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Frenière et Hydro-Québec (Gestion Acc. Travail)

2009 QCCLP 4414

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Hyacinthe

Le 30 juin 2009

 

Région :

Yamaska

 

Dossier :

344154-62B-0804

 

Dossier CSST :

132162645

 

Commissaire :

Marie-Danielle Lampron, juge administratif

 

Membres :

Normand Bédard, associations d’employeurs

 

Pierre Lecompte, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Katherine Frenière

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Hydro-Québec (Gestion Acc. Travail)

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 2 avril 2008, madame Katherine Frenière (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle elle conteste une décision rendue le 25 mars 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme une décision qu’elle a initialement rendue le 13 décembre 2007 et déclare que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle et qu’elle devra rembourser la somme de 437,79 $ lorsque la décision deviendra finale.

[3]                La travailleuse, Hydro-Québec (l’employeur), de même que leur procureur respectif, sont présents à l’audience du 24 avril 2009.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu’elle a subi une lésion professionnelle le 22 octobre 2007 et qu’elle a droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations d'employeurs est d’avis de rejeter la requête de la travailleuse : elle ne peut bénéficier des présomptions; il y a absence de preuve quant à un événement imprévu et soudain; et, la preuve médicale démontre l’absence de relation entre la fasciite plantaire et les conditions dans lesquelles la travailleuse effectue son travail.

[6]                Notant que la preuve médicale démontre que la travailleuse effectue des activités sportives et récréatives qui sollicitent d’une manière significative le site lésé et peuvent expliquer davantage la pathologie, le membre issu des associations d'employeurs est d’avis que la travailleuse n’a pas réussi à démontrer qu’elle avait subi un accident du travail ou qu’elle était atteinte d’une maladie professionnelle au sens de la loi : elle n’a donc pas droit aux prestations prévues à la loi.

[7]                Le membre issu des associations syndicales est d'avis d’accueillir la requête de la travailleuse au motif qu’elle a subi une lésion professionnelle résultant du port de chaussures inadéquates qui auraient dû être changées avant.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[8]                La Commission des lésions professionnelles doit décider si la travailleuse a subi une lésion professionnelle le 22 octobre 2007 et si elle a droit aux prestations prévues à la loi.

[9]                Le tribunal considère, pour les motifs ci-après exposés, qu’il y a lieu de rejeter la requête de la travailleuse.

[10]           Précisons que c’est à la travailleuse que revient le fardeau de démontrer, par une preuve prépondérante, qu’elle a subi une lésion professionnelle au sens de l’article 2 de la loi. Cet article se lit comme suit :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« lésion professionnelle » : une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation;

_____________________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[11]           Pour faciliter la preuve des travailleurs, le législateur a établi deux présomptions en leur faveur : la présomption de lésion professionnelle (article 28) et la présomption d’une maladie professionnelle (article 29).

28. Une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail est présumée une lésion professionnelle.

 

29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 

[12]           Si la travailleuse ne peut bénéficier des présomptions prévues à la loi, il lui appartient alors de démontrer, par une preuve prépondérante, qu’elle a subi un accident du travail au sens de l’article 2 de la loi, ou encore qu’elle est atteinte d’une maladie professionnelle au sens de la loi.

[13]           L’article 2 de la loi définit ainsi la notion d’« accident du travail » et celle de « maladie professionnelle » :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;

 

« maladie professionnelle » : une maladie contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui est caractéristique de ce travail ou reliée directement aux risques particuliers de ce travail;

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27.

 

 

[14]           La procureure de la travailleuse n’a soumis aucune prétention quant à l’application des présomptions ni quant à la survenance d’un événement imprévu et soudain au sens de la définition d’un accident du travail : elle soumet que la travailleuse a été atteinte d’une maladie professionnelle reliée aux risques particuliers du travail au sens de l’article 30 de la loi.

[15]           Comme le tribunal n’est pas lié par les prétentions des parties, l’on procédera donc, en premier lieu, à déterminer si la travailleuse peut bénéficier des présomptions prévues à la loi.

[16]           Le 23 octobre 2007, sur une attestation médicale initiale complétée sous l’égide de la CSST, le médecin qui a charge de la travailleuse pose le diagnostic de fasciite plantaire, prescrit des anti-inflammatoires et autorise un arrêt de travail jusqu’au 30 octobre 2007; le médecin inscrit le 22 octobre 2007 comme date de l’événement.

[17]           Le diagnostic de fasciite plantaire droit est posé jusqu’au rapport final du 27 décembre 2007, date à laquelle cette lésion est consolidée sans atteinte permanente ni limitations fonctionnelles.

[18]           Comme le diagnostic de fasciite plantaire n’a pas fait l’objet d’une procédure d’évaluation médicale, il s’agit du diagnostic qui lie le tribunal aux fins de décider de l’admissibilité de la réclamation de la travailleuse, le tout en vertu de l’article 224 de la loi[2].

[19]           Le tribunal considère que la travailleuse ne peut bénéficier des présomptions prévues par la loi.

