Décision

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Usines Giant inc. et Lévesque

2011 QCCLP 6726

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Laval

18 octobre 2011

 

Région :

Laval

 

Dossiers :

357355-61-0809      363550-61-0811

 

Dossier CSST :

131798589

 

Commissaire :

Isabelle Piché, juge administratif

 

Membres :

Monsieur Jean E. Boulais, associations d’employeurs

 

Monsieur Robert Légaré, associations syndicales

 

______________________________________________________________________

 

 

 

Usines Giant inc.

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Jean-Pierre Lévesque

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

357355-61-0809

[1]           Le 5 septembre 2008, Usines Giant inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) rendue le 24 juillet 2008, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme deux décisions initiales rendues le 16 avril 2008. Dans un premier temps, elle déclare que monsieur Jean-Pierre Lévesque (le travailleur) est atteint d’une maladie pulmonaire professionnelle dont le diagnostic est un asthme. En second lieu, elle déclare que le travailleur a droit au versement d’une indemnité pour préjudice corporel correspondant à une atteinte permanente de 3,30 %.

363550-61-0811

[3]           Le 21 novembre 2008, l’employeur dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 11 novembre 2008, à la suite d’une révision administrative.

[4]           Par cette décision, la CSST confirme une décision initiale rendue le 28 juillet 2008 et déclare qu’il était justifié de refuser de suspendre le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu versée au travailleur à la suite du refus de ce dernier d’effectuer une assignation temporaire.

[5]           L’audience s’est tenue le 3 octobre à Laval en présence des parties et de leur procureur respectif.

L’OBJET DES CONTESTATIONS

[6]           L’employeur demande dans un premier temps à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que le travailleur n’est pas atteint d’une maladie pulmonaire professionnelle. En second lieu, il demande au tribunal de conclure qu’il y avait lieu de suspendre les indemnités de remplacement du revenu du travailleur à la suite de son refus d’exécuter une assignation temporaire valablement autorisée par le médecin ayant charge.

LES FAITS

[7]           Monsieur Lévesque occupe le poste de soudeur pour le compte de l’employeur depuis novembre 1979.

[8]           Le 6 avril 2006, il consulte le pneumologue Jean-Luc Malo puisqu’il présente depuis 2 à 3 ans des difficultés respiratoires à son travail qui régressent lorsqu’il se trouve à la maison. Il prend d’ailleurs du Ventolin à la fin de son quart de travail, ce qui améliore sa symptomatologie.

[9]           Questionné lors de cette visite médicale sur des facteurs provocants de nature allergique, monsieur Lévesque indique qu’il a un chat chez lui depuis quelques mois, qu’il présente une histoire de rhinoconjonctivite saisonnière depuis 10 à 15 ans et qu’il aurait peut-être fait des crises d’urticaire à l’adolescence.

[10]        Les examens de laboratoire réalisés démontrent des réactions positives aux pollens, ainsi qu’aux acariens.

[11]        En conclusion de l’examen, le docteur Malo est d’avis que l’histoire peut suggérer de l’asthme, mais n’est pas certain que celui-ci soit professionnel, surtout que la soudure exécutée ne cause habituellement pas de sensibilisation. Il amorce malgré cela une investigation basée sur la mesure des débits de pointe, un test à la méthacholine et un examen d’expectoration induite.

[12]        Le test de provocation bronchique est réalisé le 27 avril 2006 et démontre une absence d’hyperexcitabilité bronchique.

[13]        Sur réception de ce résultat, le docteur Malo estime ne pouvoir conclure à la présence d’asthme, qu’il soit professionnel ou non.

[14]        Ultérieurement, ce médecin apprend que sur deux spécimens d’expectoration, il existe une éosinophilie significative et demande alors à revoir le travailleur.

[15]        Le 22 mars 2007, monsieur Lévesque passe un nouveau test de provocation bronchique à la méthacholine puisqu’il se dit très symptomatique d’éveils nocturnes avec dyspnée, de toux et de sifflements thoraciques. Il y a alors chute du VEMS de 30 % après inhalation du diluant sain.

[16]        Dans ce contexte, le docteur Malo considère que le travailleur présente fort probablement de l’asthme et recommande la prise de Flovent. Il doute cependant qu’il y ait un lien avec le travail, mais considérant l’existence de trichloroéthylène dans ce milieu, il confie tout de même à monsieur Lévesque un débitmètre pour lui permettre d’enregistrer les valeurs de débit de pointe au travail et hors travail.

[17]        Le 23 avril 2007, le travailleur revoit le docteur Malo avec les résultats des mesures. Il semble que les chutes du débit de pointe ne sont pas spécifiques aux périodes de travail. Conséquemment, il n’y a alors aucune référence auprès de la CSST.

[18]        Le 4 juin 2007, monsieur Lévesque se présente à nouveau au bureau du docteur Malo. Ce spécialiste écrit alors, considérant que le travailleur estime que les émanations de fumée de soudure peuvent être responsables de son asthme, qu’il y a lieu de présenter une demande à la CSST et d’obtenir une évaluation du Comité des maladies pulmonaires professionnelles afin d’examiner la suite des tests à faire.

[19]        Ainsi, le 7 juin 2007, monsieur Lévesque présente une réclamation pour maladie professionnelle à la CSST.

[20]        Au soutien de sa demande, il présente une Attestation médicale complétée par le docteur Malo qui fait état d’une possibilité d’asthme professionnel et d’une référence à un Comité des maladies pulmonaires professionnelles.

