ deux jours. Par la suite, il est retourné à domicile et a dû porter un corset pour une période de six semaines. Monsieur n’a reçu aucune aide personnelle, ni aucune aide technique pour sa période de convalescence. Il habitait alors avec sa conjointe qui devait l’aider pour toutes ses activités quotidiennes et domestiques. Monsieur estime à environ quatre mois la période où il a dû recevoir de l’aide pour toutes les activités suivantes :
- le lever et le coucher,
- l’hygiène corporelle,
- l’habillage et le déshabillage,
- l’utilisation des commodités du domicile,
- la préparation de tous les repas,
- le ménage léger et lourd,
- le lavage du linge,
- l’approvisionnement.
Par la suite, monsieur a retrouvé un niveau d’autonomie semblable à ce qu’il est en ce moment.
. À partir du mois de novembre 2002, monsieur a divorcé et a habité seul durant environ 3 ans. Il était alors autonome pour toutes ses activités quotidiennes, mais recevait de l’aide de sa famille pour les travaux d’entretien ménager. Il avait un niveau d’autonomie semblable à ce qu’il est aujourd’hui.
. Depuis 2005, monsieur habite environ 6 mois par année, seul à son chalet. Le reste du temps, il habite avec une colocataire dans son appartement. Sa colocataire lui apporte beaucoup d’aide, particulièrement pour les tâches ménagères.
Note : L’évaluation des différentes catégories de la grille pour l’aide personnelle qui suit correspond au niveau de fonctionnement actuel de monsieur.
Lever et coucher :
Lors de la première visite à domicile, monsieur m’a démontré qu’il était autonome pour se coucher et se relever de son lit en tournant son corps en bloc pour éviter les flexions au niveau lombaire. Lorsqu’il est à son chalet, monsieur m’explique que son matelas est très près du sol. Il arrive quand même à se coucher et à se relever de son lit de façon autonome, mais en y mettant parfois jusqu’à 30 minutes lorsqu’il est très courbaturé. Monsieur explique également qu’à l’occasion, sa colocataire peut l’aider à se relever du lit en lui mettant une main dans le dos pour faciliter le mouvement. Lorsqu’il est « barré » et qu’il est seul, il arrive à se lever de façon autonome, mais avec difficulté. L’installation d’une poignée de transfert au niveau du lit permettrait à monsieur de faire son transfert plus facilement et de façon autonome, en lui fournissant un appui pour faciliter le mouvement.
Hygiène corporelle :
. se laver le corps et les cheveux : Monsieur est généralement autonome pour se laver l’ensemble du corps et les cheveux en prenant une douche, tant à son appartement qu’à son chalet. Lors de mauvaises journées ou lorsqu’il est « barré » au niveau du dos, monsieur peut avoir besoin d’aide pour laver ses membres inférieurs. À cet effet, l’achat d’une planche de bain et d’une brosse à long manche permettrait à monsieur de se laver l’ensemble du corps de façon autonome, même lors de moins bonnes journées, en réduisant l’effort postural nécessaire pour réaliser la tâche et en éliminant les mouvements de flexion au niveau du tronc pour atteindre les membres inférieurs.
. hygiène buccale et soins d’apparence : Monsieur est autonome pour ses soins d’hygiène buccale et ses soins d’apparence. Il a toutefois besoin d’aide pour couper ses ongles d’orteils (manque de mobilité au niveau du tronc).
Habillage :
Monsieur est autonome pour l’habillage du haut du corps. Il présente toutefois des difficultés, à l’occasion, à habiller le bas de son corps en raison des raideurs matinales. Lorsqu’il est « barré », il évite de s’habiller et reste en pyjama jusqu’à ce que la raideur disparaisse. Le pantalon, les bas et les sous-vêtements sont particulièrement difficiles à enfiler en raison du manque de mobilité en flexion au niveau lombaire. À cet effet, l’achat d’une pince à long manche permettrait à monsieur de s’habiller plus facilement lors de moins bonnes journées en éliminant les mouvements de flexion du tronc. L’achat d’un enfile bas pourrait également s’avérer pertinent, mais monsieur ne se dit pas intéressé à ce type d’équipement pour l’instant. Monsieur possède déjà un chausse-pied à long manche qui lui permet d’enfiler ses chaussures de façon autonome.
Déshabillage :
Autonome
Soins vésicaux et intestinaux :
Autonome
Alimentation :
Autonome
Utilisation des commodités du domicile :
. Déplacements : Monsieur est autonome pour rentrer et sortir de son appartement et de son chalet, de même que pour se déplacer à l’intérieur de ceux-ci. Lors de moins bonnes journées, il utilise une canne simple. À cet effet, de l’enseignement a été fait au moment de la première visite quant à l’utilisation adéquate de la canne, notamment dans les escaliers.
. Transfert au bain : À l’occasion, monsieur prend des bains à son appartement pour soulager sa douleur au dos. Il éprouve parfois des difficultés à enjamber le rebord du bain et peut avoir besoin d’aide pour sortir du fond du bain lors de moins bonnes journées. À cet effet, l’achat d’un tapis de bain et l’installation de deux barres d’appui de 24 pouces (une sur le mur parallèle au bain et une sur le mur des robinets), de même que l’utilisation de la technique en passant par la position à genoux devraient permettre à monsieur d’entrer et sortir du bain de façon sécuritaire et autonome.
