Décision

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                           COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE
                           LESIONS PROFESSIONNELLES

     QUEBEC

                              QUEBEC, le 25 septembre 1990
     DISTRICT D'APPEL
     DE QUEBEC

     REGION: Côte-Nord
                              DEVANT LE COMMISSAIRE:  JEAN-GUY ROY

     DOSSIER:  07765-09-8805     ASSISTE  DE  L'ASSESSEUR:  BERNARD C.
     

BLANCHET, médecin DOSSIER CSST: 9432 667 AUDITION TENUE LES: 27 mars 1990 28 mars 1990 A: Québec DATE DU DELIBERE: 30 mai 1990 ---------------------------------------- COMPAGNIE DE PAPIER QUEBEC & ONTARIO LIMITEE 20, rue Marquette aie-Comeau (Québec) G4Z 1K6 PARTIE APPELANTE et HILAIRE FORTIN 104, boul. de l'Assomption est, app. 10 St-Charles-Boromée (Québec) J6E 7N9 et COMMISSION DE LA SANTE ET DE LA SECURITE DU TRAVAIL Direction régionale Côte-Nord 690, boul. Laure, Bureau 20 Sept-Iles (Québec G4R 4N8 PARTIES INTERESSEES D E C I S I O N Le 17 mai 1988, Compagnie de papier Québec & Ontario Limitée (l'employeur) en appelle d'une décision du 9 mai 1988 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la Commission), rendue à la suite de l'avis du Comité spécial des présidents des comités des maladies professionnelles pulmonaires.

La Commission décidait alors que M. Hilaire Fortin (le travailleur) était porteur d'une bronchite chronique d'origine industrielle à la suite d'une exposition prolongée aux vapeurs d'anhydride sulfureux SO2.

La Commission est intervenue dans la présente affaire, conformément aux dispositions de l'article 416 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (L.R.Q., c.

A-3.001).

A la demande de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la Commission d'appel), le procureur de l'employeur lui a fait parvenir certains documents supplémentaires. Ces derniers ayant été reçus le 30 mai 1990, c'est donc à cette dernière date que la présente affaire a été prise en délibéré.

OBJET DE L'APPEL L'employeur demande à la Commission d'appel d'infirmer cette décision de la Commission et de déclarer que le travailleur n'est pas porteur d'une maladie professionnelle pulmonaire qui serait due au fait qu'il aurait été exposé au SO2.

De plus, l'employeur présente le moyen préliminaire suivant que la Commission d'appel a pris sous réserve.

MOYEN PRELIMINAIRE Le procureur de l'employeur soutient que c'est à tort que le dossier du travailleur a été référé par la Commission au Comité des maladies professionnelles pulmonaires puisqu'aucune attestation médicale, conformément à l'article 199 de la loi, n'avait été émise par un médecin ayant charge du travailleur. En conséquence, la réclamation du travailleur est nulle "ab initio" et nulle également est la décision de la Commission du 9 mai 1988 qui fait suite à l'avis du Comité spécial des présidents.

FAITS RELATIFS AU MOYEN PRELIMINAIRE Le 17 mars 1987, le travailleur présente à la Commission la réclamation suivante: "Lors de la tournée avant de quitter j'ai passé près de la tour T.C.A. au plant d'acide. Il y avait une fuite de gaz SO2. J'ai respiré le SO2 qui a causé un étouffement violent. Dans la nuit du 23, j'ai été hospitalisé".

L'employeur, le 7 juillet 1987, écrit à la Commission pour lui faire savoir qu'il a reçu, le 17 juin 1987, copie de la réclamation du travailleur relativement à une exposition au SO2 qui se serait produite le 22 février 1987 et demande que lui soit fournie toute documentation médicale et administrative disponible à la Commission. L'employeur fait également savoir à cette dernière que son service médical est en relation avec un expert et que ce dernier désire qu'il soit procédé à certains tests avant d'émettre son opinion.

Le 10 décembre 1987, l'employeur écrit de nouveau à la Commission et souligne qu'il est toujours sans nouvelles du dossier du travailleur, que celui-ci est en assurance-salaire depuis le 22 février 1987 et qu'il sera retraité le 1er janvier 1988, ainsi que le travailleur en a exprimé le désir. L'employeur signale également à la Commission que le travailleur n'a pas remis l'attestation médicale requise par la loi et que celle-ci a quand même ouvert un dossier au nom du travailleur.

Au moment où le procureur du travailleur, le 30 novembre 1988, fait parvenir à la Commission d'appel la liste des témoins et documents qu'il prévoit produire, il fait par la même occasion connaître qu'il soulèvera, au moment de l'audience, le présent moyen préliminaire.

L'ancien procureur du travailleur, s'étant assuré auprès du procureur de l'employeur que ce dernier avait bien l'intention de soulever ce moyen, fait alors parvenir à la Commission d'appel, le 29 mars 1989, une attestation médicale du Dr André Labelle, omnipraticien. Ce dernier indique qu'il a complété cette attestation médicale "à partir des renseignements fournis sur le rapport du consultant, Dr Lampron le 16-03-87". Le nom du Dr Labelle apparait à l'attestation médicale. Le 22 février 1987 est inscrit comme date de la visite et date de l'événement. Un diagnostic d'asthme est porté. L'attestation médicale est datée du 24 février 1989.

ARGUMENTATION SUR LE MOYEN PRELIMINAIRE Le procureur de l'employeur expose que le "doit" de l'article 199 de la loi ne peut être interprété dans un sens directif mais au contraire qu'il a un sens impératif.

A l'appui de cette prétention, il invoque notamment l'article 51 de la Loi sur l'interprétation (L.R.Q., c. I-16), de nombreux jugements de la Cour supérieure, de la Cour d'appel et de la Cour suprême, de même que des décisions de la Commission d'appel et des articles de doctrine.

Ce procureur soutient que la section I, chapitre V1 de la loi, qui traite des dispositions générales de la procédure d'évaluation médicale, s'applique à la section II, relative aux dispositions particulières aux maladies professionnelles pulmonaires, à moins que cette dernière partie ne comporte des dispositions contradictoires. Dans ce sens, affirme-t-il, l'article 199 de la loi s'applique à la section II de la loi et la Commission ne peut ouvrir un dossier si elle ne reçoit pas du travailleur l'attestation médicale exigée par l'article 199 de la loi.

Cette exigence, ajoute ce procureur, s'inscrit dans l'économie générale de la procédure d'évaluation médicale qui a mis l'accent et donné des responsabilités importantes au médecin ayant charge du travailleur. De plus, ajoute-t-il, dans le cas de maladies professionnelles pulmonaires et compte tenu des dispositions de l'article 230 de la loi, ce n'est que sur réception d'une telle attestation médicale que l'employeur peut contester la date de consolidation. Tant que ce document n'est pas produit, l'employeur ne peut aucunement contester ce sujet. En ce sens, il subit un préjudice du fait de l'absence d'une telle attestation médicale.

Pour sa part, le procureur du travailleur insiste sur le fait qu'il faut placer la procédure d'arbitrage médical dans le contexte de l'article 1 de la loi dont le but est de réparer les lésions professionnelles et les conséquences qu'elles entraînent.

Il ajoute que cette loi à caractère social ne doit pas souffrir d'un formalisme de mauvais aloi et que le "doit" de l'article 199 ne peut être interprété dans un sens impératif, surtout dans le contexte où le préjudice qu'une partie subirait serait beaucoup plus grand dans le cas du travailleur que dans le cas de l'employeur.

Est également souligné par ce procureur que le médecin n'est pas le mandataire du travailleur et qu'on ne saurait tenir rigueur à ce dernier et lui faire subir les conséquences des omissions du médecin qui en a charge. D'ailleurs, ajoute-t-il, la loi prévoit les pouvoirs de la Commission dans le cas de tels manquements.

Le procureur du travailleur souligne également que l'employeur, depuis le 17 mars 1987, connaissait la réclamation du travailleur, qu'il s'en est régulièrement informé et qu'il a, comme s'était son droit, contesté la décision du 9 mai 1988 de la Commission et qu'il ne saurait maintenant prétendre souffrir préjudice.

