Décision

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Boulanger et Sherbrooke (Ville de)

2011 QCCLP 2595

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Sherbrooke

8 avril 2011

 

Région :

Estrie

 

Dossier :

404936-05-1003

 

Dossier CSST :

135062081

 

Commissaire :

François Ranger, juge administratif

 

Membres :

Bertrand Delisle, associations d’employeurs

 

Pierre Beaudoin, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Martin Boulanger

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Ville de Sherbrooke

 

Partie intéressée

 

 

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 4 mars 2010, monsieur Martin Boulanger (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 22 janvier 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.

[2]           Par celle-ci, la CSST confirme sa décision initiale du 1er décembre 2009 en déclarant que le travailleur a droit au remboursement d’une prestation de 803,76 $ pour frais de garde d’enfants.

[3]           Le 11 janvier 2011, en présence du travailleur et de son représentant, l’audience se déroule à Sherbrooke. Le représentant de l’employeur, Ville de Sherbrooke, est absent.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]           Le travailleur demande de majorer la prestation que lui a accordée la CSST pour des frais de garde d’enfants.

LA PREUVE

[5]           À l’époque pertinente, le travailleur a la garde légale de son enfant de 10 ans. Il fait vie commune avec une dame qui a également la garde de deux enfants de moins de 14 ans. Le père de ceux-ci est décédé. Madame étant agente de bord pour une compagnie d’aviation, son emploi l’amène à s’absenter du domicile environ 20 jours par mois. Pendant ces périodes, le travailleur s’occupe des trois enfants.

[6]           Le 11 juin 2009, suite à une électrocution, le travailleur est victime d’une sévère lésion professionnelle. En raison d’importantes brûlures, il est hospitalisé au Centre des grands brûlés du CHUM puis dirigé vers un autre établissement (Villa Médica) pour poursuivre sa convalescence. Du 11 juin au 31 juillet 2009, soit durant 53 jours, il est donc hospitalisé ou hébergé dans une installation maintenue par un établissement visé à l’article 162, 2e alinéa, de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) :

162.  Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :

 

1° redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou

 

2° est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5).

__________

1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.

 

 

[7]           À cause de la lésion professionnelle du travailleur, madame renonce à occuper son emploi pour prendre charge des trois enfants vivant sous leur toit.

[8]           Du 11 juin au 31 juillet 2009, pour se rendre au chevet du travailleur, madame s’absente du domicile à 17 reprises. Considérant la distance séparant ce lieu des endroits où se font l’hospitalisation et l’hébergement, chaque absence dure une journée complète.

[9]           Le 1er août 2009, après son retour au domicile, le travailleur doit continuer à recevoir des traitements. Ne s’estimant pas en mesure de conduire une automobile, c’est madame qui se charge de le véhiculer. À l’audience, le travailleur dit que cette situation persiste jusqu’au début septembre 2009. À partir de ce moment, il souligne que madame voit à changer ses pansements.

[10]        Début octobre 2009, le travailleur rapporte qu’il est suffisamment rétabli pour que madame puisse retourner exercer son emploi.

[11]        Tout compte fait, à cause de sa lésion professionnelle, le travailleur explique qu’elle s’est absentée du travail du 11 juin jusqu’au début octobre 2009.

[12]        Le 28 octobre 2009, le travailleur demande à la CSST de lui rembourser des frais de garde d’enfants. Il écrit :

[…]

 

J’ai subi un grave accident du travail le 11 juin dernier. Les blessures subies lors de cet événement ont nécessité une période d’hospitalisation de 53 jours, soit du 11 juin au 31 juillet 2009.

 

En conséquence et tel que prévu à la loi de la CSST, je réclame des frais de garde pour la durée du séjour passé à l’hôpital pour recevoir des soins, puisque ma conjointe n’est pas disponible 20 jours par mois car elle travaille comme agente de bord (outre-mer) pour Air Transat.