[20]           Comme le diagnostic de fasciite plantaire ne fait pas partie de la liste des maladies énumérées à l’annexe I de la loi, la travailleuse ne peut bénéficier de la présomption de maladie professionnelle établie à l’article 29 de la loi.

[21]           Pour bénéficier de la présomption de lésion professionnelle établie à l’article 28 de la loi, la travailleuse devait démontrer, par une preuve prépondérante, les trois éléments qui constituent cette présomption, à savoir qu’elle a subi une « blessure », que cette blessure est « arrivée sur les lieux du travail » et qu’elle était alors « à effectuer son travail ».

[22]           Le tribunal considère que la preuve ne permet pas de conclure à la survenance, au travail, d’un agent vulnérant ayant pu entraîner une « blessure » au sens de la définition du terme, telle qu’elle apparaît au dictionnaire[3] :

Blessure : lésion faite aux tissus vivants par une cause extérieure (pression, instrument tranchant ou contondant, arme à feu; chaleur), involontairement ou pour nuire.

[23]           La travailleuse exerce les fonctions de releveuse de compteurs pour le compte de l’employeur depuis février 2005. La preuve démontre que la travailleuse n’a pas fait de chute au travail sur son talon ni n’a reçu de coup ou autre type de traumatisme direct : au moment de l’apparition des douleurs au talon droit en octobre 2007, la travailleuse était chez elle.

[24]           Le 22 octobre 2007, dans ses notes cliniques, le médecin qui suit la travailleuse depuis quelques années indique ce qui suit :

Douleur au niveau du pied droit qui irradie au niveau de la cheville depuis la fin de semaine, déjà eu douleur au niveau du pied droit auparavant;

Douleur surtout au niveau du talon droit ce jour;

douleur surtout à la marche

Dit avoir parfois douleur à la cheville gauche;

Pas d’enflure

Motrin

Travail : marche beaucoup.

Pas de traitement[4]

[…]

Traitement :  au besoin

Chaussures adéquates[5]

Anti-inflammatoires.                                                     Orthèses plantaires à envisager

 Lecteur de compteur

 

 

 

[25]           Dans l’Avis de l’employeur et demande de remboursement, l’événement du 22 octobre 2007 est ainsi décrit :

Dans l’exercice de mes fonctions de releveuse de compteur, j’ai souvent ressenti des malaises aux pieds, chevilles, plante et dessus du pied et des engourdissements dans les jambes dû à la marche excessive que nous faisons dans un journée de travail, ainsi qu’aux souliers de marche mal adaptés (dû à l’usure, ampoules, pieds trempes, manque d’étanchéité). Lors de ces inconforts, je demandais des remplacements de chaussures et pour des raisons diverses, le délai de réception pouvait être de une à trois semaines. Samedi au matin le 20 octobre après une semaine de travail, j’ai ressenti une vive douleur au talon droit qui m’empêchait de marcher sur mon pied, ainsi que des engourdissements qui s’étendaient de la plante du pied jusqu’à mi-mollet. La douleur persistant encore le 22 octobre, j’ai consulté un médecin. (sic)

 

 

[26]           Le 30 octobre 2007, sur un document signé par la travailleuse et l’employeur, il est indiqué ce qui suit : « la travailleuse mentionne que la douleur au talon est apparue samedi le 20 octobre et qu’elle n’a pas ressenti cette douleur auparavant durant son travail. Aucun événement imprévu et soudain est survenu dans les journées précédant l’apparition de la douleur. Par contre, depuis son embauche (il y a 2 ½ ans) elle allègue des douleurs multiples au niveau de la plante du pied, le dessus du pied et la cheville ».

[27]           À l’audience, la travailleuse affirme avoir ressenti une douleur intense au talon droit, le samedi matin 20 octobre 2007, en se levant de son lit : dès qu’elle a mis le pied au sol, elle était incapable de mettre son poids sur ce pied. Elle n’avait aucune douleur le matin lorsqu’elle était dans son lit ni la veille en se couchant.

[28]           La travailleuse explique que malgré le repos de la fin de semaine, comme la douleur persistait le lundi matin, elle a avisé son employeur de la douleur et qu’elle prenait un congé de maladie et irait consulter son médecin. Il n’a pas alors été question d’un événement particulier survenu au travail.

[29]           Le contre-interrogatoire a révélé que la travailleuse effectue, dans ses loisirs, de la randonnée pédestre en montagne ainsi que du vélo de montagne. Elle a déjà éprouvé des douleurs au pied droit en faisant de la randonnée en montagne avant octobre 2007 : c’était, dit-elle, un peu après son embauche en 2005. 

[30]           La travailleuse affirme que c’était la première fois, le samedi 20 octobre 2007, qu’elle ressentait ce type de douleur au talon droit, car auparavant c’étaient des douleurs de type « ampoules » ou « courbatures » au pied ou à la cheville. Elle affirme n’avoir jamais consulté un médecin auparavant pour un problème aux pieds.

