Décision

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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

RÉGION :

Laval

LAVAL, le 26 septembre 2001

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIERS :

157104-61-0103

157454-61-0103

DEVANT LA COMMISSAIRE :

Me Lucie Nadeau

 

 

 

 

 

 

 

ASSISTÉE DES MEMBRES :

Gisèle Lanthier

 

 

 

Associations d’employeurs

 

 

 

 

 

 

 

Marc Caissy

 

 

 

Associations syndicales

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER CSST :

107413833

AUDIENCE TENUE LE :

30 août 2001

 

 

 

 

 

 

 

 

 

À :

Laval

 

 

 

 

 

 

_______________________________________________________

 

 

 

 

DOSSIER:

157104-61-0103

JEAN-RICHARD OUIMET

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

REVÊTEMENTS POLYVAL INC.

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 

 

et

 

 

 

 

 

 

COMMISSION DE LA SANTÉ ET DE

LA SÉCURITÉ DU TRAVAIL - LAVAL

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTERVENANTE

 

 

 

 

 

 

 

 

DOSSIER:

157454-61-0103

REVÊTEMENTS POLYVAL INC.

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE REQUÉRANTE

 

 

et

 

 

 

 

 

 

 

JEAN-RICHARD OUIMET

 

 

 

 

 

 

 

 

PARTIE INTÉRESSÉE

 

 

 

 

 


 

DÉCISION

 

 

Dossier 157104-61-0103 :

[1]               Le 16 mars 2001, monsieur Jean-Richard Ouimet (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 février 2001 à la suite d’une révision administrative.

[2]               Par cette décision, la CSST déclare recevable la demande de révision du travailleur du 7 août 2000.  Sur le fond, elle modifie en partie la décision rendue initialement le 9 mai 2000 et déclare que le travailleur a droit au remboursement des frais occasionnés pour des travaux de peinture mais qu’il ne peut pas être remboursé des frais encourus pour le vernissage des planchers.

Dossier 157454-61-0103 :

[3]               Le 26 mars 2001, Revêtements Polyval inc. (l’employeur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste cette même décision.

[4]               À l’audience, le travailleur est présent et représenté.  L’employeur est absent.  La CSST est également intervenue dans le dossier 157104-61-0103 en vertu de l’article 429.16 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c. A-3.001, la loi).  La CSST est absente à l’audience mais elle a produit une argumentation écrite.

L'OBJET DES CONTESTATIONS

[5]               Le travailleur demande de déclarer qu’il a droit au remboursement des frais de vernissage des planchers de bois puisqu’ils constituent des travaux d’entretien courant du domicile en vertu de l’article 165 de la loi.

[6]               L’employeur n’a pas précisé l’objet de sa contestation.

LES FAITS

[7]               Le travailleur est présentement âgé de 30 ans et il a subi, le 29 mars 1994, une lésion professionnelle où il s’est intoxiqué aux solvants et s’est brûlé à l’occasion de travaux de peinture industrielle dans une cuve.  Son collègue de travail en est décédé. Le travailleur est retourné au travail et il a subi une récidive, rechute ou aggravation le 5 août 1994 qui a été acceptée par la CSST.  Il s'est vu reconnaître un pourcentage de 6 % à titre de séquelles permanentes pour sensibilisation au membre inférieur et au membre supérieur ainsi que 19 % pour des cicatrices.  Dès 1994, une limitation fonctionnelle était émise d’éviter d’être exposé aux produits de type solvant.

[8]               À la suite de l’avis d’un Bureau d’évaluation médicale, rendu le 19 février 1996 par le docteur André Gamache, psychiatre, il s’est vu reconnaître un déficit anatomo-physiologique de 5 % pour des séquelles de névrose.  La limitation fonctionnelle suivante fut émise :

«éviter tout contact avec des solvants pour des raisons psychologiques».

 

 

[9]               Le travailleur a subi une autre récidive, rechute ou aggravation le 2 novembre 1997 qui a été reconnue par une décision de la Commission des lésions professionnelles[1].  Cette décision conclut également que le travailleur ne conserve pas une nouvelle atteinte permanente psychique et qu’il ne présente pas de nouvelles limitations fonctionnelles à la suite de cette récidive, rechute ou aggravation.

[10]           Le 7 février 2000, le travailleur présente à la CSST une demande de remboursement de frais pour des travaux de peinture et de vernissage des planchers en raison de l’acquisition d’une nouvelle résidence.  Le 9 mai 2000, la CSST refuse sa demande au motif que la pose de vernis sur les planchers de bois franc ne fait pas partie de l’entretien courant du domicile.  Quant aux travaux de peinture, elle affirme qu’ils ne sont remboursables qu’une fois à tous les cinq ans et que l’aménagement d’une nouvelle propriété n’est pas prévu à l’article 165 de la loi. 