Pour sa part, le procureur de la Commission souligne que la Commission d'appel a rendu notamment deux décisions relativement à l'obligation pour un travailleur de fournir une attestation médicale dans le cas où il prétend être porteur d'une maladie professionnelle pulmonaire, soit Vaillancourt et Marino Automobiles St-Eustache Inc. (64-00019-8608, Bertrand Roy, commissaire, 1987-03-25) et McKay et Héroux Inc. (01569-61-8612 Réal Brassard, commissaire, 1989-06-06).

La lecture que le procureur de la Commission fait de ces deux décisions le convainc qu'elles ne sont pas aussi opposées qu'il pourrait sembler au premier abord et que, dans les deux cas, la Commission d'appel s'est servie de son pouvoir, ainsi que le précise l'article 400 de la loi, pour examiner le fond de l'affaire. Quoiqu'il en soit, ajoute-t-il, une loi à caractère social nécessite une interprétation large et libérale et on ne saurait rendre fatal à un travailleur le fait qu'un acte procédural n'ait pas été accompli par le médecin qui en a charge.

MOTIFS DE LA DECISION SUR LE MOYEN PRELIMINAIRE La Commission d'appel doit décider si, comme le prétend l'employeur, la réclamation du travailleur est nulle "ab initio" étant donné que n'a pas été produite, à ce moment, l'attestation médicale prévue à l'article 199 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

La Commission d'appel partage l'avis de l'employeur sur le fait que la section I "Dispositions générales" du chapitre V1 "Procédure d'évaluation médicale" s'applique à toute évaluation médicale y compris à celle qui est faite en vertu de la section II "Dispositions particulières aux maladies professionnelles pulmonaires".

Ainsi, l'article 199 de la loi relative à la délivrance d'une attestation médicale pour enclencher le processus d'évaluation médicale s'applique dans le cas d'une maladie professionnelle pulmonaire. Ce n'est qu'en cas d'incompatibilité d'une disposition générale de la section 1 avec une disposition particulière de la section II que cette dernière doit prévaloir.

Pour apporter une réponse au moyen préliminaire présenté, il y a lieu d'examiner les obligations faites aux différents acteurs relativement à la procédure d'évaluation médicale et de soupeser les conséquences du défaut pour chacun d'eux de s'en acquitter.

Le chapitre VIII "Procédure de réclamation et avis" dispose des obligations du travailleur relativement à la procédure d'évaluation médicale, notamment aux articles 265 et 267: 265. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle ou, s'il est décédé ou incapable d'agir, son représentant, doit en aviser son supérieur immédiat, ou à défaut un autre représentant de l'employeur, avant de quitter l'établissement lorsqu'il en est capable, ou sinon dès que possible.

267. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle qui le rend incapable d'exercer son emploi au-delà de la journée au cours de laquelle s'est manifestée sa lésion doit remettre à son employeur l'attestation médicale prévue par l'article 199.

Si aucun employeur n'est tenu de verser un salaire à ce travailleur en vertu de l'article 60, celui-ci remet cette attestation à la Commission.

La lecture de ces articles permet de constater que les obligations du travailleur sont envers son employeur et, en l'absence de ce dernier, son obligation est alors vis-à-vis la Commission.

Quant à l'article 199 de la loi, auquel réfère l'article 267, il se lit ainsi: 199. Le médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur victime d'une lésion professionnelle doit remettre sans délai à celui-ci, sur le formulaire prescrit par la Commission, une attestation comportant le diagnostic et: 1o s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée dans les 14 jours complets suivant la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la date prévisible de consolidation de cette lésion; ou 2o s'il prévoit que la lésion professionnelle du travailleur sera consolidée plus de 14 jours complets après la date où il est devenu incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, la période prévisible de consolidation de cette lésion.

Cependant, si le travailleur n'est pas en mesure de choisir le médecin qui, le premier, en prend charge, il peut, aussitôt qu'il est en mesure de le faire, choisir un autre médecin qui en aura charge et qui doit alors, à la demande du travailleur, lui remettre l'attestation prévue par le premier alinéa.

On ne peut que constater que c'est sur les épaules du médecin qui, le premier, prend charge d'un travailleur que la loi fait reposer l'obligation de remettre à celui-ci le formulaire prescrit par la Commission relativement à l'attestation médicale.

Doit-on conclure que le défaut d'un tel médecin de s'acquitter de son obligation puisse priver un travailleur de son droit de produire une réclamation pour une maladie professionnelle pulmonaire? La Commission d'appel ne peut en venir à cette conclusion pour deux motifs.

D'une part, la loi elle-même prévoit expressément, aux articles 204 et 205, les conséquences, pour un médecin, du défaut de s'acquitter de son obligation: 204. Lorsque le médecin qui a charge d'un travailleur refuse ou néglige de fournir à la Commission, dans le délai prescrit, un rapport qu'il doit fournir, celle-ci en informe sans délai le travailleur et l'avise qu'elle leréfèrera à un médecin désigné par elle si, dans les 10 jours de cet avis, elle n'a pas reçu le rapport du médecin en défaut ou les nom et adresse d'un autre médecin choisi par le travailleur et qui en prend charge." 205. Le rapport que la Commission reçoit du médecin qu'elle désigne conformément à l'article 204, le cas échéant, est considéré celui du médecin qui a charge du travailleur.

D'autre part, on ne saurait assimiler le médecin qui prend charge d'un travailleur à un mandataire de ce dernier et, en conséquence, on ne saurait faire supporter au travailleur le défaut de ce tiers de s'acquitter de ses obligations.

Il va de soi, et il serait pour le moins anormal qu'il en soit autrement, qu'un médecin peut refuser d'émettre à un travailleur l'attestation médicale prévue à l'article 199 de la loi s'il en vient à la conclusion que celui-ci n'est pas victime d'une lésion professionnelle. Dans ce cas, les articles 204 et 205 ne sauraient trouver application, le travailleur devant alors s'adresser à un autre médecin, s'il croit toujours sa réclamation fondée.

Si la loi a prévu des dispositions en cas de défaut d'un médecin de s'acquitter d'une obligation, notamment celle prévue à l'article 199 de la loi, cette dernière est cependant muette sur le défaut du travailleur de se conformer aux obligations qui lui sont imparties par les articles 265 et 267 précédemment cités.

L'article 265 de la loi, qui oblige le travailleur victime d'une lésion professionnelle à aviser son employeur avant de quitter l'établissement ou, s'il en est incapable, aussitôt que possible, s'inscrit dans le cadre normal d'un contrat de travail où un travailleur doit justifier auprès de celui qui retient ses services son incapacité de lui fournir tels services.

De même, s'inscrit également dans la normalité des choses l'obligation que fait au travailleur l'article 267 de la loi de remettre à l'employeur l'attestation médicale que lui a fourni son médecin, conformément à l'article 199 de la loi. Outre le fait qu'il est normal de justifier par un certificat médical son absence du travail pour incapacité de travailler, il faut comprendre également que la remise par le travailleur à son employeur de cette attestation médicale permet à ce dernier de connaître la nature de la lésion dont souffre le travailleur et si cette lésion risque de tenir celui-ci éloigné du travail pour une période inférieure ou supérieure à quatorze jours.

C'est précisément au niveau du versement par l'employeur des quatorze premiers jours de salaire au travailleur que le fait pour ce dernier de ne pas remettre l'attestation médicale visée à l'article 199 de la loi risque d'avoir des conséquences.

L'article 60 de la loi se lit ainsi: 60. L'employeur au service duquel se trouve le travailleur lorsqu'il est victime d'une lésion professionnelle lui verse, si celui-ci devient incapable d'exercer son emploi en raison de sa lésion, 90% de son salaire net pour chaque jour ou partie de jour où ce travailleur aurait normalement travaillé, n'eût été de son incapacité, pendant les 14 jours complets suivant le début de cette incapacité.

L'employeur verse ce salaire au travailleur à l'époque où il le lui aurait normalement versé si celui-ci lui a fourni l'attestation médicale visée dans l'article 199.

(...) Ainsi, l'employeur est tenu de verser au travailleur qui lui a remis l'attestation médicale prévue à l'article 199 de la loi, 90% du salaire net que celui-ci aurait normalement reçu et ce, durant les quatorze premiers jours suivant le début de son incapacité.