[21]        Monsieur Claude Lesage, président de l’entreprise Usines Giant inc. depuis 1966, explique lors de l’audience que sa compagnie fabrique des chauffe-eau à partir d’acier nettoyé, et ce, depuis 1975. Il précise que l’utilisation de ce matériau évite la présence d’oxyde d’acier, contrairement à l’acier noir.

[22]        Chez cet employeur, deux soudeurs, dont monsieur Lévesque, sont assignés à la soudure de têtes de chauffe-eau. Le travail de ces ouvriers consiste essentiellement à rechercher les imperfections dans les soudures et à les corriger avec une torche alimentée dans les premières années au CO2, puis ultérieurement avec un mélange d’argon et de CO2. Pour ce faire, ils doivent nécessairement porter un masque, autrement, les yeux brûlent.

[23]        Monsieur Lesage reconnaît que son entreprise a utilisé du trichloroéthylène (tce) jusqu’en 2009 afin de lubrifier les têtes supérieures des réservoirs. Il signale cependant que ce produit s’évaporait extrêmement rapidement et que des hottes de ventilation permettaient la captation des vapeurs résiduelles. Il admet toutefois que ce produit s’infiltrait malgré tout un peu partout.

[24]        Il soumet par ailleurs que tous les soudeurs de l’entreprise travaillent sur le même type d’acier et qu’aucun d’entre eux n’a développé de difficultés respiratoires à l’exception de monsieur Lévesque.

[25]        Le travailleur allègue quant à lui avoir travaillé plus d’une quinzaine d’années sans aucun système de ventilation. De plus, même lorsque les hottes ont été installées, il relate qu’elles étaient trop hautes et n’agissaient pas adéquatement puisque les yeux chauffaient malgré le port du masque.

[26]        Le 12 octobre 2007, le travailleur est évalué par un Comité des maladies pulmonaires professionnelles.

[27]        Au rapport rédigé par ces trois pneumologues, on peut lire à la section Histoire professionnelle que monsieur Lévesque effectue de la soudure au mig depuis 28 ans chez l’employeur et qu’il n’existe dans son département aucune autre émanation de produits de façon significative sauf pour des produits irritants, mais non sensibilisants, comme le trichloroéthylène et le benzène.

[28]        Il est aussi mentionné que le travailleur est propriétaire depuis quelques années d’une compagnie d’entretien ménager industriel et commercial comptant plusieurs employés. Monsieur Lévesque précise qu’il lui arrive à l’occasion d’aller sur les lieux de travail et qu’il peut parfois être exposé à des nettoyants. Il ne travaille cependant pas en général à l’entretien ménager.

[29]        En ce qui concerne l’histoire de la maladie actuelle, monsieur Lévesque rapporte éprouver des difficultés respiratoires à son travail depuis 2 à 3 ans qui se manifestent par de la toux, de la dyspnée et des sifflements thoraciques. Il précise que ces symptômes ne sont pas présents les trois jours où il ne travaille pas et s’intensifient progressivement les quatre jours où il se trouve chez l’employeur. Il arrive par ailleurs que le travailleur tousse ou présente des sifflements thoraciques lorsqu’il est exposé à des irritants non spécifiques en dehors de son milieu professionnel.

[30]        Aux tests d’allergies effectués, il appert que le travailleur cote positif pour l’herbe à poux, les pollens d’arbres, la poussière, le dermatophygoïdes, le pteronyssinus, les graminées, le dermatophygoïdes farinae et les armoises.

[31]        Les tests fonctionnels respiratoires sont pour leur part interprétés comme étant dans les limites de la normale, tout comme la radiographie pulmonaire.

[32]        En conclusion, les membres du Comité des maladies pulmonaires professionnelles reconnaissent que l’histoire du travailleur peut suggérer un diagnostic de bronchite éosinophilique ou même d’asthme en raison de la possibilité d’hyperexcitabilité bronchique notée lors du test à la méthacholine le 22 mars 2007. Ils réfèrent par conséquent monsieur Lévesque à la clinique de l’asthme professionnel de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal afin de compléter l’investigation.

[33]        Le 8 novembre 2007, le travailleur revoit le docteur Malo. Il est à ce moment de retour dans son milieu professionnel, mais il ne travaille pas dans le même département qu’auparavant. Cette journée-là, le test de provocation à la méthacholine montre une CP20 à 14 mg/ml.

[34]        Le 29 novembre 2007, un nouveau test à la méthacholine confirme une hyperexcitabilité bronchique limite puisque la CP20 est à 16mg/ml.

[35]        Le 15 décembre 2007, une technicienne en hygiène du travail, madame Annie Lépine, remet à l’employeur un rapport concernant l’évaluation du trichloroéthylène et de ses produits de décomposition chez Usines Giant inc.

[36]        Elle y mentionne notamment que malgré le respect des normes prescrites par le RSST, les concentrations de TCE retrouvées sont suffisantes pour permettre sa transformation en HCL et en phosgène. Il y a à cet égard dépassement au niveau de la valeur d’excursion pour le phosgène au poste de soudeur affecté aux retouches sur la tête des réservoirs.

[37]        En conclusion, madame Lépine suggère à l’employeur d’étudier sérieusement la possibilité de substituer le TCE, étant donné que ce produit est un solvant absorbé par les voies respiratoires, digestives et cutanées, qu’il est considéré potentiellement cancérigène par des organismes nationaux et internationaux et qu’il se transforme en phosgène et en HCL via le procédé de soudage.

