Décision

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                          COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE

                       LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

QUÉBEC                    MONTRÉAL, le 14 janvier 1994

 

 

 

DISTRICT D'APPEL          DEVANT LA COMMISSAIRE:    Joëlle L'Heureux

DE MONTRÉAL

 

RÉGION:                  

    LANAUDIÈRE

DOSSIER:

    40446-63-9206

DOSSIER BRP:

    6083 2534

DOSSIER CSST:             AUDIENCE TENUE LE:        6 janvier 1994

    0030 88739

 

 

                          À:                               Montréal

 

                                                                            

 

 

 

                       ALAIN CHARETTE

                          6001, rue Provost

                          Saint-Zénon (Québec)

                          J0K 3N0

 

 

                                   PARTIE APPELANTE

 

 

                          et

 

 

                       CENTCO

                          Direction des ressources humaines

                          6500, rue Saint-Jacques ouest

                          Montréal (Québec)

H4B 1T6

 

 

                                PARTIE INTÉRESSÉE


                 D É C I S I O N

 

Le 4 juin 1992, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel) reçoit la déclaration d'appel de monsieur Alain Charette (le travailleur), à l'encontre d'une décision rendue le 9 avril 1992 par le bureau de révision de la région de Lanaudière.

 

Par cette décision majoritaire, le membre représentant les travailleurs étant dissident, le bureau de révision maintient la décision rendue le 18 juillet 1991 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission) et déclare que le travailleur n'a pas droit au remboursement du coût de l'achat d'un véhicule neuf.

 

La compagnie Centco (l'employeur), quoique dûment convoquée, n'est pas représentée à l'audience.

 

OBJET DE L'APPEL

 

Le travailleur demande à la Commission d'appel de déclarer qu'il a droit au remboursement de la somme de 18 762,00 $, soit la différence entre le montant de vente de son véhicule principal et le coût d'achat d'un véhicule neuf.

 

LES FAITS

 

Les faits à la base du présent litige ne sont pas contestés et se résument brièvement.  Le 28 août 1989, le travailleur subit un accident du travail qui le laisse quadriplégique.

 

Le 18 juillet 1991, la Commission refuse de rembourser au travailleur la différence entre le montant de vente de son véhicule principal et le coût d'achat d'un véhicule neuf, écart qui se chiffre à 18 762,00 $.

 

Le travailleur explique avoir dû vendre son véhicule Blazer 1985, qui était son véhicule principal, car celui-ci ne pouvait être adapté à sa condition.  Il a obtenu  5 000,00 $ pour son véhicule.

 

Le travailleur s'est par la suite procuré un Econoline, seul véhicule pouvant être adapté à sa condition physique.  Ce véhicule lui a coûté la somme 23 762,00 $.  Il réclame donc la différence à la Commission.

 

Le travailleur a par la suite fait adapter le véhicule Econoline à sa capacité résiduelle.  La Commission a défrayé les coûts de l'adaptation du véhicule Econoline, pour un montant de 30 605,00 $.  La Commission a aussi défrayé le coût d'adaptation de la résidence du travailleur, lui fournit une aide personnelle à domicile et assume les frais d'entretien du domicile.

 

Le travailleur déclare que n'eut été de son accident et de l'impossibilité d'adapter son camion Blazer à sa situation physique, il n'aurait pas changé son véhicule principal.

 

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

 

La Commission d'appel doit décider si le travailleur a droit au remboursement du coût d'achat d'un véhicule neuf, dans les circonstances telles que celles décrites.

 

Les dispositions pertinentes de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q. ch. A-3.001) (la loi) se retrouvent au chapitre de la réadaptation, plus spécifiquement dans le cadre de la réadaptation sociale.

 

151.  La réadaptation sociale a pour but d'aider le travailleur à surmonter dans la mesure du possible les conséquences personnelles et sociales de sa lésion professionnelle, à s'adapter à la nouvelle situation qui découle de sa lésion et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.

 

 

152.  Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment:

(...)

2E la mise en oeuvre de moyens pour procurer au travailleur un domicile et un véhicule adaptés à sa capacité résiduelle;

(...)

 

 

153.  L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si: (...)

 

 

154.  Lorsque le domicile d'un travailleur visé dans l'article 153 ne peut être adapté à sa capacité résiduelle, ce travailleur peut être remboursé des frais qu'il engage, jusqu'à concurrence de 3 000$, pour déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l'être. (...)

 

 

155.  L'adaptation du véhicule principal du travailleur peut être faite si ce travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique et si cette adaptation est nécessaire, du fait de sa lésion professionnelle, pour le rendre capable de conduire lui-même ce véhicule ou pour lui permettre d'y avoir accès.

