COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES QUÉBEC MONTRÉAL, le 9 mars 1994 DISTRICT D'APPEL DEVANT LA COMMISSAIRE: Me Marie LAMARRE DE MONTRÉAL RÉGION: RICHELIEU- AUDITION TENUE LE: 25 janvier 1994 SALABERRY DOSSIER: 38310-62A-9203 DOSSIER CSST: 0068 74697 DOSSIER BR: À: Montréal 6083 5032 MADAME SUZANNE LARIVIÈRE 90, 60e Avenue St-Paul-Ile-aux-Noix (Québec) J0J 1G0 PARTIE APPELANTE et HÔPITAL DU HAUT-RICHELIEU Direction des ressources humaines a/s de Madame Lucille Roy 920, boul. du Séminaire Nord Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec) J3A 1B7 PARTIE INTÉRESSÉE D É C I S I O N Le 19 mars 1992, madame Suzanne Larivière [la travailleuse] en appelle d'une décision du Bureau de révision de la région du Richelieu-Salaberry [le Bureau de révision] rendue le 6 février 1992. Par cette décision unanime, le Bureau de révision confirme une décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail [la Commission] le 23 juillet 1991 et déclare qu'à la suite de la lésion professionnelle qu'elle s'est infligée le 27 octobre 1990, puisqu'il n'y a pas d'indication à l'effet qu'il existe des limitations fonctionnelles permanentes découlant de cette lésion, par conséquent la travailleuse est capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent à compter du 23 juillet 1991 et qu'elle n'a donc droit à aucune indemnité de remplacement du revenu après le 22 juillet 1991.OBJET DE L'APPEL La travailleuse demande à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles [la Commission d'appel] d'infirmer la décision du Bureau de révision, de déclarer qu'elle est incapable d'exercer son emploi et qu'en conséquence elle avait droit de recevoir les indemnités de remplacement du revenu après le 22 juillet 1991.
LES FAITS À l'emploi de l'Hôpital du Haut-Richelieu comme préposée aux bénéficiaires depuis plus de deux années, la travailleuse est victime d'un accident du travail le 27 octobre 1990 alors qu'avec une collègue de travail elle soutient une patiente et ressent une douleur au dos. Le médecin qu'elle consulte le 27 octobre 1990 diagnostique une entorse lombaire et la travailleuse débute des traitements de physiothérapie à compter du 12 novembre 1990. Une radiographie réalisée le 15 novembre 1990 révèle un début d'arthrose lombaire inférieure intéressant les facettes articulaires, de même qu'une rectitude dorsale inférieure et lombaire démontrée en profil. La travailleuse est traitée par les docteurs Brunet et Brown, puis consulte le docteur Gélinas, orthopédiste, le 20 décembre 1990. À cette date, ce médecin pose le diagnostic de douleurs lombaires musculo-squelettiques et la travailleuse cesse ses traitements de physiothérapie le 22 décembre 1990. La physiothérapeute note dans le rapport final de physiothérapie les observations suivantes: «patiente a vu orthopédiste, donnons congé de la physio, patiente note une amélioration de 90%, bonne amélioration, diminution de la douleur et meilleure mobilité du tronc.» La travailleuse reprend cependant des traitements de physiothérapie à compter du 7 janvier 1991. Le 16 janvier 1991, le docteur Brown la réfère alors au docteur Leclerc pour évaluation. Elle cesse ses traitements de physiothérapie le 11 février 1991. Le 14 février 1991, elle est examinée par le docteur Leclerc lequel soupçonne la présence d'une protrusion discale en L5-S1 et lui prescrit une discographie. Le 8 avril 1991, le docteur Leclerc complète à l'intention de la Commission un avis complémentaire écrit indiquant que la patiente est en attente de discographie, que la consolidation sera décidée par la suite de façon définitive, et que jusqu'à cette date il y a lieu de lui prescrire un travail allégé. Le docteur Leclerc mentionne également à la question «Doit-on prévoir des séquelles permanentes» qu'un DAP est improbable. La travailleuse subit une discographie le 22 avril 1991. Les résultats de cet examen se lisent comme suit: «Nous ne possédons que deux clichés faits à la salle de chirurgie. Sur le cliché en latéral les nucleus pulposus des espaces intersomatiques L4-L5 et L5-S1 ont été opacifiés. Il y a définitivement une discopathie au niveau de ces deux espaces en considérant également le cliché de face, se manifestant par une extravasation antéro-externe pour le 5ième espace et une extravasation postérieure pour le 4ième.
