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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 27 mai 2003, madame Michèle Chrétien (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [1] (la loi) par laquelle elle demande la révocation d’une décision rendue le 28 février 2003.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles rejette le moyen préliminaire soulevé par la travailleuse concernant la régularité de l’avis du 12 octobre 2001 d’un membre du Bureau d’évaluation médicale.
[3] L’audience sur la requête en révocation a eu lieu le 15 avril 2004. La travailleuse n’était pas présente mais elle était représentée. L’employeur, Ville de Verdun, était présent et il était représenté par procureur.
L’OBJET DE LA REQUÊTE EN RÉVOCATION
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de révoquer sa décision du 28 février 2003 et de déclarer que la procédure qui a conduit à un avis du BEM est irrégulière et non conforme aux dispositions de la loi.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont d’avis que la requête en révocation de la travailleuse doit être rejetée parce qu’elle équivaut à un appel déguisé. En ce qui a trait aux objections formulées par l’employeur concernant l’irrecevabilité de cette requête parce que produite hors délai et parce qu’elle s’en prend à une décision interlocutoire du tribunal, ils considèrent qu’il y a lieu de rejeter ces deux moyens préliminaires. En effet, en ce qui concerne la question de la tardiveté de la requête en révocation, la travailleuse a démontré qu’elle fait preuve de diligence en confiant à son représentant le mandat de produire une requête en son nom. Le retard qu’accuse cette requête est dû au fait que le représentant de la travailleuse a été atteint d’une maladie grave qui a nécessité des soins urgents. En ce qui concerne le fait que la travailleuse demande la révocation d’une décision interlocutoire, les membres sont d’avis qu’il y a lieu, en l’occurrence d’envisager la révision ou la révocation de la décision de la Commission des lésions professionnelles dont les effets ne seront pas corrigés par la décision finale quant au fond qui est à venir.
DÉCISION SUR LA REQUETE EN RÉVOCATION
[6] À l’audience, l’employeur a formulé deux objections préliminaires que le tribunal entend rejeter.
[7] Tout d’abord, l’employeur a dit que la travailleuse a soumis sa requête quelques 72 jours après la décision de la Commission des lésions professionnelles. Or, le délai raisonnable que la juridique du tribunal a été établi est de 45 jours.
[8] Le motif du retard est celui de la grave maladie du représentant de la travailleuse qui l’a empêché de vaquer à ses obligations professionnelles de façon diligente. Il y a lieu d’accepter ce motif comme justifiant de façon raisonnable la tardiveté du recours en révision. Même s’il eut été pénible pour la travailleuse de demander de faire remplacer son représentant, le tribunal estime que cela n’était pas dans son intérêt et que, par ailleurs, l’employeur n’en a pas subi un préjudice sérieux puisque la travailleuse l’avait informé assez rapidement de la maladie de son représentant et du fait qu’elle avait l’intention de se prévaloir du recours en révision.
[9] En ce qui concerne l’argument de l’employeur selon lequel la travailleuse ne peut s’en prendre à une décision interlocutoire, le tribunal est d’avis que les aspects médicaux du dossier ont une importance certaine et la décision sur la régularité de la procédure d’évaluation médicale pourrait avoir un effet déterminant sur ses droits. Par contre, il faut constater que l’objection de l’employeur est loin d’être frivole quand on considère la jurisprudence qui a été déposée. Malgré cela, le tribunal est d’avis qu’il n’y a pas lieu de déclarer que la requête en révocation est irrecevable.
[10] Finalement, en ce qui concerne la requête en révocation quant au fond, le tribunal est d’avis qu’il faut la rejeter.
[11] En effet, aux termes de l’article 429.49 de la loi, une décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Cet article se lit comme suit :
429.49. Le commissaire rend seul la décision de la Commission des lésions professionnelles dans chacune de ses divisions.
Lorsqu'une affaire est entendue par plus d'un commissaire, la décision est prise à la majorité des commissaires qui l'ont entendue.
La décision de la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel et toute personne visée doit s'y conformer sans délai.
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1997, c. 27, a. 24.
[12] S’il est possible selon l’article 429.56 de la loi de demander la révision ou la révocation d’une décision, il ne faut pas que cette disposition de la loi donne ouverture à des appels déguisés comme le tribunal l’a souvent fait remarquer.
[13] L’article 429.56 se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu:
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[14] La travailleuse soutient que la décision de la Commission des lésions professionnelles sur la régularité de la procédure suivie par l’employeur pour demander un avis du BEM comporte une erreur de droit manifeste qui équivaut à un vice de fond de nature à l’invalider.
