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COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES |
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Québec |
Le 30 avril 2004 |
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Région : |
Chaudière-Appalaches |
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197607-03B-0301-R 197608-03B-0301-R 197609-03B-0301-R 217901-03B-0310-R |
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Dossier CSST : |
117604652 |
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Commissaire : |
Pierre Simard, avocat |
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Membres : |
Jean-Guy Guay, associations d’employeurs |
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Ulysse Duchesne, associations syndicales |
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Nicole Lagueux |
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Partie requérante |
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Cafétéria de Olymel |
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Partie intéressée |
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Commission de la santé et de la sécurité du travail |
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Partie intervenante |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 2 février 2004, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par cette instance, le 17 décembre 2003.
[2] Par cette décision, le premier commissaire disposait de plusieurs litiges dans différents dossiers. Principalement, le premier commissaire déclarait que madame Nicole Lagueux (la travailleuse) était victime d’une rechute, récidive ou aggravation, le 25 avril 2002, d’une lésion professionnelle initiale survenue le ou vers le 28 septembre 1999. Plus spécifiquement, le premier commissaire retient qu’à partir de cette date la travailleuse présente une lésion psychologique sous la forme d’un état dépressif, d’un trouble d’adaptation avec humeur mixte en relation avec sa lésion professionnelle et pour laquelle elle a le droit d’être indemnisée.
[3] En conséquence, le premier commissaire, considérant que cette lésion est non consolidée, déclare prématurée la détermination d’un emploi convenable et constate qu’il y a continuité, au 28 novembre 2002. De plus, il ajoute que la travailleuse a le droit d’obtenir le remboursement de ses frais pour l’achat de Tylénol extra fort.
[4] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience à Lévis, le 26 avril 2004. La travailleuse ainsi que la CSST étaient présentes.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] La CSST allègue que le premier commissaire a commis une erreur manifeste, de faits et de droit, ayant un effet déterminant sur l’issue du litige. En conséquence, la CSST demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue comme ne respectant pas les termes du troisième paragraphe de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi).
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont unanimes pour recommander à la Commission des lésions professionnelles de rejeter la requête en révision déposée par la CSST au motif que la prépondérance de preuve démontre que le premier commissaire n’a pas commis d’erreur manifeste, en faits ou en droit, qui serait déterminante sur l’issue du litige.
LES FAITS ET LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[7] La Commission des lésions professionnelles doit décider s’il y a un motif donnant ouverture à la révision de la décision rendue par cette instance, le 17 décembre 2003.
[8] L’article 429.49 de la loi prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Cependant, les dispositions contenues à l’article 429.56 de la loi prévoit que la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.
[10] L’article 429.56 de la loi stipule :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[11] La CSST doit démontrer, par une prépondérance de la preuve, que la décision rendue par le premier commissaire est sujette à l’application de l’un ou l’autre des motifs prévus à cet article.
[12] La CSST invoque les dispositions du troisième paragraphe du premier alinéa de l’article 429.56 de la loi en ce qu’elle reproche à la décision rendue par le premier commissaire de comporter des vices de fond ou de procédure de nature à l’invalider.
[13] De jurisprudence constante, la Commission des lésions professionnelles rappelle que la CSST doit démontrer que la décision attaquée comporte une erreur manifeste, de faits ou de droit, qui est déterminante sur l’issue du litige[2].
[14] D’autre part, le tribunal ajoute qu’il y a erreur manifeste lorsque la décision méconnaît une règle de droit, applique un faux principe, statue sans preuve, néglige un élément de preuve important ou adopte une méthode qui crée une injustice certaine. Ces critères, bien qu’étant non exhaustifs, permettent de mieux situer cette notion[3].
[15] Le pouvoir de révision ne permet pas au commissaire de substituer son interprétation de la loi ou de la preuve à celle retenue par le premier commissaire. Le recours en révision ne constitue pas un appel déguisé[4].