Le nucleus pulposus de L3-L4 n'a été opacifié que sur le cliché de face et il nous est difficile de l'évaluer car nous ne possédons pas une opacification sur le cliché de profil.» Le docteur Leclerc, à cette date, interprète la discographie comme révélant la présence d'une hernie discale en L4-L5 et L5-S1. À la question «Les séquelles permanentes sont-elles à prévoir» il coche oui. La travailleuse revoit le docteur Brown le 2 mai 1991. Ce médecin retient lui aussi le diagnostic de hernie discale en L4-L5 et L5-S1 confirmée par discographie.
Le 2 mai 1991, la travailleuse reverra le docteur Leclerc lequel complète à cette date un rapport final dans lequel il écrit qu'une discographie effectuée le 23 avril 1991 révèle une discopathie en L4-L5 et L5-S1 et qu'il y a décision aujourd'hui de ne pas procéder à une chirurgie mais plutôt de consolider avec des restrictions. Le docteur Leclerc indique comme date de consolidation le 2 mai 1991 et à la question «La lésion professionnelle entraîne-t-elle une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de même que des limitations fonctionnelles» il coche oui. Le 27 juin 1991, ce médecin complète un rapport d'évaluation médicale à l'attention de la Commission. À la question «Diagnostic préévaluation» il écrit: «il s'agit d'une patiente qui en voulant retenir un bénéficiaire s'est infligée une entorse lombaire le 22 octobre 1990.» Il décrit en ces termes l'examen physique qu'il effectue: «Examen physique: Il s'agit d'une patiente de bonne apparence, qui collabore très bien à l'examen. Elle se déplace sans aucune boiterie. Le rapport staturo- pondéral est excellent. La marche sur les talons et la pointe des pieds est normale. Au niveau du rachis, on note des courbures de la colonne lombo-sacrée d'apparence normale. La flexion lombaire se fait à 90 , l'extension à 30 , de même que les flexions latérales et les rotations. On note un peu de douleur lors des mouvements combinés d'extension associés à de la rotation. Le Lasègue est négatif bilatéralement. Les réflexes ostéo-tendineux sont vifs et symétriques. La sensibilité à la piqûre est normale. La force de dorsi-flexion et flexion plantaire est normale. En position ventrale, on note une sensibilité à l'espace L4-L5 et L5-S1. Le sciatique est non douloureux à la pression.» À la question «Séquelles gênant le travailleur à son travail» il répond ce qui suit: «Séquelles gênant le travailleur à son travail: Étant donné la présence de discopathie à deux niveaux, nous croyons que de façon préventive cette travailleuse devrait être dirigée vers des activités n'exigeant pas des mouvements pas répétitifs de flexion-extension de la colonne lombaire dans des positions extrêmes ni d'efforts nécessitant de soulever plus de 15 à 25 kilos, ni de travailler dans des positions instables.» (sic) Il conclut qu'«Il s'agit donc d'une patiente qui, suite à un effort au travail, s'est infligée une entorse lombaire, entorse qui semble avoir guérie sans laisser de séquelle objective.
L'investigation a démontré que la patiente présente des lésions dégénératives à deux niveaux lombaires.» À la question «Séquelles actuelles», il écrit qu'il n'y a pas lieu d'accorder un déficit anatomo-physiologique à la travailleuse puisqu'il s'agit d'une entorse sans séquelle objectivée, soit code 203997 lequel correspond à 0%.
On retrouve également au dossier de la travailleuse deux rapports médicaux complétés le 21 juin 1991 par le docteur Brunet. Dans le premier, ce médecin indique comme diagnostic hernie discale et dans le second: «modification au dossier: entorse lombaire.» Puis le 28 juin 1991, le docteur Brown indique dans un certificat médical: «CSST hernie discale, début travail léger, réceptionniste, pas de flexion du tronc, pas de poids soulevé jusqu'au 2 juillet.» Le 23 juillet 1991, la Commission fait parvenir à la travailleuse la décision suivante: «Suite à votre lésion professionnelle du 27 octobre 1990, il n'y a pas d'indication à votre dossier à l'effet qu'il existe des limitations fonctionnelles permanentes découlant de cette lésion.
Par conséquent, vous êtes capable d'exercer votre emploi ou un emploi équivalent à compter du 23 juillet 1991, date de cette lésion.
Vous n'avez donc droit à aucune indemnité de remplacement du revenu après le 22 juillet 1991.
