Savard et Fonds de l'état civil |
2010 QCCLP 2831 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 14 juillet 2009, madame Line Savard (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue le 15 juin 2009.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette la contestation déposée par la travailleuse le 22 août 2008, confirme la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 31 juillet 2008 à la suite d’une révision administrative et :
DÉCLARE bien fondé l’avis émis par le Bureau d'évaluation médicale le 2 juin 2008;
DÉCLARE que madame Line Savard, suite à la lésion survenue le 28 novembre 2007, a subi une entorse lombaire et une entorse cervicale sur une discopathie dégénérative C5-C6 et C6-C7;
DÉCLARE que la lésion subie par madame Line Savard le 28 novembre 2007 fut consolidée le 27 mai 2008;
DÉCLARE que madame Line Savard n’avait plus besoin de soins médicaux ou de traitements après le 27 mai 2008;
DÉCLARE que madame Line Savard ne conserve aucune atteinte permanente ni de limitation fonctionnelle suite à la lésion survenue le 28 novembre 2007;
DÉCLARE que la lésion professionnelle subie par madame Line Savard le 28 novembre 2007 étant consolidée sans limitation fonctionnelle, cette dernière était capable de reprendre son travail habituel à compter du 2 juin 2008 tel que retenu par la Commission de la santé et de la sécurité du travail;
DÉCLARE que madame Line Savard n’a plus droit aux indemnités de remplacement du revenu après le 2 juin 2008.
[3] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Québec le 4 février 2010 à laquelle assistaient la travailleuse et son représentant de même que l’employeur, le Fonds de l’état civil, et sa représentante.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou de révoquer la décision rendue par le premier juge administratif. Elle allègue des faits nouveaux susceptibles de justifier une décision différente, qu’elle n'a pas pu se faire entendre pleinement et que le premier juge administratif a commis des erreurs majeures constituant des vices de fond.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Les membres issus des associations syndicales et des associations d’employeurs sont d’avis de rejeter la requête compte tenu qu’il n'y a pas de fait nouveau, que la travailleuse a été pleinement entendue lors de la première audience et qu’il n'a pas été démontré que le premier juge administratif avait commis une erreur déterminante justifiant de réviser ou de révoquer sa décision.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit décider si la décision rendue le 15 juin 2009 doit être révisée ou révoquée.
[7] L’article 429.49 de la loi énonce que les décisions de la Commission des lésions professionnelles sont finales et sans appel.
[8] Toutefois, l’article 429.56 de la loi prévoit que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue pour les motifs qui y sont énoncés. Cet article se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente ;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre ;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Qu’en est-il ?
[10] Le 28 novembre 2007, la travailleuse se blesse au travail en soulevant des boîtes. Elle est ensuite suivie pour des douleurs lombaires et cervicales.
[11] Le 8 avril 2008, elle est examinée à la demande de l’employeur par le docteur Jean-François Fradet, orthopédiste, dont le rapport servira à diriger la travailleuse au Bureau d'évaluation médicale.
[12] Une imagerie par résonance magnétique effectuée le 9 avril 2008 est interprétée comme révélant une discopathie dégénérative C5-C6 et C6-C7 avec des bombements discaux.
[13] Le 30 avril 2008, le médecin qui a charge de la travailleuse, la docteure Marie-Claire Banville remplit un rapport complémentaire et le 27 mai 2008[1], la travailleuse est examinée par le docteur Denis Laflamme, orthopédiste et membre du Bureau d'évaluation médicale.
[14] Le docteur Laflamme est d’avis que le diagnostic de la lésion est entorse lombaire et entorse cervicale sur discopathie dégénérative C5-C6 et C6-C7. Il est d’avis que la lésion est consolidée le jour de son examen, sans nécessité de soins supplémentaires ni séquelles.
[15] Conformément à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi), la CSST a donné suite à l’avis rendu par le membre du Bureau d'évaluation médicale et a décidé que la travailleuse était capable d’exercer son emploi à compter du 2 juin 2008. Il s’agit de la décision à l’origine de celle qui a été rendue en révision administrative le 31 juillet 2008 et qui a été contestée par la travailleuse.