 

 

156.  La Commission ne peut assumer le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal du travailleur visé dans l'article 153 ou 155 que si celui-ci fournit au moins deux estimations détaillées des travaux à exécuter, faites par des entrepreneurs spécialisés et dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige, et lui remet copies des autorisations et permis requis pour l'exécution de ces travaux.

 

 

157.  Lorsque la Commission assume le coût des travaux d'adaptation du domicile ou du véhicule principal d'un travailleur elle assume aussi le coût additionnel d'assurance et d'entretien du domicile ou du véhicule qu'entraîne cette adaptation.

 

De la lecture des dispositions applicables, la Commission d'appel constate que la loi est spécifique sur la nature des coûts assumés par la Commission.  Il ne s'agit que des coûts d'adaptation du véhicule, par opposition aux coûts d'achat dudit véhicule, pour quelque motif que ce soit.

 

Cette conclusion s'infère du texte clair des dispositions citées.  De plus, on peut constater, dans le cas du véhicule principal, que l'article 157 prévoit spécifiquement que la Commission défraiera un coût supérieur au coût d'adaptation uniquement lorsque des frais d'assurance ou d'entretien supplémentaires sont entraînés par l'adaptation du véhicule.  Il s'agit d'une disposition limitative qui montre bien que la Commission ne défraie pas d'autres coûts que ceux d'adaptation du véhicule ou ceux décrits et spécifiquement reliés à l'adaptation du véhicule.

 

On peut aussi constater, par comparaison, à la lecture des articles 153 et 154 qui s'appliquent à l'adaptation du domicile, que l'hypothèse d'un déménagement est prévue par le législateur et que même dans ce cas, uniquement certains frais de déménagement, par opposition au coût d'achat, sont remboursés.

 

Le remboursement du coût d'achat par opposition au coût d'adaptation n'est donc pas autorisé par la loi dans le cadre de la réadaptation sociale d'un travailleur.

 

Cette interprétation est par ailleurs confirmée par les décisions suivantes.  Dans l'affaire Leblanc et Arsenault et CSST (1990) CALP 803, le travailleur, qui a procédé à acheter un véhicule neuf, se voit rembourser uniquement les frais d'adaptation dudit véhicule.

 

Dans l'affaire Bacon et Erecteurs Raymond (1989) Inc., 18901-09-9005, 6 novembre 1992, commissaire Rémi Chartier, on retrouve le principe suivant:

 

«L'article 155 précité a pour objet de permettre à la Commission d'assumer les coûts d'adaptation du véhicule du travailleur pour le rendre capable de le conduire et pour lui permettre d'y avoir accès.  En procurant au travailleur un véhicule adapté, la Commission s'est acquitté de son obligation d'aider le travailleur à s'adapter à la nouvelle situation et à redevenir autonome dans l'accomplissement de ses activités habituelles.  Les termes de la loi sont restrictifs (...).»

 

 

Finalement dans l'affaire CSST et Lapointe et Télécommunication A.R. Ltée (1993) CALP 1016, la Commission d'appel a accueilli une requête en révision d'une décision qui concluait au droit du travailleur au remboursement, par la Commission, du coût d'achat d'une nouvelle résidence. 

 

Il s'agissait alors d'un cas où les adaptations requises à la résidence du travailleur étaient, de l'avis de l'architecte, trop onéreuses ou tout simplement impossibles.  Le travailleur a alors acheté une nouvelle maison d'une valeur de 60 000 $ et a vendu la sienne 30 000 $.  Il demande à la Commission le remboursement de 30 000 $.

 

Les motifs de la décision se lisent comme suit:

 

«(...) la loi prévoit clairement les diverses mesures de réadaptation et il n'est nullement fait mention d'une telle possibilité.  Dans ce sens, selon la Commission d'appel, la loi empêche bel et bien la Commission de rembourser une telle somme.

 

(...) la liste précise des mesures de réadaptation, notamment quant à l'adaptation du domicile et au changement de résidence, ne laisse aucune place à l'interprétation générale proposée.»

 

Cette interprétation s'applique tout aussi bien au cas d'adaptation d'un véhicule.  Si les coûts d'adaptation sont prévus dans le cadre du programme de réadaptation, au contraire, les coûts d'achat d'un véhicule, même pour un remplacement, ne sont pas autorisés par le législateur.  Comme la Commission a déjà défrayé les coûts d'adaptation du véhicule et que le travailleur réclame uniquement la différence entre le montant obtenu pour la vente de son ancien véhicule et l'achat du nouveau véhicule, sa demande doit être refusée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES;

 

REJETTE l'appel du travailleur, monsieur Alain Charette;

 

CONFIRME la décision rendue le 9 avril 1992 par le bureau de révision de la région de Lanaudière;

 

DÉCLARE que le travailleur n'a pas droit au remboursement du coût de l'achat d'un véhicule neuf.

 

 

 

 

 

                       

Joëlle L'Heureux,

commissaire

AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.