Un travailleur qui serait ainsi en défaut de fournir une telle attestation médicale ne saurait donc exiger de son employeur l'indemnité que ce dernier devrait normalement lui verser durant les quatorze premiers jours qui suivent le début de son incapacité.

Il faut rappeler que la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, dont l'objet est de réparer les lésions professionnelles et les conséquences qu'elles entraînent, doit recevoir une interprétation large et libérale et que les procédures y édictées ne doivent pas empêcher un travailleur de prétendre à l'exercice d'un droit, à moins évidemment qu'il puisse être constaté que ce faisant, l'employeur subit un préjudice irréparable.

Sur ce dernier objet, la Commission d'appel ne peut conclure que le défaut pour le travailleur d'avoir remis à l'employeur l'attestation prescrite à l'article 199 de la loi ait pu avoir comme conséquence de faire subir à ce dernier un préjudice irréparable. Le pouvoir de l'employeur de contester le fait que le travailleur soit porteur d'une maladie professionnelle pulmonaire ne peut être exercée que lorsque toute la procédure prévue à la loi, dans le cas d'une maladie professionnelle pulmonaire, a été complétée. En effet, la Commission ne rend aucune décision sur réception de la réclamation du travailleur.

Elle ne fait que l'acheminer au Comité des maladies professionnelles pulmonaires dont l'avis doit être confirmé ou infirmé par le Comité spécial des présidents. Ce n'est que sur réception du rapport de ce dernier comité que la Commission décide du diagnostic et, s'il est positif, des limitations fonctionnelles, du pourcentage d'atteinte permanente à l'intégrité physique et de la tolérance du travailleur à un contaminant.

Nulle part, la loi ne permet à l'employeur de contester la date de consolidation dans le cas d'une maladie professionnelle pulmonaire. Il faut comprendre alors que c'est au niveau de la capacité de travail que l'employeur pourra mettre en cause l'absence au travail d'un tel travailleur.

Dans la présente affaire, la Commission d'appel doit également constater que l'employeur, le 17 juin 1987, a été mis de façon certaine au courant de la réclamation du travailleur et ce, même si cette réclamation est datée du 17 mars 1987. La Commission d'appel ne peut conclure que ce délai a pu causer quelque préjudice à l'employeur.

LES FAITS Le travailleur, actuellement âgé de 62 ans, était au service de l'employeur depuis 1946 et y a occupé différentes fonctions. Il a pris sa retraite le 1er janvier 1988.

Ainsi qu'il a été exposé précédemment, le travailleur présente, le 17 mars 1987, une réclamation à la Commission dans laquelle il déclare avoir été exposé, le 22 février 1987, à une forte dose de SO2, ce qui a entraîné son hospitalisation. L'examen du dossier laisse voir que le travailleur aurait été hospitalisé jusqu'au 5 mars 1987, soit durant onze jours.

Le premier témoin produit par l'employeur a été le travailleur lui-même. Celui-ci a longuement décrit les diverses fonctions qu'il a remplies chez l'employeur depuis son engagement, en 1946.

Ces différentes fonctions et leurs caractéristiques principales ont été décrites ainsi dans un rapport qui apparaît au dossier et qui a été préparé au cours des mois de novembre et décembre 1987 par M. Fernand Essiembre, hygiéniste industriel au Centre régional de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord (CRSSS).

"HISTOIRE OCCUPATIONNELLE DU TRAVAILLEUR Monsieur Hilaire Fortin a été à l'emploi de la compagnie de papier QNS Ltée du 24 avril 1945 au 1 janvier 1988, date de sa retraite. Pendant cette période, il a occupé les diverses fonctions suivantes: Tester, rodman, laborer: Du 24 avril 1945 au 29 décembre 1945,où il n'a pas ou peu été exposé au bioxyde de soufre.

Opérateur de fosse de soufflage (Département de bisulfite): Du 23 février 1946 au 1 août 1947 et du 2 décembre 1958 au 12 septembre 1960 A cette époque, les opérations aux fosses de décharges étaient manuelles, c'est-à-dire que l'opérateur devait ouvrir la porte de la fosse puis à l'aide d'un boyau à eau (moniteur) étendait la pâte chimique et la posait dans des chutes. Ensuite, il refermait la porte de la fosse. Cette opération durait approximativement 30 minutes et se répétait six fois par jour. L'opérateur restait continuellement dans la section des fosses de soufflage. Le dîner se prenait sur les lieux de travail.

Monsieur Fortin a été pendant cette période régulièrement exposé à de fortes concentrations de bioxyde de soufre.

Stock runner sales (Département de bisulfite): Du 1 août 1947 au 22 août 1958. Ses tâches consistaient à assurer l'alimentation en pâte chimique de la machine qui en faisait des balles de 500 lbs. La pâte était déjà lavée donc pas ou peu exposée au bioxyde de soufre (SO2).

Stock runner news (Département de bisulfite): Du 22 août 1958 au 2 décembre 1958 et du 9 janvier 1966 au 29 avril 1970. Monsieur Fortin était opérateur au tamisage de la pâte chimique et responsable des opérateurs de fosses de soufflage. La pâte chimique provenait des fosses de soufflage et dégageait souvent des fortes odeurs de SO2. La température au tamisage était souvent supérieure à 100oF. Comme responsable des opérateurs des fosses, monsieur Fortin devait régulièrement se rendre à la section des fosses et même aider les opérateurs lors de problèmes. Pendant cette période, monsieur Fortin a été exposé régulièrement au bioxyde de soufre.

Stock runner news et stock runner sales (Département de bisulfite): Du 12 septembre 1960 au 9 janvier 1966. Monsieur Fortin effectuait la rotation entre ces deux fonctions.

Pendant cette période, il était exposé au SO2 lorsqu'il occupait la fonction de stock runner news (50% de son temps).

Opérateur haut rendement (Département de bisulfite): Du 29 avril 1970 au 1 janvier 1988. Les tâches principales de monsieur Fortin, à cette fonction, étaient le contrôle de l'opération et l'inspection des équipements. la majorité de ces tâches s'effectuent à l'intérieur de la salle de contrôle (80%). Une série de mesures de SO2 effectuée au département de bisulfite (annexe II, Etude SO2, compagnie de papier QNS ltée) nous donne une exposition moyenne de 1,97 ppm de SO2 pour l'opérateur haut rendement. Cependant, il faut considérer que des dosimètres passifs furent utilisés lors de l'étude et que ces derniers sont de mauvais indicateurs (méthode impliquant un phénomène de diffusion) pour les émissions massives de SO2 de courte durée (annexe I, Extrait du rapport de recherche, IRSST, 1987).

Contremaître de fin de semaine: - 1 fin de semaine sur 3, de 1981 à 1983; - 1 fin de semaine sur 4, de 1983 à 1988; - remplacement de contremaître lors de vacances.

Le contremaître est responsable de la bonne marche des opérations. Il doit faire des rondes d'inspection générale et spécifique lors de problèmes ou bris. Il peut être exposé à des fortes concentrations de SO2 pour des temps variables.

HORAIRE DE TRAVAIL De 1945 à 1958: - rotation sur les 3 quarts; - 6 jours/semaine, 48 heures/semaine; - dîner se prend sur les lieux de travail.

De 1958 à 1970: - rotation sur les 3 quarts; - 5 jours/semaine, 40 heures/semaine; - diner se prend sur les lieux de travail.

De 1970 à 1988: - rotation sur les 3 quarts; - 5 jours/semaine, 40 heures/semaine; - dîner se prend dans la salle aménagée." Lors de son témoignage, le travailleur a spécifié que ses problèmes respiratoires ont commencé vers 1966, alors qu'il était affecté au "stock runner news". Mais il croyait alors qu'il faisait plutôt des grippes. De cette période jusqu'en 1985, le travailleur croit se souvenir qu'il était ainsi grippé quatre à cinq fois par année et qu'il devait alors s'absenter du travail.

A une affirmation du procureur de l'employeur qui énonce qu'il n'aurait pas manqué de journées de travail de 1969 à 1986, le travailleur répond que cela est possible et que, si tel est le cas, il travaillait alors avec la grippe. Le travailleur soutient néanmoins que plus les années passaient, plus son mal se localisait dans les bronches et qu'il a compris alors qu'il n'était pas victime de grippes.

