Décision

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Modèle de décision CLP - octobre 2008

Larouche et Laiterie Charlevoix inc.

2012 QCCLP 4718

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Québec

23 juillet 2012

 

Région :

Québec

 

Dossier :

461316-31-1201

 

Dossier CSST :

138157805

 

Commissaire :

Jean-François Clément, juge administratif

 

Membres :

Jean-Guy Guay, associations d’employeurs

 

Gilles Lamontagne, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Michel Larouche

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Laiterie Charlevoix inc.

 

Partie intéressée

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 27 janvier 2012, monsieur Michel Larouche (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), le 23 janvier 2012, à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par cette décision, la CSST confirme celle qu’elle a rendue initialement le 1er décembre 2011 et déclare que le diagnostic de fracture de la dent no 22 n’est pas en relation avec l’événement du 21 juin 2011.

[3]           Le travailleur est présent à l’audience tenue à La Malbaie, le 18 juillet 2012. Laiterie Charlevoix inc. (l’employeur) avait averti de son absence.

[4]           Le délibéré débute donc le 18 juillet 2012.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[5]           Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer que la fracture à la dent no 22 est en lien avec l’événement du 21 juin 2011 et qu’il a droit d’être indemnisé en conséquence,

 

L’AVIS DES MEMBRES

[6]           Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs sont du même avis. Le témoignage crédible du travailleur et l’avis de son dentiste traitant constituent une preuve probante et non contredite de l’existence d’une relation entre la fracture de la dent no 22 et la lésion initiale du 21 juin 2011 de sorte que le travailleur doit être indemnisé en conséquence.

 

LES FAITS ET LES MOTIFS

[7]           La Commission des lésions professionnelles doit décider si la fracture de la dent no 22 du travailleur est reliée à l’accident du travail survenu le 21 juin 2011.

[8]           Le traumatisme subi par le travailleur le 21 juin 2011 est très important. Ce jour-là, un escalier qu’il devait emprunter étant en réparation, des caisses de lait avaient été empilées à la place.

[9]           Lorsqu’il a mis le pied sur la première caisse pour descendre vers le sol, les caisses se sont dérobées sous lui et il est tombé au sol, d’une hauteur d’environ neuf pieds incluant sa personne. L’arrière de sa tête, en latéral droit, a percuté le sol et il a perdu conscience.

[10]        Lorsqu’il s’est réveillé, il était couché sur le dos au sol et a eu de la difficulté à se relever. Il avait mal au coude droit, à la région cervicale, à l’arrière de la tête, à la langue et aux dents.

[11]        Comme les notes au dossier le confirment, il s’est mordu la langue de façon très importante, les dents du haut ayant percuté les dents du bas lors de l’événement.

[12]        Vu qu’il avait mal aux dents et à la langue, il a mangé du gruau pendant un certain temps puis de la nourriture plutôt molle pendant une longue période.

[13]        Les diagnostics de traumatisme crânien avec vertiges et fracture du crâne (os occipital) sont reconnus initialement par la CSST. Un diagnostic d’entorse cervicale sera également reconnu ultérieurement.

[14]        Le tribunal estime que la preuve au dossier, plus particulièrement le témoignage crédible et non contredit du travailleur qui bénéficie de la présomption de bonne foi prévue au Code civil du Québec, de même les avis écrits de son dentiste traitant sont suffisants pour convaincre le tribunal, par prépondérance de preuve, de la relation entre la fracture de la dent no 22 et l’accident du travail du 21 juin 2011.

[15]        En effet, il est indéniable que le traumatisme du 21 juin 2011 est grave et que lors de l’impact au sol, les dents du travailleur se sont entrechoquées causant d’importantes lésions à sa langue.

[16]        Il est vrai que dans le formulaire d’évaluation initiale du polytraumatisé contenu à la page 37 du dossier, l’évaluateur a coché que la bouche et les dents étaient normales. Toutefois, la preuve éloquente au dossier révèle qu’il s’agit d’une erreur puisque des marques importantes à la langue ont été retrouvées par la suite. Ce qui signifie qu’un choc important est survenu entre les dents du haut et celles du bas.

[17]        Un traumatisme assez violent pour causer une fracture du crâne peut certes expliquer une fracture dentaire.

[18]        D’ailleurs, le travailleur a eu mal aux dents des suites de cette lésion, douleurs qui n’étaient pas présentes auparavant.

[19]        Au fil du temps, selon le témoignage du travailleur, la douleur s’est précisée comme étant plus importante à la dent no 22 qui demeurait douloureuse alors que la douleur s’estompait aux autres dents.

[20]        Le tribunal comprend qu’aucun traitement n’a été requis immédiatement à la dent no 22 vu que les autres blessures du travailleur étaient plus importantes et préoccupantes et étant donné que le travailleur avait décidé d’endurer la douleur à la dent no 22 puisqu’il croyait qu’elle s’estomperait à un certain moment. Il croyait que le fait que les douleurs perdurent s’expliquait par la sévérité du traumatisme subi. Aussi, la fracture n’était pas complète et la dent demeurait en place.

