Nadeau et Motel Bond |
2011 QCCLP 3289 |
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[1] Le 13 septembre 2010, monsieur Albert Nadeau (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles par laquelle il conteste une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) le 11 août 2010 à la suite d’une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme sa décision initiale rendue le 11 mars 2010 et déclare qu’elle est justifiée de refuser d’autoriser au travailleur, le coût des traitements dentaires réclamés.
[3] Une audience est tenue le 24 mars 2011 en présence du travailleur, lequel n’est pas représenté. Pour sa part, le Motel Bond (l’employeur) a cessé ses activités. Le dossier été pris en délibéré à cette date.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[4] Le travailleur demande à la Commission des lésions professionnelles de reconnaître son droit au remboursement du coût des traitements dentaires puisque ceux-ci ont été rendus nécessaires en raison de son accident du travail du 6 juin 1978.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête du travailleur devrait être rejetée. Ils considèrent que le travailleur n’a pas soumis de preuve prépondérante établissant une relation causale entre la médication qu’il prend en lien avec les conséquences de sa lésion professionnelle et ses problèmes dentaires. Ils concluent alors que le travailleur n’a pas droit au remboursement de ses traitements dentaires.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[6] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si travailleur a droit au remboursement de ses traitements dentaires.
[7] L’article 188 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) édicte que le travailleur victime, d’une lésion professionnelle, a droit à l’assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion. Cette assistance médicale est énoncée à l’article 189 de la loi et comprend les médicaments et les autres produits pharmaceutiques. Ces articles prévoient ce qui suit :
188. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à l'assistance médicale que requiert son état en raison de cette lésion.
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1985, c. 6, a. 188.
189. L'assistance médicale consiste en ce qui suit :
1 ° les services de professionnels de la santé;
2 ° les soins ou les traitements fournis par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5);
3 ° les médicaments et autres produits pharmaceutiques;
4 ° les prothèses et orthèses au sens de la Loi sur les laboratoires médicaux, la conservation des organes, des tissus, des gamètes et des embryons et la disposition des cadavres (chapitre L-0.2), prescrites par un professionnel de la santé et disponibles chez un fournisseur agréé par la Régie de l'assurance maladie du Québec ou, s'il s'agit d'un fournisseur qui n'est pas établi au Québec, reconnu par la Commission;
5 ° les soins, les traitements, les aides techniques et les frais non visés aux paragraphes 1 ° à 4 ° que la Commission détermine par règlement, lequel peut prévoir les cas, conditions et limites monétaires des paiements qui peuvent être effectués ainsi que les autorisations préalables auxquelles ces paiements peuvent être assujettis.
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1985, c. 6, a. 189; 1992, c. 11, a. 8; 1994, c. 23, a. 23; 1999, c. 89, a. 53; 2001, c. 60, a. 166.
[8] Le 6 juin 1978, le travailleur est victime d’une lésion professionnelle lombaire. Par la suite, il a été victime de récidives, rechutes ou aggravations de cette lésion initiale. Cela a nécessité des chirurgies et de nombreux traitements.
[9] Malgré l’ensemble des traitements, il est demeuré avec une lombosciatalgie chronique pour laquelle il prend de façon régulière divers médicaments.
[10] En juin 2007, la CSST détermine que le travailleur ne peut occuper un emploi à temps plein sur le marché du travail.
[11] Le 14 juillet 2009, le travailleur dépose une réclamation à la CSST pour se faire rembourser le coût de traitements dentaires. Il relie ses problèmes dentaires aux effets secondaires de sa médication.
[12] Le travailleur dépose une note du chirurgien dentiste, Stéphane Girard. Il déclare avoir examiné le travailleur le 29 mai 2009 et avoir diagnostiqué un nombre important de caries dentaires. Il note que le patient prend plusieurs médicaments et que les effets secondaires de certains de ceux-ci peuvent rendre la bouche sèche, ce qui serait le cas du patient. Il ajoute que la salive neutralise l’acidité de la bouche. Lorsqu’il y a diminution de la quantité et de la qualité de la salive, il y a un risque plus élevé de développer des caries. Il lui recommande de traiter les caries et d’utiliser un rince-bouche fluoré.
[13] Il dépose également une note rédigée par le docteur A. Payne datée du 25 juin 2009. En se référant au Compendium, il soumet que le Zoloft, l’Oxycontin et autres médicaments engendrent une sécheresse de la bouche. Cela constituerait un effet indésirable fréquent. Il semble également associé ce type de problème à la prise de Flexiril, et ce, ce qui surviendrait chez plus de 10 % des patients.
[14] Le 10 mars 2010, la docteure J. Benoit de la CSST commente aux notes évolutives cette réclamation du travailleur. Elle note qu’il s’agit d’un patient âgé de 60 ans, que le dossier dentaire fait état d’une édentation partielle, dont l’étiologie n’est pas mentionnée, qu’il n’y a pas objectivation d’une réelle xérostomie et qu’il n’y a pas exclusion d’autres étiologies possibles que médicamenteuse ni d’autres facteurs de risques de caries dentaires. Dans ce contexte, elle conclut qu’il n’y a pas de démonstration objective de xérostomie et de son étiologie médicamenteuse ni de sa relation avec l’état dentaire du patient.
[15] De l’avis du tribunal, le travailleur n’a pas soumis de preuve prépondérante établissant une relation causale entre la médication qu’il prend en lien avec les conséquences de sa lésion professionnelle et ses problèmes dentaires. La note du chirurgien dentaire ne précise pas les médicaments qui seraient responsables du problème et n’est supportée par aucune littérature médicale. La même conclusion s’impose quant à la note succincte du docteur Payne, car ce dernier émet une opinion sans préciser sa conclusion ni la supporter par de la littérature médicale. Dans ce contexte, le tribunal doit retenir l’opinion du médecin de la CSST, laquelle s’avère prépondérante.
[16] Le tribunal conclut que le travailleur n’a pas rencontré son fardeau de preuve afin de permettre de lui accorder le remboursement de ses frais dentaires.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de monsieur Albert Nadeau, le travailleur;
CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 11 août 2010 à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement de ses traitements dentaires.
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Daniel Martin |
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