[16] Lors de l’audience, le premier juge administratif a accepté le dépôt de plusieurs documents médicaux dont un rapport d’expertise du 11 novembre 2008 du docteur Patrice Montminy, orthopédiste, une lettre de la docteure Banville du 21 avril 2009 ainsi que des rapports du docteur Yves Brault, physiatre, rédigés entre le 9 mai 2008 et le 16 octobre 2008.
[17] Lors de l'audience devant le premier juge administratif l’admissibilité de la réclamation n'était pas en cause, ni le diagnostic de la lésion professionnelle. C'est ce qu’il mentionne dans la décision. Il a d’ailleurs confirmé le diagnostic du membre du Bureau d'évaluation médicale et la travailleuse n’a formulé aucune demande au sujet du diagnostic de la lésion professionnelle dans sa requête en révision ou révocation.
[18] Dans son rapport, le docteur Montminy avait évoqué la possibilité que la travailleuse puisse souffrir de fibromyalgie et avait suggéré que la travailleuse soit vue en rhumatologie. Toutefois, lors de l’audience, la travailleuse avait demandé de ne pas tenir compte de ce diagnostic et elle avait déposé une lettre de la docteure Banville attestant qu'elle ne présentait pas une telle condition. Le premier juge administratif traite de cette question au paragraphe [19] de sa décision.
[19] La travailleuse prétendait que sa lésion professionnelle n’était pas consolidée, que les soins ou traitements étaient encore nécessaires après le 2 juin 2008 et qu’il était trop tôt pour statuer sur les séquelles de sa lésion professionnelle. Elle demandait au tribunal de retourner le dossier à la CSST afin d’obtenir le suivi approprié à sa condition médicale.
[20] Le premier juge administratif a conclu que la lésion était consolidée le 27 mai 2008. Il s’en explique à compter du paragraphe [22]. Il cite la définition de consolidation mentionnée à la loi et aux paragraphes [24] et [25], il rappelle, jurisprudence à l'appui, que « la notion de consolidation est une question médicale qui doit s'appuyer sur des données objectives et non seulement sur les allégations subjectives de la travailleuse».
[21] Par la suite, il cite des extraits des examens objectifs des Drs Fradet, Laflamme et Montminy. Il apprécie qu’il s’agit d’examens objectifs normaux et conclut au paragraphe [29] qu’il est « prépondérant que la consolidation de la lésion de la travailleuse était atteinte au plus tard le 27 mai 2008 et qu’aucun soin supplémentaire n’était nécessaire afin d’obtenir une stabilisation de l’état médical » de la travailleuse.
[22] Aux paragraphes [30] et [31], le premier juge administratif souligne que le docteur Brault a suggéré d’autres traitements après le mois de mai 2008 et qu’il était d’avis que la lésion n’était pas consolidée, même en octobre 2008. Jugeant que l’opinion du docteur Brault détonnait de celles des trois autres médecins, il a conclu qu’elle ne pouvait avoir une valeur prépondérante dans les circonstances et il l’a écartée.
[23] Le premier juge administratif s’est aussi basé sur les examens des trois mêmes médecins qui révélaient des amplitudes articulaires normales pour conclure au paragraphe [32] qu’il n’y avait pas de séquelles, c’est-à-dire que la lésion professionnelle était consolidée sans atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de la travailleuse ni limitation fonctionnelle.
[24] Au paragraphe [33], le premier juge administratif cite un long extrait du rapport du docteur Montminy et en conclut au paragraphe [34] qu’il est « manifeste pour le tribunal que l’opinion du docteur Montminy va dans le même sens que les conclusions du médecin du BEM suite à son rapport du 2 juin 2008. Selon le docteur Montminy, la travailleuse ne conserve aucune séquelle résiduelle ni de limitation fonctionnelle suite à sa lésion au niveau cervical ».