[...]» La travailleuse conteste cette décision de la Commission le 20 août 1991. Elle consultera par la suite différents médecins dont le docteur Fan le 4 septembre 1991, le docteur Gauthier le 13 septembre 1991, et le docteur Charest le 17 septembre 1991. Dans le rapport qu'il complète à cette date, le docteur Charest écrit: «séquelles d'entorse lombaire sans limitation fonctionnelle, S.V.P. vous référer à l'APIPP du Dr Leclerc item 9. Cette patiente a droit à la réadaptation et ne devait pas retourner à son travail tel que la lettre du 23 juillet 1991 de la Commission le laisse entendre.» Le 6 février 1992, le Bureau de révision rejette la contestation de la travailleuse et déclare que la Commission était justifiée de mettre fin aux indemnités de remplacement du revenu versées à la travailleuse à compter du 22 juillet 1991 puisque, conformément au rapport complété par son médecin traitant, le docteur Leclerc, elle n'est porteuse d'aucune limitation fonctionnelle et est capable d'exercer son emploi. La travailleuse en appelle de cette décision du Bureau de révision le 19 mars 1992, d'où le présent appel.
On retrouve également au dossier de la travailleuse un nouveau rapport d'évaluation médicale complété par le docteur Leclerc le 13 mai 1992. Comme diagnostic de préévaluation, ce médecin écrit: «entorse lombaire, discopathie dégénérative lombaire.» À la question «Traitement» le docteur Leclerc écrit ce qui suit: «Traitement: La patiente, lors du premier épisode, avait été traitée par des analgésiques, des anti- inflammatoires et de la physiothérapie. Par la suite, elle avait eu des blocs facettaires. Le 27 août 1991, suite à la persistance de douleur, nous l'avons cédulée pour des épidurales. Les traitements ont été peu efficaces. Le 9 mars 1991, la patiente consultait de nouveau à cause de douleur importante suite à un effort. Elle ne présentait pas de déficit neurologique. Elle dut être traitée de nouveau par une médication analgésique et anti-inflammatoire.» (sic) (notre soulignement) Quant à son examen physique, il le décrit comme suit: «Examen physique: Il s'agit d'une patiente de bonne apparence qui collabore bien. Elle présente un bon rapport staturo-pondéral. La marche se fait sans boiterie. Elle peut marcher sur la pointe des pieds et les talons. L'examen du rachis dorso-lombaire ne démontre pas de déviation. La flexion se fait antérieurement jusqu'à 80 ; l'extension est à 25 , alors que les rotations et les flexions latérales sont normales. Cependant, un mouvement combiné de rotation avec une extension et flexion latérale produit de la douleur bilatéralement. Le Lasègue est négatif. Les réflexes ostéo-tendineux rotuléens sont vifs et symétriques. L'achiléen et le cutané plantaire sont diminués du côté gauche. La force de dorsi-flexion, flexion plantaire est normale. La sensibilité à la piqûre est normale. En position ventrale, on note que le sciatique est non douloureux, que les fessiers se contractent bien, mais que l'hyper-extension des hanches produit une douleur à la jonction lombo-sacrée.
Le même mouvement, sans blocage lombaire haut, ne produit aucune douleur.» (sic) À la question «Aggravation», le docteur Leclerc répond oui. Il décrit au chapitre des limitations fonctionnelles ce qui suit: «Limitations fonctionnelles: Nous croyons que cette patiente, qui était antérieurement asymptômatique suite à un événement du 27 octobre 1990, a développé un problème de douleur lombaire qui a été améliorée par les traitements, mais récidive au moindre effort.
L'investigation a démontré une rupture discale en L5-S1 sur une discopathie dégénérative L4-L5 et L5-S1. Nous croyons donc qu'étant donné que la patiente était asymptômatique avant son accident et qui fonctionnait normalement, que suite à l'événement de 90 est devenue symptômatique, qu'il y a une aggravation de condition pré-existante et qu'il existe des limitations fonctionnelles en relation avec cet événement. Nous croyons donc que cette patiente devrait éviter de pousser, tirer ou soulever de façon fréquente et répétitive des charges de plus de 15 à 20 kilos et éviter de faire des mouvements extrêmes de flexion- extension et torsion du rachis lombaire.» (sic) Ses conclusions se lisent comme suit: «Conclusion: Il s'agit donc d'une patiente que nous avions évaluée en juin 91 qui ne semblait pas présenter de séquelle objective d'entorse lombaire, mais qui, suite à des activités normales, a présenté une récidive de sa lombalgie avec sciatalgie, mais ne présente pas de signe neurologique. Nous croyons donc, suite à cette réévaluation que la patiente a une aggravation de sa condition et que l'ensemble du problème est une aggravation d'une condition pré-existante de dégénérescen discale.» (sic) Et il est d'avis que la travailleuse est maintenant porteuse de séquelles actuelles totalisant 2 % code 204004 pour entorse lombaire avec séquelles objectives.