[15] Brièvement, la question qui s’est posée et à laquelle la première commissaire a répondu est la suivante. L’employeur a demandé le 27 mars 2001 que le dossier soit soumis au BEM. Il s’est fondé sur un avis daté du 15 septembre 2000 du docteur Pierre Major.
[16] Bien que l’avis du docteur Major a été obtenu pour les fins de l’application de la convention collective, l’employeur en a fait usage dans le cadre de la procédure d’évaluation médicale prévue à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. L’avis du docteur Major s’est trouvé à infirmer les conclusions du docteur T. Chan, médecin qui avait charge de la travailleuse, quant à la consolidation de la lésion et quant au diagnostic. Le rapport du docteur Chan est daté du 28 septembre 2000.
[17] La tardiveté apparente de la contestation de l’employeur de l’avis du docteur Chan s’explique par le fait que le rapport de ce médecin ne lui avait pas été transmis ni par la travailleuse ni par la CSST. Il en était de même pour plusieurs autres rapports médicaux et l’employeur a dû en faire la demande le 20 mars 2001 lorsqu’il s’est rendu compte qu’il n’avait reçu aucun rapport médical depuis mars 2000.
[18] Le 27 mars 2001, sur réception d’une copie des rapports manquants, l’employeur a fait le nécessaire pour contester l’avis du docteur Chan, le tout tel que déjà indiqué. La CSST a demandé à un autre médecin de la travailleuse, le docteur Krasny, de produire un avis complémentaire. Le docteur Krasny n’a pas donné suite à cette demande et le dossier a été acheminé au BEM.
[19] La travailleuse a soutenu devant la première commissaire et à nouveau devant la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision, que la procédure suivie par l’employeur était irrégulière et que l’avis du BEM n’était pas valide.
[20] La lecture de la première montre clairement que les arguments de la travailleuse ont fait l’objet d’une analyse rigoureuse qui a tenu compte tant des dispositions de la loi que de la jurisprudence sur la question de la régularité de l’avis du BEM.
[21] La première commissaire a très bien expliqué que la contestation de l’avis du docteur Chan n’était pas tardive puisque le point de départ du délai de 30 jours est la connaissance du rapport médical qui fait l’objet de la contestation.
[22] La travailleuse a prétendu que l’employeur connaissait, en fait, depuis longtemps le diagnostic qu’il a contesté en mars 2001. À ce sujet, la première commissaire a noté que si le diagnostic avait déjà été évoqué lors d’une demande d’indemnisation en assurance-salaire, la teneur de l’attestation comme telle lui était inconnue avant que la CSST ne les lui ait fait connaître, au mois de mars 2001.
[23] Quant au fait que le rapport du docteur Major était antérieur à celui du docteur Chan, la Commission des lésions professionnelles a noté que l’examen et le rapport du médecin désigné par l’employeur se situent dans une période contemporaine de 30 jours. Selon la jurisprudence du tribunal cité par la première commissaire, c’est d’ailleurs la contemporéanité des rapports qui compte, dans la mesure où ils se situent à l’intérieur d’un délai de 30 jours.
[24] Enfin, le fait que l’employeur n’ait pas contesté les attestations médicales antérieures à celle du docteur Chan, n’a pas rendu la procédure irrégulière pour autant. En effet, la Commission des lésions professionnelles a fait remarquer, à juste titre, qu’en vertu des articles 209 et 212 de la loi, l’employeur a droit de faire examiner le travailleur à chaque fois que le médecin qui a charge du travailleur fournit un rapport à la CSST.
[25] Ainsi, par sa première décision, la Commission des lésions professionnelles a procédé à l’analyse des moyens soulevés par la travailleuse concernant les divers aspects de la procédure d’évaluation médicale et plus particulièrement la soumission des dossiers au BEM. Elle a très clairement expliqué ses conclusions et elle s’est appuyée sur la jurisprudence du tribunal.
[26] Cette décision n’est pas erronée ni en faits ni en droit et elle ne comporte pas de vice de fond de matière à l’invalider. La requête de la travailleuse, pour sa part, équivaut à ce que le tribunal a souvent qualifié d’appel déguisé. C’est à dire que la travailleuse demande en fait que la Commission des lésions professionnelles recommence l’exercice de l’appréciation de la preuve et de l’interprétation des dispositions de la loi, comme si cela n’avait pas été fait. Comme la première décision du tribunal est une décision finale et sans appel, il n’y a pas lieu d’accéder à cette demande et d’accueillir la requête en révision de la travailleuse.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Michèle Chrétien, la travailleuse.
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Me Bertrand Roy |
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Commissaire |
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M. Sylvain Lussier |
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P.M. Consultants inc. |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Irène Sauvé |
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BÉLANGER SAUVÉ |
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Représentant de la partie intéressée |
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AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.