C'est cependant en 1985, selon le témoignage du travailleur, que ses problèmes respiratoires ont vraiment commencé et qu'il se fait dire par le Dr Larouche que "ça sille" lorsque ce dernier écoute sa respiration. Le travailleur a remarqué que ses problèmes respiratoires se faisaient sentir lorsqu'il allait au "plan de caustique". A l'automne de 1986, il étouffait à chaque fois qu'il était en contact avec le caustique; ce contact était à peu près quotidien et durait environ 20 minutes.

En début de février 1987, le travailleur témoigne avoir manqué cinq jours de travail parce qu'il avait respiré des gaz. C'est cependant le 22 février 1987, alors qu'il effectue son inspection habituelle, qu'il se sent étouffé lorsqu'il passe près d'un brûleur à soufre, au réservoir des T.C.A. Il prend alors un médicament appelé Ventolin, mais sa condition devient alors pire.

Ayant réintégré son bureau et devant ses difficultés respiratoires, il se rend à son domicile. Durant la nuit, son fils le transporte à l'urgence de l'hôpital où il sera gardé durant onze jours. Le travailleur témoigne également qu'un contremaître de l'employeur, peu de temps après son hospitalisation, lui aurait confirmé qu'il y avait bien une fuite de gaz sur le brûleur à soufre.

Les radiographies pulmonaires, prises les 23 et 24 février 1987, se lisent ainsi: "POUMONS: Hyper-inflation pulmonaire. Pas d'évidence radiologique d'infection pulmonaire active." "POUMONS: Diminution de la vascularisation périphérique avec hyper-inflation pulmonaire.

IMPRESSION: Maladie pulmonaire chronique obstructive." Au dossier, se trouvent également deux radiographies pulmonaires que le travailleur a subies respectivement les 7 janvier 1966 et 30 juin 1982. Elles se lisent ainsi: "POUMONS: (66-01-07) Les deux plages pulmonaires sont de transparence uniforme et normale. Coeur et médiastin normaux." "POUMONS: (82-06-30) Aspect normal des plages pulmonaires, du coeur et du médiastin." Du résumé du dossier fait par le Dr Arnaud Samson, omnipraticien, au moment où le travailleur quitte l'hôpital, on note les passages suivants: "Patient de 59 ans qui a consulté à l'urgence le 23 février 1987 parce qu'il se sentait plus grippé depuis deux jours. Il avait consulté déjà un médecin à l'usine où il travaille, avait reçu du Ventolin et de la Pénicilline comme médication. A son admission, il présentait des expectorations verdâtres et l'examen physique révélait la présence d'un bronchospasme diffus.

(...) Habitudes: Il a cessé le tabac depuis 14 ans. Il prend de l'alcool socialement. Il prenait depuis récemment du Ventolin, de la Pénicilline et peut-être du Théo-Dur depuis une dizaine de jours. Il travaille dans une usine où l'air est relativement pollué.

Examen physique: On pouvait donc remarquer qu'il avait des râles sibilants bilatéraux. Il était tachycarde. Le reste était sans particularité, sauf l'augmentation du diamètre antéro-postérieur du thorax.

(...) Les tests de fonction pulmonaire, de plus, ont été nettement anormaux avec une diminution du VEMS, ainsi que de la capacité vitale.

(...) Diagnostic final: M.P.O.C.

Bronchospasme HTA" Référé au Dr Noël Lampron, pneumologue, ce dernier, le 16 mars 1987, résume ainsi le dossier: "Ce patient est sans antécédents particuliers hormis une dyspnée qui évolue depuis environ 5 ans, qui semble exacerbée par l'exposition aux odeurs de sulfite.

Il y a environ 5 ans, le patient a noté que lorsqu'il était exposé à son ouvrage, il développait de la dyspnée avec wheezing. Pendant les périodes de vacances, par exemple, l'été alors qu'il n'était pas affecté à son travail pendant 1 mois, il aurait noté une amélioration importante de sa symptomatologie respiratoire. Il arrive même à faire du bicycle facilement. Cette amélioration se reproduit à chaque fois qu'il est retiré de son travail, soit pour des vacances ou pour autres problèmes. Il dit avoir manqué énormément de travail depuis les 3 dernières années, toujours ses problèmes respiratoires.

(...) Les indices d'inspiration forcée, avant et après bronchodilatateurs, démontrent la présence d'un syndrome obstructif sévère, amélioré de façon significative par l'action de bronchodilatateur.

En conclusion, ce patient présente une maladie pulmonaire obstructive chronique, avec des phénomènes bronchospastiques et le fait qu'il y ait une réponse significative aux bronchodilatateurs, peut suggérer qu'il existe encore un certain degré d'inflammation au niveau bronchique. La description faite par le patient suggère très fortement une maladie professionnelle." Le 9 septembre 1987, la Commission s'adresse au Conseil régional de la santé et des services sociaux de la Côte-Nord (CRSSS), afin que celui-ci procède à une "étude sur les substances auxquelles la personne a été exposée à son travail afin de connaître la nature de l'exposition".

Le CRSSS, le 15 janvier 1988, fait parvenir à la Commission l'étude demandée. Elle est signée par M. Fernand Essiembre, hygiéniste industriel, et conclut ainsi: "Monsieur Fortin a travaillé au département de bisulfite de la compagnie de papier QNS ltée de 1946 à 1988. Pendant 31 de ces 42 années, il fut exposé régulièrement au bioxyde de soufre." Des différentes annexes que comporte cette étude, il y a lieu de retenir celle qui traite de l'échantillonnage dosimétrique de SO2 pour la période du 26 janvier au 22 février 1987" et qui se lit ainsi: FONCTIONS TOTAL DES NOMBRE DE EXPOSITION PRELEVEMENTS DE PRELE- MOYENNE VEMENTS AU * (P.P.M.) DESSUS DES NORMES Faiseur d'acide 82 14 4.03 * Cuiseur 81 5 3.20 * Premier aide 79 1 2.30 Deuxième aide 81 2 3.00 Troisième aide 48 0 2.42 Opérateur H-R 81 0 1.97 Ass. Opérateur H-R 82 1 2.38 Opérateur OPCo 81 0 1.74 Ass.Opérateur OPCo 81 0 1.66 Essayeur 81 0 1.73 Secrétaire Pâte Mécanique 20 0 2.00 Préposé déchargement de soufre 17 0 2.17 Nettoyeur usine acide 28 2 2.54 Nettoyeur Bisulfite 28 2 3.79 * Nettoyeur OPCo 25 0 1.56 * Norme = 5 P.P. M/8heures Interprétation Malgré le faible pourcentage du nombre de prélèvements au-dessus des normes, les moyennes d'expositions en PPM du faiseur d'acide (4.03) et du cuiseur (3.20) sont quand même assez élevées. Ces moyennes élevées sont sans doute causées par certains travaux spécifiques qu'exécutent ces deux types de travailleurs. (ex: échantillonnage et analyse de l'acide de cuisson, démarrage de certains équipements, etc...) Pour sa part, le nettoyeur au bisulfite (3.79) exécute ses travaux sur les planchers des lessiveurs et ceux-ci ne sont pas ventilés lors de la saison hivernale ce qui explique la moyenne d'exposition élevée.

Comparaisons avec l'étude faite en été: Comme vous le verrez sur le tableau de la page suivante, les différences entre les moyennes d'exposition de l'été et de l'hiver sont à la hausse pour certains et à la baisse pour d'autres, alors que le faiseur d'acide et le cuiseur sont stables. Ces deux fonctions ne sont pas affectées par les conditions d'aération de l'usine, ils sont affectés constamment par des expositions assez élevées reliées à leur travail.

Pour ce qui est des travailleurs ou leurs expositions sont à la baisse pendant l'hiver (1er, 2ième, 3ième aides) ceci s'explique par le fait que la ventilation est existante sur le plancher de chargement des lessiveurs mais que celle-ci n'aspire pas nécessairement le SO2 présent sur les planchers intermédiaires des lessiveurs. Ces concentrations se propagent plutôt dans le reste des installations du bisulfite ou demeure en plus grande concentration sur les planchers des lessiveurs, ce qui explique les concentrations moyennes à la hausses de certaines fonctions (opér. H-R, opér. OPCo ass. opé. OPCo, ass.

opér. H-R, essayeur, secrétaire Pâte Méc., nettoyeurs).