[38]        Dans l’attente de cette modification, cette hygiéniste rappelle à l’employeur qu’il doit fournir à ses employés une protection respiratoire adéquate.

[39]        À compter du 21 janvier 2008, monsieur Lévesque est exposé à des tests de provocation en milieu de travail et en milieu hospitalier. La pneumologue Catherine Lemière produit un rapport récapulatif des résultats le 6 février 2008. Elle indique qu’au jour A, qui est le jour de contrôle chez le travailleur, le VEMS de départ est à 3,31 et monte jusqu’à 19% dans la journée. La CP20 à la fin de la journée est pour sa part notée à 32 mg/ml.

[40]        Au jour B, jour d’exposition en milieu de travail, le VEMS initial est de 3.78 et au cours d’une exposition de 5 h 30, survient une chute du VEMS de18,5 % avec chute maximale de 23,8 %. La prise de Ventolin permet alors une réversibilité partielle du VEMS, mais une nouvelle chute survient une heure plus tard de l’ordre de 15,6 %.

[41]        Le lendemain, le VEMS est noté à 3.28 et de façon plus surprenante, la CP20 est à 64 mg/ml. Il y a également en date du 23 janvier 2008 légère augmentation des éosinophiles. Dans ce contexte, l’équipe d’évaluateurs tente de mettre en évidence un agent allergène sensibilisant chez le travailleur et il est décidé de faire des tests au MDI en laboratoire puisqu’on retrouve ce produit dans la mousse isolante utilisée dans l’usine.

[42]        Ainsi, le 30 janvier est un nouveau jour de contrôle (jour C). Le VEMS du travailleur est à ce moment de 3.65 et ne se modifie pas après une exposition de 30 minutes à une résine de polyol chauffée. L’éosinophilie n’est cette journée-là qu’à 2 %.

[43]        Au jour D, le 4 février 2008, il y a exposition au MDI, mais celle-ci n’engendre aucune fluctuation du VEMS.

[44]        Au jour E, soit le 5 février 2008, le travailleur est exposé à du MDI-A 100 pour une période de 30 minutes. Encore une fois, aucune modification du VEMS n’est constatée.

[45]        Finalement, le 6 février 2008, appelé jour F, monsieur Lévesque est exposé durant deux heures à du MDI-A 100 avec un résultat similaire. Il n’y a pas fluctuation du VEMS, ni de la CP20, ni du nombre d’éosinophiles.

[46]        En conclusion de ces examens, la docteure Lemière écrit ce qui suit :

Monsieur Lévesque n’a pas présenté une réaction très typique étant donné qu’il a une réactivité bronchique normale, mais il a démontré quand même une chute soutenue du VEMS durant la journée d’exposition en milieu de travail avec une éosinophilie significative à la fin de la journée. Aucune chute significative du VEMS ne s’est produite dernièrement soit lors des journées contrôle ou des journées d’exposition.

 

Bien qu’atypique, la réaction de monsieur Lévesque évoque un asthme professionnel avec probablement une composante inflammatoire importante. Il serait préférable qu’il ne soit plus exposé dans son environnement de travail, mais de toute façon je pense qu’il était déjà relocalisé lors de son emploi. Nous avons donné un débit de pointe à monsieur Lévesque étant donné qu’il reste quand même dans le même genre d’emploi dans un autre département. Nous continuerons à le suivre et monsieur Lévesque fera ces débits de pointe et il reverra le docteur Jean-Luc Malo pour un suivi d’ici 3 semaines à 1 mois.

 

 

[47]        Le 15 février 2008, les membres du Comité des maladies pulmonaires professionnelles rédigent un rapport complémentaire à la suite de l’investigation à l’Hôpital du Sacré-Cœur. En définitive, ils reconnaissent le diagnostic d’asthme professionnel chez le réclamant même s’il s’agit d’une présentation atypique, sans évidence d’hyperexcitabilité bronchique, mais associé à une éosinophilie bronchique significative et à une chute de la spirométrie.

[48]        Ils désignent un déficit anatomophysiologique de l’ordre de 3 % pour sensibilisation, ne déterminent aucune limitation fonctionnelle, mais spécifient que monsieur Lévesque ne doit pas retourner travailler à la compagnie où il était et qu’il devrait idéalement travailler dans un autre endroit que la soudure.

[49]        Le 19 février 2008, le docteur Cartier complète une Attestation médicale. Il y inscrit que le diagnostic d’asthme professionnel a été documenté par des tests en usine et entériné par le Comité des maladies pulmonaires professionnelles A de Montréal. Il ajoute que le travailleur a continué de travailler, mais demeure symptomatique. À cause de cela, il retire ce dernier de son travail.

[50]        Le 3 avril 2008, les membres du Comité spécial des présidents évaluent le dossier de monsieur Lévesque.

[51]        Après une analyse complète des différents rapports et détails d’examens, ils concluent à leur tour qu’il y a lieu de reconnaître que le travailleur est porteur d’un asthme professionnel bien qu’il s’agit d’une présentation atypique sans évidence d’hyperexcitabilité bronchique, mais associée à une éosinophilie bronchique significative et à des variations spirométriques importantes.

[52]        Ils confirment l’octroi d’un déficit anatomophysiologique de 3 % et la nécessité pour monsieur Lévesque de ne pas retourner chez Usines Giant inc. ou encore d’exercer le métier de soudeur.