[16] La CSST allègue que le premier commissaire a commis des erreurs manifestes et déterminantes en déterminant un diagnostic d’état dépressif et de trouble d’adaptation avec humeur mixte affectant la travailleuse à partir du 25 avril 2002.
[17] Plus spécifiquement, on soutient qu’un état dépressif ne peut constituer un diagnostic médical de nature psychologique. Plutôt, cet état décrit des symptômes affectant la travailleuse.
[18] En second lieu, on soutient que le rapport médical du docteur Jean-Pierre Bernatchez, psychiatre, daté du 17 mars 2003, en est un qui est émis à titre d’expert et non de médecin traitant de la travailleuse. Dès lors l’on ne pourrait retenir le diagnostic que retient ce médecin, en l’occurrence celui de trouble de l’adaptation avec humeur mixte.
[19] Subsidiairement, s’il fallait retenir ce rapport médical comme en étant un issu du médecin traitant de la travailleuse, il ne ferait état de ce diagnostic médical qu’à partir du 17 mars 2003, la CSST ne s’étant jamais prononcée sur le sujet avant cette date.
[20] Quant aux faits du dossier, la Commission des lésions professionnelles réfère le lecteur à la décision contestée, particulièrement aux paragraphes 14 à 76. Le premier commissaire a effectué un excellent résumé de toute la preuve qui lui était offerte.
[21] Par la suite, le premier commissaire, ayant disposé des éléments juridiques à sa section « Les motifs de la décision », décrit à partir du paragraphe 102 à 117 les motifs pour lesquels il en arrive à la conclusion que la travailleuse souffre d’une lésion psychologique, dans le cadre de sa lésion professionnelle, lésion psychologique qu’il qualifie d’état dépressif et de trouble d’adaptation avec humeur mixte.
[22] La lecture de ces paragraphes convainc le présent tribunal que le premier commissaire était tout à fait conscient des objets litigieux portant sur l’existence d’un diagnostic médical de nature psychologique lorsqu’il rapporte, à son paragraphe 109 :
« [109] La Commission des lésions professionnelles ne partage pas également l’argument de l’avocate régionale lorsqu’elle écarte le diagnostic d’état dépressif comme diagnostic psychologique. »
[23] Pour en arriver à cette conclusion, le premier commissaire a noté, à ses paragraphes 102, 103 et 104, différentes consultations de la travailleuse chez les docteurs Marie-Claude Côté, Théberge ainsi que chez le psychologue Beaulieu.
[24] Plus spécifiquement, au dossier, on retrouve en date du 25 avril 2002 un rapport de la docteure Théberge, médecin traitant de la travailleuse, dans lequel celle-ci parle d’un état dépressif secondaire à un syndrome douloureux.
[25] Ce médecin reprendra, par la suite, cette mention à ses rapports subséquents. Le 28 novembre 2002, la docteure Théberge complétera un rapport dans lequel elle parle d’anxiété secondaire à la recherche d’un emploi. Trouble d’insomnie, trouble de l’humeur.
[26] Par la suite, le dossier suivra son cours.
[27] La CSST, dans un tel contexte, émettra une décision le 5 décembre 2002 dans laquelle elle rapporte :
« Nous avons reçu des rapports médicaux du Dr Hélène Théberge, en date des 25 avril 2002 et 20 juin 2002, mentionnant le nouveau diagnostic d’état dépressif. Après étude de votre dossier, nous concluons qu’il n’y a pas de relation entre le diagnostic mentionné ci - haut et l’événement du 28 septembre 1999.
(...) »
[28] À la décision rendue par les services de révision administrative, le 13 janvier 2003, l’agent de la CSST fait état d’un bilan médical complété par le médecin de la CSST avec la docteure Théberge et portant sur les nouveaux diagnostics psychiatriques émis dans les deux derniers rapports médicaux (25 avril et 8 mai 2002). À cette décision, on conclut que cet état n’est pas en relation avec la lésion professionnelle.
[29] De l’ensemble de ces faits, il faut bien conclure que le premier commissaire n’a commis aucune erreur lorsque, à son paragraphe 107, il conclut que la travailleuse présente une condition psychologique.