COMPARAISONS ETE - HIVER (MOYENNE P.P.M.) FONCTIONS MOYENNE P.P.M. MOYENNE P.P.M ETE HIVER Faiseur d'acide 4.03 4.03 Cuiseur 3.10 3.20 Premier aide 2.86 2.30 Deuxième aide 4.64 3.00 Troisième aide 3.17 2.42 Opérateur H-R 0.72 1.97 Assistant Opéra- teur H-R 1.06 2.38 Opérateur OPCo 0.63 1.74 Ass. opérateur OPCo 0.71 1.66 Essayeur 0.67 1.73 Secrétaire Pâte Mécanique 0.71 2.00 Préposé déchar- gement souffre 3.77 2.17 Nettoyeur acide 1.26 2.59 Nettoyeur Bisulfite 1.96 3.79 Nettoyeur OPCo 0.67 1.56" C'est à la suite de cette étude que la Commission, le 21 janvier 1988, adresse le dossier du travailleur au Comité des maladies professionnelles pulmonaires.

L'employeur a également fourni un rapport sur la "moyenne de P.P.M. de SO2 entre le 26 juin et le 4 juillet 1986" dont les résultats sont compatibles avec l'échantillonnage de janvier- février 1987.

Le Comité des maladies professionnelles pulmonaires, le 11 mars 1988, conclut ainsi: "OPINION & COMMENTAIRE:" Monsieur Fortin a été préposé pendant plusieurs années aux émanations d'anhydride sulfureux dans le secteur de préparation de sulfite au moulin à papier de la Q.N.S.

Il a travaillé au total quarante ans dans ce secteur.

L'histoire qu'il nous donne nous convainc qu'il a probablement subi des expositions répétées à des doses variables, mais probablement supérieures aux normes au cours de ces années. Il nous relate également une histoire d'un accident d'inhalation aiguë beaucoup plus sévère survenue en 1987 à la suite de laquelle il a dû être hospitalisé pendant dix-neuf jours. Les tests de fonction confirment l'existence d'une maladie obstructive chronique. La dyspnée chronique est la principale manifestation et requiert la prise d'une médication bronchodilatatrice continue.

Nous avons également pris connaissance de l'enquête industrielle qui était fournie au dossier.

Avec les évidences dont nous disposons, le Comité en vient à la conclusion que les conditions de travail de ce réclamant ont très probablement contribué à l'installation d'une bronchite chronique spastique.

On considère que Monsieur Fortin est porteur d'une bronchite chronique d'origine industrielle.

Nous croyons toutefois que le tabagisme chronique important du patient a joué un rôle également dans l'apparition de cette bronchite chronique même si ce tabagisme est cessé depuis quinze ans.

Devant ces évidences, nos recommandations concernant les séquelles fonctionnelles sont les suivantes: 223001 maladie irréversible: 5% 223145 séquelles fonctionnelles classe 3: 40% Déficit anatomo-physiologique total: 45% Ces séquelles fonctionnelles ont été établies en tenant compte qu'une partie de l'obstruction bronchique a pu résulter du tabagisme.

REEVALUATION PROPOSEE: Dans trois ans.

CAPACITE DE TRAVAIL: Ce patient, à toutes fins pratiques, n'est pas capable de reprendre un travail physique et demeure très sensible aux influences atmosphériques: froid, vent, fumées, etc. Ceci à notre avis limite considérablement sa capacité." Le Comité spécial des présidents, le 23 avril 1988, entérine les conclusions du Comité des maladies professionnelles pulmonaires.

La Commission, le 9 mai 1988, rend sa décision en ces termes: "DECISION: VOUS ETES RECONNU PORTEUR D'UNE BRONCHITE CHRONIQUE D'ORIGINE INDUSTRIELLE SUITE A UNE EXPOSITION PROLONGEE AUX VAPEURS D'ANHYDRIDES SULFUREUX. VOUS SEREZ AVISE ULTERIEUREMENT DE VOTRE TAUX D'ATTEINTE PERMANENTE ET LE COMITE RECOMMANDE DE NE PAS REPRENDRE DE TRAVAIL PHYSIQUE. UNE REEVALUATION EST PREVUE DANS TROIS ANS." C'est de cette décision dont l'employeur appelle, le 17 mai 1987.

Au cours de son témoignage, le travailleur a affirmé également que c'est particulièrement l'hiver qu'il ressentait des problèmes respiratoires et qu'il se sentait relativement bien lorsque, par exemple durant ses vacances, il ne demeurait pas à Baie-Comeau.

Il précise que sa résidence de Baie-Comeau était localisée d'une façon telle que les vents du nord-ouest lui amenaient régulièrement les fumées du moulin de l'employeur.

Le travailleur ajoute qu'il a fait une crise importante, en juillet 1988, qu'il a dû être hospitalisé quatre ou cinq jours et qu'il a été référé en inhalothérapie. En octobre 1988, il a décidé de déménager à St-Charles-Borromée, dans la région de Joliette. Il n'est pas retourné en inhalothérapie depuis ce temps et sa condition actuelle est relativement stable.

Surveillant en emploi et en temps pour l'employeur, M. Roland Dumont a longuement détaillé les différentes fonctions que le travailleur a accomplies chez l'employeur, de 1946 à 1987. Son témoignage confirme notamment les données qui apparaissent au rapport précédemment cité de l'hygiéniste industriel, M.

Essiembre, et précise, en plus, le pourcentage du temps, de 1979 à 1987, que le travailleur a consacré à ses fonctions de contremaître et d'opérateur à haut rendement. On note particulièrement que le travailleur, de 1979 à 1984, a consacré de 15 à 29 % de son temps à ses fonctions de contremaître. Par contre, pour les années 1985, 1986, 1987, ce pourcentage est passé respectivement à 42, 56 et 65 %.

Surveillant des réclamations chez l'employeur depuis 1979, M.

Serge Martin témoigne qu'aucune réclamation de maladies professionnelles pulmonaires n'a été présentée à l'employeur depuis qu'il est entré en fonction et, qu'à sa connaissance, aucune telle réclamation n'aurait été présentée avant 1979.

M. Laurentien Pineau est contremaître chez l'employeur et accompli plusieurs des fonctions auxquelles le travailleur a été lui-même affecté. Il décrit les différentes opérations effectuées et précise de nombreux points techniques relativement à l'équipement utilisé au moulin. A l'aide du plan de l'usine, le témoin indique que le département de papier commercial est à environ 700 pieds des fosses de décharge et que celui du papier journal est à environ 100 pieds et que des murs et portes l'en séparent.

Ingénieur-chimiste chez l'employeur, M. Luc Rouleau explique les différents procédés qui permettaient de laver la pâte afin d'en extraire les différents produits chimiques qui y sont intégrés au moment de la cuisson. Le témoin admet que du SO2 résiduel demeure dans la pâte, même après lavage. Il précise cependant que la teneur en SO2 est actuellement plus grande qu'elle l'était avant les années 1970, puisque le procédé actuel d'opération implique que la pâte soit plus chaude, permettant ainsi plus facilement le dégagement de ce gaz. Appelé à commenter l'étude de M. Essiembre, le témoin affirme qu'il s'agit là d'un rapport bien fait dont il partage les principales données.

Le Dr Guildo Renzi a été le dernier témoin de l'employeur. Ce pneumologue, qui avait examiné le travailleur, le 5 juin 1989, a produit une longue expertise, datée du 2 octobre 1989, et dont les conclusions sont les suivantes: Monsieur Hilaire Fortin souffre de maladie obstructive pulmonaire chronique de type emphysème. Les preuves de ceci sont les suivantes: a) évidence clinique d'hyperinflation; b) rapports radiologiques qui parlent d'emphysème de type centrolobulaire (interprétation ILO); c) une obstruction bronchique fixe notée par le Docteur Boulet lors de son examen du 21 avril 1987. Il n'y a aucune évidence de réversibilité ou de correction de l'obstruction bronchique après bronchodilatateurs et après épreuve à la cortisone. En plus, les épreuves de fonction respiratoire pratiquées à l'hôpital Notre- Dame, le 5 juin 1989, démontrent un VEMS avant bronchodilatateur à 1.12 litres (44% du rapport VEMS/CVF). Après bronchodilatateurs, le VEMS demeure abaissé à 1.04 litres (40% du rapport VEMS/CVF). Il existe l'évidence d'emphysème sur l'étude physiologique de courbe pression volume et souplesse pulmonaire.