[53]        Le 16 avril 2008, la CSST rend une décision faisant suite aux conclusions du Comité spécial des présidents. Il y est mentionné que la réclamation est acceptée et que le dossier est dirigé en réadaptation afin qu’un conseiller se penche sur la capacité du travailleur à exercer son emploi.

[54]        Le 8 mai 2008, monsieur Lévesque est convoqué par l’employeur en expertise au bureau du pneumologue Paolo Renzi.

[55]        Après une revue complète du dossier et un questionnaire extensif du travailleur, le docteur Renzi retient quatre diagnostics, à savoir :

1.    Allergies multiples avec rhinoconjonctivite aux substances inhalées (pollens, acariens) depuis 10 à 15 ans et urticaire à l’enfance.

2.    Asthme démontré par variabilité importante du VEMS sans hyperréactivité bronchique.

3.    Apnée du sommeil possible.

4.    Test de provocation bronchique en usine montrant une chute significative du VEMS compatible avec un asthme professionnel ou un asthme dû à un effet irritatif (exposition à des hautes concentrations de trichloroéthylène?). Les comités des maladies professionnelles pulmonaires et des présidents ont considéré la réaction comme atypique, mais ont donné le diagnostic d’asthme professionnel.

[56]        À la question qui lui est posée concernant la relation possible entre la lésion et les tâches exécutées au travail, ce spécialiste répond par l’affirmative puisque la symptomatologie de monsieur Lévesque était présente lorsqu’il effectuait de la soudure au travail et que les tests en usine ont démontré une chute significative du VEMS.

[57]        Il mentionne à son tour que monsieur Lévesque ne peut plus travailler au poste où la provocation en usine était positive et de façon optimale, ne devrait plus faire de soudure, à moins que la protection respiratoire soit adéquate (sans trichloroéthylène) et qu’il y ait monitoring des débits de pointe pour confirmer qu’il n’y a aucun effet sur ses bronches.

[58]        Le docteur Renzi estime adéquat un déficit anatomophysiologique de 3 % pour sensibilisation.

[59]        Finalement, ce médecin signale qu’à son avis le travailleur est porteur d’un handicap personnel depuis l’enfance considérant les épisodes d’urticaire mentionnés, de même que les nombreuses allergies démontrées. Il croit, littérature médicale à l’appui, que n’eût été de ces allergies, le travailleur n’aurait probablement pas développé de l’asthme.

[60]        Le 3 juin 2008, la CSST rend une décision par laquelle elle informe le travailleur de son droit à la réadaptation compte tenu de la désignation d’une atteinte permanente attribuable à la lésion professionnelle.

[61]        Le 8 juin 2008, le docteur Malo autorise une demande d’assignation temporaire. Il s’agit d’un poste de journalier situé dans les locaux de l’entreprise Plastiques Milsi inc. à Longueuil sur un horaire de cinq jours par semaine. Les tâches désignées sont celles de collage de portes, d’assemblage de fils, de vissage ainsi que d’emballage d’éléments, de gommage et d’emballage de «safety valve».

[62]        Le 21 juillet 2008, l’employeur s’adresse à la CSST afin que cet organisme suspende le paiement de l’indemnité de remplacement du revenu du travailleur rétroactivement au 8 juin 2008 puisque ce dernier a refusé d’accomplir les tâches de l’assignation temporaire autorisée par le médecin qui a charge.

[63]        Le 25 juillet 2008, la CSST répond à la demande de l’employeur par la négative au motif que l’assignation offerte ne s’inscrit pas dans les modalités prévues au contrat de travail de l’employé puisqu’elle est proposée chez un employeur différent.

[64]        Le 6 août 2008, la CSST rend une décision déclarant monsieur Lévesque capable d’exercer l’emploi convenable de représentant de commerce à compter du 4 août 2008.

[65]        Le 15 août 2008, l’employeur écrit à la CSST afin de l’informer que les tâches de l’assignation temporaire proposée sont des tâches exécutées par les travailleurs d’Usines Giant inc., sous le contrôle des représentants d’Usines Giant inc. et pour les fins de production d’Usines Giant inc., et ce, à la connaissance de monsieur Lévesque.

[66]        Monsieur Lesage témoigne également sur cette question. Il précise qu’Usines Giant inc. exerce ses activités dans plus d’un établissement et que ceux-ci sont situés à des adresses différentes.

[67]        D’ailleurs, l’article 2.02 a) de la convention collective de travail en vigueur du 1er mars 2006 au 28 février 2011 se lit comme suit :

« Compagnie » signifie Usines Giant inc., à son établissement situé au 40 avenue Lesage, Montréal-est, Province de Québec, ou autre local utilisé par Usines Giant inc.;

 

 

[68]        Il ajoute que l’entreprise s’est associée il y a quelques années à la compagnie Plastiques Milsi inc. située à Longueuil qui fabrique des pièces de plastique telles que des pièces pour piscine, des bouteilles de condiment et même des composantes de chauffe-eau pour des compétiteurs de l’employeur. Par ce partenariat, Usines Giant inc. s’assurait de la conformité et de la qualité de certaines pièces nécessaires au montage de ses chauffe-eau.

[69]        Ce témoin précise qu’Usines Giant inc. a transféré à ce moment chez Milsi les équipements, ainsi que les composantes requis pour fabriquer les pièces en question et de son côté, Milsi a fourni la main d’œuvre moyennant des frais minimaux.