 

[…]

 

[13]        Dans son analyse du 27 novembre 2009, l’agente d’indemnisation de la CSST résume la situation vécue par le couple après l’événement du 11 juin 2009 et ses répercussions quant à la garde des trois enfants vivant sous leur toit. En considérant les 17 déplacements de madame pour se rendre au chevet du travailleur, elle estime qu’un remboursement peut être accordé. Dans sa note, elle écrit :

[…]

 

À la lumière de ce qui précède, une considération spéciale nous apparaît justifiée et nous accordons au T (travailleur) le remboursement du montant maximum prévu pour la garde de 3 enfants de moins de 16 ans, soit 47,28 $ X 17 jours = 803,76 $. Considérant le contexte prévalent lors des suites de l’accident, nous ne réclamons pas de preuves justificatives et un chèque sera émis.

 

[…]

 

[14]        Le 1er décembre 2009, la CSST signifie donc au travailleur :

[…]

 

Nous vous informons que nous acceptons de payer les frais de garde entraînés par votre hospitalisation. Veuillez prendre note que vous avez droit au remboursement rétroactif de 17 jours de garde, ce qui représente un montant de 803,76 $.

 

[…]

 

[15]        Cette décision est suivie d’une contestation.

[16]        Le 22 janvier 2010, après une révision administrative, la CSST confirme sa décision initiale du 1er décembre 2009, d’où le dépôt de la requête qui nous occupe.

[17]        Pour compléter sa preuve, le travailleur dépose le rapport d’évaluation médicale du 20 octobre 2010 du docteur Jackson (pièce T-2). Cette évaluation se limite au préjudice esthétique et d’autres évaluations sont à venir. Sur la base des conclusions du docteur Jackson, une atteinte permanente à l’intégrité physique de 139,50 % est reconnue par la CSST (pièce T-1).

L’ARGUMENTATION

[18]        En invoquant les articles 1, 164 et 184 (5°) de la loi, le représentant du travailleur soumet que la CSST ne l’a pas suffisamment indemnisé. Il plaide qu’elle aurait dû prendre en compte la situation particulière du couple. Ce faisant, il estime que le travailleur a droit à la prestation quotidienne de 47,28 $ pendant toute la période où madame s’est absentée du travail pour prendre charge des enfants. Dans le pire des scénarios, il prétend que la CSST doit verser les frais de garde d’enfants durant les 53 jours où le travailleur était hospitalisé ou hébergé dans un établissement de santé.

L’AVIS DES MEMBRES

[19]        Estimant que la loi ne permet pas d’allouer plus que ce qui a été accordé, le membre issu des associations d’employeurs croit que la décision en litige doit être maintenue.

[20]        Jugeant que l’article 184 (5°) de la loi permet de verser au travailleur une partie de ce qu’il réclame, le membre issu des associations syndicales est d’avis que le travailleur a droit à un remboursement pour frais de garde d’enfants pendant toute la période où son état a requis le soutien de sa conjointe. Pour cette raison, en fonction d’une indemnité journalière de 47,28 $, il retient que la CSST doit l’indemniser du 11 juin au 3 septembre 2009. Dans cette mesure, il pense que la décision doit être modifiée.

LES MOTIFS DE LA DÉCISION

[21]        Le volet de la décision en litige portant sur le droit au remboursement de frais de garde d’enfants n’étant pas contesté, la Commission des lésions professionnelles entend se limiter à déterminer si le travailleur a droit d’être indemnisé pour une période équivalant à plus de 17 jours.

[22]        En matière de frais de garde d’enfants, la loi prévoit :

164.  Le travailleur qui reçoit de l'aide personnelle à domicile, qui accomplit une activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ou qui, en raison de sa lésion professionnelle, est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2° de l'article 162 peut être remboursé des frais de garde d'enfants, jusqu'à concurrence des montants mentionnés à l'annexe V, si :

 

1° ce travailleur assume seul la garde de ses enfants;

 

2° le conjoint de ce travailleur est incapable, pour cause de maladie ou d'infirmité, de prendre soin des enfants vivant sous leur toit; ou

 

3° le conjoint de ce travailleur doit s'absenter du domicile pour se rendre auprès du travailleur lorsque celui-ci est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement ou pour accompagner le travailleur à une activité que celui-ci accomplit dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

__________

1985, c. 6, a. 164; 1992, c. 21, a. 80.