[31]           La travailleuse relie sa fasciite plantaire à la marche effectuée dans son travail de releveuse de compteurs, notamment dans le territoire Saint-Hyacinthe, au secteur du Mont-Saint-Hilaire et Otterburn Park, car en flanc de montagne; elle n’a pas précisé le kilométrage effectué et évalue le temps de marche de « quatre à cinq heures par jour, cinq jours par semaine ». La travailleuse relie aussi sa lésion au port de ses chaussures en raison d’un problème d’étanchéité. Elle réfère aussi à une condition de pieds creux.

[32]           Tout comme le docteur Marsolais, médecin qui a témoigné à l’audience pour le compte de l’employeur, le tribunal ne peut que constater, à la lecture du dossier, qu’à aucun endroit, que ce soit dans les rapports CSST ou dans les notes cliniques, le médecin de la travailleuse n’a posé le diagnostic de pieds creux ou fait état que la travailleuse présentait ce type de condition. La travailleuse a d’ailleurs affirmé à l’audience que la condition de pieds creux n’avait pas été mentionnée par son médecin tout au cours de ses consultations ni par aucun autre médecin. C’est l’orthésiste consulté qui en parlé à la travailleuse.

[33]           Dans un contexte où le tribunal est lié par les conclusions diagnostiques du médecin qui a charge de la travailleuse et que les notes de ce médecin ne permettent pas d’y retracer une quelconque mention d’une condition de pieds creux, alors que le docteur Marsolais est d’avis qu’il appartient au médecin de poser un tel diagnostic et non à l’orthésiste, le tribunal ne peut présumer du fait que l’orthésiste ait fabriqué des orthèses plantaires et parlé de pieds creux que cela implique que le médecin de la travailleuse ait retenu l’existence d’une condition de pieds creux.

[34]           Le docteur Marsolais a déposé de la littérature médicale (E-3 en liasse) démontrant que la condition de pieds creux prévaut chez les femmes de race blanche et qu’il y a différents degrés de pieds creux[6], de sorte qu’il est nécessaire qu’un diagnostic soit posé par un médecin avec corroboration de la condition au moyen d’un podoscope.

[35]           Soulignons que dans son rapport final, le médecin de la travailleuse ne fait aucune mention de la nécessité du port d’orthèses pour le retour au travail.

[36]           Le tribunal constate donc la lacune de la preuve présentée par la travailleuse au soutien de ses prétentions quant à une condition personnelle de pieds creux[7] et ne peut donc tenir compte de cette condition dans l’analyse de la réclamation de la travailleuse.

[37]           Compte tenu des douleurs antérieures mentionnées par le médecin traitant lors de la consultation du 22 octobre 2007 ainsi que de l’absence de preuve quant à la survenance d’un agent vulnérant survenu au travail, le tribunal considère que la preuve ne permet pas de conclure, d’une manière prépondérante, que la lésion qui a été diagnostiquée à compter du 22 octobre 2007 constitue une « blessure » au sens de la loi : la travailleuse ne peut donc bénéficier de l’application de la présomption de lésion professionnelle.

[38]           Ne pouvant bénéficier des présomptions prévues à la loi, il appartenait donc à la travailleuse de démontrer, par une preuve prépondérante, qu’elle avait été victime d’un accident du travail ou encore qu’elle est atteinte d’une maladie professionnelle. Le tribunal considère que la travailleuse n’a pas satisfait à son fardeau de preuve.

[39]           La travailleuse est âgée de 25 ans au moment de l’événement et elle exerce les fonctions de releveuse de compteurs depuis février 2005. Elle travaille du lundi au vendredi, débute sa journée à 8h et la termine à 16h. Elle bénéficie d’une heure pour dîner et de deux pauses de 15 minutes, mais dit prendre généralement de 30 à 40 minutes pour dîner et aucune pause, sauf pour les besoins essentiels, soulignant que cela dépend des journées, car « selon la fatigue de la journée », elle peut par exemple prendre plus de temps pour dîner, etc.

[40]           Au début de sa journée, la travailleuse se rend au bureau prendre les items requis pour son travail, à savoir un sac qu’elle porte en bandoulière et qui comprend un mini ordinateur portatif dans lequel elle saisit les données des compteurs de la clientèle, une lampe de poche, un parachien (allure de petit parapluie rétractable), des clés, des cartons (cartes pour autorelève par la clientèle). Elle va ensuite chercher le véhicule fourni par l’employeur pour effectuer son travail.

[41]           En milieu rural, les maisons étant plus éloignées les unes des autres, la travailleuse se déplace en véhicule d’une maison à l’autre pour y effectuer le relevé des compteurs. En milieu urbain, elle laisse son véhicule à un endroit et effectue la relève des compteurs en marchant à pied d’un immeuble à l’autre (résidences privées, commerces, blocs appartements, etc.), le trajet étant conçu de manière à ce qu’elle revienne à son véhicule à la fin du parcours. Elle retourne ensuite au bureau.

[42]           La travailleuse explique qu’étant une employée temporaire, son travail est différent de celui des employés permanents, car contrairement à eux, elle n’a pas de parcours fixe et change régulièrement de parcours (il y a 40 parcours par territoire), apprenant la veille, ou le jour même, où elle va travailler, de sorte que c’est « du nouveau chaque jour, « on ne sait pas à quoi s’attendre », car « ça peut être commercial, rural, à pied », « c’est de l’inconnu chaque jour ». 