[70]        Monsieur Lesage avance qu’il y a pour 500 000 $ d’équipements d’Usines Giant chez Milsi. Le principal gain pour cette dernière entreprise est la possibilité d’utiliser l’équipement pour ses propres montages de plastique et de jouir de meilleurs tarifs pour l’acquisition d’inventaire. Par ailleurs, lorsque Milsi fabrique les pièces destinées à l’employeur, elle doit le faire selon les spécifications de ce dernier.

[71]        Ainsi, si monsieur Lévesque avait accepté les tâches d’assignation chez Milsi, il aurait continué d’être un employé sous la gouverne d’Usines Giant inc. et ses conditions de travail auraient été identiques.

[72]        Contre-interrogé sur les propriétaires réels de la compagnie Milsi, monsieur Lesage indique que ce sont madame Jocelyne Dumas et monsieur Guy Plourde qui en sont les dirigeants. Il admet que ni lui, ni Usines Giant inc. ne disposent d’actions ou de participations chez Milsi.

[73]        Monsieur Lesage indique également que sur les 160 employés d’Usines Giant inc., aucun employé ne travaille à l’heure actuelle chez Milsi. Il soumet par ailleurs qu’à un certain moment, une de ses employés qui était enceinte a été transféré chez Milsi afin d’éviter tout danger pour son bébé à venir.

[74]        Questionné sur le lieu de résidence et l’horaire de travail de monsieur Lévesque, le président d’Usines Giant inc. indique que le travailleur demeure à Laval et que son quart de travail se répartit sur 4 jours. Il concède que chez Milsi, normalement les employés travaillent 5 jours par semaine, mais croit qu’il aurait été possible de trouver un arrangement.

[75]        L’employeur fait également entendre madame Jocelyne Dumas, vice-présidente chez Plastiques Milsi inc., sur cet aspect du dossier. Cette dernière explique avoir créé sa compagnie grâce à son partenariat avec Usines Giant inc. Elle signale que la relation entre les deux entreprises en est une de confiance.

[76]        Elle précise qu’elle possède dans ses locaux plus d’un demi-million en pièces d’inventaire appartenant à Usines Giant inc. Sans l’employeur, madame Dumas, n’est pas certaine que sa compagnie existerait. Selon elle, environ la moitié de ses équipements appartient à Usines Giant inc.

[77]        Ce témoin spécifie que lorsque Milsi fabrique les composantes de réservoir pour Usines Giant inc., elle doit le faire selon les spécificités demandées. De plus, le dernier contrôle de qualité se fait par Usines Giant inc.

[78]        En ce qui concerne l’assignation comme telle du travailleur, madame Dumas mentionne qu’il y a eu une rencontre quelque part à l’été 2008 avec une conseillère en réadaptation de la CSST et monsieur Lévesque afin d’évaluer les tâches disponibles sur les équipements d’Usines Giant inc.

[79]        Elle rapporte que le travailleur s’est montré très peu intéressé lors de la visite et qu’il lui aurait indiqué qu’il ne pouvait faire ce travail puisqu’il avait une compagnie personnelle dont il devait s’occuper.

[80]        Monsieur Lévesque nie par ailleurs cette affirmation et mentionne plutôt que la CSST lui a précisé qu’il n’avait aucune obligation d’accepter un tel poste, chose qu’il a faite puisqu’il ne se sentait pas valorisé dans ces tâches et qu’au surplus, cela impliquait pour lui de traverser deux ponts 5 jours par semaine.

[81]        Interrogée par le tribunal quant à la supervision qu’aurait eue le travailleur, madame Dumas affirme que c’est elle qui aurait eu à le faire, mais qu’en cas de problème, elle en aurait référé à monsieur Lesage.

[82]        Le dernier témoin entendu est le travailleur lui-même. Ce dernier explique notamment qu’il a effectivement créé une entreprise d’entretien ménager industriel et commercial en 1995. Au cours de la première année, il a travaillé seul et faisait l’entretien de bureaux à l’aide de produits courants pour un usage résidentiel environ 1 h 15 par soir. Par la suite, il a embauché des employés et s’est limité de façon générale à la gestion de la compagnie, à l’exception de quelques situations isolées où il a dû remplacer des employés en vacances ou malades. Il admet à cet égard avoir déjà décapé un plancher, mais précise l’avoir fait en portant un masque et en utilisant un produit écologique doux.

[83]        Questionné sur son état actuel puisqu’il ne travaille plus chez Usines Giant inc. depuis 2008, monsieur Lévesque répond qu’il va bien, mais qu’il doit éviter les expositions aux irritants puisque l’asthme ne se guérit pas.


L’AVIS DES MEMBRES

[84]        Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter les requêtes de l’employeur.

[85]        Ils estiment en effet que la preuve médicale unanime au dossier permet de relier l’asthme de monsieur Lévesque aux tâches de soudeur qu’il a exécutées pendant plus de 25 ans chez l’employeur.

[86]        Ils considèrent également que la CSST était justifiée de refuser de suspendre les indemnités de remplacement du revenu du travailleur suite à son refus d’effectuer l’assignation temporaire dans la mesure où les tâches proposées devaient être exécutées chez un autre employeur.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[87]        La Commission des lésions professionnelles doit déterminer tout d’abord si monsieur Lévesque a été victime d’une maladie pulmonaire professionnelle dont le diagnostic est un asthme.