 

 

[23]        Quant à l’annexe V, il énonce :

ANNEXE V

 

FRAIS DE GARDE D'ENFANTS

(Article 164)

 

1°         en garderie:

            13 $/jour par enfant, moins l'aide accordée par le ministère de la Santé et des Services sociaux;

 

2°         au domicile des enfants ou de la personne qui garde:

1,50 $/heure pour 1 enfant;

1,75 $/heure pour 2 enfants;

2,00 $/heure pour 3 enfants et plus;

 

ou

 

20 $/jour (24 heures) pour 1 enfant;

22 $/jour (24 heures) pour 2 enfants;

25 $/jour (24 heures) pour 3 enfants et plus.

____________

1985, c. 6, annexe V ; 1985, c. 23, a. 24.

 

 

[24]        À l’époque pertinente, en raison des mécanismes d’indexation prévus à la loi, la prestation se rapportant à la garde de trois enfants était passée de 25 $ à 47,28 $.

[25]        Dès le jour de l’événement du 11 juin 2009, en raison de l’importance des blessures par électrocution, il était possible de prévoir que le travailleur conserverait une atteinte permanente. Dans ces circonstances, la CSST était justifiée de mettre en place des mesures de réadaptation sociale, dont celle prévue à l’article 164. En d’autres termes, même si sa lésion professionnelle n’était pas consolidée à cette époque, le travailleur avait droit à une telle mesure :

[…]

 

[69]      Le droit à la réadaptation s’ouvre, de l’avis du tribunal, dès qu’il devient manifeste que le travailleur conservera de sa lésion une atteinte permanente. Or, en l’espèce, le tribunal est convaincu que le travailleur conservera une telle atteinte permanente lorsque l’on procédera à cette évaluation puisqu’il a subi deux chirurgies importantes aux épaules.

 

[70]      Par ailleurs, bien qu’il soit utile à des fins administratives de connaître précisément la nature d’une atteinte permanente résultant d’une lésion chez un travailleur et qu’en pratique une telle évaluation soit faite après la consolidation de la lésion, rien n’empêche la CSST, avant même qu’une lésion ne soit consolidée, de mettre en place des mesures de réadaptation qui serviront ultimement, en cours d’évolution de la lésion, à accomplir l’objet même de la loi, soit de pallier aux conséquences de la lésion professionnelle.

 

[…][2]

 

 

[26]        Quant aux articles invoqués par le travailleur, ils édictent :

1.  La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour préjudice corporel et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

 

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

__________

1985, c. 6, a. 1; 1999, c. 40, a. 4.

 

 

184.  La Commission peut :

 

1° développer et soutenir les activités des personnes et des organismes qui s'occupent de réadaptation et coopérer avec eux;

 

2° évaluer l'efficacité des politiques, des programmes et des services de réadaptation disponibles;

 

3° effectuer ou faire effectuer des études et des recherches sur la réadaptation;

 

4° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour favoriser la réinsertion professionnelle du conjoint d'un travailleur décédé en raison d'une lésion professionnelle;

 

5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.

 

Aux fins des paragraphes 1°, 2° et 3°, la Commission forme un comité multidisciplinaire.

__________

1985, c. 6, a. 184.

 

 

[27]        Même si la « loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires », il faut garder à l’esprit qu’elle offre un régime de compensation qui reste partiel et forfaitaire. Dans un récent jugement discutant de l’historique de la loi, la Cour supérieure rappelle :

[…]

 

[20]      La Cour suprême du Canada dans l’arrêt Béliveau St-Jacques c. Fédération des employés et employées de services publics inc.  s’est prononcée sur la possibilité, pour une victime de harcèlement au travail par un de ses supérieurs, qui a reçu une indemnisation en vertu de la LATMP pour avoir subi une lésion en raison des mêmes événements, de réclamer une indemnité de ses employeurs et de l’auteur du harcèlement. Elle répond par la négative; elle applique l’article 438 de la LATMP :

 

438. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ne peut intenter une action en responsabilité civile contre son employeur en raison de sa lésion.