[43]           Du début de ses fonctions, en février 2005, jusqu’à la fin novembre 2006[8], la travailleuse a été assignée au territoire de Saint-Bruno et les environs (ex. Longueuil, Greenfield Park, Varennes). Elle qualifie ce territoire de résidentiel, avec « beaucoup de marche à pied, beaucoup d’appartements »; elle dit avoir fait un peu de tout, incluant la zone de la montagne, le secteur du sommet Trinité, situé au flanc du Mont Saint-Bruno, ainsi que la zone de haut en bas, le long du boulevard de Boucherville.

[44]           Du 5 décembre 2006 jusqu’au 22 septembre 2007, la travailleuse a été assignée au territoire de Drummondville et les environs, territoire qu’elle qualifie de majoritairement rural, de sorte qu’elle se déplaçait souvent avec le véhicule pour aller prendre le relevé des compteurs dans la cour du client (ex. fermes). Pour la partie urbaine (petits villages; Ville de Drummondville elle-même), elle effectuait le parcours à pied.

[45]           À compter du 25 septembre 2007 jusqu’à la date de l’événement, la travailleuse a été assignée au territoire de Saint-Hyacinthe et les environs, qu’elle décrit comme un milieu davantage urbain que rural.

[46]           Appelée à préciser la différence entre ce territoire et les précédents, la travailleuse mentionne qu’il y a plus de marche à pied (résidences et blocs à appartements) et que le secteur Mont Saint-Hilaire/Otterburn Park est plus difficile « étant à flanc de montagne » : elle décrit ce parcours comme abrupt, en terrain instable et accidenté, avec tout type de chaussée (trottoir en ciment, asphalte, gravier, etc.).

[47]           Le tribunal considère que la preuve documentaire, ainsi que celle entendue à l’audience, ne permet pas de conclure, d’une manière prépondérante, que le changement de territoire à Saint-Hyacinthe, avec secteur Mont Saint-Hilaire/Otterburn Park, constitue un parcours si différent de celui exercé précédemment dans le territoire du Mont-Bruno, qui inclut le sommet Trinité, qu’il puisse correspondre à la qualification d’événement « imprévu et soudain » au sens de la définition d’un accident du travail. 

[48]           Il ressort du témoignage de la travailleuse ainsi que de ses assignations à compter du début de ses fonctions au territoire de Saint-Hyacinthe (E-1) que la travailleuse n’a pas effectué cinq jours de marche par semaine au secteur Mont-Hilaire/Otterburn Park.

[49]           À compter du mardi 25 septembre 2007, la travailleuse a été assignée quatre (4) jours au secteur du Mont Saint-Hilaire/Otterburn Park, qu’elle a fait à pied[9]. La semaine suivante, elle a été assignée à d’autres secteurs (Saint-Hyacinthe et Saint-Jean-Baptiste) et a fait le parcours à pied à l’exception du mercredi, journée de réunion[10]. La troisième semaine, la travailleuse a bénéficié d’un congé le lundi et elle a été assignée le mardi au secteur de Marieville, qui se fait à pied[11], et a été assignée les trois (3) autres jours à Saint-Mathias et Richelieu, où elle travailla sur la route avec le véhicule.

[50]           Quant à la quatrième semaine, celle précédant l’apparition de la lésion en litige, la travailleuse a effectué le relevé de compteurs durant cinq jours : elle a travaillé les trois (3) premiers jours à pied : à Saint-Hyacinthe le lundi[12] et au secteur Mont-Saint-Hilaire, le mardi et le mercredi[13]. Le jeudi, elle a fait le tiers de sa journée avec le véhicule et le reste à pied, à Saint-Hyacinthe et à La Présentation, avec une partie sur la route, avec le véhicule; le vendredi, elle a effectué 10 % de sa journée avec le véhicule à La Présentation et le reste à pied[14].

[51]           Questionnée s’il y avait eu des conditions particulières au travail la veille de l’apparition de sa douleur en octobre 2007, la travailleuse mentionne qu’il avait beaucoup plu le 19 octobre et qu’elle a effectué son travail majoritairement à pied. Elle mentionne que le parcours à La Présentation est de relief plat.

[52]           La travailleuse explique que l’employeur lui fournit une paire de chaussure deux fois par année et que bien qu’elles s’usent rapidement en raison de la marche, il lui faut garder les chaussures jusqu'aux dates prévues pour leur changement : en avril (commande d’espadrilles en mars) et en novembre (commande de bottes d’hiver en octobre ). Il leur est par contre possible d’obtenir de nouvelles chaussures entre ces dates. Elle dit avoir demandé le remplacement de ses espadrilles le 10 octobre 2007, estimant être plus susceptible de se blesser si elle travaillait les pieds « mouillés » (ex. ampoules).