[88]        En second lieu, le tribunal doit décider s’il était justifié pour la CSST de refuser de suspendre les indemnités du travailleur en vertu de l’article 142 e) de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).

Existence d’une maladie pulmonaire professionnelle

[89]        L’article 29 de la loi prévoit qu’un travailleur est présumé atteint d’une maladie professionnelle lorsque certaines conditions prévues à l’annexe I sont rencontrées :

29.  Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

 

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

__________

1985, c. 6, a. 29.

 

 


ANNEXE I

 

MALADIES PROFESSIONNELLES

(Article 29)

 

SECTION V

 

MALADIES PULMONAIRES CAUSÉES PAR DES POUSSIÈRES

ORGANIQUES ET INORGANIQUES

 

MALADIES

GENRES DE TRAVAIL

 

 

1.     Amiantose, cancer pulmonaire ou mésothéliome causé par l'amiante:

un travail impliquant une exposition à la fibre d'amiante;

2.     Bronchopneumopathie causée par la poussière de métaux durs:

un travail impliquant une exposition à la poussière de métaux durs;

3.     Sidérose:

un travail impliquant une exposition aux poussières et fumées ferreuses;

4.     Silicose:

un travail impliquant une exposition à la poussière de silice ;

5.     Talcose:

un travail impliquant une exposition à la poussière de talc:

6.     Byssinose:

un travail impliquant une exposition à la poussière de coton, de lin, de chanvre et de sisal;

7.     Alvéolite allergique extrinsèque:

un travail impliquant une exposition à un agent reconnu comme pouvant causer une alvéolite allergique extrinsèque;

8.     Asthme bronchique:

un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant.

__________

1985, c. 6, annexe I.

 

 

[90]        Sur la base de ce principe, il suffit donc à un travailleur de démontrer qu’il souffre d’une des maladies énumérées à l’annexe I de la loi et qu’il a accompli un travail de nature à engendrer cette maladie pour que cette dernière soit considérée une maladie professionnelle donnant ouverture aux prestations prévues à la loi.

[91]        Dans le présent dossier, le travailleur n’a pas fait la preuve de l’existence d’une exposition à un agent sensibilisant. En effet, bien qu’il est question à maintes reprises des concentrations de trichloroéthylène retrouvées chez Usines Giant inc., il semble selon les pneumologues du Comité des maladies pulmonaires professionnelles que ce produit soit irritant, mais non sensibilisant. Conséquemment, en l’absence de l’un des éléments de la présomption, le travailleur ne peut donc en bénéficier.

[92]        Dans ce contexte, il appartient donc au travailleur de démontrer, en vertu de l’article 30 de la loi, que sa maladie est caractéristique du travail exercé ou encore directement reliée aux risques particuliers rattachés à ce travail.

[93]        Le tribunal écarte d’emblée la possibilité que la maladie diagnostiquée puisse être caractéristique du travail de soudeur puisque monsieur Lévesque n’a déposé aucune étude épidémiologique, ni ergonomique en ce sens et que monsieur Lesage a affirmé que le travailleur était le seul à avoir développé une telle maladie.

[94]        Quant à l’autre aspect de la disposition, la soussignée fait siens les propos tenus par la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Tardif et Multi-Marques inc.[2] voulant que suivant la littérature les tests de provocation spécifique sont les plus déterminants pour évaluer la question du lien entre le travail et la maladie.

[95]        Reprenant cette décision, le juge administratif Prégent mentionne dans l’affaire Sylvain Gagnon et Boart Longyear et autres[3] ce qui suit :

[83]      Dans la décision Charles Tardif et Multi-Marques inc., la Commission des lésions professionnelles reconnaît que les tests de provocation spécifique, en laboratoire ou en milieu de travail, ont pour but de confirmer le développement d’une obstruction bronchique, mesurée par le volume expiratoire maximal par seconde (VEMS), par suite de l’exposition à un agent sensibilisant. Il s’agit de l’épreuve la plus déterminante pour évaluer le caractère professionnel de l’asthme. Autant que possible, on y ajoute une mesure de l’hyperactivité bronchique (la CP20) pré et post exposition.

 

 

[96]        Ainsi, en vertu de la connaissance d’office du tribunal, un test sera considéré positif notamment lorsque le VEMS chutera de 20%, lorsque comparé à la valeur de base obtenue le même jour avant toute exposition.

[97]        En l’instance, contrairement à ce qu’avance l’employeur, le test de provocation effectué en milieu de travail au mois de janvier 2008 s’avère positif puisque le VEMS atteint une chute maximale de l’ordre de 23,8 %. Cette baisse soutenue est de plus accompagnée d’une éosinophilie significative.

[98]        D’ailleurs, tous les pneumologues consultés admettent cette conclusion lorsqu’ils rapportent une chute significative de spirométrie ou du VEMS.

[99]        Il est vrai, par ailleurs, que les tests réalisés n’emportent aucune variation de l’hyperexcitabilité bronchique (CP20). Toutefois, bien que cet élément soit surprenant, il semble qu’il ne soit pas essentiel à la reconnaissance d’un asthme professionnel puisque de manière unanime, les neuf pneumologues mis en cause dans le dossier de monsieur Lévesque font état d’un asthme certes atypique, mais tout de même relié aux tâches exécutées dans le milieu de travail.