[11]           Le travailleur demande la révision de cette décision le 7 août suivant affirmant, par déclaration assermentée, qu’il en a reçu copie uniquement vers le 24 juillet 2000 après s’être informé à l’agent du sort de sa demande.  La révision administrative déclare qu’il avait un motif raisonnable pour ne pas avoir contesté dans le délai de trente (30) jours prévu à la loi.  Quant au fond, la révision administrative modifie la décision et reconnaît au travailleur le droit aux frais d’application de la peinture au motif que la CSST avait déjà accepté de défrayer de tels frais en 1995 et en 1997 et que les conditions de l’article 165 de la loi étaient rencontrées.  La révision administrative maintient le refus quant aux frais de vernissage des planchers au motif qu’il ne s’agit pas de travaux d’entretien courant du domicile et qu’il s’agit plutôt de travaux de rénovation ou de réparation.

 

[12]           À l’audience, le travailleur explique qu’il est retourné sur le marché du travail comme opérateur pour une compagnie de câblage depuis trois ans.  Avant l’accident, il avait déjà, à une couple de reprises, effectué le vernissage de planchers de bois francs.  Il ajoute que chez l’employeur, il fabriquait justement du vernis de cristal qu’il appliquait en laboratoire pour des tests et donc qu’il connaît bien le produit.  Il relate que lorsqu’il est en contact avec des solvants, il fait de l’hyperventilation et ressent des picotements.

L'AVIS DES MEMBRES

Dossier 157104-61-0103 :

[13]           Le membre issu des associations syndicales est d’avis d’accueillir la requête du travailleur et de lui reconnaître le droit aux frais de vernissage des planchers.  Ces travaux constituent des travaux d’entretien courant du domicile.  Le fait qu’il s’agisse de l’acquisition d’une nouvelle résidence ne modifie en rien le droit du travailleur.

[14]           Le membre issu des associations d’employeurs est d’avis contraire.  Elle considère que de tels travaux ne sont pas assimilables à de l’entretien courant et constituent plutôt une amélioration ou une rénovation du domicile.  De plus, elle retient que le travailleur a acquis une nouvelle propriété en connaissant ses limitations et que cela distingue la situation de celle d’une résidence que l’on possède déjà et que l’on doit maintenir en bon état.

Dossier 157454-61-0103 :

[15]           Les deux membres sont d’avis de rejeter la contestation de l’employeur qui n’a soumis aucun argument ni prétention. Ils sont d'avis que le travailleur avait droit au remboursement des frais encourus pour les travaux de peinture.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[16]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement de certains frais de réadaptation réclamés en vertu de l’article 165 de la loi qui prévoit :

165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

________

1985, c. 6, a. 165.

 

[17]           Aucune preuve nouvelle ni argument n’a été présenté eu égard à la recevabilité de la demande de révision du travailleur concernant la décision de la CSST du 9 mai 2000.  La Commission des lésions professionnelles maintient la décision de la révision administrative et les motifs retenus quant à ce volet, motifs qui lui apparaissent bien fondés.

[18]           En l’espèce, il n’est pas contesté que monsieur Ouimet rencontre les exigences de l’article 165 de la loi.  La preuve établit qu’il a subi une atteinte permanente grave et qu’il est incapable d’effectuer lui-même les travaux de peinture et de vernissage compte tenu de sa limitation fonctionnelle à l’effet d’éviter tout contact avec des solvants.  La procureure du travailleur a plaidé, avec justesse, que le fait que cette limitation soit d’ordre psychique plutôt que physique ne modifie rien à la capacité du travailleur.  De plus, la preuve établit que le travailleur aurait effectué lui-même ces travaux n’eut été de sa lésion.  Il l’affirme dans son témoignage, qui est davantage probant du fait qu’il a déjà fait, dans le passé, ce type de travaux y compris les travaux de vernissage de planchers.

[19]           Le débat en est plutôt un d’interprétation de la notion de travaux d’entretien courants du domicile. La CSST a plaidé que l’article 165 de la loi vise les travaux ayant pour but de préserver et maintenir en bon état l’état du domicile du travailleur, des travaux effectués de manière habituelle et répétitive.  C’est effectivement l’interprétation faite par la jurisprudence.

[20]           La CSST soumet que la révision administrative était justifiée d’accorder au travailleur le remboursement des frais occasionnés pour les travaux d’application de peinture compte tenu du fait que le travailleur déménageait suite à l’acquisition d’une maison, même si de tels travaux lui avaient été remboursés en 1997 soit à l’intérieur du délai de cinq ans.  Elle plaide toutefois que les travaux de sablage constituent des travaux inhabituels qui ne résultent pas d’un entretien courant.  Elle soumet deux décisions au soutien de ses prétentions : Bédard et Ministère de l’environnement[2] ainsi que Lévesque et Mines Northgaate inc.[3]. 

[21]           Sauf pour le rappel des principes, ces décisions sont de peu d’intérêt pour le présent dossier.  Dans la première affaire, il était question de travaux de réparation de toiture (installation d’une membrane) et le bureau de révision a retenu que le travailleur n’aurait pas exécuté ces travaux lui-même et qu’il s’agit de travaux exceptionnels.  Dans la seconde décision, il s’agissait de travaux de solidification d’une maison et de la construction d’un canal qui ont été considérés, par la Commission d’appel, comme des travaux inhabituels.