[53]           La travailleuse mentionne que ses espadrilles de marche avaient des problèmes d’étanchéité depuis environ un mois et demi après leur réception le 13 avril 2007. Elle mentionne avoir mis, à partir de cette période, lorsqu’il pleuvait, des sacs de plastique dans ses souliers pour tenir ses pieds au sec. 

[54]           Questionnée sur l’impact de cette façon de faire, la travailleuse affirme qu’attachant très bien ses lacets, cela n’avait « pas d’effet à l’intérieur » de sa chaussure; elle affirme qu’elle n’avait aucune sensation de pied qui glisse ou autre changement à l’intérieur de ses chaussures.

[55]           Aucune preuve n’a été soumise quant au nombre de journées où la travailleuse a eu à marcher à la pluie, que ce soit sur terrain plat ou sur terrain à flanc de montagne. Aucun problème d’étanchéité de souliers n’est consigné aux notes cliniques du médecin de la travailleuse.

[56]           Comme la travailleuse affirme que le fait de marcher avec des sacs de plastique à l’intérieur de ses souliers n’avait pas d’impact et que le témoignage du docteur Marsolais milite pour une absence de relation en pareil cas, le tribunal considère que la preuve n’est pas prépondérante pour conclure que cet élément constitue, dans les circonstances du cas, un événement imprévu et soudain au sens de la définition d’un accident du travail.

[57]           Ainsi, compte tenu de l’ensemble de la preuve factuelle, incluant les notes cliniques du médecin traitant qui ne font état d’aucune problématique particulière reliée à la marche à pied à flanc de montagne ni d’un nouveau parcours plus problématique ou encore d’un problème relié à l’étanchéité des chaussures, le tribunal considère que la travailleuse n’a pas satisfait à son fardeau d’établir, d’une manière prépondérante, qu’elle a subi un accident du travail au sens de l’article 2 de la loi.

[58]           Le tribunal considère que la preuve n’est pas non plus prépondérante pour conclure que la travailleuse a été atteinte d’une maladie professionnelle au sens de l’article 30 de la loi. Cet article se lit comme suit :

30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail.

 

 

[59]           Comme le témoignage du docteur Marsolais démontre qu’il y a de 450 à 490 releveurs de compteurs chez l’employeur et qu’il n’y a eu, au cours des six dernières années, que trois cas de fasciite plantaire, incluant celui de la travailleuse (quant aux deux autres, un cas a été refusé et l’autre accepté, nous y reviendrons plus loin), le tribunal considère que la preuve n’est pas prépondérante pour conclure à une maladie « caractéristique » du travail. La procureure de la travailleuse n’a d’ailleurs pas plaidé que la maladie était caractéristique du travail.

[60]           Le tribunal considère que la preuve, tant factuelle que médicale, n’est pas prépondérante pour conclure à un lien de causalité entre la fasciite plantaire de la travailleuse et les conditions dans lesquelles la travailleuse effectue son travail de releveuse de compteurs.

[61]           Bien que la travailleuse allègue que son médecin a relié sa lésion « à la marche excessive au travail dans des chaussures mal adaptées », elle n’a soumis aucune opinion de son médecin pour corroborer ses allégations.

[62]           Le tribunal considère que le fait pour un médecin de compléter une attestation médicale sur les formulaires de la CSST ne constitue pas une preuve probante de l’existence d’une relation causale entre la maladie et le travail. D’ailleurs, dans le présent cas, en aucun endroit sur les rapports médicaux CSST, le médecin de la travailleuse n’a indiqué de motifs susceptibles d’être à l’origine de la fasciite plantaire.

[63]           Comme déjà mentionné, le médecin de la travailleuse ne parle pas dans ses notes cliniques d’un problème d’étanchéité de souliers, ni d’un changement de parcours ou d’une problématique lors de la marche à flanc de montagne. Une lecture des notes manuscrites de la première consultation révèle que le médecin de la travailleuse n’utilise pas l’expression « marche excessive » mentionnant plutôt le mot « beaucoup ».

[64]           Comme le médecin de la travailleuse ne précise pas la distance parcourue ni en quoi la marche pourrait constituer, dans les circonstances du cas, un facteur de risque de développer une fasciite plantaire, le tribunal ne retient pas l’allégation de la travailleuse quant au lien de causalité qu’aurait fait verbalement son médecin.

[65]           Soulignons que dans son rapport final de décembre 2007, le médecin de la travailleuse a consolidé la fasciite plantaire en précisant qu’elle était « résolue », qu’il n’en résultait aucune séquelle, et que la travailleuse pouvait reprendre son travail « sans restriction ». Aucune mention n’y apparaît quant à la nécessité du port d’orthèses au travail.

[66]           La travailleuse explique avoir repris son travail de Rover (sans territoire fixe) en prenant des anti-inflammatoires et portant ses orthèses au travail[15]. Même si ses orthèses l’aidaient, elle considérait néanmoins difficile sa marche au travail en terrain accidenté. Elle a bénéficié, peu après son retour au travail, d’un remplacement durant huit (8) mois sur un territoire urbain et rural, de sorte que c’était moins difficile, explique-t-elle, vu les périodes de récupération lors du déplacement en véhicule[16]. Elle a repris ensuite son travail de Rover et effectue maintenant un remplacement sur un territoire urbain et rural.