[100]     Le tribunal estime que l’expert retenu par l’employeur résume parfaitement la position de tous les spécialistes dans ce dossier lorsqu’il indique qu’il existe une relation entre la maladie et le travail exercé chez Usines Giant inc. puisque «la symptomatologie de monsieur Lévesque était présente lorsqu’il effectuait de la soudure au travail et que les tests en usine ont démontré une chute significative du VEMS.»

[101]     Au surplus, la soussignée est d’opinion que l’affirmation de monsieur Lévesque à l’effet que ses symptômes d’asthme étaient aggravés lors des journées de travail milite également en faveur de la reconnaissance d’une maladie pulmonaire professionnelle.

[102]     Quant à la possible exposition du travailleur à des agents sensibilisants lors de la réalisation de tâches d’entretien au sein de sa propre compagnie, le tribunal considère qu’il ne s’agit là que d’une hypothèse non démontrée qui se doit à cet égard d’être écartée.

[103]     Enfin, il y a lieu de souligner que l’existence d’une condition personnelle préexistante (présence d’allergies diverses reconnues) ne fait pas échec à la reconnaissance d’une maladie professionnelle dans la mesure où tous les éléments requis par la loi sont démontrés, comme c’est le cas en l’espèce.

[104]     Devant cette preuve médicale plus que prépondérante, la Commission des lésions professionnelles juge que le travailleur a rencontré son fardeau de preuve et est donc reconnu atteint d’une maladie pulmonaire professionnelle dont le diagnostic est un asthme.

[105]     Le tribunal confirme également le droit de monsieur Lévesque de recevoir une indemnité pour dommage corporel correspondant à une atteinte permanente de l’ordre de 3,30 % puisqu’aucun élément de preuve n’a été avancé pour modifier ce ratio.

Suspension de l’indemnité de remplacement du revenu

[106]     La disposition pertinente en matière d’assignation temporaire est l’article 179 de la loi :

179.  L'employeur d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle peut assigner temporairement un travail à ce dernier, en attendant qu'il redevienne capable d'exercer son emploi ou devienne capable d'exercer un emploi convenable, même si sa lésion n'est pas consolidée, si le médecin qui a charge du travailleur croit que :

 

1° le travailleur est raisonnablement en mesure d'accomplir ce travail;

 

2° ce travail ne comporte pas de danger pour la santé, la sécurité et l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion; et

 

3° ce travail est favorable à la réadaptation du travailleur.

 

Si le travailleur n'est pas d'accord avec le médecin, il peut se prévaloir de la procédure prévue par les articles 37 à 37.3 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail (chapitre S-2.1), mais dans ce cas, il n'est pas tenu de faire le travail que lui assigne son employeur tant que le rapport du médecin n'est pas confirmé par une décision finale.

__________

1985, c. 6, a. 179.

 

 

[107]     Le procureur du travailleur soulève de manière préliminaire que monsieur Lévesque ne pouvait être assigné temporairement à la suite de la décision du 16 avril 2008 qui informait les parties de l’avis du Comité spécial des présidents et de l’impossibilité pour le travailleur de retourner chez Usines Giant inc.

[108]     Avec respect pour cette opinion, le tribunal croit que cette décision de la CSST, malgré son libellé référant à une restriction de retour chez l’employeur, ne faisait pas échec, dans ce contexte bien précis, à toute possibilité d’assignation temporaire. En effet, il appert de la preuve qu’Usines Giant inc. opère ses activités dans plusieurs établissements distincts, mais que la restriction du Comité spécial des présidents ne concernait à l’évidence que le milieu de travail ciblé au moment de la déclaration de la maladie puisque c’est à cet endroit que les tests de provocation ont eu lieu.

[109]     Ainsi, tant et aussi longtemps que la CSST ne concluait pas à la capacité du travailleur de refaire son emploi, un emploi équivalent ou un emploi convenable, le droit à l’assignation temporaire persistait, sous réserve bien entendu du respect des conditions énumérées à l’article 179 de la loi.

[110]     Par ailleurs, bien que le tribunal considère possible pour un travailleur d’être assigné temporairement dans un autre établissement appartenant à l’employeur, il juge qu’il en va autrement lorsque le lieu de travail ciblé concerne un autre employeur.

[111]     L’article 179 prévoit que c’est l’employeur d’un travailleur victime d’une lésion professionnelle qui peut procéder à une assignation temporaire. Ce libellé bien précis exige donc en premier lieu qu’il existe un lien entre les deux protagonistes.

[112]     La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles précise pour sa part à son article 2 ce qu’est un employeur de la façon suivante :

2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

(…)

 

« employeur » : une personne qui, en vertu d'un contrat de travail ou d'un contrat d'apprentissage, utilise les services d'un travailleur aux fins de son établissement;

(…)

__________

1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.

 

(nos soulignements)

 

 

[113]     La notion d’établissement est quant à elle définie dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail[4] à l’article 1 :

1.  Dans la présente loi et les règlements, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :

 

(…)

 

« établissement  » : l'ensemble des installations et de l'équipement groupés sur un même site et organisés sous l'autorité d'une même personne ou de personnes liées, en vue de la production ou de la distribution de biens ou de services, à l'exception d'un chantier de construction; ce mot comprend notamment une école, une entreprise de construction ainsi que les locaux mis par l'employeur à la disposition du travailleur à des fins d'hébergement, d'alimentation ou de loisirs, à l'exception cependant des locaux privés à usage d'habitation;

(…)

__________

1979, c. 63, a. 1; 1985, c. 6, a. 477, a. 521; 1986, c. 89, a. 50; 1988, c. 61, a. 1; 1992, c. 21, a. 300; 1992, c. 68, a. 157; 1994, c. 23, a. 23; 1997, c. 27, a. 34; 1998, c. 39, a. 188; 1999, c. 40, a. 261; 2002, c. 38, a. 10; 2001, c. 26, a. 168; 2002, c. 76, a. 1; 2005, c. 32, a. 308.

