Décision

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Lelièvre et Centre Cardinal inc.

2010 QCCLP 3621

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Saint-Jérôme

12 mai 2010

 

Région :

Lanaudière

 

Dossier :

389012-63-0909

 

Dossier CSST :

004258471

 

Commissaire :

Daniel Therrien, juge administratif

 

Membres :

Lorraine Patenaude, associations d’employeurs

 

Régis Gagnon, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Christian Lelièvre

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Centre Cardinal inc. (Le)

 

Partie intéressée

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION

______________________________________________________________________

 

 

[1]                Le 16 septembre 2009, monsieur Christian Lelièvre (le travailleur) dépose une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre d’une décision rendue le 25 août 2009, à la suite d’une révision administrative.

[2]                Par cette décision, la CSST confirme la décision initialement rendue le 17 juin 2009 et déclare que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais pour la peinture intérieure et le déménagement.

[3]                À l’audience tenue à Joliette, le 21 avril 2010, le travailleur est présent et non représenté et l’employeur est absent. Tel que le permet l’article 429.15 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), le tribunal procède en l’absence de l’employeur qui n’a fait connaître aucun motif valable justifiant son absence. L’affaire est prise en délibéré le même jour.

L’OBJET DE LA CONTESTATION

[4]                Le travailleur demande le remboursement de ses frais de déménagement et de peinture intérieure de sa nouvelle résidence.

L’AVIS DES MEMBRES

[5]                Le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis de rejeter la requête du travailleur. Ils considèrent que la loi ne permet pas le remboursement des frais de déménagement et de peinture intérieure demandés par le travailleur puisqu’il ne s’agit pas d’une adaptation de domicile telle que prévue à l’article 153 de la loi ni des frais encourus dans le cadre de la réadaptation professionnelle du travailleur prévue à l’article 167 de la loi.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[6]                La Commission des lésions professionnelles doit établir si le travailleur a droit au remboursement des frais de déménagement et de peinture intérieure de son nouveau domicile.

Les frais de déménagement

[7]                Un travailleur victime d’une lésion professionnelle peut obtenir le remboursement de ses frais de déménagement dans deux circonstances bien particulières : dans le cadre de sa réadaptation sociale en vertu des articles 153 et 154 de la loi ou dans le cadre de sa réadaptation professionnelle en vertu de l’article 177 .

153.  L'adaptation du domicile d'un travailleur peut être faite si :

 

1° le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique;

 

2° cette adaptation est nécessaire et constitue la solution appropriée pour permettre au travailleur d'entrer et de sortir de façon autonome de son domicile et d'avoir accès, de façon autonome, aux biens et commodités de son domicile; et

 

3° le travailleur s'engage à y demeurer au moins trois ans.

 

Lorsque le travailleur est locataire, il doit fournir à la Commission copie d'un bail d'une durée minimale de trois ans.

__________

1985, c. 6, a. 153.

 

 

154.  Lorsque le domicile d'un travailleur visé dans l'article 153 ne peut être adapté à sa capacité résiduelle, ce travailleur peut être remboursé des frais qu'il engage, jusqu'à concurrence de 3 000 $, pour déménager dans un nouveau domicile adapté à sa capacité résiduelle ou qui peut l'être.

 

À cette fin, le travailleur doit fournir à la Commission au moins deux estimations détaillées dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige.

__________

1985, c. 6, a. 154.

 

 

177.  Le travailleur qui, à la suite d'une lésion professionnelle, redevient capable d'exercer son emploi ou devient capable d'exercer un emploi convenable peut être remboursé, jusqu'à concurrence de 3 000 $, des frais qu'il engage pour :

 

1° explorer un marché d'emplois à plus de 50 kilomètres de son domicile, si un tel emploi n'est pas disponible dans un rayon de 50 kilomètres de son domicile; et

 

2° déménager dans un nouveau domicile, s'il obtient un emploi dans un rayon de plus de 50 kilomètres de son domicile actuel, si la distance entre ces deux domiciles est d'au moins 50 kilomètres et si son nouveau domicile est situé à moins de 50 kilomètres de son nouveau lieu de travail.

 

Le travailleur doit fournir à la Commission au moins deux estimations détaillées dont la teneur est conforme à ce qu'elle exige.

__________

1985, c. 6, a. 177.

 

 

[8]                Les frais de déménagement seront ainsi autorisés si l’adaptation du domicile du travailleur est impossible ou si le déménagement s’intègre dans une démarche du travailleur à occuper un emploi à plus de 50 kilomètres de son domicile.

[9]                La CSST peut également prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle tel que prévu au cinquième paragraphe de l’article 184 de la loi :

184.  La Commission peut :

 

1° développer et soutenir les activités des personnes et des organismes qui s'occupent de réadaptation et coopérer avec eux;

 

2° évaluer l'efficacité des politiques, des programmes et des services de réadaptation disponibles;

 

3° effectuer ou faire effectuer des études et des recherches sur la réadaptation;

 

4° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour favoriser la réinsertion professionnelle du conjoint d'un travailleur décédé en raison d'une lésion professionnelle;

 

5° prendre toute mesure qu'elle estime utile pour atténuer ou faire disparaître les conséquences d'une lésion professionnelle.