[25] En réponse à un argument qui lui avait été soumis, le premier juge administratif mentionne ce qui suit aux paragraphes [35] et [36] de la décision :
[35] … le docteur Montminy évoquait, à titre d’hypothèse seulement, l’idée que la travailleuse puisse présenter un diagnostic de fibromyalgie. Or, ce diagnostic de fibromyalgie a été écarté par le docteur Banville, tel que reconnu par la travailleuse à l’audience. La travailleuse soumet toutefois que s’il n’y a pas de fibromyalgie, il doit bien rester quelque chose au niveau cervical qui doit nécessiter encore des traitements médicaux.
[36] Le tribunal est d’avis que cette hypothèse ne peut aucunement être retenue. En effet, s’il n’existe aucune fibromyalgie et que par ailleurs la colonne cervicale de la travailleuse présente des amplitudes articulaires normales, il y a lieu de conclure à l’absence de toute séquelle de quelque nature que ce soit au niveau cervical encore une fois en raison des trois avis médicaux de trois spécialistes émis au dossier qui ont une valeur nettement prépondérante en raison de leur caractère de précision.
[26] Finalement, compte tenu que la lésion était consolidée sans séquelles, le premier juge administratif a conclu que la travailleuse était capable d’exercer son emploi depuis le 2 juin 2008 et qu’elle n’avait plus droit à l’indemnité de remplacement du revenu après cette date.
Le fait nouveau
[27] La travailleuse veut faire entendre les docteurs Montminy, Banville et Brault.
[28] Elle veut faire préciser ses conclusions au docteur Montminy et ainsi démontrer que le premier juge administratif a mal interprété le contenu de son rapport. Par ces témoignages, la travailleuse entend démonter que sa lésion professionnelle n’était pas consolidée en mai 2008 et qu’elle conserve des séquelles.
[29] Elle soumet qu’elle n'a pas fait témoigner les médecins lors de la première audience car elle ignorait que le premier juge administratif conclurait que le docteur Montminy était du même avis que les Drs Laflamme et Fradet. Si elle avait su l'interprétation que ferait le premier juge administratif du rapport du docteur Montminy, elle l’aurait fait témoigner.
[30] Tout d’abord, le tribunal rappelle que le premier juge administratif n’avait pas à aviser la travailleuse de la compréhension qu’il avait du contenu du rapport du docteur Montminy afin de lui permettre d’obtenir, le cas échéant, un rapport dans lequel le médecin préciserait son point de vue.
[31] De façon similaire, dans l’affaire Constructions E.D.B. inc. et Cloutier[3], la Commission des lésions professionnelles a décidé que le premier juge administratif n’avait pas à faire part de sa conclusion au travailleur afin de lui permettre de soumettre de nouveaux arguments et qu’accepter que le droit du travailleur d’être entendu a été violé pour cette raison pourrait conduire à une situation absurde où un commissaire ne serait jamais en mesure de rendre sa décision parce que constamment appelé à informer les parties du cheminement de sa réflexion sur les questions de droit soulevées par un litige.
[32] Il en est de même lorsque le premier juge administratif apprécie une preuve médicale. Il n'est pas tenu d’informer les parties de ce qu’il retient de la preuve et d’en soulever les lacunes à l'audience pour permettre à une partie, le cas échéant, de la bonifier.
[33] L'article 12 de la Loi sur la justice administrative prévoit qu'un organisme exerçant une fonction juridictionnelle est tenu «d'apporter à chacune des parties, lors de l'audience, un secours équitable et impartial». Cependant, cette obligation a ses limites. Un commissaire doit demeurer impartial, il ne devient pas le représentant d'une partie et il ne peut pallier les lacunes de la preuve[4].
[34] La jurisprudence[5] a établi que trois éléments devaient être présents pour pouvoir réviser ou révoquer une décision en raison d’un fait nouveau au sens du premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi:
1- la découverte postérieure à la décision d’un fait nouveau;
2- la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;
3- le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.