. Utilisation des toilettes : Monsieur est autonome pour s’asseoir et se relever de la toilette. Il s’appuie sur le rebord de la vanité qui est située à la droite de la toilette à son appartement et à une planche clouée au mur, à son chalet.
. Utilisation du mobilier : Monsieur éprouve un peu de difficulté à se relever des fauteuils du salon, puisque ceux-ci sont profonds et relativement bas. À cet effet, il a été proposé à monsieur deux solutions. La première consiste à rehausser la hauteur des fauteuils en surélevant les pattes. La deuxième est d’utiliser un poteau de transfert pour offrir un appui pour faciliter le changement de position. Les deux solutions proposées ont été écartées par monsieur parce qu’il envisage changer éventuellement son mobilier.
. Appareils de communication :
Autonome
Préparation du déjeuner :
Monsieur est autonome pour se préparer un petit déjeuner simple (comme un bol de céréales) et pour mettre sa vaisselle au lave-vaisselle lorsqu’il est à son appartement. Monsieur mentionne qu’il va souvent déjeuner chez sa voisine lorsqu’il est au chalet. Il se dit incapable de préparer un déjeuner élaboré pour plusieurs personnes, comme des omelettes ou des crêpes, en raison de son manque de tolérance à la position debout.
Préparation du dîner :
Actuellement, monsieur est autonome pour se préparer à dîner en réchauffant des plats préparés à l’avance ou des restants ou en se préparant un sandwich. Il est également autonome pour mettre sa vaisselle dans le lave-vaisselle. Au chalet, il est autonome pour se préparer des repas simples (sandwichs ou grillades sur le BBQ) et pour laver sa vaisselle en la laissant d’abord tremper, puis sécher sur le comptoir. Monsieur peut attendre parfois quelques heures avant de s’occuper de la vaisselle s’il a beaucoup de douleur.
Préparation du souper :
Monsieur participe à certaines tâches de préparation du souper avec sa colocataire lorsqu’il est à l’appartement, mais il ne peut assumer seul toutes les étapes de préparation d’un repas élaboré pour plusieurs personnes en raison de son manque de tolérance à la position debout et aux soulèvements de charges. Par exemple il est incapable de sortir un gros rôti du four. Monsieur mentionne que s’il fait trop de tâches dans la cuisine, il est alors incapable de faire quoi que ce soit en soirée. Monsieur est autonome pour remplir et vider la partie du haut du lave-vaisselle (évite celle du bas à cause de la nécessité de faire des flexions au niveau du tronc). Tous les gros items comme les chaudrons en fonte sont nettoyés et rangés par sa colocataire. Enfin, lorsque monsieur est seul au chalet, il se prépare des repas simples comme des viandes grilles sur le BBQ ou des sandwichs.
Ménage léger :
Monsieur est autonome pour essuyer le comptoir, pour nettoyer l’évier et ranger après un repas, tant à son appartement qu’à son chalet. Il peut également sortir de petite quantité d’ordures à la fois. Toutefois, il évite de passer le balai et de changer les draps du lit, car ces tâches exigent des positions de flexion et de rotation du tronc avec du travail avec les bras en avant du corps, ce qui entraîne une augmentation très importante des douleurs au niveau lombaire. Ainsi, le balai est passé par sa colocataire à l’appartement et au chalet lorsqu’elle vient le voir les fins de semaine.
Ménager lourd :
Monsieur ne participe pas aux travaux d’entretien ménager parce que la plupart de ces activités nécessitent des mouvements de flexion et de rotation au niveau du tronc avec du travail avec les bras en avant du corps, ainsi qu’une bonne tolérance à la position debout. C’est sa colocataire qui assume l’ensemble des tâches à l’appartement. Lorsqu’il est au chalet, monsieur rapporte avoir des critères d’entretien beaucoup moins élevés qu’à son appartement. Ainsi, il ne fait pas vraiment d’entretien ménager et sa colocataire qui vient le visiter à l’occasion les fins de semaine en fait un peu lorsqu’elle vient.
Lavage du linge :
C’est la colocataire de monsieur qui s’occupe de faire le lavage des vêtements à n’importe quel temps de l’année. Lorsque monsieur est au chalet, sa colocataire vient chercher sa poche de linge sale durant la fin de semaine et lui ramène son linge propre la semaine suivante. Monsieur serait capable de mettre des vêtements dans la laveuse, de les plier et de les ranger. Monsieur serait incapable de transférer les vêtements mouillés de la laveuse à la sécheuse (nécessité de manipuler des charges pouvant dépasser 5 kg à bout de bras en effectuant des mouvements flexion et rotation du tronc).
Approvisionnement :
Monsieur fait généralement l’épicerie avec sa colocataire lorsqu’il est à l’appartement. Ainsi, il participe à la planification des achats et s’occupe de pousser le panier tout en s’appuyant sur celui-ci, ce qui améliore sa tolérance à la position debout. C’est sa colocataire qui prend les items et qui les met dans le panier, qui emballe les sacs et qui les transporte jusqu’à la maison. Lorsqu’il est au chalet, monsieur attend sa colocataire ou ses fils qui viennent la fin de semaine pour faire l’épicerie. Il peut, au besoin, aller seul à l’épicerie, mais se limite à de petits achats à la fois. Monsieur est autonome pour se rendre à ses rendez-vous personnels.