[67]           Au soutien de ses prétentions quant à des risques particuliers du travail, la procureure de la travailleuse a référé le tribunal à une décision rendue dans Croteau et Hydro-Québec[17], où la Commission des lésions professionnelles a accepté la réclamation d’un releveur de compteurs travaillant pour le même employeur dans des conditions qu’elle estime similaires (du « copier-coller » nous dit-elle). La soussignée ne souscrit pas à ces prétentions.

[68]           En effet, comme chaque cas est un cas d’espèce, il nous faut l’analyser à son mérite, en fonction des éléments de preuve soumis.

[69]           Or, avec respect, la soussignée considère que le présent cas se distingue du cas Croteau puisque dans cette affaire, il y avait démonstration d’une relation temporelle entre l’apparition des douleurs et un changement de chaussures trop étroites chez un travailleur qui avait les pieds larges et une condition de pieds plats; il y avait de plus présence d’une autre condition reconnue dans la littérature médicale alors déposée comme un facteur de risque prédisposant, à savoir une condition d’obésité, ce qui n’est pas le cas dans le présent dossier, la preuve démontrant que l’indice de masse corporelle de la travailleuse la situe dans la catégorie d’un poids normal. 

[70]           Soulignons qu’au contraire du cas Croteau, en l’instance, aucun médecin ne s’est prononcé en faveur de l’existence d’un lien de causalité et aucune littérature médicale n’a été déposée par la travailleuse pour établir que la marche ou les escaliers constituent, dans son cas, un facteur de risque. Or, la littérature médicale déposée et commentée par le docteur Marsolais ne permet pas d’établir à partir de quelle distance la marche peut être un facteur de risque susceptible de causer une fasciite plantaire.

[71]           Au surplus, contrairement au cas Croteau, la preuve démontre que la travailleuse effectue des activités de loisir qui sollicitent le site de sa lésion au talon d’une manière plus significative en terme de facteurs de risques que la marche dans son travail.

[72]           Comme au 22 octobre 2007, le médecin de la travailleuse rapporte que la travailleuse a présenté une douleur au niveau du « pied droit » depuis la fin de semaine et qu’elle a « déjà » eu des douleurs au niveau du pied droit auparavant, le tribunal ne peut faire fi de cet élément lors de l’analyse de la relation temporelle notamment.

[73]           Après avoir entendu le témoignage de la travailleuse, et plus particulièrement ce qu’a permis de découvrir le contre-interrogatoire quant aux activités de loisirs, le tribunal retient que la travailleuse minimise ses activités de loisirs les considérant banales et non en lien avec sa lésion. Or, son témoignage est imprécis et variable sur la fréquence de ses activités de loisirs, le niveau de leur intensité ainsi que sur les difficultés ou douleurs rencontrées lors de ces journées ou dans les jours qui ont suivi. Rappelons qu’au moment où la travailleuse a commencé à présenter ses premières difficultés au pied droit, en 2005, elle était à faire de la randonnée en montagne.

 

[74]           Après avoir mentionné qu’elle faisait de la randonnée pédestre en montagne au Québec, moins qu’avant (ex. Mont-Saint-Hilaire, Ham, etc.[18]), la travailleuse dit en faire durant les quatre saisons, incluant l’hiver; elle dira ensuite qu’elle en fait presque uniquement l’été, les fins de semaines, lorsqu’il fait beau, et durant les vacances, disant n’en faire qu’une ou deux fois l’hiver, et pas à chaque hiver. Elle qualifie sa période d’été de la mi-mai jusqu’à l’automne, autour de la fête de l’Action de grâces. En fin de témoignage, la travailleuse mentionne qu’elle ne fait « pas fréquemment » de la randonnée, « pas toutes les semaines », « deux fois par été », pouvant « sauter un mois » par exemple. Bref, il s’agit de données qui fluctuent trop pour être considérées comme suffisamment fiables.

[75]           Soulignons que la travailleuse situe la fin de ses activités de loisirs en montagne à l’automne, autour de la fête de l’Action de grâces : l’apparition de la douleur le 20 octobre 2007 se situe six jours après le week-end suivant (13 & 14 octobre) ou encore douze après la fête en question, selon l’époque où elle aurait cessé de pratiquer ses activités en 2007.

[76]           Comme la travailleuse évalue une journée de randonnée pédestre en montagne à six heures, avec pause d’une heure ou une heure et demie pour dîner, l’on retiendra qu’il est surprenant que le dossier soit muet sur ces éléments, qui ne sont apparus qu’en contre-interrogatoire.

[77]           Il en est de même de l’activité de vélo de montagne, que la travailleuse pratique depuis 2002 au cours de la période de la mi-mai jusqu’à l’automne vers la fête de l’Action de grâces. Elle se qualifie d’amateur, bien qu’elle effectue des secteurs difficiles : selon le niveau de difficulté du mont, la travailleuse effectue soit la montée et la descente en vélo (ex. Bromont) ou encore la descente uniquement, se rendant au haut de la montagne (ex. au Mont Saint-Anne) à l’aide de remontée mécanique (chair lift). Lorsqu’elle grimpe en montagne, elle peut être assise sur son vélo et ou encore être en position debout (valseuse) lorsque la pente est abrupte.