[21]        Le tribunal retient qu’avant l’accident, le travailleur n’avait aucun problème à la dent no 22, tel que le confirme d’ailleurs le document déposé sous la cote T-1. Le dernier traitement de cette dent remontait au 3 mai 2000, soit environ 11 ans avant le traumatisme du 21 juin 2011.

[22]        Ainsi, la dent no 22 était complètement asymptomatique depuis longtemps et une symptomatologie est apparue au moment même du traumatisme du 21 juin 2011, laquelle a perduré jusqu’à la chirurgie survenue en septembre.

[23]        La chirurgie de septembre est intervenue parce que la dent no 22 est finalement tombée alors que le travailleur mangeait de la crème glacée molle. Le fait de manger de la crème glacée molle n’est certainement pas de nature à fracturer une dent et le travailleur n’a subi aucun autre choc ou traumatisme pouvant expliquer cette fracture.

[24]        Il a pris la peine, pendant cette période, de ne rien manger de dur et lorsqu’il fallait croquer un aliment, il le faisait avec les dents situées de l’autre côté pour ménager la dent lésée.

[25]        L’inflammation retrouvée autour de la dent no 22, lors de la chirurgie, démontre également que le phénomène ayant causé la fracture de la dent datait d’un certain temps.

[26]        Le fait que la dent ne soit pas tombée immédiatement n’a rien d’exceptionnel selon l’avis non contredit du docteur Yvon Turcotte.

[27]        Dans les avis contenus au dossier et dans celui déposé à l’audience sous la cote T-1, le docteur Turcotte confirme que le travailleur est suivi pour examens et nettoyages tous les ans depuis plusieurs années et il joint d’ailleurs le dossier du travailleur depuis 2002.

[28]        Il estime que l’histoire racontée par le travailleur démontre clairement que l’accident du travail a causé un choc important aux dents, accompagné d’une blessure importante à la langue et aux lèvres ainsi que des douleurs associées.

[29]        Il ajoute que le fait que la dent no 22 se soit fracturée, de façon définitive, trois mois après le traumatisme n’est pas anormal et unique et que pareils cas se rencontrent très souvent.

[30]        Il joint également une radiographie de la dent no 22 prise quelques années avant l’accident et une radiographie préopératoire.

[31]        Il termine en disant qu’il n’a aucun doute que l’accident a joué un rôle significatif dans la fracture de cette dent. Ce traumatisme du 21 juin 2011 a provoqué une luxation suffisante de la dent no 22 pour causer sa dévitalisation et la douleur qui a suivi aboutissant à la rupture, en septembre 2011, qui a nécessité une chirurgie, soit un traitement de canal et l’installation d’une nouvelle dent vissée.

[32]        Cet avis motivé n’est pas contredit et le tribunal le retient sans hésitation.

[33]        Il est vrai que la docteure Jannick Laberge du Bureau médical de la CSST émet un avis contraire. Toutefois, elle n’a pas bénéficié des documents produits à l’audience ni du témoignage détaillé du travailleur.

[34]        De plus, son avis est laconique puisqu’elle ne fait que mentionner que comme l’examen d’urgence à la suite de la chute de la dent n’a lieu que le 21 septembre 2011, la relation n’est pas acceptable. Cependant, ce délai est bien expliqué autant par le témoignage du travailleur que par son dentiste.

[35]        Le travailleur a donc droit d’être indemnisé en lien avec la fracture de la dent no 22 et il a également droit à l’assistance médicale que requiert son état tel que prévu aux articles 188 et 189 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :

188.  Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.

__________

1985, c. 6, a. 188.

 

 

189.  L'assistance médicale consiste en ce qui suit :

 

1° les services de professionnels de la santé;

 

2° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);

 

3° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;

 

4° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;

 

5° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1° à 4° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.

__________

1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.

 

 

[36]        Le travailleur a donc notamment droit au remboursement des traitements qu’il a reçus. En effet, ils ont été prodigués en conséquence directe de la lésion professionnelle de sorte que les services d’un dentiste, lequel est un professionnel de santé, et la dent artificielle alors fournie font partie de l’assistance médicale.[2]

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Michel Larouche, le travailleur;

INFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 23 janvier 2012, à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que la fracture de la dent no 22 de monsieur Michel Larouche est liée à l’accident du travail du 21 juin 2011;

DÉCLARE que monsieur Michel Larouche a droit d’être indemnisé en conséquence en vertu de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

 

 

 

__________________________________

 

             Jean-François Clément

 

 

 

 



[1]           L.R.Q. c. A-3.001.

[2]           Vinette et Constructions Gaston Robert inc. C.L.P. 336900-64-0712, 11 septembre 2008, J.-F. Martel, révision rejetée le 26 mars 2009, L. Boucher.

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