Travaux d’entretien :
Monsieur est incapable de s’occuper des travaux d’entretien comme la tonte de la pelouse, le pelletage de la neige, le nettoyage des fenêtres, des murs et plafonds parce que la plupart de ces activités nécessitent des mouvements de flexion, d’extension et de rotation au niveau du tronc, des manipulations de charges et des forces de poussée qui dépassent 5 kg, du travail avec les bras en avant du corps, ainsi qu’une bonne tolérance à la position debout et parfois la nécessité de grimper dans une échelle ou un escabeau.
Conduite automobile :
Monsieur est autonome pour conduire sa voiture. Il est toutefois limité par les déplacements sur longues distances en raison de la douleur qui apparaît après des périodes de 30 à 45 minutes. Monsieur mentionne qu’il a plus de facilité à entrer et à sortir de son camion, car le siège est plus haut. Lorsqu’il utilise sa voiture, il a parfois besoin d’aide pour sortir, surtout après de longues distances.
Loisirs :
Monsieur se décrit comme un homme qui était très actif avant l’accident. Il a dû cesser de nombreuses activités de loisirs en raison de ses douleurs au dos. Par exemple, il ne peut plus jouer aux quilles, ni faire du vélo. Il continue toutefois d’aller à la chasse et à la pêche malgré les difficultés que ces activités occasionnent en raison de la nécessité de maintenir des positions statiques prolongées. Il pratique ces activités sur de courtes périodes.
VII- ANALYSE
Il s’agit d’un homme de 51 ans qui est relativement autonome dans ses activités quotidiennes, mais qui a besoin d’aide pour la réalisation de plusieurs activités domestiques. Le niveau d’autonomie de monsieur varie en fonction de sa condition qui est très fluctuante. De façon générale, monsieur éprouve des difficultés à réaliser toutes activités nécessitant une position debout soutenue, des mouvements de flexion et de rotation du tronc, des manipulations de charges et du travail avec les bras en avant du corps. L’attribution d’aides techniques devrait faciliter la réalisation de certaines activités. Toutefois, monsieur demeure dépendant pour la préparation d’un repas élaboré comme le souper et tous les travaux de ménage lourd et d’entretien extérieur.
(Nos soulignements)
[19] Madame Bouffard émet ensuite certaines recommandations quant à l’installation de certaines aides techniques et précise qu’elle recommande l’aide personnelle à domicile de la façon suivante :
[…]
. En fonction de la présente évaluation, si monsieur est admissible à l’aide personnelle, je recommande de l’aide de façon rétroactive à partir de la date de l’accident.
. En fonction de son admissibilité à l’aide personnelle, je recommande un remboursement rétroactif de 4 mois pour la période qui a suivi la chirurgie du 4 décembre 1998. Monsieur était alors complètement dépendant pour les activités de lever, coucher, hygiène corporelle, habillage, déshabillage, l’utilisation des commodités du domicile, la préparation du déjeuner, du dîner et du souper, le ménage léger, le ménage lourd, l’entretien du linge et l’approvisionnement.
. En fonction de son admissibilité pour les travaux d’entretien extérieur, je recommande de l’aide de façon rétroactive à partir de la date de l’accident.
[…]
(Nos soulignements)
[20] Recevant copie de cette évaluation, la conseillère en réadaptation complète la grille d’évaluation et en arrive à un pointage de 7/48 points, répartis comme suit :
- hygiène corporelle : besoin d’assistance partielle (2,5)
- préparation du souper : besoin d’assistance partielle (2)
- ménage léger : besoin d’assistance partielle (0,5)
- lavage du linge : besoin d’assistance partielle (0,5)
- approvisionnement : besoin d’assistance partielle (1,5).
[21] Aucun besoin d’assistance n’est accordé pour le lever, le coucher, l’habillage, le déshabillage, les soins vésicaux et intestinaux, l’alimentation, l’utilisation des commodités du domicile, la préparation du déjeuner et du dîner et le ménage lourd.
[22] De son côté, le Dr Desroches remplit une grille semblable où il en arrive à un pointage de 22,5/48 points possibles. Cette évaluation est complétée en regard de la lésion professionnelle initiale du 11 août 1997.
[23] En ce qui concerne l’évaluation des besoins d’aide pour la période postérieure à la consolidation et pour la lésion professionnelle de 2004 et les rechutes de 2007, le Dr Desroches en arrive à un pointage de 17,5/48 points. Il précise par ailleurs sur cette grille qu’il s’agit d’une évaluation en continuité suite à la discoïdectomie.
[24] Témoignant à l’audience sur sa condition depuis le 11 août 1997, le travailleur explique qu’il a eu besoin d’aide quasi complète depuis cette date, et ce, jusqu’à son retour au travail en juin ou juillet 1999. À l’époque, son épouse devait l’aider pour différentes activités, notamment le lever, le coucher, l’hygiène corporelle, l’habillage ou le déshabillage. Après l’opération, le travailleur portait un corset et il a été une bonne période en marchette, ensuite en béquilles puis a utilisé une canne. Son épouse et ses deux enfants qui habitaient avec lui à l’époque devaient l’aider dans toutes les sphères d’activités personnelles et domestiques.
[25] Le travailleur précisera qu’il n’a eu aucune aide technique à cette époque et qu’il avait de la difficulté à se pencher et à se plier pour s’habiller. Il n’était pas capable de mettre le linge dans la sécheuse et pour la préparation des repas, il n’était pas capable de la faire seul, quelqu’un devait préparer des plats qu’il pouvait par la suite réchauffer.
