Lachance et Structures St-Joseph ltée |
2013 QCCLP 964 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 16 décembre 2010, monsieur Daniel Lachance (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision d’une décision rendue par cette instance le 15 novembre 2010.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare que les diagnostics de la lésion professionnelle dont le travailleur a été victime le 16 juin 2008 sont une entorse à la cheville gauche et une atteinte sensitive du nerf poplité externe gauche.
[3] La Commission des lésions professionnelles conclut par ailleurs, que ces lésions sont consolidées depuis le 8 mai 2009 et que le travailleur ne conserve aucune limitation fonctionnelle. Enfin, elle déclare que l’atteinte permanente à l’intégrité physique du travailleur reliée au déficit sensitif du nerf poplité externe est de 1 % conformément au Règlement sur le barème des dommages corporels[1] (le barème) sous le code 114 370.
[4] Une audience est tenue à Lévis le 14 novembre 2012 en présence du travailleur, représenté par avocat et de l’avocate de Structures St-Joseph ltée (l’employeur).
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[5] Le travailleur demande de réviser la décision rendue en raison de la découverte d’un fait nouveau.
L’AVIS DES MEMBRES
[6] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d'employeurs recommandent de rejeter cette requête en révision. Ils sont d’avis que le contenu du rapport d’électromyogramme du 1er décembre 2009 ne comprend pas de fait nouveau et que cette information était connue des parties avant la tenue de l’audience devant le premier juge administratif.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue le 15 novembre 2010.
[8] Le pouvoir de révision est prévu à l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi) :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Dans le présent dossier, le travailleur appuie sa demande de révision sur le premier alinéa de l’article 429.56 de la loi.
[10] Concernant la découverte du fait nouveau, la jurisprudence[3] reconnaît les trois critères suivants :
- la découverte postérieure du fait nouveau;
- la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;
- le caractère déterminant de cet élément sur le sort du litige s’il eu été connu en temps utile.
[11] Ces paramètres étant établis, qu’en est-il en l’espèce?
[12] La décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 24 juillet 2009 est à l’origine du litige devant la Commission des lésions professionnelles. Cette décision donne suite à l’avis émis le 7 juillet 2009 par le docteur Marcel Dufour, orthopédiste et membre du Bureau d’évaluation médicale, sur les questions du diagnostic, de la date de consolidation, de la nécessité des traitements et des séquelles (atteinte permanente et limitations fonctionnelles) de la lésion dont le travailleur a été victime lors de l’accident du 16 juin 2008.
[13] Le docteur Dufour retient les diagnostics de contusions et d’entorses (cheville gauche et genou droit) et celui d’une atteinte sensitive au nerf sciatique poplité externe. Il conclut que toutes ces lésions sont consolidées sans limitations fonctionnelles. Par contre, en raison de l’atteinte sensitive du nerf sciatique poplité externe, il retient un déficit anatomo-physiologique de 1 % (code 114 370 du barème).
[14] La CSST conclut donc, en raison de la date de consolidation de la lésion et de l’absence de limitations fonctionnelles, que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 16 juillet 2009 et met fin au versement de l’indemnité de remplacement du revenu à cette date.
[15] À l’audience tenue le 26 octobre 2010 devant le premier juge administratif, le travailleur demande de modifier ces conclusions. Il estime en effet, que l’atteinte permanente doit être réévaluée à la hausse pour la fixer à 8.05 % sur la base du rapport du docteur S. Durand (13 août 2009) ou encore à 12 %, sur la base du rapport du docteur J.-M. Lépine (1er octobre 2010). Il prétend aussi que les lésions ont laissé des limitations fonctionnelles qui l’empêchent de reprendre son travail habituel. Ainsi, il réclame le droit au versement d’une indemnité de remplacement du revenu et au processus de réadaptation prévu à la loi.
[16] Par ailleurs, l’employeur produit le rapport du docteur Paul-O. Nadeau (octobre 2010) et fait entendre le docteur Alain Bois.
[17] Le premier juge administratif rejette les demandes du travailleur. Il retient l’avis du docteur Dufour sur toutes les questions, à l’exception de la date de consolidation de la lésion professionnelle.
[18] Ainsi, il conclut que les diagnostics d’entorse à la cheville gauche, d’atteinte partielle du nerf sciatique poplité externe gauche doivent être retenus. Quant aux limitations fonctionnelles et au pourcentage d’atteinte permanente à l’intégrité physique, il conclut comme suit :
[61] Par ailleurs, le tribunal énonce que le travailleur ne conserve aucune limitation fonctionnelle au membre inférieur gauche puisque le médecin du Bureau d’évaluation médicale de même que le médecin de l’employeur, le docteur Nadeau, établissent de façon probante, sur le plan objectif, que le travailleur ne présente aucune limitation de mouvements ou d’amplitudes au niveau de la cheville gauche. Il n’existe par ailleurs, selon ces deux médecins, soit le docteur Nadeau et le médecin du Bureau d’évaluation médicale, aucune atteinte sur le plan nerveux à la cheville gauche.
[62] Dans ce contexte, il apparaît surprenant que le docteur Sébastien Durand, chirurgien orthopédiste, ait conclu à la présence de limitations fonctionnelles dans un rapport du 13 août 2009. Ce rapport est contradictoire d’ailleurs avec ses constatations objectives puisque celui-ci énonce qu’en comparant la cheville droite avec la cheville gauche, les amplitudes articulaires sont complètes de façon bilatérale. Le médecin ne note donc, sur le plan fonctionnel, aucun problème médical au niveau de la cheville gauche plus particulièrement. Contre toute attente, le médecin retient également une atteinte motrice du nerf poplité externe alors que le docteur Nadeau et le médecin du Bureau d’évaluation médicale ne constataient aucun problème de conduction nerveuse. Le tribunal est d’avis que l’opinion du docteur Durand n’a pas de valeur prépondérante et ne peut être retenue.