[35] Il est possible qu’un juge administratif se trompe dans l’appréciation de la preuve et cela peut, dans certains cas, justifier la révision de la décision en raison d’un vice de fond au sens du troisième paragraphe de l’article 429.56 mais cette erreur, ne constitue pas un fait nouveau.
[36] La décision même du tribunal n’est pas assimilable à un fait nouveau et les témoignages ou opinions que pourraient émettre les médecins pour préciser leurs rapports ne constituent pas des faits nouveaux non plus, même si ces opinions révélaient des faits, car ils auraient pu être obtenus pour l’audience initiale.
[37] De ce qui précède, le tribunal conclut qu’il n’y a pas de fait nouveau justifiant de permettre le témoignage des trois médecins.
Le droit d’être entendu
[38] La travailleuse soutient qu’elle n'a pas pu pleinement se faire entendre au sens du deuxième paragraphe de l’article 429.56 de la loi.
[39] La jurisprudence du tribunal a établi que le 2e paragraphe de cet article vise, avant tout, la partie qui n'était pas présente à l'audience pour des motifs que le tribunal juge suffisants[6]. Ce n'est pas le cas en l’espèce.
[40] Le représentant actuel de la travailleuse souligne que lors de l’audience devant le premier juge administratif la travailleuse était représentée par son conjoint. Il laisse entendre que pour cette raison elle n'a pas pu se faire entendre pleinement et que les choses se seraient passées différemment avec un représentant aguerri.
[41] L’article 429.17 de la loi prévoit qu’une partie peut être représentée par une personne de son choix. La travailleuse a choisi de se faire représenter par son conjoint. Celui-ci n'était pas peut-être pas familier avec le déroulement d'une audience, la procédure, le fardeau de la preuve et le droit applicable mais la travailleuse ne peut faire valoir la qualité de la représentation maintenant que la décision rendue ne lui est pas favorable pour inciter le tribunal à conclure qu’elle n'a pas été pleinement entendue.
[42] Selon la jurisprudence du tribunal la faute, l'incompétence ou les choix inopportuns du représentant valablement mandaté par une partie ne peuvent fonder un recours en révision. Si la travailleuse avait des raisons de se plaindre de son représentant, il lui appartenait d'agir avant que la décision soit rendue. Elle ne peut obtenir la révision de la décision maintenant qu'elle réalise avoir fait de mauvais choix[7].
[43] Le mauvais choix de stratégie adoptée lors de l’audience ne peut donner ouverture à la révocation de la décision parce que celle-ci a un caractère final et que le recours prévu par l’article 429.56 n’a pas pour but de permettre à une partie de bonifier sa preuve ou son argumentation[8].
[44] Dans Centre hospitalier régional de l'Outaouais et Pelletier[9], la travailleuse soumettait qu'elle n'avait pas eu l'occasion de se faire pleinement entendre parce que son représentant de l'époque lui avait fait croire qu'il n'était pas nécessaire qu'elle obtienne une expertise médicale alors que ce n'était pas le cas. Le tribunal a conclu que c’était essentiellement la qualité de la représentation devant le premier juge administratif qui était en cause et que cela ne constituait pas un motif de révision ou de révocation.
[45] De façon similaire, le tribunal apprécie qu’en l’espèce la qualité de la représentation ou les choix qui ont été faits lors de l’audience initiale tels que ne pas avoir fait témoigner le docteur Montminy ou ne pas avoir obtenu un rapport complémentaire pour préciser son point de vue ne permettent pas de conclure que la travailleuse n’a pas été entendue et qu’il y a matière à réviser ou révoquer la décision du premier juge administratif.
Le vice de fond
[46] Depuis les affaires Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve[10] et Franchellini et Sousa[11], la Commission des lésions professionnelles considère que l’expression « vice de fond ou de procédure » réfère à une erreur manifeste de droit ou de faits ayant un effet déterminant sur l’objet de la contestation.
[47] Dans l’affaire Bourassa c. Commission des lésions professionnelles[12], dont la requête pour autorisation de pourvoi à la Cour Suprême a été rejetée[13], la Cour d’appel du Québec a reconnu que la notion de « vice de fond » peut englober une pluralité de situations, mais l’erreur doit être suffisamment fondamentale et sérieuse pour être de nature à invalider la décision.