[26] Lors de son retour au travail suite à la chirurgie, le travailleur avait des quarts de travail de 12 heures et il faisait une semaine de trois jours et une semaine de quatre jours. Il faisait un peu de repas à cette époque et avait de la difficulté même avec le ménage léger à cause des douleurs et ne pouvait faire le lavage seul puisque la laveuse était au sous-sol à ce moment-là; il ne pouvait descendre du linge puisqu’il devait se tenir après la rampe.
[27] Pour l’approvisionnement, il accompagnait sa conjointe et se soutenait après le panier, mais ne pouvait transporter les sacs par la suite. Même lorsqu’il était au travail, il avait besoin d’aide pour se lever et pour s’habiller, sa conjointe devait l’aider à mettre ses bas et ses bottes de travail et les lacer.
[28] Lorsqu’il avait terminé sa journée de travail, il avait des douleurs et il ne faisait pas grand-chose, il prenait des médicaments et des bains chauds pour garder le peu d’énergie qu’il avait pour son travail. Il a vécu seul de 2002 à 2007 environ et a dû demander de l’aide pour ses activités quotidiennes.
[29] Actuellement, il loue un bungalow et n’a pas accès au sous-sol, il s’agit d’un logement situé au rez-de-chaussée. Il a une nouvelle conjointe qui l’aide beaucoup. Lorsque l’ergothérapeute est allée chez lui, elle a évalué ses besoins, lesquels sont semblables, selon lui, à ceux identifiés par son médecin, le Dr Desroches. Concernant les aides techniques, il admet que les barres installées dans le bain l’ont aidé pour sortir et entrer dans le bain, mais il n’a pas installé la barre du lit, il ne sait pas comment le faire. Pour ce qui est d’une pince à long manche, cela ne l’aide pas puisqu’il a des souliers lacés qu’il ne peut attacher lui-même. Il a cependant besoin d’aide pour les soins corporels puisque sa conjointe doit l’aider à se laver, particulièrement le bas du corps puisqu’il ne peut se pencher.
[30] Concernant les repas, le travailleur explique qu’il peut mettre la table et les ustensiles, mais il peut difficilement se pencher au-dessus de l’évier ou mettre des choses dans le panier du bas du lave-vaisselle. Il n’est pas non plus capable de mettre le linge dans la laveuse ni capable de le plier lorsqu’il est sec puisque dès qu’il est penché un peu, la douleur augmente. Il prend de la médication à tous les jours pour soulager ses douleurs.
[31] En argumentation, le représentant du travailleur souligne que l’aide a été demandée en deux étapes. En effet, la première période qui fut demandée faisait suite à l’accident du 11 août 1997, date où le droit à l’aide personnelle prend naissance. Les périodes subséquentes font suite au retour au travail de juin 1999. Selon la loi, cette évaluation doit se faire par période. Dans le cas présent, la CSST s’est prononcée uniquement pour la période du 16 mai 2007 au mois de mai 2010 sans statuer sur les périodes antérieures, comme l’avait recommandé l’ergothérapeute. Il souligne que la jurisprudence indique que cela ne prend pas nécessairement une demande contemporaine du travailleur et que la rétroactivité peut s’appliquer lorsque les besoins étaient là.
[32] Il soumet que depuis l’accident du travail jusqu’au retour au travail en juin 1999, le pointage à retenir devrait être de 22,5 points et après le retour au travail, soit à partir du 9 juin 1999, c’est un pointage de 17,5 points qui devrait s’appliquer puisque le travailleur avait toujours besoin d’aide[2]. Comme le mentionne l’ergothérapeute, les besoins d’aide de l’époque étaient semblables à ceux qu’elle a évalués en 2008. Il souligne que la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), en retenant un pointage de 7/48 points, ne suit pas les recommandations de la spécialiste qu’elle a mandatée et que son évaluation et son pointage ne peuvent être retenus. Par ailleurs, même si certaines aides techniques ont été accordées, cela peut certes aider, mais il faut vérifier si cela le rend complètement autonome ou seulement partiellement autonome.
[33] Il demande donc au tribunal de procéder à l’évaluation depuis l’accident de 1997 et aux montants qui seront accordés, d’ajouter les intérêts comme prévu à l’article 364 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[3] (la loi).
L’AVIS DES MEMBRES
[34] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs considèrent que, malgré l’absence d’une demande formelle du travailleur, ce dernier a droit à l’allocation prévue pour de l’aide personnelle à domicile. Ils estiment cependant que l’évaluation de la CSST ne peut être retenue et qu’il faut plutôt examiner l’évaluation faite par l’ergothérapeute pour les besoins précédant la chirurgie et postérieurs au retour au travail. Ils sont également d’avis qu’il y a lieu d’accorder des intérêts sur les montants à être versés.
[35] Quant à la décision de la révision administrative qui déclare sans objet la décision de la CSST concernant les travaux d’entretien du domicile, ils sont d’avis qu’il y a lieu de rétablir la décision de la CSST puisque celle-ci, même si elle ne statue pas sur une demande précise, consacre le droit du travailleur à cette aide lorsqu’il fera une demande.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[36] La Commission des lésions professionnelles doit décider si le travailleur peut bénéficier de l’aide personnelle à domicile depuis sa lésion professionnelle du 11 août 1997.
[37] La loi énonce aux articles 158 à 163 les modalités de l’aide personnelle à domicile :
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
__________
1985, c. 6, a. 158.
159. L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.
Cette personne peut être le conjoint du travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 159.
160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.
__________
1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.
161. Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.
__________
1985, c. 6, a. 161.
162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :
1° redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou
2° est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5).
__________
1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.