Du côté épidémiologique, la littérature ne supporte pas la relation entre la bronchite chronique industrielle dans l'industrie de pulpe et papier et l'exposition au SO2. Je n'ai trouvé aucun article qui associe l'emphysème à l'exposition au sulfite et au SO2.

Les études que je mentionne dans ce rapport me permettent de conclure que l'effet du SO2 sur les voies respiratoires est réversible.

Les études de l'environnement faites à la Compagnie de Papier Québec et Ontario Limitée démontrent que Monsieur Hilaire Fortin, dans ses postes de travail, n'a pas été exposé à des niveaux excessifs de SO2, la norme québécoise étant respectée.

Le SO2 est un irritant respiratoire qui se dissout facilement dans la couche acqueuse des membranes des voies respiratoires supérieures. Le SO2 est absorbé surtout par le nez et les voies respiratoires supérieures extra-thoraciques et très peu arrive aux bronchioles et aux poumons. De très fortes concentrations de SO2 sont nécessaires pour affecter les bronchioles et l'effet de bronchoconstriction est réversible.

Les études, chez les humains, démontrent qu'il est nécessaire d'avoir du SO2 au-dessus de 5 P.P.M. pour développer cet effet de bronchoconstriction et que l'effet disparaît en dedans de 48 heures après l'arrêt d'exposition au SO2. Étant donné que le SO2 est absorbé surtout par les voies respiratoires supérieures extrathoraciques, la concentration de SO2 qui arrive aux voies respiratoires inférieures est minime l'absorption se faisant surtout par le nez. La bronchoconstriction que l'on mesure est secondaire à un niveau important de SO2 et probablement du à un reflex naso-bronchique.

Les études animales, sur l'effet du SO2 sur les voies respiratoires, nous ont permis de tirer les conclusions suivantes: 1) Aucun changement significatif du côté histologique et physiologique est trouvé chez les chiens qui sont exposés à 15 P.P.M., mais des changements sont notés chez les chiens exposés à 50 P.P.M.

2) Une fois que l'exposition de SO2 a cessée, les changements histologiques et physiologiques régressent.

Je conclus alors que Monsieur Hilaire Fortin souffre d'une maladie obstructive pulmonaire chronique de type emphysème et qu'il n'y a pas de relation cause à effet entre son travail à la Compagnie de Papier Québec et Ontario Limitée et ses problèmes respiratoires.

Dans son rapport, le Dr Renzi dit avoir également procédé à une révision complète de la littérature mondiale au sujet des effets du SO2 sur le système respiratoire, particulièrement dans l'industrie de la pulpe et papier chimique.

Son rapport consacre une partie importante à cette révision de la littérature scientifique. Lors de son témoignage, le Dr Renzi a longuement explicité les raisons qui l'amènent à conclure que le travailleur souffre d'une maladie obstructive chronique de type emphysème et a commenté les articles de doctrine qu'il avait produits et qui tendent à démontrer qu'on ne serait associé la maladie du travailleur avec le fait qu'il ait été exposé au SO2.

Le témoin estime que le Comité des maladies professionnelles pulmonaires a vite pris pour acquis les résultats des tests passés par le Dr Lampron et il aurait souhaité que le travailleur soit soumis, au moment de son examen par ce comité, à une spirométrie complète.

Le Dr Renzi reconnaît que les grands fumeurs, comme l'a été le travailleur, présentent souvent un mélange d'emphysème et de bronchite chronique. Il souligne cependant que son interprétation des radiographies pulmonaires de mars 1987 indiquent déjà que le travailleur est porteur d'une condition emphysémateuse. De plus, se basant particulièrement sur les tests de souplesse pulmonaire (compliance), il se dit convaincu de la justesse de son diagnostic. Le témoin accorde d'autant plus d'importance à ce test que l'hôpital où il oeuvre a développé une expertise à ce niveau, ayant jusqu'à maintenant fait passer plus de 10 000 de ces examens. Quant à lui, si on exclut l'autopsie, il s'agit là du meilleur test pour détecter les personnes souffrant d'emphysème.

Le Dr Renzi est d'avis que la cause première de l'emphysème est le tabagisme et que la condition pulmonaire actuelle du travailleur n'est que l'aboutissement normal du fait que ce dernier ait fumé environ deux paquets de cigarettes par jour durant 26 ans et ce, même s'il ne fume plus depuis environ seize années.

Contre-interrogé par le procureur du travailleur, le témoin affirme n'avoir pas trouvé de doctrine bien étoffée sur la relation entre le SO2 et le bronchitisme chronique, du moins dans l'industrie des pâtes et papier. Il y a bien certaines études concernant le "smog" mais le témoin fait remarquer que le SO2 est mélangé avec d'autres substances,telle que le carbone.

Quoi qu'il en soit, ajoute-t-il, il y a sur le sujet beaucoup de controverse.

La preuve du travailleur est constituée essentiellement du témoignage du Dr Marc Desmeules, pneumologue et président du Comité des maladies professionnelles pulmonaires qui avait examiné le travailleur.

Le Dr Desmeules explique les raisons qui ont motivé le Comité des maladies professionnelles pulmonaires à reconnaître que le SO2 a été un facteur déterminant dans la maladie pulmonaire du travailleur. Outre l'historique du dossier et les dires du travailleur, l'opinion du Comité a été basée sur des facteurs médicaux notamment les examens que le travailleur avait subis dans le passé, ceux que le Comité lui a fait également subir, dont celui relatif à sa capacité de diffusion et sur le fait que des râles sibilants étaient encore présents. Le témoin admet que le tabac est souvent le seul facteur causale d'une telle maladie.

Cependant, devant l'histoire industrielle du travailleur et l'ensemble de son dossier médical, le Comité a évalué qu'il était probable que le travailleur avait été assez exposé au SO2 pour qu'une bronchite chronique en résulte. Le témoin fait remarquer que le Comité a tenu compte du tabagisme du travailleur, puisqu'il ne lui a accordé que la moitié du déficit anatomo-physiologique auquel il aurait eu droit.

Le Dr Desmeules, même s'il partage sur plusieurs objets les vues du Dr Renzi, croit que le travailleur, même s'il est porteur d'une condition emphysémateuse, souffre au premier chef d'une bronchite chronique. Il se base notamment sur les différents tests de fonctions respiratoires subis par le travailleur y compris ceux qu'il a subis à l'Hôpital de Hauterive, sous les soins du Dr Lampron. Le témoin fait d'autant plus confiance à ce dernier test qu'il connaît la compétence de ce pneumologue et la qualité des installations de l'hôpital visé.

Interrogé sur le fait que le Comité n'a pas cru bon de faire subir au travailleur un test de souplesse pulmonaire, le témoin affirme qu'il n'accorde pas à cette épreuve de compliance autant d'importance et de fiabilité que lui en accorde le Dr Renzi.

Le Dr Desmeules ne nie pas que le travailleur n'a pas été exposé au SO2 durant toutes les années où il a travaillé chez l'employeur. Il fait cependant remarquer que certaines des fonctions qu'il y a accomplies l'ont parfois exposé d'une façon importante à ce gaz et que, dans ce contexte et compte tenu que sa condition pulmonaire était affectée par le tabagisme, il a pu développer une maladie professionnelle pulmonaire. Du moins, ajoute-t-il, il existe une probabilité que ce gaz ait été un facteur causal.

Le témoin est d'avis que la maladie pulmonaire du travailleur n'aurait peut-être pas dégénérée si celui-ci avait été retiré de son milieu de travail, en 1985. Le témoin met en doute l,affirmation du Dr Renzi sur le fait que le SO2, compte tenu du réflexe naso-bronchique, atteint difficilement les poumons. Il convient que le réflexe va jouer mais que ce réflexe ne sera pas suffisant, si la quantité de gaz est moindrement importante.