[48] Dans cette affaire, la Cour d’appel du Québec mentionne aussi que le recours en révision ne permet pas à une partie de bonifier sa preuve et qu’il ne constitue pas non plus l’occasion pour une partie d'ajouter de nouveaux arguments.
[49] Plus récemment, la Cour d’appel du Québec, plus particulièrement dans l’arrêt CSST c. Fontaine[14], conclut que c’est la gravité, l’évidence et le caractère déterminant d’une erreur qui sont les traits distinctifs susceptibles d’en faire un vice de fond de nature à invalider une décision.
[50] Dans cet arrêt, la Cour d’appel du Québec insiste sur la primauté ou l’autorité à accorder à la première décision de sorte que la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision doit faire preuve d’une très grande retenue à l’égard de la décision contestée. Elle réaffirme que la révision n’est pas l’occasion pour le tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle déjà faite par la première formation ou encore interpréter différemment le droit.
[51] La travailleuse soumet que le tribunal fait erreur en concluant que le docteur Montminy est du même avis que les Drs Laflamme et Fradet.
[52] Le premier juge administratif a considéré que les trouvailles objectives du docteur Montminy étaient semblables à celles des Drs Fradet et Laflamme. Il n’a certainement pas fait une erreur en interprétant qu’il était du même avis qu'eux.
[53] Le premier juge administratif bénéficiait d’une preuve médicale contradictoire qu’il a appréciée. Il a noté que 3 médecins sur 4 avaient obtenu des examens objectifs normaux de la colonne cervicale et lombaire et il en a conclu que la lésion était consolidée le 27 mai 2008 sans nécessité de soins supplémentaires.
[54] Selon la jurisprudence[15], c'est le rôle du commissaire qui préside l'enquête et l'audition de choisir l'opinion d'un médecin plutôt qu'un autre, compte tenu de l'ensemble de la preuve. Une preuve d’expert, au même titre que n’importe quelle preuve, doit être évaluée par le tribunal qui en détermine la pertinence et la valeur probante[16].
[55] Le tribunal apprécie que la conclusion à laquelle le premier juge administratif en est arrivé quant à la date de consolidation de la lésion et la non nécessité des soins ou traitements après le 27 mai 2008 est une conclusion à laquelle il pouvait certainement en arriver compte tenu des examens objectifs des Drs Fradet, Laflamme et Montminy.
[56] Le raisonnement est simple mais amplement suffisant pour supporter la conclusion du premier juge administratif.
[57] Il en est de même pour l’opinion du docteur Montminy sur la question des séquelles. Le tribunal ne voit pas où le premier juge administratif a fait erreur en concluant qu’il était du même avis que les deux autres médecins.
[58] La travailleuse soumet que le docteur Montminy s’est trompé en déclarant que les douleurs étaient apparues de façon tardive au niveau cervical et que cela a induit le premier juge administratif en erreur.
[59] Même si le docteur Montminy mentionne qu’il lui est difficile de relier la douleur cervicale à l’événement puisqu’elle serait apparue tardivement, le tribunal note que cela n’a aucune conséquence vu que la lésion cervicale a été reconnue.
[60] La travailleuse prétend que le docteur Montminy ne niait pas la présence de séquelles mais qu’il les attribuait à la fibromyalgie. Cet argument avait été soumis au premier juge administratif qui en dispose aux paragraphes [35] et [36] de la décision.
[61] Le premier juge administratif a considéré que le diagnostic était hypothétique et qu’il avait été écarté. Comme l’examen de trois médecins était normal sur le plan objectif, il a conclu qu’il n'y avait pas de séquelles, conclusion à laquelle il pouvait certainement en arriver, le docteur Montminy mentionnant qu’en cervical la mobilité était à peu de chose près dans les limites de la normale et jugeant qu’en cervical il n’y avait pas de séquelles résiduelles ni de limitations fonctionnelles à accorder.