[22]           Quelques décisions ont déjà été rendues sur des travaux du même type que ceux réclamés dans la présente affaire.  Les travaux de peinture sont généralement reconnus comme étant des travaux d’entretien courant du domicile : Jean et Lambert Somec inc.[4]; Thériault et Minnova inc.[5].  Cela a également été affirmé dans l’affaire Caron et Vêtements Junior Deb inc.[6] mais le commissaire a fait une distinction lorsqu’il s’agit de l’acquisition d’un nouveau domicile.  Il a conclu que les travaux de peinture ne visaient pas à maintenir en bon état le domicile mais qu’il s’agissait de travaux de «réparation et d’aménagement qui sont nécessités pour que le domicile qui est acquis corresponde davantage aux fins auxquelles on le destine». 

[23]           Quant aux travaux de sablage et vernissage de planchers de bois, la Commission d’appel dans l’affaire Gagnon et Bombardier inc.[7] a conclu qu’il s’agissait de travaux d’amélioration du domicile de nature volontaire.  Le commissaire a retenu que des travaux du même type avait eu lieu cinq ans plutôt et que la nécessité de ces travaux n’avait pas été démontrée.  Dans Fournier et Nergiflex inc.[8], la Commission des lésions professionnelles réitère que de tels travaux sont des travaux d’amélioration du domicile.

[24]           Par contre, la procureure de la travailleuse a soumis la décision rendue dans Lebrun et Ville de Sept-Iles[9] où les travaux de sablage et de vernissage ont été considérés comme des travaux d’entretien courant, pour les motifs suivants :

«[…]la Commission d'appel ne voit aucun motif pour lequel elle ne considérerait pas des travaux de sablage et de vernissage de planchers de bois franc au même titre que des travaux de peinture intérieurs des murs et des plafonds, de tels travaux ne constituant pas moins des travaux d'entretien courant que la tonte de la pelouse et le déneigement du simple fait qu'ils sont moins fréquents. La Commission d'appel estime en effet que de tels travaux ont exactement le même objet, soit celui de «maintenir ou de conserver» le plus longtemps possible des locaux d'habitation dans un état propre à leur destination et non pas de les remplacer ou d'en réaliser de nouveaux comme dans le cas de travaux de réparation ou de rénovation, ce qui en fait des travaux d'entretien plutôt que des travaux de rénovation ou de réparation.»

 

 

[25]           La soussignée partage cette dernière interprétation.  La jurisprudence reconnaît généralement que la peinture vise le maintien en bon état du domicile et la Commission des lésions professionnelles considère que le vernissage des planchers de bois francs est aussi de cette nature.  Certes ces travaux seront moins fréquents que la peinture mais ils n’en demeurent pas moins des travaux d’entretien.  Comme l’a expliqué la Commission d’appel dans Lebrun et Ville de Sept-Iles[10], il ne s’agit pas de rénovation ou de réparation mais bel et bien d’entretien.

[26]           Ceci dit, le fait que les travaux soient requis au moment de l’acquisition d’une nouvelle résidence ne modifie pas la nature de ses travaux.  Ils sont exécutés dans le cadre de l’aménagement du nouveau domicile mais ils visent toujours le maintien en bon état de ce domicile.  L’article 165 de la loi n’a pas créé d’exclusion pour le cas d’un nouveau domicile et la Commission des lésions professionnelles privilégie une interprétation favorable au travailleur tel que l’enseigne les tribunaux supérieurs.

[27]           La Commission des lésions professionnelles conclut donc que le travailleur a droit au remboursement des frais de peinture et de vernissage des planchers de son nouveau domicile, jusqu’à concurrence du montant autorisé en vertu de l’article 165 de la loi pour l'année 2000.

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête de monsieur Jean-Richard Ouimet (le travailleur) dans le dossier 157104-61-0103;

REJETTE la requête de Revêtements Polyval inc. (l’employeur) dans le dossier 157454-61-0103;

MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 22 février 2001 à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE recevable la demande de révision du travailleur du 7 août 2000;

DÉCLARE que le travailleur a droit au remboursement des frais de peinture et de vernissage des planchers jusqu’à concurrence du montant autorisé en vertu de l’article 165 de la loi.

 

 

 

 

Lucie Nadeau

 

Commissaire

 

 

 

 


 

Turbide, Lefebvre, Giguère, S.E.N.C.

(Me Céline Giguère)

 

Représentante de la partie requérante-intéressée

 

 

 

Panneton, Lessard

(Me Dominique Wilhelmy)

 

Représentante de la partie intervenante

 

 

 



[1]           115059-61-9904, 00-03-20, L. Couture.

[2]           [1994] B.R.P. 426

[3]           [1990] C.A.L.P. 683 .

[4]           122765-72-9909,00-01-31, M. Bélanger.

[5]           113468-02-9903, 01-02-26, R. Deraîche.

[6]           [1999] C.L.P. 150 .  Voir au même effet Fournier et Nergiflex inc., 131157-62B-0002, 00-10-16, N. Blanchard.

[7]           30854-01-9108, 93-06-25, D. Beaulieu.

[8]           Précitée, note 6.

[9]           79061-04-9605, 97-03-27, P. Brazeau, (J9-02-05).

[10]          Id.

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