Appelé à commenter la doctrine répertoriée par le Dr Renzi, le témoin convient que la relation causale entre l'exposition d'un humain au SO2 et une maladie pulmonaire est encore controversée.

Il fournit également un certain nombre d'articles de doctrine qui complètent ou nuancent ceux déposés par son homologue.

Contre-interrogé par le procureur de l'employeur, le Dr Desmeules témoigne qu'il consacre plus d'une demi-journée par semaine à ses fonctions de président du Comité des maladies professionnelles pulmonaires et que le Comité rencontre, durant environ cinq heures, de huit à douze personnes, accordant ainsi environ 30 minutes à chacune, dépendant évidemment de la complexité des cas. Il fait cependant remarquer que le dossier du travailleur expertisé est alors complet et que ce dernier a complété tous les tests qu'il devait subir.

ARGUMENTATION SUR LE MERITE DE L'APPEL Le procureur de l'employeur insiste, dans un premier temps, sur le fait que le travailleur a été, pour une période très courte de sa carrière, affecté à des fonctions où la présence de SO2 était particulièrement marquée. Au total, il comptabilise deux années et demie soit le temps où le travailleur a été affecté en 1947 et 1958 à 1960 aux fosses de remplissage. Les autres fonctions du travailleur ne l'ont mis qu'épisodiquement en contact avec le SO2 et, depuis 1970, le travailleur a été affecté surtout comme opérateur à haut le rendement et il a travaillé dans un endroit fermé où la présence de ce gaz a été mesurée comme très inférieure à la norme de 5 M.P.P., norme que le législateur a édictée et qui est respectée chez l'employeur.

Quant à la rapidité dont s'est acquitté le comité des maladies professionnelles pulmonaires, ce procureur constate que le législateur a accordé une importance énorme à leur décision mais ne peut que déplorer que la commission ne mette pas à leur à disposition tous les outils nécessaires. Elle considère impensable qu'un dossier comme celui du travailleur, qui revêt une importance énorme tant pour ce dernier que pour l'industrie dans laquelle oeuvre l'employeur, ait été si vite jugé.

Le rapport fouillé de son expert, les tests poussés que celui-ci a fait passer au travailleur et la revue de l'ensemble de la jurisprudence et de la doctrine sur le sujet ne peuvent que conduire, selon le procureur de l'employeur, au fait que la prépondérance de la preuve, dont le fardeau appartient de toute façon au travailleur, postule nettement en faveur du fait qu'il n'y a aucune relation entre l'exposition au SO2 dont le travailleur a été l'objet et l'état emphysémateux dont il est porteur.

Autant l'article 29 que l'article 30 de la loi ne trouvent ici application, selon ce procureur. Pour réussir au niveau de ce dernier article de la loi, il aurait fallu que le travailleur démontre que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail. Il est peu probable qu'une telle démonstration puisse se faire lorsque l'on sait qu'aucune réclamation n'a été présentée chez l'employeur, malgré la présence régulière de 1 200 à 1 500 travailleurs à son emploi.

Pour sa part, le procureur du travailleur fait valoir, à partir du rapport de M. Essiembre et du témoignage de M. Rouleau, que la présence de SO2, si elle est concentrée à certains endroits du moulin, est quand même présente un peu partout puisque, notamment, elle se dégage de la pâte. Quant aux tests de mesure effectués, il ajoute qu'il faut les nuancer énormément et que, surtout, aucun résultat de tests ne peut être disponible pour connaître la quantité de SO2 qu'il y avait à l'usine, il y a 25 à 40 ans. N'oublions pas, ajoute-t-il, que le travailleur a été exposé à ce gaz durant 41 ans et que si, dans les dernières années, on peut faire la preuve que la norme de 5 ppm a été respectée, il n'en demeure pas moins que, sur de courtes périodes, elle a été largement violée.

Quant à la discussion médicale sur les diagnostics, ce procureur expose que l'ensemble de la preuve soutient la position du Comité des maladies professionnelles pulmonaires qui en est venu à la conclusion, malgré la condition emphysémateuse du travailleur, qu'il fallait retenir le diagnostic de bronchite chronique et que cette maladie était probablement en relation avec son travail chez l'employeur. D'ailleurs, il est connu que le SO2 est un irritant puissant. De plus, il faut constater que la littérature scientifique, même s'il faut reconnaître que le sujet est encore controversé, n'écarte pas la possibilité d'une relation causale entre l'exposition au SO2 et une maladie pulmonaire.

Très subsidiairement, souligne ce procureur, dans l'hypothèse où la Commission d'appel ne reconnaîtrait pas que le travailleur souffre d'une maladie professionnelle pulmonaire, il expose qu'il est plus que certain que ce dernier, qui est porteur d'une condition pulmonaire qui lui était propre, a aggravé cette condition personnelle et n'eût été la présence de SO2, il n'aurait pas été dans l'obligation de quitter son emploi, en février 1987. A tout événement, ajoute-t-il, le travailleur, le 22 février 1987, a été victime d'un accident du travail qui a entraîné une lésion professionnelle et qui le rend indéfiniment incapable d'occuper quelque emploi.

MOTIFS DE LA DECISION SUR LE MERITE DE L'APPEL La Commission d'appel doit décider si le travailleur a été victime d'une lésion professionnelle et, dans l'affirmative, s'il a droit à l'indemnité de remplacement du revenu prévue à la loi, en pareilles circonstances.

L'article 2 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles définit ainsi la lésion professionnelle: "lésion professionnelle": une blessure ou une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail, ou une maladie professionnelle, y compris la récidive, la rechute ou l'aggravation; Dans un premier temps, la Commission d'appel déterminera si le travailleur souffre d'une maladie professionnelle.

L'ensemble du dossier médical du travailleur, de même que les témoignages des Drs Renzi et Desmeules, ne laissent aucun doute sur le fait que le travailleur est porteur d'une maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC).

Le travailleur prétend que cette condition est due au fait qu'il a été exposé nombre d'années à un gaz, soit l'anhydride sulfureux (SO2). Il n'a pas prétendu qu'il devait se voir appliquer la présomption que le législateur a édicté à l'article 29 de la loi: 29. Les maladies énumérées dans l'annexe I sont caractéristiques du travail correspondant à chacune de ces maladies d'après cette annexe et sont reliées directement aux risques particuliers de ce travail.

Le travailleur atteint d'une maladie visée dans cette annexe est présumé atteint d'une maladie professionnelle s'il a exercé un travail correspondant à cette maladie d'après l'annexe.

La section V de l'annexe I mentionne, à ce titre, l'asthme bronchique qui serait en relation avec un travail impliquant une exposition à un agent spécifique sensibilisant.

Or, le SO2 n'est pas un agent spécifique sensibilisant et, ainsi que nous le verrons plus loin, le travailleur ne souffre pas d'asthme bronchique.

S'il est établi, cependant, qu'une maladie est contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qu'elle est caractéristique de ce travail ou est directement reliée aux risques particuliers de ce travail, cette maladie est, selon les termes de l'article 2 de la loi, une maladie professionnelle.

De plus, l'article 30 de la loi dispose: 30. Le travailleur atteint d'une maladie non prévue par l'annexe I, contractée par le fait ou à l'occasion du travail et qui ne résulte pas d'un accident du travail ni d'une blessure ou d'une maladie causée par un tel accident est considéré atteint d'une maladie professionnelle s'il démontre à la Commission que sa maladie est caractéristique d'un travail qu'il a exercé ou qu'elle est reliée directement aux risques particuliers de ce travail." Pour satisfaire aux prescriptions de l'article 30 de la loi, il doit être établi, dans la présente affaire, que le SO2, qui est un irritant lorsqu'il atteint les poumons et avec lequel le travailleur a été en contact plus ou moins direct durant les quelque 41 années où il a oeuvré chez l'employeur, a provoqué la maladie pulmonaire dont il est porteur, cette maladie étant caractéristique du travail qu'il a exercé ou étant directement reliée aux risques particuliers de ce travail.