[62] Le tribunal est d’avis que la travailleuse n'a pas démontré que le premier juge administratif avait commis une erreur déterminante dans l’appréciation de la preuve. Il n'a pas fait dire à l’expertise du docteur Montminy ce qu’elle ne disait pas soit que la travailleuse conservait des séquelles mais que le médecin les associait à la fibromyalgie.
[63] Si le docteur Montminy était d'avis que dans l’éventualité où la travailleuse ne souffrait pas de fibromyalgie qu’alors il faudrait conclure que la lésion professionnelle n’était pas consolidée ou que la travailleuse en conservait des séquelles malgré un examen objectif relativement normal de la colonne cervicale il aurait fallu qu’il l’écrive.
[64] Comme la révision n’est pas l’occasion pour une partie de bonifier sa preuve, le tribunal ne peut permettre le dépôt d’un complément d’opinion médicale ou permettre le témoignage du médecin.
[65] Par ailleurs, le tribunal juge qu’il n'a pas été démontré que le premier juge administratif avait mal interprété les observations ou conclusions du docteur Montminy qui dans l’ensemble allaient dans le même sens que celles des Drs Fradet et Laflamme.
[66] On allègue que le premier juge administratif attribue les problèmes de la travailleuse à une condition personnelle dont il refuse de reconnaitre le caractère professionnel malgré la règle du crâne fragile. Cet argument est écarté, ce n'est pas l’existence d’une condition personnelle qui amène le premier juge administratif à conclure comme il l’a fait, mais plutôt son appréciation qu’au 27 mai 2008 la lésion était consolidée sans séquelles vu que les examens objectifs de trois médecins étaient normaux malgré les allégations de douleurs de la travailleuse.
[67] La travailleuse soumet aussi que le premier juge administratif n'a pas donné plein effet à la présomption de l’article 28 de la loi. Cet argument étonne et est écarté. Le premier juge administratif n’a pas refusé la réclamation, il a reconnu le caractère professionnel des lésions reconnues par la CSST et la travailleuse, dans sa requête, ne demande pas la reconnaissance d’autres lésions.
[68] La travailleuse n'a pas démontré l’existence d’un vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision de sorte que sa requête doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision ou révocation de madame Line Savard.
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Alain Vaillancourt |
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Me Marcel Croteau |
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BINET, LECLERC, LAJOIE |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Isabelle Robitaille |
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CREVIER, ROYER SEC. CONS. DU TRÉSOR |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] Le rapport est daté du 2 juin 2008.
[2] L.R.Q., c.A-3.001
[3] C.L.P. 305875-02-0612, 6 mars 2009, C.-A. Ducharme, (08LP-241) (décision sur requête en révision).
[4] Gagné et Irrigation & Éclairage Ms enr., 303602-64-0611, 18 janvier 2008, L. Nadeau
[5] Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, A. Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., C.L.P. 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, C.L.P. 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, C.L.P. 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque
[6] Lebrasseur et Société de l'assurance-automobile, 208251-09-0305, 15 décembre 2004, D. Beauregard
[7] Audet et La chemise Perfection inc., 113590-03B-9904, 1er novembre 2000, G. Tardif, (00LP-92); Morin et Épiciers unis Métro-Richelieu Super C, [2000] C.L.P. 923
[8] Vêtements Peerless inc. et Doan, [2001] C.L.P. 360 .
[9] C.L.P. 90565-07-9708, 13 mars 2001, M. Zigby
[10] [1998] C.L.P. 733
[11] [1998] C.L.P. 783
[12] [2003] C.L.P. 601 (C.A.)
[13] 22 janvier 2004, (30009)
[14] [2005] C.L.P. (C.A.)
[15] Contact Pontiac Buick et Ouimet, 113823-64-9904, 11 octobre 2001, S. Di Pasquale, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Terrebonne, 700-05-011334-012, 5 avril 2002, j. Mayrand
[16] Bélisle et Restaurant Mikes, [2008] C.L.P. 780 .
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.