[30] Sur ce sujet, la Commission des lésions professionnelles rappelle que le processus de contestation médicale ne fut pas engagé dans ce dossier et qu’en conséquence les dispositions de l’article 224 de la loi s’appliquent aussi bien à la CSST qu’à la Commission des lésions professionnelles.
[31] Au-delà de ce constat, le premier commissaire, au paragraphe 110, dispose spécifiquement de l’argument soulevé par la CSST quant à l’absence d’un diagnostic médical, de nature psychologique, lorsqu’il souligne que le manuel des diagnostics et statistiques de troubles mentaux (DSM-IV) constitue strictement un outil de référence et ne limite nullement la compétence de la Commission des lésions professionnelles.
[32] D’autre part, la Commission des lésions professionnelles doit constater que le docteur Bernatchez, psychiatre, est un médecin qui fut choisi par la travailleuse, pour les fins de procéder à un examen médical et émettre une opinion médicale sur les différents sujets prévus à l’article 212 de la loi.
[33] Pour ce faire, ce médecin a examiné la travailleuse et révisé son dossier. Or, le docteur Bernatchez conclut que la travailleuse présente un trouble de l’adaptation avec humeur mixte sur l’axe I comme le note le premier commissaire.
[34] Ce constat du docteur Bernatchez, constat de nature purement médical, s’ajoute à ceux déjà émis par les médecins traitants de la travailleuse et constitue une opinion portant sur l’état mental de la travailleuse dans le contexte de l’entier dossier.
[35] Il en résulte que le premier commissaire n’a commis aucune erreur manifeste, de droit, lorsqu’il retient cette opinion et l’ajoute à celle déjà émise pour conclure que la travailleuse présente bien une lésion psychologique qu’il qualifie et décrit à son paragraphe 112.
[36] En fin d’analyse, il faut rappeler que le premier commissaire avait une compétence juridictionnelle lui permettant de décider de l’existence ou non d’une lésion de nature psychologique puisqu’il s’agissait de la question en litige posée aux agents de la CSST, question sur laquelle ils ont répondu par décision.
[37] D’autre part, le premier commissaire administre un processus de novo qui lui permet de prendre en considération tout élément de preuve nouveau portant sur ce litige dont l’opinion du docteur Bernatchez, médecin qui agit à la demande de la travailleuse pour les fins d’une lésion de nature purement psychologique.
[38] Dans ce contexte, le docteur Bernatchez devient essentiellement un des médecins traitants de la travailleuse, sur ce sujet, ayant reçu un mandat spécifique de la travailleuse.
[39] D’autre part, le débat portait sur l’état psychologique de la travailleuse dès le mois d’avril 2002, état qui a pu évoluer subséquemment.
[40] La Commission des lésions professionnelles ajoute que ce débat fut soulevé par la CSST devant le premier commissaire et qu’en fin d’analyse, la CSST demande à la Commission des lésions professionnelles de substituer son opinion à celle déjà émise par le premier commissaire, sur un ensemble factuel n’ayant pas varié et sans que l’on démontre que celui-ci a commis une erreur de faits ou de droit.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision déposée par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, le 2 février 2004.
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PIERRE SIMARD |
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Commissaire |
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Me Lu Chan Khuong |
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BELLEMARE & ASSOCIÉS |
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Représentante de la partie requérante |
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Me Odile Tessier |
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PANNETON LESSARD |
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Représentante de la partie intervenante |
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[1] L.R.Q., c. A-3.001.
[2] Produits Forestiers Donohue et Villeneuve [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa [1998] C.L.P. 783 .
[3] Communauté urbaine de Montréal et Les propriétés GuenterKaussen et Ville de Westmount [1987] R.J.Q. 2641 à 2648.
[4] Vicenzo Fierimonte et C.L.P. et Béliveau, C.S. Montréal, 500-05-000451-948, j. Journet; Poitras et Christina Canada inc., C.L.P. 100370-62-9803, 7 mars-2000, M. Zigby.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.