[78]           Lors de la pratique du vélo de montagne, la travailleuse porte des souliers à « clips » qui la rattache aux pédales de son vélo. Elle mentionne que ses souliers ont une semelle à crampons, plus rigide que moins, et que ses souliers s’usent au contact de l’eau et de la boue dans le « contexte des pentes abruptes » lorsqu’elle marche à côté de son vélo. Elle marche aussi sur le terrain du stationnement pour se rendre au lieu désigné. Elle nie courir à côté de son vélo, disant n’avoir fait que peu de compétitions (deux dites amicales) et c’était avant son embauche.

 

[79]           Après avoir dit qu’elle changeait souvent et régulièrement de souliers, pour une question de confort, en raison de l’empreinte laissée dans le soulier du fait qu’elle « force beaucoup avec ces souliers », elle dira ensuite avoir changé de souliers seulement deux fois depuis qu’elle pratique cette activité en 2002.

[80]           Appelée à comparer la différence entre la marche à flanc de montagne dans son travail au secteur Trinité du Mont-Saint-Bruno et au secteur Mont-Saint-Hilaire/Otterburn Park par rapport à la marche lors de ses randonnées pédestres au Mont Saint-Hilaire, la travailleuse mentionne qu’on ne peut comparer le fait de monter et descendre une montagne « une fois de temps en temps » et « le faire cinq jours par semaine » pour relever les compteurs.

[81]           Le docteur Marsolais a émis l’avis que l’apparition d’un diagnostic de fasciite plantaire peut survenir une semaine après une activité intense et que les activités sportives pratiquées par la travailleuse en montagne peuvent être qualifiées d’activités intenses quant à la sollicitation du fascia plantaire contrairement à la marche faite pour relever les  compteurs depuis 2005.

[82]           Il ressort, en effet, du témoignage probant et non contredit du docteur Marsolais que, dans la prépondérance des probabilités, il est davantage improbable que probable que la fasciite plantaire de la travailleuse puisse résulter de son travail, que ce soit dans le secteur de Saint-Hyacinthe ou ceux effectués précédemment, car la nature des activités de loisirs effectuées en dehors du travail est davantage à risque de développer ce type de lésion en raison de l’intensité de la sollicitation, et ce, lors de pratique même sporadique.

[83]           Au témoignage de la travailleuse qui minimise l’intensité de la sollicitation du fascia plantaire lors de ses activités de loisirs en montagne, le tribunal privilégie le témoignage davantage probant du docteur Marsolais quant aux risques significatifs identifiés lors de la pratique de ces activités hors travail, et retient qu’il s’agit, au sens de la littérature médicale déposée en preuve, de risques beaucoup plus significatifs en terme d’intensité de sollicitation que ce que l’on retrouve dans les conditions de marche dans le travail de releveuse de compteurs qu’effectue la travailleuse.

[84]           Comme la travailleuse a eu des difficultés au pied droit en 2005, alors qu’elle effectuait de la randonnée pédestre, et même si l’on ignore si elle avait effectué du vélo vers la même époque, il nous apparaît que la relation temporelle milite davantage en faveur d’un lien de causalité avec l’activité de randonnée en montagne plutôt que de la marche au travail.

 

[85]           À l’aide de la littérature médicale, le docteur Marsolais a expliqué qu’il y a deux théories quant à la nature de la fasciite plantaire (soit dégénérative ou inflammatoire) et l’étiologie est en fait inconnue, probablement de causes multi-factorielles et qu’aucune étude sérieuse n’a démontré un lien de causalité probant avec la marche prolongée et cette maladie.

[86]           Le docteur Marsolais a de plus apporté des explications probantes qui permettent de comprendre en quoi le niveau de sollicitation du fascia plantaire, lors de la marche au travail, se distingue de la situation de problématiques notées chez les coureurs, notamment lors d’erreurs d’entraînement, de surentraînement, ou d’utilisation de mauvais souliers tels des chaussures « usées à la corde », et que ces éléments n’ont pas été démontrés en l’espèce en relation avec le travail. Soulignons de plus le nombre de kilomètres qui auraient pu être marchés sous la pluie n’a pas non plus été mis en preuve.

[87]           L’on notera également qu’aucune étude n’a été déposée pour démontrer que la fasciite plantaire pourrait être « directement » reliée à la marche. Il ressort de la littérature déposée en preuve par le docteur Marsolais que l’on ignore ce que les auteurs entendent par station debout « continued » ou marche « continued », aucune définition n’ayant été donnée; n’ont pas non plus été identifiés la distance parcourue, le type de marche adoptée (ex. marche militaire) ou le type de surface, l’âge des participants, s’il y a eu pratique d’autres activités de loisirs impliquant la marche, etc.