 

[21]      Pour ce faire, elle explique le régime instauré par la LATMP. Elle écrit, sous la plume du juge Gonthier pour la majorité :

 

108            Au XIXe siècle, les victimes d'accidents du travail ne pouvaient, au Québec, obtenir compensation qu'en invoquant les règles du droit commun.  Avec l'industrialisation, les risques augmentèrent et les accidents devinrent plus fréquents, ce qui mit en évidence les lacunes des recours disponibles.  Les travailleurs avaient ainsi à pâtir des délais judiciaires, et de la difficulté d'établir la faute de l'employeur ou le lien de causalité avec le préjudice subi.  Les tribunaux avaient bien assoupli un peu les règles de preuve, mais dans l'ensemble, le droit commun ne répondait que de façon imparfaite aux problèmes posés par l'usage de nouveaux moyens de production (voir à ce sujet K. Lippel, Le droit des accidentés du travail à une indemnité: analyse historique et critique (1986), aux pp. 15 à 59).

 

109             Afin de pallier ces carences, le législateur québécois adopta en 1909, en s'inspirant notamment de développements européens en la matière, la Loi concernant les responsabilités des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, et la réparation des dommages qui en résultent, S.Q. 1909, ch. 66.  Grâce à ce texte législatif, les accidents du travail allaient dorénavant échapper au domaine de la responsabilité civile.  La victime, n'ayant plus à subir les aléas des poursuites civiles ni à établir la faute de l'employeur, se voyait offrir en échange une compensation partielle et forfaitaire, ne représentant pas nécessairement le préjudice subi.  Le régime procède ainsi, depuis les débuts, d'un abandon de la notion de faute, à laquelle a été substituée celle de risque professionnel.  Les coûts associés aux accidents du travail furent répartis entre les travailleurs et les employeurs.  Les premiers devaient renoncer à la possibilité d'obtenir compensation pleine et entière par voie d'action civile, alors que les seconds avaient l'obligation d'offrir une compensation partielle en cas d'accident.

 

(…)

 

113             En 1985, il fut procédé à une réforme majeure du système d'indemnisation, par l'adoption de l'actuelle Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.  L'article premier de cette loi en énonce clairement le but:

 

1.          La présente loi a pour objet la réparation des lésions professionnelles et des conséquences qu'elles entraînent pour les bénéficiaires.

 

Le processus de réparation des lésions professionnelles comprend la fourniture des soins nécessaires à la consolidation d'une lésion, la réadaptation physique, sociale et professionnelle du travailleur victime d'une lésion, le paiement d'indemnités de remplacement du revenu, d'indemnités pour dommages corporels et, le cas échéant, d'indemnités de décès.

 

La présente loi confère en outre, dans les limites prévues au chapitre VII, le droit au retour au travail du travailleur victime d'une lésion professionnelle.

 

Les principes ayant animé l'intervention législative depuis les tout débuts subsistent dans le nouvel ensemble législatif.  Ainsi, l'abandon de toute référence à la faute civile (art. 25) et la consécration de la notion de risque professionnel animent la LATMP.  De plus, la compensation reste partielle et forfaitaire.  Hors les cas de décès, le travailleur victime d'une lésion professionnelle ne peut avoir droit qu'à une indemnité de remplacement de revenu et à une indemnité pour dommages corporels.  Une rente équivalant à 90 pour 100 de son revenu net lui est en général versée pendant toute la durée de son incapacité pour compenser le salaire perdu (art. 44 et suiv.).  D'autre part, s'il a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, le travailleur a droit à une indemnité pour dommages corporels, qui est fonction de la gravité de l'atteinte.  Comme l'énonce l'art. 83, il est tenu compte dans l'établissement de l'indemnité du déficit anatomo-physiologique et du préjudice esthétique résultant de l'atteinte à l'intégrité physique ou psychique, ainsi que des douleurs et de la perte de jouissance de la vie résultant de ce déficit ou de ce préjudice.  À l'exception du remboursement de certaines dépenses, de frais médicaux et de frais de réadaptation, le travailleur accidenté n'a droit à aucune autre indemnité.  Enfin, la compétence pour décider de toute affaire liée à la LATMP est exclusivement confiée à la CSST (art. 349).  Ceci explique, notamment, la prohibition de tout recours en responsabilité civile contre l'employeur de la victime (art. 438) et contre le coemployé qui aurait commis une faute dans l’exercice de ses fonctions (art. 442).