163. Le montant de l'aide personnelle à domicile est versé une fois par deux semaines au travailleur.
Ce montant est rajusté ou annulé, selon le cas, à compter de la première échéance suivant l'événement qui donne lieu au rajustement ou à l'annulation.
__________
1985, c. 6, a. 163.
[38] Dans la présente affaire, la CSST a statué, le 24 juillet 2008, sur le droit du travailleur de recevoir une allocation pour ses besoins d’aide personnelle à domicile pour la période s’échelonnant du 16 mai 2007 au 19 juillet 2010, bien que le travailleur ait demandé par lettre, le 8 juin 2007, de se prononcer sur ce droit rétroactivement à la date de son accident, soit depuis le 11 août 1997.
[39] La CSST interprète la décision rendue par le tribunal qui entérine un accord portant notamment sur le droit du travailleur à une évaluation de ses besoins d’aide personnelle à domicile. En effet, la note évolutive menant à la décision de la CSST est datée du 22 juillet 2008 est ainsi rapportée :
2008-07-22 13 :24 :06, MARISE GRONDIN, NOTE D’INTERVENTION, AUTRE (2008-07-22)
Titre : Évaluation du besoin d’aide personnelle à domicile de Monsieur Boisvert
-ASPECT PSYCHOSOCIAL :
Tx administratif d’un rapport d’ergothérapie daté du 30 mai 2008 de Madame Julie Bouffard, ergothérapeute
Rappelons que nous avons reçu le mandat de procéder à l’évaluation initiale des besoins d’aide personnelle à domicile du travailleur afin d’actualiser une décision faisant suite à une entente conclue devant la Commission des lésions professionnelles le 18 décembre 2007.
Il convient de rappeler que dans ladite décision, il fut établi que le travailleur a droit à une évaluation de ses besoins d’aide personnelle à domicile tenant compte de sa nouvelle condition médicale (notre souligné).
De ce fait, il nous apparaît que l’évaluation n’aura pas une portée rétroactive à la date de l’événement d’origine, ni aux RRA du 22 mai et du 4 décembre 1998, ni à l’événement qui a mené à l’ouverture du dossier CSST #125597187 pour une lésion professionnelle survenue le 22 janvier 2004.
Le point de référence retenu sera donc la date de la première rechute de Monsieur Boisvert à être acceptée dans l’entente, c’est-à-dire le 16 mai 2007.
[…]
(Notre soulignement)
[40] La Commission des lésions professionnelles estime que la décision du tribunal entérinant l’accord convenant que le travailleur a droit à une évaluation de ses besoins d’aide personnelle à domicile n’est pas limitée aux dernières rechutes acceptées en 2007. En effet, il ne s’agit que d’une portion de la demande initiale du travailleur qui avait demandé cette aide rétroactivement à la survenance de la lésion professionnelle, ce qui est possible comme en a décidé le tribunal dans plusieurs affaires[4].
[41] La Commission des lésions professionnelles retient le raisonnement développé dans l’affaire Grégoire et Construction Rénovatech AP inc. et CSST[5] :
[16] Dans certaines décisions, la Commission des lésions professionnelles a conclu que le droit du travailleur à une allocation pour aide personnelle à domicile était effectif à la date du dépôt d'une demande à cet effet2.
[17] Toutefois, dans d'autres décisions, la Commission des lésions professionnelles a reconnu qu'une allocation pour de l'aide personnelle à domicile peut être accordée rétroactivement, même en l'absence de demande formelle du travailleur à l'époque où les besoins se sont manifestés. Le tribunal croit utile de rapporter les extraits suivants de la décision rendue dans l'affaire Gagné et Provigo distribution inc.3 :
[36] Qu'en est-il dans le présent dossier ? À quelle date, la travailleuse a-t-elle droit à l’aide personnelle à domicile ? Dès sa sortie de l’hôpital en juin 1997 ? Au moment où l'atteinte permanente est évaluée provisoirement par le docteur Gariépy le 5 décembre 1997 ? À la date de consolidation de sa lésion, le 13 avril 1999 ? À la date d’évaluation de ses besoins d’aide personnelle à domicile, le 3 novembre 1999 ? À la date de la décision de la CSST reconnaissant son droit à la réadaptation, le 16 décembre 1999 ? Même en reconnaissant que le droit à la réadaptation découle de l’existence d’une atteinte permanente, la question du point de départ demeure ouverte.
[37] La Commission des lésions professionnelles considère, qu’en l’espèce, la travailleuse a droit à l’aide personnelle à domicile à compter du 10 juin 1997, date de son retour à la maison après l'intervention chirurgicale. Même si dans bien des cas, ce n’est qu’une fois la lésion consolidée, qu’il y aura évaluation de l’atteinte permanente, la loi ne prévoit nulle part qu’il doit y avoir nécessairement consolidation pour qu'il soit possible d'évaluer une atteinte permanente. On peut concevoir que dans des situations plus graves, entre autres, une atteinte permanente puisse être déterminée avant la consolidation. Le présent dossier en est une illustration éloquente. L’article 88 de la loi ne lie pas l’évaluation des séquelles à la consolidation et le deuxième alinéa, qui a reçu application en l’espèce, prévoit la situation où il est médicalement possible de déterminer des séquelles sans pouvoir encore les déterminer toutes:
88. La Commission établit le montant de l'indemnité pour dommages corporels dès que les séquelles de la lésion professionnelle sont médicalement déterminées.