[88]           Bref, le présent cas se distingue du cas Croteau tant par la preuve factuelle soumise que par la preuve médicale probante soumise et commentée à l’audience, sans compter que l’on n’a pas en l’espèce une combinaison de facteurs prédisposants.

[89]           Outre le fait que le docteur Marsolais a entendu le témoignage de la travailleuse et pris connaissance de l’ensemble des éléments mis en preuve, ce médecin a déposé de la littérature médicale qui corrobore son opinion quant à une absence de relation entre la fasciite plantaire de la travailleuse et les conditions de marche dans lesquelles cette dernière a effectué son travail de releveuse de compteurs tout au cours des années, que ce soit à Saint-Hyacinthe ou à Saint-Bruno, l’intensité dans la variance de l’effort (soft) de marche étant semblable à ce qu’elle était habituée.

[90]           Non seulement la travailleuse n’a soumis aucun élément probant pour écarter l’opinion probante du docteur Marsolais, mais il nous apparaît évident que l’activité en vélo en montagne est plus beaucoup exigeante que la marche au travail, en termes d’intensité dans la variance des efforts.

 

[91]           Le tribunal note que la marche au travail sur le territoire de Saint-Hyacinthe à compter de septembre 2007 est d’environ quatre heures par jour et que celle-ci est entrecoupée d’un bon temps de récupération le midi. La preuve démontre de plus qu’il y a d’autres périodes de récupération, que ce soit les 5 à 10 minutes où elle n’a pas à expliquer le délai de saisie des données (ex. lorsqu’elle parle ou attend une personne, complète une carte, etc.), les pauses ou encore les parcours en véhicule.

[92]           Dans un contexte où la preuve factuelle ne milite pas en faveur d’un lien de causalité entre la maladie et le travail et que le témoignage probant et non contredit du docteur Marsolais démontre qu’il est même improbable qu’il y ait une relation de cause à effet entre la marche au travail et la fasciite plantaire droite, le tribunal considère que la travailleuse n’a pas satisfait à son fardeau d’établir, par une preuve prépondérante, que la lésion pour laquelle elle a consulté le 22 octobre 2007 résulte « directement » des risques particuliers de son travail.

[93]           Ainsi, comme la travailleuse n’a pas réussi à démontrer qu’elle a subi une lésion professionnelle, il s’ensuit qu’elle n’a donc pas droit aux prestations prévues à la loi.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de la travailleuse, madame Katherine Frenière;

CONFIRME la décision rendue le 25 mars 2008 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la travailleuse n’a pas subi de lésion professionnelle le 22 octobre 2007 et qu’elle n’a pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

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Marie-Danielle Lampron

 

Me Laure Tastayre

S.C.F.P. - F.T.Q. (LOCAL 1500)

Représentante de la partie requérante

 

Me Pascal Parent

AFFAIRES JURIDIQUES HYDRO-QUÉBEC

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           224. « Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, et sous réserve de l'article 224.1, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa de l'article 212 ».

[3]           Paul Robert, Le Petit Robert, Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, Le Robert, Paris, édition 2004.

[4]           Pourrait aussi se lire comme suit : « Pas de radiographie ».

[5]           La travailleuse n’a pas montré ses espadrilles de travail à son médecin.

[6]           Le médecin du Québec, volume 44, numéro 4, avril 2009 : « la majorité des gens sans symptômes ont des pieds creux, le plus souvent de degré I ou II (tableau I), soit 71 % des femmes et 58 % des hommes de race blanche »; « l’assise classique normale n’est présente que chez un faible pourcentage de la population, soit 28 % à 38 % selon le sexe ».

[7]           Soulignons que ni la travailleuse ni sa procureure n’ont demandé au tribunal un délai pour obtenir des précisions du médecin traitant sur cet aspect du dossier.

[8]           À l’exception d’une période de deux mois à l’automne 2005, où elle a exercé d’autres fonctions (préposée à l’impression).

[9]           Le temps de marche est de 4h17 le mardi; 4h04 le mercredi; 4h50 le jeudi; et, 3h48 le vendredi.

[10]         Le temps de marche est de 4h20 le lundi; 4h04 le mardi; 3h59 le jeudi; et, 3h46 le vendredi.

[11]         Le temps de marche est de 4h13 le mardi.

[12]         Le temps de marche est de 4h36.

[13]         Le temps de marche est de 4h34 le mardi et de 3h22 le mercredi.

[14]         Le temps de marche inscrit est de 4h24 le jeudi et de 4h42 le vendredi.

[15]         En contre-interrogatoire, la travailleuse a mentionné porter aussi ses orthèses pour faire maintenant de la randonnée pédestre en montagne.

[16]         La travailleuse avait bénéficié d’une assignation temporaire en novembre et en décembre 2007, effectuant une demi-journée de marche et une demi-journée dans un travail en position assise.

[17]         277961-04B-0512, 11 avril 2007, A. Quigley (requête en révision pour cause rejetée : J.-F. Clément, 18 janvier 2008).

[18]         La travailleuse mentionne qu’avant son embauche à titre de releveuse de compteurs, elle faisait de la randonnée pédestre dans des monts plus difficiles, tel le Mont Albert en Gaspésie.

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.