À l'audience devant la Commission d'appel, la travailleuse rapporte qu'avant l'accident du travail du 27 octobre 1990, elle était en bonne santé et que lors de son embauche chez l'employeur elle avait même passé un examen médical. Elle affirme qu'actuellement elle se porte bien sauf si elle ne respecte pas les limitations fonctionnelles que lui a indiqué son médecin traitant. Interrogée sur les commentaires du docteur Leclerc contenus dans son évaluation du 13 mai 1992 à l'effet qu'elle aurait consulté à nouveau le 9 mars 1992 à cause d'une douleur importante apparue à la suite d'un effort, la travailleuse ne se souvient pas avoir effectivement subi une aggravation de sa condition à cette date et affirme ne pas avoir adressé une autre réclamation pour rechute, récidive ou aggravation à la Commission à cette période.
Avant l'audience, la travailleuse a fait parvenir à la Commission d'appel une expertise complétée par le docteur Banville le 23 décembre 1993. Les conclusions du docteur Banville sont à l'effet que la travailleuse souffre d'une hernie discale à deux niveaux L4-L5 et L5-S1 de même que d'un syndrome de la charnière dorso-lombaire secondaire, diagnostics qui sont en relation avec la lésion professionnelle qu'elle s'est infligée le 27 octobre 1990. Il est d'avis qu'à la suite de cet accident du travail, la travailleuse est porteuse des limitations fonctionnelles suivantes: éviter d'exécuter des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d'extension ou de torsion de la colonne lombaire; éviter de soulever, porter, pousser ou tirer des charges dont le poids excède 5 kilos; éviter d'exécuter des activités en position penchée, accroupie ou instable; éviter de garder la même posture plus de 10 minutes; éviter de monter, descendre des escaliers de façon constante et prolongée; éviter de marcher sur des terrains accidentés ou glissants; éviter de ramper, grimper; éviter de subir des vibrations de basse fréquence ou des contrecoups à la colonne vertébrale. Il conclut que la travailleuse est porteuse d'un déficit anatomo- physiologique totalisant 11.5 %.
ARGUMENTATION DES PARTIES Le représentant de la travailleuse plaide que la preuve prépondérante médicale est à l'effet que la travailleuse est porteuse de limitations fonctionnelles découlant de l'accident du travail dont elle a été victime le 27 octobre 1990 et qu'elle est incapable d'exercer son travail.
Pour sa part, la représentante de l'employeur soutient qu'en l'espèce la Commission d'appel n'est pas saisie d'une question médicale et ne peut se prononcer sur l'existence ou l'évaluation de limitations fonctionnelles, la question en litige étant plutôt de se prononcer sur la validité de la décision rendue par la Commission le 23 juillet 1991, conformément aux prescriptions de l'article 224 alinéa 1 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles [L.R.Q., chapitre A-3.001] [la loi]. Cette décision de la Commission faisant suite à l'évaluation du médecin traitant, la travailleuse ne peut contester indirectement ce qu'elle ne pouvait faire directement, soit les conclusions de son médecin traitant quant à l'existence ou non de limitations fonctionnelles découlant de sa lésion professionnelle. Or, argumente-t-elle, son médecin traitant, le docteur Leclerc, a clairement indiqué dans son rapport d'évaluation médicale, complété conformément aux prescriptions de l'article 203 de la loi, que la travailleuse n'était pas porteuse de limitations fonctionnelles permanentes, de même que d'aucune atteinte permanente découlant de sa lésion professionnelle. Elle plaide qu'il appert clairement du rapport médical complété par le docteur Leclerc le 27 juin 1991 que les limitations fonctionnelles qu'il recommande sont des limitations préventives en relation avec une condition personnelle dont souffre la travailleuse et non en relation avec l'entorse lombaire qu'elle s'est infligée le 27 octobre 1990.