 

[…][3]

 

[28]        Or, en matière de frais de garde d’enfants, les seules prestations prévues par la loi sont celles identifiées à l’article 164. C’est donc en fonction des paramètres élaborés par cette disposition que le droit réclamé par le travailleur s’apprécie.

[29]        À l’époque pertinente, le travailleur n’avait pas droit à de « l’aide personnelle à domicile » et n’accomplissait pas une « activité dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation ». C’est parce qu’il a été, du 11 juin au 31 juillet 2009, « hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé au paragraphe 2° de l'article 162 » que la CSST l’a reconnu éligible à des remboursements pour frais de garde d’enfants. Suivant la seconde partie de l’article 164, il devenait admissible à cette forme de prestations seulement, si :   

[…]

 

1° ce travailleur assume seul la garde de ses enfants;

 

2° le conjoint de ce travailleur est incapable, pour cause de maladie ou d'infirmité, de prendre soin des enfants vivant sous leur toit; ou

 

3° le conjoint de ce travailleur doit s'absenter du domicile pour se rendre auprès du travailleur lorsque celui-ci est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement ou pour accompagner le travailleur à une activité que celui-ci accomplit dans le cadre de son plan individualisé de réadaptation.

__________

1985, c. 6, a. 164; 1992, c. 21, a. 80.

 

 

[30]        Dans les faits, le travailleur n’assumait pas « seul la garde de » son enfant de 10 ans. Sa compagne et lui assumaient cette responsabilité ainsi que la garde des deux enfants de madame.

[31]        De même, aucune maladie ou infirmité n’empêchait madame « de prendre soin des enfants vivant sous leur toit ».

[32]        C’est seulement quand la conjointe du travailleur s’est absentée du domicile pour se rendre à son chevet pendant qu’il était « hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement » qu’une prestation pour frais de garde d’enfants était payable.

[33]        Par conséquent, en indemnisant le travailleur pour les 17 jours où cette situation s’est produite, la CSST s’est conformée à la loi. Incidemment, en n’exigeant pas de preuves justificatives d’un déboursé de 803,76 $, elle a fait preuve de compassion.   

[34]        Quant au 5e paragraphe de l’article 184 de la loi, il a été décidé que ce texte n’accorde aucun droit au travailleur[4]. Il s’agit plutôt d’une disposition qui « confère à la CSST un pouvoir discrétionnaire dont l’exercice ne relève que de cet organisme »[5]. Du reste, l’article 164 encadrant le droit au remboursement de frais de garde d’enfants, il serait étonnant que le libellé général du 5e paragraphe de l’article 184 puisse ouvrir le droit à un remboursement pour des situations non prévues à l’article traitant spécifiquement de cette question.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête du travailleur, monsieur Martin Bélanger;

 

CONFIRME la décision rendue le 22 janvier 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que le travailleur a droit à une prestation de 803,76 $ pour frais de garde d’enfants.

 

 

 

__________________________________

 

 

 

François Ranger

 

 

 

 

Monsieur Louis Bergeron

S.C.F.P.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Serge Cormier

SAUVÉ CORMIER CHABOT ASS.

Représentant de la partie intéressée

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Pagé et Fromagerie de Corneville, C.L.P. 390803-62B-0910, 6 avril 2010, M. Watkins.

[3]           CSST c Commission des lésions professionnelles et Côté/La Traverse Rivière-du-Loup/St-Siméon ltée,  C.S. Québec, 200-17-012845-103, 1er mars 2011, j. Moulin.

[4]           Morin et Lavage camion citerne universel inc. et CSST, C.L.P. 130941-61-0002, 30 janvier 2001, S. Di Pasquale.

[5]           Chevalier et Camions Ryder du Canada ltée, C.L.P. 248114-05-0411, 18 février 2005, C.-A. Ducharme.

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