 

Aux fins des paragraphes 1°, 2° et 3°, la Commission forme un comité multidisciplinaire.

__________

1985, c. 6, a. 184.

 

 

 

[10]           En l’espèce, le travailleur subit une lésion professionnelle le 6 février 1990 qui entraîne une ténosynovite de De Quervain chronique à son pouce droit. La lésion est consolidée le 11 avril 1996 avec une atteinte permanente et les limitations fonctionnelles suivantes :

[…]

-          Éviter les efforts d’extension du pouce droit contre-résistance;

-          Éviter les mouvements d’extension fréquents du pouce droit;

-          Devrait éviter les travaux qui nécessitent une force contre-résistance entre le pouce et les autres doigts;

-          Éviter les travaux nécessitant une déviation cubitale exagérée.

[…]  [sic]

 

 

[11]           À l’audience, le travailleur déclare occuper un emploi de gardien de parc à la Ville de Repentigny depuis 2005.

[12]           Il habite également à Repentigny dans une résidence dont il est le propriétaire depuis dix-neuf ans. Cependant, compte tenu de sa lésion professionnelle, il se considère incapable d’effectuer lui-même les travaux d’entretien et de rénovation qu’il juge nécessaires et décide de faire construire une nouvelle résidence à Joliette. Il emménage dans cette nouvelle résidence le 15 juillet 2009.

[13]           C’est dans ce contexte que le travailleur demande à la CSST de lui payer les frais de déménagement et les frais de main-d’œuvre pour peinturer cette nouvelle résidence. Il ne présente aucune facture puisqu’il désire connaître avant la réponse de la CSST.

[14]           Le 17 juin 2009, la CSST refuse de rembourser les frais de déménagement et de peinture intérieure demandés. Cette décision, contestée par le travailleur, est confirmée le 25 août 2009 à la suite d’une révision administrative, d’où la question en litige.

[15]           De l’avis du tribunal, cette décision de la CSST est bien fondée.

[16]           Tout d’abord, le tribunal constate qu’il ne s’agit aucunement d’un déménagement imposé par une incapacité à adapter le domicile du travailleur à sa capacité résiduelle tel que prévu à l’article 154 de la loi. La lésion est consolidée depuis 1996 et aucune preuve au dossier ne démontre que les limitations fonctionnelles qui affectent le travailleur impliquent une adaptation quelconque de son domicile.

[17]           Le déménagement du travailleur ne s’inscrit pas non plus dans un objectif de se rapprocher de son nouveau lieu de travail prévu à l’article 177 de la loi. Bien au contraire, il s’en éloigne.

[18]           Enfin, le déménagement ne peut constituer une mesure utile que la CSST peut prendre pour atténuer ou faire disparaître les conséquences de la lésion professionnelle du travailleur au sens de l’article 184 de la loi. En effet, il s’agit d’une décision unilatérale du travailleur qui désire éviter ainsi les frais et les inconvénients associés à la rénovation de son ancienne résidence.

[19]           Le travailleur n’a donc pas droit au remboursement des frais de déménagement qu’il a engagés pour aménager dans sa nouvelle résidence à Joliette.

Les frais de peinture intérieure

[20]           La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si le travailleur a droit au remboursement des frais de main-d’œuvre qu’il a engagés pour peinturer son nouveau domicile.

[21]           À cet égard, l’article 165 de la loi prévoit ce qui suit :

165.  Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.

__________

1985, c. 6, a. 165.

 

(Soulignement du tribunal)

 

 

[22]           En l'espèce, il n'est pas nécessaire d'établir si le travailleur a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique puisque le tribunal est d'avis que les travaux de peinture engagés par le travailleur ne constituent pas des travaux d'entretien courant au sens de l'article 165. En effet, l'application d'une première peinture pour un domicile nouvellement construit ne constitue pas des travaux d'entretien courant, mais fait plutôt partie intégrante des travaux de construction.

[23]           Cette situation se distingue du déménagement dans une résidence qui a déjà été habitée, qui est nouvellement acquise et qui exige des travaux au moment de l’acquisition, tel que de la peinture. Ces travaux sont alors assimilables à des travaux d’entretien courant puisqu’ils permettent le « maintien en bon état » du domicile[2], ce qui n’est pas le cas d’une maison nouvellement construite et dont le travailleur est le premier acquéreur.

[24]           Le travailleur n’a donc pas droit au remboursement des frais de main-d’œuvre engagés pour peinturer son domicile.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

REJETTE la requête de monsieur Christian Lelièvre, le travailleur;

CONFIRME la décision rendue le 25 août 2009 par la CSST à la suite d’une révision administrative;

DÉCLARE que le travailleur n’a pas droit au remboursement des frais de déménagement et des frais de main-d’œuvre pour la peinture de son domicile.

 

 

__________________________________

 

Daniel Therrien

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Ouimet et Revêtements Polyval inc., C.L.P. 157104-61-0103, 26 septembre 2001, L. Nadeau.

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