MOTIFS DE LA DÉCISION Dans la présente instance, la Commission d'appel doit se prononcer sur la validité de la décision rendue par la Commission le 23 juillet 1991. Il s'agit comme le plaide la représentante de l'employeur d'une décision rendue en vertu de l'article 224 alinéa 1 de la loi. Cet article se lit comme suit: «224. Aux fins de rendre une décision en vertu de la présente loi, la Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1 à 5 du premier alinéa de l'article 212.» Il est en preuve que le docteur Leclerc, médecin traitant de la travailleuse, en date du 2 mai 1991, a complété un rapport final dans lequel il cochait oui aux questions suivantes: la lésion professionnelle entraîne-t-elle une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de même que des limitations fonctionnelles? Cependant comme elle l'édictait dans la décision qu'elle rendait le 24 juillet 1992 dans l'affaire Madame Marie Colgan et C.A. Champlain Marie-Victorin et Commission de la santé et de la sécurité du travail, No. dossier 22005-60-9009, la Commission d'appel est d'avis que le rapport final, complété le 2 mai 1991 par le docteur Leclerc pour rencontrer les prescriptions de l'article 203 de la loi, doit être complété par un rapport d'évaluation médicale indiquant le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique d'un travailleur, d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement et décrivant les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle.
La Commission d'appel fait sien les propos de la commissaire Joëlle L'Heureux dans la décision précitée lorsqu'elle déclare: «[...] Aux fins de transmettre les avis médicaux à la suite de la consolidation de la lésion du travailleur, la Commission a mis en circulation deux formulaires pour obtenir l'opinion du médecin traitant sur les sujets prescrits par la loi, formulaires appelés respectivement «rapport final» et «rapport d'évaluation médicale». Il ressort toutefois que le formulaire appelé «rapport final» ne rencontre pas les prescriptions de l'article 203 qui prévoit l'existence légale d'un rapport final et en détermine le contenu.
L'affirmation ou la négation pure et simple de l'existence d'une atteinte permanente ou de limitations fonctionnelles, demandée au formulaire de «rapport final» par la Commission, ne correspond à aucune des étapes de la procédure d'évaluation médicale prévue à la loi. L'article 203, 2ième et 3ième paragraphes, prévoit spécifiquement qu'à la suite de la consolidation de la lésion, le médecin ayant charge du travailleur doit indiquer le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement et doit décrire les limitations fonctionnelles du travailleur résultant de cette lésion.
Le geste demandé par la Commission au médecin, par le biais du «rapport final», ne correspond pas au geste demandé par le législateur à l'article 203.
Comme le législateur a aussi prévu que la Commission est liée par l'avis du médecin ayant charge du travailleur, il apparaît normal à la Commission d'appel que l'avis sur lequel la Commission devienne liée corresponde à un sujet sur lequel la loi demande au médecin ayant charge du travailleur de se prononcer.
De plus, l'absence de spécification sur la nature de la limitation fonctionnelle accordée, ou sur l'atteinte permanente dont est affligé le travailleur, rend ces séquelles abstraites. La limitation fonctionnelle, tout comme l'atteinte permanente, ne devient réelle, et donc applicable, ou encore contestable, que lorsqu'elle est décrite dans sa nature.
[...]» La Commission d'appel estime de plus que lorsqu'il y a contradiction entre le rapport final complété par un médecin traitant et le rapport d'évaluation médicale plus élaboré, accompagnant ce rapport final ou le complétant par la suite, il y a lieu de donner préséance aux conclusions élaborées par le médecin traitant dans le rapport d'évaluation médicale puisque comme mentionné précédemment, ce rapport complémentaire est celui qui est véritablement conforme aux prescriptions de la loi et plus particulièrement à l'article 203 de la loi. L'article 203 de la loi prévoit en effet ce qui suit: «203. Dans le cas du paragraphe 1 du premier alinéa de l'article 199, si le travailleur a subi une atteinte permanente à son intégrité physique ou psychique, et dans le cas du paragraphe 2 du premier alinéa de cet article, le médecin qui a charge du travailleur expédie à la Commission, dès que la lésion professionnelle de celui-ci est consolidée, un rapport final, sur un formulaire qu'elle prescrit à cette fin.
Ce rapport indique notamment la date de consolidation de la lésion et, le cas échéant: 1 le pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique du travailleur d'après le barème des dommages corporels adopté par règlement; 2 la description des limitations fonctionnelles du travailleur résultant de sa lésion.
3 l'aggravation des limitations fonctionnelles du travailleur qui résultent de la lésion.