[63] Par ailleurs, l’opinion du docteur Jean-Marc Lépine émise pour le compte du travailleur le 1er octobre 2010 qui énonçait une atteinte permanente, elle aussi étonnante de 12 % avec présence de limitations fonctionnelles empêchant le travailleur de refaire son emploi apparaît étonnant et ne concorde pas avec les données objectives apparaissant au dossier. Le tribunal comprend mal comment le docteur Lépine peut établir l’existence de limitations fonctionnelles empêchant le travailleur de reprendre son emploi alors que, sur le plan objectif, plusieurs médecins constatent des amplitudes tout à fait normales au niveau de la cheville gauche.
[64] Pour le tribunal, l’opinion neutre datée de juillet 2009 du médecin du Bureau d’évaluation médicale apparaît déterminante puisque celui-ci n’a aucun intérêt comme les parties ou les médecins des parties dans le litige.
[65] Le tribunal conclut donc que le travailleur a présenté une entorse à la cheville gauche et une atteinte partielle de la branche sensitive du nerf sciatique poplité externe dont la consolidation doit être fixée au 8 mai 2009, date de l’examen par électromyogramme subi par le travailleur.
[66] Le travailleur n’avait besoin d’aucun soin médical après le 8 mai 2009 et il ne conservait par ailleurs aucune limitation fonctionnelle.
[67] En conséquence, en l’absence de limitations fonctionnelles, le travailleur était capable d’exercer ses fonctions habituelles à compter du 8 mai 2009 et il n’avait plus droit aux versements des indemnités de remplacement du revenu après le 8 mai 2009.
[19] Le travailleur a passé un examen par électromyogramme de la cheville gauche le 1er décembre 2009 et il a aussi consulté la docteure Sandra Tremblay, neurologue, le 10 décembre 2009.
[20] Le travailleur affirme que le rapport de l’examen par électromyogramme signé par le docteur Charles Deacon n’a pas été porté à la connaissance du premier juge administratif. À son avis, il comprend des éléments nouveaux qui justifient l’identification de limitations fonctionnelles pour le membre inférieur gauche affectant sa capacité de retour au travail.
[21] La Commission des lésions professionnelles ne peut que constater que les allégations du travailleur sont absolument sans fondement.
[22] Premièrement, contrairement aux prétentions du travailleur, le rapport de l’examen par électromyogramme du docteur Deacon a été transmis à la Commission des lésions professionnelles par maître Jean-Berchmans Grondin, le 10 octobre 2010, soit avant la date fixée pour l’audience. En effet, ce document fait partie d’un envoi adressé par maître Grondin à la Commission des lésions professionnelles comprenant les expertises des docteurs Jean-Marc Lépine (1er octobre 2010), Sébastien Durand (13 août 2009) et S. Tremblay, neurologue (10 octobre 2010)[4].
[23] Les informations contenues à ce rapport ne peuvent donc servir de fondement à un recours en révision basé sur le premier alinéa de l’article 429.56 de la loi. En effet, aucun des critères énoncés précédemment n’est, en l’espèce, démontré.
[24] La requête en révision devrait donc être rejetée puisque c’est le seul motif invoqué par le travailleur.
[25] Le tribunal se permet, par contre, certains commentaires additionnels.
[26] Le rapport de l’électromyogramme du 1er décembre 2009 confirme celui qui a été fait le 8 mai 2009 quant à l’atteinte sensitive au nerf poplité externe gauche, que la Commission des lésions professionnelles dans la décision rendue le 15 novembre 2010, reconnaît à titre de conséquence de la lésion survenue le 16 juin 2008. Quant à sa pertinence pour évaluer les limitations fonctionnelles, elle est pour le moins discutable.
[27] Au surplus, il appert de la preuve documentaire que le travailleur a présenté une nouvelle réclamation à la suite d’un nouvel arrêt de travail le 3 août 2009. Il est clair que le suivi médical entrepris après cette date s’inscrit davantage dans le traitement de cette réclamation plutôt que dans le litige dont était saisi le premier juge administratif.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête en révision déposée par monsieur Daniel Lachance.
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MARIE BEAUDOIN |
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Me Rock Jolicoeur |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Julie Samson |
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LANGLOIS, KRONSTRÖM, DESJARDINS |
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Représentante de la partie intéressée |
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Me Lucie Rondeau |
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VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] R.R.Q. c. 3-001, r. 2.
[2] L.R.Q., c. A-3.001.
[3] Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 ; (C.S.) Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, Anne Vaillancourt; Vézina et Métallurgie Noranda inc. (Horne) (F) et Falconbridge ltée - Division Horme., C.L.P. 280599-08-0512, 4 septembre 2007, Alain Vaillancourt; Gariépy et Autobus Gaudreault inc., C.L.P. 247770-63-0410, 4 mars 2008, L. Nadeau; Toitures P.L.M. inc. et Carrier, C.L.P. 331688-64-0711, 15 juillet 2009, P. Perron; Jacques et CSSS de Bécancour-Nicolet-Yamaska et C.S.S.T. C.L.P. 338991-04-0801, 5 janvier 2010, L. Boudreault.
[4] Le système de traitement de dossiers de la Commission des lésions professionnelles indique que le tribunal a accusé réception de cet envoi le 12 octobre 2010.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.