Décision

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Modèle de décision CLP - juin 2011

Morin et Groupe Fréchette Électrique

2012 QCCLP 7856

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

Montréal

10 décembre 2012

 

Région :

Estrie

 

Dossier :

420535-05-1009-R

 

Dossier CSST :

136126885

 

Commissaire :

Pauline Perron, juge administratif

 

Membres :

Jacques Leduc, associations d’employeurs

 

Guy Rocheleau, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Mario Morin

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Groupe Fréchette Électrique

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

 

[1]           Le 4 mai 2012, la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête en révision ou révocation en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la Loi) à l’encontre d’une décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 15 décembre 2011 (le Tribunal).

[2]           Par cette décision, le Tribunal accueille la requête de monsieur Mario Morin (le travailleur), infirme la décision de la CSST rendue le 23 septembre 2010 à la suite d’une révision administrative et déclare que le diagnostic d’instabilité du genou gauche sur rupture ancienne du ligament croisé antérieur est en relation avec l’événement survenu le 17 novembre 2008, soit un accident du travail.

[3]           Ni la CSST, ni le travailleur, ni Groupe Fréchette Électrique (l’employeur) n’ont demandé une audience. La cause est mise en délibéré le 19 novembre 2012 à partir des éléments au dossier.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

La CSST demande de révoquer la décision rendue.

L’AVIS DES MEMBRES

[4]           Monsieur Jacques Leduc, membre issu des associations d’employeurs, et monsieur Guy Rocheleau, membre issu des associations syndicales, sont d’avis d’abord que la requête est déposée dans le délai légal, ensuite, qu’il y a ici connaissance d’un fait antérieur caché par le travailleur au Tribunal, mais inconnu pour la CSST qui, s’il avait été dévoilé ou connu, aurait justifié un rejet de la réclamation. Il y a donc lieu d’accueillir la requête.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[5]           La requête de la CSST se lit comme suit :

[…]

 

2.         La Commission de la santé et de la sécurité (CSST), direction régionale de l’Estrie, recevait cette décision le 20 décembre 2011, ainsi qu’il appert du tampon encreur apposé sur le document, ici produit sous la cote I-1;

 

3.         Or, tel que rapporté aux paragraphes 32 et 33 de la décision l-1, le travailleur a été victime, en 1992, d’un accident de motocyclette ayant entraîné une rupture complète du ligament croisé antérieur de son genou gauche, pour lequel il a reçu une indemnité d’environ 6 000$ de la Société d’assurance automobile du Québec (SAAQ);

 

4.         Par contre, ce qui n’est pas rapporté dans la décision l-1 puisque la commissaire ignorait l’existence de ce fait, c’est que l’événement reconnu à titre de lésion professionnelle par la CLP avait déjà été reconnu par la SAAQ à titre d’aggravation de l’événement de 1992 et qu’au moment de l’audition, le requérant était indemnisé par la SAAQ pour cet événement;

 

5.         En effet, par une décision rendue par la SAAQ le 17 octobre 2011 et devenue finale, la chirurgie du 14 octobre 2010 a été reconnue à titre d’aggravation, ainsi qu’en fait foi cette décision ici produite sous la cote I-2;

 

6.         Ainsi qu’il appert également de ce document, il n’a été transmis à la CSST par la Direction des réclamations de la SAAQ que le 23 avril 2012, après avoir été identifié comme dossier conjoint au ses des articles 448 à 450 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP);

 

7.         Ainsi, ce n’est qu’à cette date que la CSST a su que le requérant était déjà indemnisé par la SAAQ pour l’événement reconnu par la CLP à titre de lésion professionnelle;

 

8.         En conséquence, la présente requête n’est pas tardive;

 

9.         Il est clair que, si la CLP avait connu l’existence de la décision l-2 au moment de l’audience, elle aurait tout simplement rejeté la requête puisqu’un même événement ne peut être à la fois une aggravation d’un accident de la route et une lésion professionnelle;

 

10.       Or, comme la décision l-2 a été rendue AVANT la décision l-1, cette dernière devient caduque et nulle de nul effet; [sic]

 

 

[6]           L’article 429.56 de la Loi permet à la Commission des lésions professionnelles de réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue.