Le médecin qui a charge du travailleur l'informe sans délai du contenu de son rapport.» En l'espèce, la Commission d'appel constate que bien que le médecin traitant a effectivement coché «oui» aux questions concernant l'existence d'une atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique de même qu'à l'existence de limitations fonctionnelles, dans son rapport d'évaluation médicale, il indique clairement, d'une part, que la travailleuse n'est pas porteuse d'aucune séquelle actuelle, lui attribuant le pourcentage de 0 % code 203997 pour entorse sans séquelle objectivée et d'autre part que les limitations fonctionnelles qu'il lui attribue sont clairement indiquées comme l'étant à titre préventif en raison de la présence d'une discopathie aux niveaux L4-L5 et L5-S1, condition purement personnelle. Le docteur Leclerc est en effet d'avis que la travailleuse, lors de l'accident du travail du 27 octobre 1990, s'est infligée une entorse lombaire et il conclut que «cette entorse semble avoir guéri sans laisser de séquelles objectives». En outre, l'examen objectif, effectué le 12 juin 1991 par le docteur Leclerc aux fins de rédiger son rapport d'évaluation médicale, se révèle strictement normal. Aussi considérant que ce rapport d'évaluation médicale a été complété conformément aux prescriptions de l'article 203 de la loi, et considérant que les conclusions du médecin traitant étaient à l'effet que la travailleuse n'était porteuse d'aucune atteinte permanente, de même qu'aucune limitation fonctionnelle en relation avec l'entorse lombaire, lésion professionnelle qu'elle s'était infligée le 27 octobre 1990, de l'avis de la Commission d'appel la Commission était donc justifiée de rendre la décision du 23 juillet 1991, celle-ci étant conforme aux prescriptions de l'article 224 alinéa 1 de la loi.
La Commission d'appel est également d'avis que le deuxième rapport d'évaluation médicale, complété par la suite par le docteur Leclerc le 13 mai 1992, n'a aucune incidence en l'espèce puisque, d'une part, il fut effectué environ un an après la consolidation de la lésion professionnelle et que par ailleurs le docteur Leclerc indique clairement que la travailleuse aurait subi une aggravation le 9 mars 1992. C'est en effet ce qui ressort de ses commentaires lorsque dans son rapport d'évaluation médicale, d'une part, il écrit: «Le 9 mars 1992, la patiente consultait de nouveau à cause de douleurs importantes suite à un effort» et qu'à la question «Aggravation» il répond oui. En outre, la Commission d'appel note qu'effectivement l'examen physique qu'il réalise le 6 mai 1992 démontre une limitation des mouvements de flexion, de même que des mouvements d'extension, accompagnés de douleurs, alors que l'examen objectif qu'il avait réalisé le 27 juin 1991, à la suite du rapport final du 2 mai 1991, selon ses propres observations, était strictement normal sauf pour la présence d'un peu de douleur lors des mouvements combinés d'extension, associés à de la rotation. La Commission d'appel estime que les commentaires du docteur Leclerc, contenus dans son évaluation médicale du 13 mai 1992, laissent entendre que la condition de la travailleuse se serait aggravée à compter du 9 mars 1992. Or, la Commission d'appel ne peut prendre en considération l'opinion émise par le docteur Leclerc de même que celle du docteur Banville puisque leurs évaluations sont relatives à la condition de la travailleuse plusieurs mois après la consolidation le 2 mai 1991 de la lésion professionnelle qu'elle s'est infligée le 27 octobre 1990.
POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIÈRE DE LÉSIONS PROFESSIONNELLES: REJETTE l'appel de madame Suzanne Larivière; CONFIRME la décision rendue par le Bureau de révision de la région du Richelieu-Salaberry le 6 février 1992; DÉCLARE que madame Suzanne Larivière n'a pas droit à la poursuite du versement des indemnités de remplacement du revenu après le 22 juillet 1991 puisqu'à la suite de la lésion professionnelle qu'elle s'est infligée le 27 octobre 1990, il n'y a pas d'indication à l'effet qu'il existe des limitations fonctionnelles permanentes et qu'elle est redevenue capable d'exercer son emploi ou un emploi équivalent à compter du 23 juillet 1991.
Marie LAMARRE, commissaire F.A.T.A.
(Monsieur Rénald Guilbault) 6839-A, rue Drolet Montréal (Québec) H2S 2T1 Représentant de la partie appelante MONETTE, BARAKETT & ASSOCIÉS (Me Lise-Anne Desjardins) 1010, rue de la Gauchetière Ouest Bureau 2100 Montréal (Québec) H3B 2R8 Représentante de la partie intéressée
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.