Lorsqu'il est médicalement impossible de déterminer toutes les séquelles de la lésion deux ans après sa manifestation, la Commission estime le montant minimum de cette indemnité d'après les séquelles qu'il est médicalement possible de déterminer à ce moment.
Elle fait ensuite les ajustements requis à la hausse dès que possible.
________
1985, c. 6, a. 88.
[38] Dès qu’il est médicalement possible de déterminer des séquelles permanentes de la lésion, la condition d’ouverture au droit à la réadaptation est rencontrée. La travailleuse a dès lors droit à l’aide personnelle à domicile si les autres conditions de l'article 158 sont rencontrées.
[39] De plus, les mentions sur la grille d’évaluation permettant de cocher si la date de consolidation est prévue ou connue et si l’atteinte permanente est prévue ou confirmée est un indicateur qui va dans le sens de cette interprétation. Cette grille fait partie du règlement et ne constitue pas un simple formulaire. La grille prévoit des situations où la lésion n'est pas encore consolidée, où l'atteinte permanente n'est pas encore confirmée mais elle est prévue.
[40] Cette interprétation rencontre également les objectifs de la loi et du règlement. L'article 151 de la loi énonce que la réadaptation sociale vise à aider un travailleur à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles. L'article 158 de la loi et l'article 1 du règlement réfèrent à une aide nécessaire au maintien ou au retour à domicile. Lorsqu'il y a une preuve de l'existence d'une atteinte permanente, comme en l'espèce, les objectifs de la réadaptation sociale pourront davantage être atteints si des mesures sont mises en place le plus rapidement possible.
[41] La Commission des lésions professionnelles ne peut retenir la prétention de la CSST selon laquelle ce n’est qu’à compter de la décision de la CSST reconnaissant le droit à la réadaptation ou à la date d’évaluation des besoins que débute le droit à l’aide personnelle. Cette interprétation aurait pour effet de faire dépendre un droit du délai administratif pris pour rendre une décision alors que les conditions d'application de la loi sont rencontrées. Le présent dossier l'illustre bien. En décembre 1997, la CSST obtenait une évaluation du docteur Gariépy établissant l'atteinte permanente «provisoire» à 29 % et, ce n'est qu'en décembre 1999, que la CSST rendait une décision reconnaissant le droit à la réadaptation de la travailleuse.
[18] Dans l'affaire Turgeon et CSST4, la commissaire s'exprime comme suit:
[11] La Commission des lésions professionnelles tient à préciser qu’aucune évaluation des besoins d’assistance et de surveillance n’a été faite avant que le représentant du travailleur en fasse la demande en 2004, ce qui cause une difficulté majeure d’appréciation. Elle tient également à préciser que l’absence de demande du travailleur, pour une évaluation des besoins d’assistance et de surveillance avant 2004, ne peut avoir pour effet de conclure que le besoin était inexistant. Rien dans la loi n’indique qu’une telle évaluation doit être faite uniquement s’il y a une demande officielle de formulée.
[12] L’article 158 de la loi s’inscrit dans le processus de réadaptation au chapitre du droit à la réadaptation et au sous-chapitre réadaptation sociale. La CSST devait, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, voir à ce que le travailleur reçoive les prestations auxquelles il avait droit. Une évaluation aurait pu être initiée par cette dernière à la lumière des différents rapports médicaux ou expertises disponibles, alors que cette question est bien encadrée dans ce sous-chapitre. Les articles pertinents se lisent comme suit :
[…]
[13] La Commission des lésions professionnelles est d’avis que ce n’est pas parce qu’il est difficile d’apprécier le besoin d’aide personnelle à domicile de façon rétroactive que cela doit conduire à un refus. La Commission des lésions professionnelles estime, dans un tel contexte, qu’il faille s’en remettre aux documents au dossier et tirer d’eux les conclusions qui s’imposent quant aux besoins d’assistance et de surveillance. L’appréciation de ces besoins passera, dans le cas présent, par la comparaison entre l’état médical au moment de l’évaluation de 2006 et l’état d’avant le 19 octobre 2004.
[…]
[20] S'il est vrai que le travailleur n'a jamais fait de demande spécifique pour obtenir une allocation pour de l'aide personnelle à domicile, il n'en demeure pas moins qu'il a subi deux chirurgies lombaires importantes et a été admis à plus d'une reprise au service de réadaptation de la CSST sans qu'aucune information lui soit donnée à ce chapitre et donc sans qu'aucune évaluation de ses besoins soit effectuée.
[…]
[23] Dans les circonstances du présent dossier, la Commission des lésions professionnelles croit que l'interprétation de l'article 158 de la loi faite par le tribunal dans les affaires Gagné et Turgeon précitées doit recevoir application pour permettre l'analyse des besoins d'aide à domicile du travailleur rétroactivement à la date de survenance de sa lésion professionnelle.
[24] Le tribunal considère que le dossier contient suffisamment d'informations sur la condition physique du travailleur pour permettre une évaluation des besoins aux différentes époques.
[25] Le tribunal résume ainsi la preuve au dossier relativement à la condition physique du travailleur.
__________
2 Miserere et Défense Nationale, C.L.P. 175388-62-0112, 23 août 2002, S. Mathieu, requête en révision rejetée le 11 juillet 2003, G. Robichaud; L'Écuyer et Le Tirelou inc., C.L.P. 260710-64-0504, 3 avril 2007, M. Montplaisir; Picard et Caux & Frères inc., C.L.P. 308561-64-0701, 5 avril 2007, M. Montplaisir.