[7]           L’article 429.57 prévoit le délai pour déposer une telle requête :

429.57.  Le recours en révision ou en révocation est formé par requête déposée à la Commission des lésions professionnelles, dans un délai raisonnable à partir de la décision visée ou de la connaissance du fait nouveau susceptible de justifier une décision différente. La requête indique la décision visée et les motifs invoqués à son soutien. Elle contient tout autre renseignement exigé par les règles de preuve, de procédure et de pratique.

 

[…] 

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[8]           La Commission des lésions professionnelles considère, par analogie avec le délai de contestation prévu à l’article 359 de la Loi, que le délai raisonnable est de 45 jours de la notification de la décision dont on demande la révision.

[9]           La requête ayant été déposé dans les 45 jours de la connaissance du fait nouveau par la CSST, elle est dans le délai légal.


[10]        Par ailleurs, l’article 429.56 définit les critères donnant ouverture à la révision ou la révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[11]        La CSST allègue le premier alinéa, soit la découverte d’un fait nouveau.

[12]        La jurisprudence[2] a établi trois critères afin de conclure à l’existence d’un fait nouveau soit :

1-           la découverte postérieure à la décision d’un fait qui existait au moment de l’audience;

2-           la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;

3-           le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.

[13]        Dans le cas qui nous occupe, il est manifeste, à la simple lecture de la requête, que les trois critères sont rencontrés.

[14]        L’audience a été tenue par le Tribunal le 7 novembre 2011 alors que la décision de la SAAQ a été rendue le 17 octobre 2011. Donc le fait existait.

[15]        Toutefois, la CSST n’a reçu la décision de la SAAQ que le 23 avril 2012. Le fait a donc été découvert par la CSST postérieurement à la décision rendue et il était non disponible pour la CSST.

[16]        Enfin, étant donné qu’un travailleur ne peut être indemnisé par les deux régimes, il est manifeste que si le Tribunal avait connu ce fait, il aurait refusé à sa face même la réclamation du travailleur étant donné l’article 448 de la Loi qui édicte qu’une personne n’a pas le droit de cumuler deux indemnités pour la même période :

448.  La personne à qui la Commission verse une indemnité de remplacement du revenu ou une rente pour incapacité totale en vertu d'une loi qu'elle administre et qui réclame, en raison d'un nouvel événement, une telle indemnité ou une telle rente en vertu de la Loi sur l'assurance automobile (chapitre A-25) ou d'une loi que la Commission administre, autre que celle en vertu de laquelle elle reçoit déjà cette indemnité ou cette rente, n'a pas le droit de cumuler ces deux indemnités pendant une même période.

 

La Commission continue de verser à cette personne l'indemnité de remplacement du revenu ou la rente pour incapacité totale qu'elle reçoit déjà, s'il y a lieu, en attendant que soient déterminés le droit et le montant des prestations payables en vertu de chacune des lois applicables.

__________

1985, c. 6, a. 448.

 

 

[17]        Par conséquent, il y a lieu d’accueillir la requête en révision ou révocation déposée par la CSST et de révoquer la décision rendue.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

ACCUEILLE la requête en révision et révocation de la Commission de la santé et de la sécurité du travail;

RÉVOQUE la décision de la Commission des lésions professionnelles rendue le 15 décembre 2011;

REJETTE la requête de monsieur Mario Morin, le travailleur, en date du 30 septembre 2010;

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 septembre 2010.

DÉCLARE que le diagnostic d’instabilité du genou gauche sur rupture ancienne du ligament croisé antérieur n’est pas en relation  avec l’accident du travail survenu le 17 novembre 2008.

 

 

__________________________________

 

Pauline Perron

 

 

 

 

Me Jean-Sébastien Deslauriers

F.I.P.O.E.

Représentant de la partie requérante

 

 

Me Mark-André Archambault

Leblanc Lamontagne et associés

Représentant de la partie intéressée

 

 

Me Marie-José Dandenault

Vigneault Thibodeau Bergeron

Représentante de la partie intervenante

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001.

[2]           Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, 107558-73-9811, 17 mars 2000, Anne Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque; Roland Bouchard (succession) et Construction Norascon inc. et als, 210650-08-0306, 18 janvier 2008, L. Nadeau.

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