Une partie importante de la preuve a consisté à établir le diagnostic le plus plausible de la maladie pulmonaire obstructive chronique dont souffre le travailleur. Le Dr Renzi a soutenu que celui-ci souffrait d'emphysème alors que le Dr Desmeules est demeuré convaincu que, s'il ne peut nier l'état emphysémateux du travailleur, ce dernier souffre d'abord d'une bronchite chronique.

Il a également été mis en preuve que le SO2, s'il peut avoir des conséquences sur l'évolution d'une pathologie bronchitique, est par contre sans effet notable chez celui qui souffre d'emphysème.

Ainsi, la détermination du diagnostic revêt une importance telle qu'elle conditionne presque la réponse que la Commission d'appel doit apporter dans la présente affaire.

La preuve apportée devant la Commission d'appel, particulièrement la qualité des témoignages qu'elle a entendus, ne lui permet pas de penser que tant le diagnostic du Dr Renzi que celui du Dr Desmeules peuvent prétendre représenter sans risque d'erreur la pathologie du travailleur étant entendu, comme ces pneumologues l'ont reconnu eux-mêmes, que seule l'autopsie s'avèrerait vraiment concluante.

Il ne fait pas de doute que le fait pour le travailleur d'avoir fumé environ deux paquets de cigarettes par jour durant 25 ans a développé chez lui un état emphysémateux. Cela n'exclut cependant pas qu'il soit également porteur d'une bronchite chronique qui a pu être exacerbée par un irritant comme le SO2.

Compte tenu des conclusions auxquelles en vient la Commission d'appel, cette dernière ne croit pas utile de départager qui du Dr Renzi ou du Dr Desmeules a davantage raison quant à la justesse du diagnostic.

Dès le départ, il faut éliminer le fait que la maladie du travailleur soit caractéristique du travail qu'il a exercé. La Commission d'appel n'en veut comme preuve qu'aucun des quelque 1 200 à 1 500 travailleurs au service de l'employeur n'a présenté une telle réclamation de maladie professionnelle pulmonaire et ce, depuis nombre d'années, à supposer même qu'une telle réclamation ait déjà été présentée. De plus, la littérature scientifique déposée par les deux experts que la Commission d'appel a entendus ne démontre pas que la maladie du travailleur est caractéristique du travail qu'il a exercé.

Nonobstant ce fait, la maladie du travailleur pourrait être directement reliée aux risques particuliers de son travail.

La preuve démontre que le SO2 est un irritant qui, bien que présent dans toute l'usine, est particulièrement concentré à certains postes de travail, tel celui d'opérateur de fosse de soufflage. Or, il faut bien reconnaître que le travailleur n'a été affecté à ce poste que durant environ trois ans et ce, durant la période 1946-1947 et 1958-1960.

Il apparaît surprenant que les problèmes respiratoires du travailleur, s'ils avaient été dus à cette exposition, aient attendu vers 1985 pour se manifester vraiment. D'ailleurs, les radiographies pulmonaires auxquelles le travailleur a été soumis, en 1966 et 1982, font état de l'aspect normal de ses plages pulmonaires.

Même si la présence de SO2 ne se fait particulièrement sentir qu'à certains postes de travail, il est admis que ce gaz est présent un peu partout dans l'usine. Malheureusement, aucune mesure n'a pu être obtenue sur la quantité d'un tel gaz pour la période avant 1986. Quant aux résultats obtenus lors des tests effectués en 1986 et 1987, si la Commission d'appel peut conclure que la norme de 5 P.P.M. a été respectée, elle doit cependant constater, qu'à certaines périodes, cette norme a été violée.

Les résultats des tests ne permettent cependant pas de savoir quel niveau a été atteint et pour combien de temps.

Si l'ensemble de la preuve ne peut amener la Commission d'appel à conclure que le travailleur est porteur d'une maladie professionnelle pulmonaire qui aurait été causée ou aggravée par le SO2, il ne s'ensuit pas nécessairement que celui-ci n'a pas été l'objet d'une lésion professionnelle. En effet, ainsi que l'édicte l'article 2 de la loi, une lésion professionnelle peut être le résultat d'une blessure ou d'une maladie qui survient par le fait ou à l'occasion d'un accident du travail.

Dans les circonstances de la présente affaire, la Commission d'appel n'hésite pas à reconnaître que le travailleur a été l'objet d'une telle lésion professionnelle lorsque, le 22 février 1987, il a été exposé d'une façon importante à des émanations de SO2 au point qu'il a dû être hospitalisé durant onze jours.

Il est vrai, ainsi qu'il a été démontré, que la condition pulmonaire du travailleur était peu reluisante au moment de cet événement. Cependant, la loi a comme objectif de réparer les lésions professionnelles et les conséquences qu'elles entraînent et on se doit prendre le travailleur dans l'état où il se trouve lorsque survient sa lésion professionnelle.

N'eût été de cet événement du 22 février 1987, qui a exacerbé une condition personnelle du travailleur, il est probable que celui- ci aurait pu continuer à travailler.

Pour déterminer si le travailleur a droit à l'indemnité de remplacement de revenu prévue par la loi, en pareilles circonstances, il faut s'en référer aux articles 44 et 57: 44. Le travailleur victime d'une lésion professionnelle a droit à une indemnité de remplacement du revenu s'il devient incapable d'exercer son emploi en raison de cette lésion.

(...) 57. Le droit à l'indemnité de remplacement du revenu s'éteint au premier des événements suivants: 1o lorsque le travailleur redevient capable d'exercer son emploi, sous réserve de l'article 48; (...) Même s'il faut accepter que le SO2 provoque chez celui qui le respire une contraction des bronches de sorte que ce gaz atteint ainsi peu les bronches et les poumons, il est cependant peu probable que ce mécanisme humain de défense puisse jouer entièrement lorsque la quantité de SO2 à laquelle un travailleur est exposé est beaucoup plus importante. Dans ce contexte, il apparaît que l'événement du 22 février 1987 a provoqué chez le travailleur une détérioration de sa condition pulmonaire déjà fragile.

Dans les circonstances, la Commission d'appel est d'avis que le travailleur était incapable, à compter du 22 février 1987, d'exercer son emploi et qu'il est probable qu'il ne pourra, dans l'avenir, exercer aucun emploi qui le mettra en contact avec le SO2. D'ailleurs, le travailleur a constaté que le fait de n'être plus exposé à cette substance a stabilisé sa condition respiratoire.

POUR CES MOTIFS, LA COMMISSION D'APPEL EN MATIERE DE LESIONS PROFESSIONNELLES: REJETTE le moyen préliminaire présentée par la Compagnie de papier Québec et Ontario Limitée; ACCUEILLE, en partie, l'appel de la Compagnie de papier Québec et Ontario Limitée; INFIRME la décision du 9 mai 1988 de la Commission de la santé et de la sécurité du travail; DECLARE que M. Hilaire Fortin n'est pas porteur d'une maladie professionnelle pulmonaire, à la suite de son exposition prolongée aux vapeurs d'anhydride sulfureux (SO2); DECLARE que M. Fortin a été victime d'une lésion professionnelle, le 22 février 1987; DECLARE que M. Fortin est incapable d'exercer son emploi et qu'il a droit, depuis le 22 février 1987, à l'indemnité de remplacement du revenu prévue par la loi, en pareilles circonstances.

ORDONNE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail d'indemniser M. Fortin en conséquence.

________________________ JEAN-GUY ROY Commissaire OGILVY RENAULT (Me Marc Tremblay) 1981, av. McGill College Montréal (Québec) H3A 3C1 Représentant de la partie appelante TRUDEL, NADEAU, LESAGE, CLEARY, LARIVIERE & ASSOCIES (Me Bernard Philion) 220, Grande-Allé est Bureau 820 Québec (Québec) G1R 2J1 Représentant de la partie intéressée (M. Hilaire Fortin) CHAYER, PANNETON, LESSARD ET ASSOCIES (Me Berthi Fillion) 690, boul. Laure, Bureau 20 Sept-Iles (Québec) G4R 4N8 Représentant de la Partie intéressée (C.S.S.T.) DOCTRINE PRODUITE PAR L'EMPLOYEUR - Moira CHAN-YEUNG et als, Respiratory survey of workers in a pulp and paper mill in Powell River, British Columbia, American Review of Respiratory Disease, Vol. 122, 1980.

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