3 C.L.P. 136575-61-0004, 21 septembre 2000, L. Nadeau.
4 C.L.P. 295205-03B-0607, 14 décembre 2006, M. Cusson.
(Nos soulignements)
[42] La Commission des lésions professionnelles estime que ce n’est parce que le travailleur n’a pas produit une demande pour de l’aide personnelle à domicile que son droit à la détermination de cette aide s’est éteint. Il appert de la jurisprudence du tribunal que cette interprétation plus libérale de la loi doit prévaloir et qu’en l’espèce, le dossier du travailleur étant suffisamment complet, il est permis de faire une telle évaluation rétroactive.
[43] Le tribunal constate d’autre part que même si le travailleur a pu occuper un emploi après sa chirurgie et malgré les importantes limitations fonctionnelles qui l’affligeaient, cela ne fait pas en sorte qu’il n’avait pas droit à l’aide prévue par l’article 158 de la loi puisque les données retenues pour déterminer la capacité physique d’un travailleur pour exercer un emploi convenable ne sont pas obligatoirement les mêmes que celles retenues dans l’analyse des besoins du travailleur à son domicile. En effet, un emploi faisant en sorte que le travailleur n’a pas à faire de flexions, de rotations ou d’extensions du tronc n’empêche pas que l’usage des commodités de son domicile puisse l’obliger à effectuer de tels mouvements dans ses activités courantes.
[44] Quant aux besoins depuis le 11 août 1997, rappelons que le Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile[6] prévoit à son article 5 la façon dont cette évaluation doit être faite :
5. Les besoins d'aide personnelle à domicile sont évalués par la Commission de la santé et de la sécurité du travail en tenant compte de la situation du travailleur avant la lésion professionnelle, des changements qui en découlent et des conséquences de celle-ci sur l'autonomie du travailleur.
Ces besoins peuvent être évalués à l'aide de consultations auprès de la famille immédiate du travailleur, du médecin qui en a charge ou d'autres personnes-ressources.
Cette évaluation se fait selon les normes prévues au présent règlement et en remplissant la grille d'évaluation prévue à l'annexe 1.
Décision, 97-12-03, a. 5.
[45] Quant à la grille à retenir, le tribunal privilégie l’évaluation faite par l’ergothérapeute plutôt que celle faite par le médecin traitant. Le Dr Desroches n’explique pas sur quoi il base son pointage alors que l’ergothérapeute, qui s’y connaît en la matière, fait une évaluation très détaillée, et ce, tant pour la période faisant suite à l’événement initial que pour la période après la chirurgie et la période contemporaine à l’évaluation.
[46] D’autre part, le tribunal ne retient pas non plus le pointage alloué par la conseillère en réadaptation puisque certains points sont omis dans son évaluation, notamment lorsqu’il est mentionné que le travailleur n’a besoin d’aucune assistance pour le lever, l’habillage ou l’utilisation des commodités du domicile. Par ailleurs, il est à noter que l’ergothérapeute ne bénéficie pas seulement des informations données par le travailleur, mais également du dossier de la CSST et des différentes évaluations médicales qui y sont incluses.
[47] La Commission des lésions professionnelles estime donc qu’à la lumière des informations contenues au rapport de l’ergothérapeute, le pointage suivant doit être accordé pour les périodes suivantes.
[48] Pour la période du 11 août 1997 au 4 décembre 1998, la situation du travailleur étant semblable à sa condition actuelle, comme il a été mentionné par l’ergothérapeute, la grille devrait se lire comme suit :
Tableau d’évaluation des besoins d’assistance |
||
Le lever |
B - Besoin d’assistance partielle |
1,5 |
Le coucher |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Hygiène corporelle |
B - Besoin d’assistance partielle |
2,5 |
Habillage |
B - Besoin d’assistance partielle |
1,5 |
Déshabillage |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Soins vésicaux |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Soins intestinaux |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Alimentation |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Utilisation des commodités du domicile |
B - Besoin d’assistance partielle |
2,0 |
Préparation du petit déjeuner |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Préparation du dîner |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Préparation du souper |
B - Besoin d’assistance partielle |
2,0 |
Ménage léger |
B - Besoin d’assistance partielle |
0,5 |
Ménage lourd |
A - Besoin d’assistance complète |
1,0 |
Lavage du linge |
B - Besoin d’assistance partielle |
0,5 |
Approvisionnement |
B - Besoin d’assistance partielle |
1,5 |
Total |
|
13/48 |
[49] Pour la période suivant immédiatement la chirurgie, du 4 décembre 1998 au 4 avril 1999, toujours conformément à l’évaluation de l’ergothérapeute, les besoins d’aide sont ainsi évalués :
Tableau d’évaluation des besoins d’assistance |
||
Le lever |
A - Besoin d’assistance complète |
3 |
Le coucher |
A - Besoin d’assistance complète |
3 |
Hygiène corporelle |
A - Besoin d’assistance complète |
5 |
Habillage |
A - Besoin d’assistance complète |
3 |
Déshabillage |
A - Besoin d’assistance complète |
3 |
Soins vésicaux |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Soins intestinaux |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Alimentation |
C - Aucun besoin d’assistance |
0 |
Utilisation des commodités du domicile |
A - Besoin d’assistance complète |
4 |
Préparation du petit déjeuner |
A - Besoin d’assistance complète |
2 |
Préparation du dîner |
A - Besoin d’assistance complète |
4 |
Préparation du souper |
A - Besoin d’assistance complète |
4 |
Ménage léger |
A - Besoin d’assistance complète |
1 |
Ménage lourd |
A - Besoin d’assistance complète |
1,0 |
Lavage du linge |
A - Besoin d’assistance complète |
1 |
Approvisionnement |
A - Besoin d’assistance complète |
3,0 |
Total |
|
37/48 |
[50] Concernant la période postérieure au 4 avril 1999, le tribunal estime, toujours selon l’évaluation de l’ergothérapeute, que puisque le travailleur présentait un « niveau d’autonomie semblable à ce qu’il est aujourd’hui », que le pointage de 13/48 points doit être accordé, et ce, jusqu’en 2010, date où une réévaluation devra être faite.