 

(nos soulignements)

 

 

[114]     Il ressort de cette dernière définition, qu’afin de se qualifier d’établissement, il doit y avoir nécessairement démonstration de l’existence d’un regroupement d’équipements sur un même site, mais aussi d’un regroupement d’installations.

[115]     En effet, ces deux conditions sont indissociables l’une de l’autre en raison du mot et entre les deux.

[116]     Dans le présent dossier, l’employeur a démontré tout au plus avoir transféré une partie de ses équipements dans les locaux de l’entreprise Plastiques Milsi inc. Il n’a fait aucune preuve cependant à l’égard d’installations de quelque nature que ce soit. Conséquemment, l’établissement situé à Longueuil ne saurait être relié à Usines Giant inc. au sens de la loi.

[117]     De l’avis du tribunal, le lien unissant Usines Giant inc. et Plastiques Milsi inc. en est un d’agrément d’affaires s’apparentant à de la sous-contraction et n’ouvre pas la voie à une assignation temporaire plus étendue.

[118]     Au surplus, la Commission des lésions professionnelles tient à préciser que même si elle avait conclu à la possibilité d’assigner le travailleur Chez Milsi, elle n’aurait pas davantage cru juste de suspendre les indemnités de ce dernier puisqu’elle estime que monsieur Lévesque dispose d’un motif valable pour avoir opposé un refus.

[119]     L’article 142 de la loi prévoit en effet ce qui suit :

142.  La Commission peut réduire ou suspendre le paiement d'une indemnité :

 

1° si le bénéficiaire :

 

a)  fournit des renseignements inexacts;

 

b)  refuse ou néglige de fournir les renseignements qu'elle requiert ou de donner l'autorisation nécessaire pour leur obtention;

 

2° si le travailleur, sans raison valable :

 

a)  entrave un examen médical prévu par la présente loi ou omet ou refuse de se soumettre à un tel examen, sauf s'il s'agit d'un examen qui, de l'avis du médecin qui en a charge, présente habituellement un danger grave;

 

b)  pose un acte qui, selon le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, selon un membre du Bureau d'évaluation médicale, empêche ou retarde sa guérison;

 

c)  omet ou refuse de se soumettre à un traitement médical reconnu, autre qu'une intervention chirurgicale, que le médecin qui en a charge ou, s'il y a contestation, un membre du Bureau d'évaluation médicale, estime nécessaire dans l'intérêt du travailleur;

 

d)  omet ou refuse de se prévaloir des mesures de réadaptation que prévoit son plan individualisé de réadaptation;

 

e)  omet ou refuse de faire le travail que son employeur lui assigne temporairement et qu'il est tenu de faire conformément à l'article 179, alors que son employeur lui verse ou offre de lui verser le salaire et les avantages visés dans l'article 180 ;

 

f)  omet ou refuse d'informer son employeur conformément à l'article 274 .

__________

1985, c. 6, a. 142; 1992, c. 11, a. 7.

 

(nos soulignements)

 

 

[120]     En l’instance, monsieur Lévesque habite depuis de nombreuses années à Laval et a toujours travaillé dans Montréal-Est pour l’employeur. L’assignation proposée impliquait pour ce dernier de se rendre à Longueuil et donc de traverser la ville de Montréal au complet. Considérant la densité de circulation dans cette région, une telle exigence apparaît déraisonnable aux yeux du tribunal.

[121]     Pour l’ensemble de ces motifs, il y a donc lieu de confirmer l’absence de justification d’une suspension des indemnités de remplacement du revenu du travailleur en vertu de l’article 142 e) pour la période du 8 juin 2008 au 6 août 2008, date à laquelle monsieur Lévesque n’était nécessairement plus disponible à une assignation temporaire puisqu’il amorçait alors une période de recherche d’emploi à l’égard de l’emploi convenable déterminé.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

357355-61-0809

REJETTE la requête d’Usines Giant inc., l’employeur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 24 juillet 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que monsieur Jean-Pierre Lévesque, le travailleur, est atteint d’une maladie pulmonaire professionnelle dont le diagnostic est un asthme;

DÉCLARE que le travailleur a droit au versement d’une indemnité pour préjudice corporel correspondant à une atteinte permanente de 3,30 %.

363550-61-0811

REJETTE la requête de l’employeur;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 11 novembre 2008, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE qu’il n’y avait pas lieu de suspendre les indemnités de remplacement du revenu du travailleur à la suite de son refus d’effectuer une assignation temporaire.

 

 

__________________________________

 

Isabelle Piché

 

 

 

 

Me Béatrice Arronis

Miller Thompson Pouliot

Représentante de la partie requérante

 

 

Me Michel Cyr

Représentant de la partie intéressée

 

 

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           C.L.P. 119771-01A-9907, 27 septembre 2001, G. Tardif.

[3]           C.L.P. 224306-08-0312, 18 janvier 2008, P. Prégent.

[4]           L.R.Q. S-2.1

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