[51] La CSST devra donc calculer les indemnités en fonction des pointages accordés depuis le 11 août 1997. Par ailleurs, au montant de ces indemnités devront être ajoutés les intérêts comme il est prévu à l’article 364 de la loi :
364. Si une décision rendue par la Commission, à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358, ou par la Commission des lésions professionnelles reconnaît à un bénéficiaire le droit à une indemnité qui lui avait d'abord été refusée ou augmente le montant d'une indemnité, la Commission lui paie des intérêts à compter de la date de la réclamation.
Le taux de ces intérêts est déterminé suivant les règles établies par règlement. Ces intérêts se capitalisent quotidiennement et font partie de l'indemnité.
__________
1985, c. 6, a. 364; 1993, c. 5, a. 20; 1997, c. 27, a. 20; 1996, c. 70, a. 42.
[52] Comme il l’a été reconnu dans une jurisprudence récente, les intérêts s’appliquent sur la somme versée à titre d’aide personnelle à domicile puisque l’indemnité est un montant d’argent reconnu à un bénéficiaire après une décision de la révision administrative ou, en l’espèce, de la Commission des lésions professionnelles[7].
[53] Concernant enfin la décision de la révision administrative qui annule la décision de la CSST indiquant que le travailleur aura droit aux travaux d’entretien courant du domicile, la Commission des lésions professionnelles estime que la révision n’avait pas à annuler cette décision puisque même si elle semble se présenter sous la forme d’information, il demeure que la CSST reconnaît un droit, soit l’admissibilité du travailleur au remboursement des frais d’entretien courant. Dans les circonstances, il y a lieu de rétablir cette décision du 1er avril 2008, et ce, même si elle ne statue pas sur une demande précise pour des travaux spécifiques.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 358170-05-0809
ACCUEILLE la requête de monsieur Réjean Boisvert, le travailleur;
INFIRME la décision rendue le 25 août 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
RÉTABLIT la décision rendue par la CSST le 1er avril 2008 concernant l’admissibilité du travailleur au remboursement des frais d’entretien du domicile.
Dossier 364279-05-0812
ACCUEILLE en partie la requête déposée par monsieur Réjean Boisvert;
INFIRME la décision rendue le 30 octobre 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que pour la période du 11 août 1997 au 4 décembre 1998, monsieur Boisvert a droit de recevoir une allocation pour de l’aide personnelle à domicile pour un montant correspondant à l’évaluation de ses besoins totalisant 13/48 points;
DÉCLARE que pour la période du 4 décembre 1998 au 4 avril 1999, monsieur Boisvert a droit de recevoir une allocation pour de l’aide personnelle à domicile pour un montant correspondant à l’évaluation de ses besoins totalisant 37/48 points;
DÉCLARE que pour la période du 5 avril 1999 jusqu’à la prochaine évaluation, monsieur Boisvert a droit de recevoir une allocation pour de l’aide personnelle à domicile pour un montant correspondant à l’évaluation de ses besoins totalisant 13/48 points;
DÉCLARE que le travailleur a droit au versement d’intérêts en vertu de l’article 364 de la loi sur le versement de l’allocation d’aide personnelle à domicile à être effectuée;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour effectuer les correctifs monétaires qui s’imposent considérant les sommes déjà versées.
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Luce Boudreault |
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Me Sylvain Gingras |
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GINGRAS AVOCATS |
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Représentant de la partie requérante |
[1] Boisvert et Cascades Carton Plat, C.L.P. 331607-05-710, 18 décembre 2007, F. Ranger.
[2] Cf. Grilles complétées par le docteur Desroches.
[3] L.R.Q., c. A-3.001.
[4] Voir : Montminy et St-Jérôme Bandag inc. et CSST, C.L.P. 319308-64-0706; 331310-64-0710, 27 juin 2008, R. Daniel; Grégoire et Construction Rénovatech AP inc. et CSST, C.L.P. 305789-63-0612 et 306500-63-0701, 24 janvier 2008, D. Besse ; Tzimopoulos et Provigo Distribution (div Loblaws Qc) et CSST, C.L.P. 322442-71-0707, 11 février 2008, D. Lévesque ; Bérubé et Toitures Hogues inc. et CSST, C.L.P. 280156-64-0601 et 318078-64-0705, 18 février 2008, J.-F. Martel; Ouellet et 9093-6949 Québec inc., C.L.P. 339791-01A-0802, 14 octobre 2008, S. Lemire.
[5] Précitée note 4.
[6] (1997) 129 G.O. II, 7365.
[7] Turner et Centre Communautaire bénévole Matawinie, C.L.P. 245133-63-0410, 21 décembre 2006, F. Mercure; Gauthier et Sécurité Tenox ltée (fermé), C.L.P. 335070-63-0712, 15 décembre 2008, L. Morissette.
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