Décision

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Provost et Formules d'Affaires Supratech inc.

2011 QCCLP 7636

 

 

COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES

 

 

Montréal

28 novembre 2011

 

Région :

Richelieu-Salaberry

 

Dossiers :

392974-62A-0911   395808-62A-0912   399470-62A-1001

 

Dossier CSST :

133262436

 

Commissaire :

Jean-François Martel, juge administratif

 

Membres :

Ronald G. Hébert, associations d’employeurs

 

Osane Bernard, associations syndicales

______________________________________________________________________

 

 

 

Michel Provost

 

Partie requérante

 

 

 

et

 

 

 

Formules d’Affaires Supratech inc.

 

Partie intéressée

 

 

 

et

 

 

 

Commission de la santé

et de la sécurité du travail

 

Partie intervenante

 

 

 

______________________________________________________________________

 

DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION

______________________________________________________________________

 

[1]           Le 26 janvier 2011, monsieur Michel Provost (le travailleur) dépose une requête en révision en vertu de l’article 429.56 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi), à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles, le 6 janvier 2011, à la suite d’une audience tenue le 26 août 2010.

[2]           Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles

Dossier 392974-62A-0911

 

REJETTE la requête de monsieur Michel Provost, le travailleur;

 

CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 26 octobre 2009 à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE sans effet la décision rendue le 9 juillet 2009;

 

DÉCLARE par conséquent sans objet la demande de révision de monsieur Michel Provost ainsi que celle de Formules d'Affaires Supratech inc., l’employeur, concernant cette décision du 9 juillet 2009;

 

DÉCLARE que monsieur Michel Provost conserve une atteinte permanente de 2,20 %;

 

DÉCLARE que la lésion professionnelle entraîne les limitations fonctionnelles suivantes :

 

            Éviter d’accomplir de façon répétitive ou fréquente des activités qui impliquent de :

           

·         soulever, porter, pousser, tires des charges de plus de 15 à 25 kg;

·         travailler en position accroupie;

·         ramper, grimper;

·         effectuer des mouvements avec des amplitudes extrêmes de flexion, d’extension ou de torsion de la colonne lombaire;

·         subir des vibrations de basses fréquences ou des contrecoups à la colonne vertébrale (ex. : provoqués par du matériel roulant sans suspension).

 

DÉCLARE que monsieur Michel Provost a droit à une indemnité pour préjudice corporel de 1 622,65 $ plus les intérêts;

 

DÉCLARE que la Commission de la santé et de la sécurité du travail est justifiée de poursuivre le versement de l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se prononce sur la capacité de monsieur Michel Provost d’exercer son emploi, étant donné que la lésion est consolidée avec limitations fonctionnelles.

 

Dossier 395808-62A-0912

 

REJETTE la requête de monsieur Michel Provost, le travailleur;

 

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 26 novembre 2009 à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que monsieur Michel Provost est capable d’exercer son emploi prélésionnel à compter du 16 octobre 2009;

 

DÉCLARE que monsieur Michel Provost n’a plus droit au versement des indemnités de remplacement du revenu depuis le 14 octobre 2009.

 

Dossier 399470-62A-1001

 

REJETTE la requête de monsieur Michel Provost, le travailleur;

 

CONFIRME la décision rendue par la Commission de la santé et de la sécurité du travail le 8 janvier 2010 à la suite d’une révision administrative;

 

DÉCLARE que monsieur Michel Provost n’a pas subi une lésion professionnelle le 27 octobre 2009, soit une récidive, rechute ou aggravation en relation avec la lésion d’origine du 18 août 2008;

 

DÉCLARE que monsieur Michel Provost n’a pas droit aux prestations prévues à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles pour cette lésion.

 

 

[3]           Le travailleur et son procureur sont présents à l’audience tenue le 20 septembre 2011, à Saint-Jean-sur-Richelieu.  Formules d’Affaires Supratech inc. (l’employeur) a mandaté un procureur pour l’y représenter.

L’OBJET DE LA REQUÊTE

[4]           La requête du travailleur comportant certaines contradictions, le tribunal estime utile d’en citer le texte intégral pour bien en saisir le sens et la portée :

REQUÊTE EN RÉVISION POUR CAUSE

Art. 429.56 LATMP

 

1.   Le 7 [sic] janvier 2011 la Commission des lésions professionnelles rendait une décision, sous la plume du Juge administratif (…)[2], dans les dossiers cités en rubrique;

 

2.   Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles confirme les décisions de la Commission de la santé et de la sécurité du travail du 26 octobre 2009, du 26 novembre 2009 et du 8 janvier 2010 à l’effet:

 

a)   que le travailleur conserve une atteinte permanente de 2.2%;

b)   que le travailleur est capable d’exercer son emploi pré-lésionnel à compter du 16 octobre 2009;

c)   qu’il n’a pas subit [sic] de RRA le 27 octobre 2009.

 

3.   La Commission des lésions professionnelles commet une erreur manifeste en ce que:

 

      a)   Le travailleur a subit [sic] une discectomie L4-L5 gauche foraminale le 22 novembre 2010, effectué [sic] par le neurochirurgien Dr Mario Séguin, directement relié [sic] a l’évènement du 18 aout 2008, tel qu’il appert du protocole opératoire et du rapport médical déposés en liasse sous R-1 ;

 

4.   Ces informations n’étaient pas disponibles le 26 aout 2010 lors de la tenue de l’audition devant la Commission des lésions professionnelles;

 

5.   Ces informations n’étaient pas disponibles lors de la présentation de la requête en réouverture d’enquête du 3 septembre 2010;

 

6.   Or, cet état de fait remet en perspective tout le rationnelle [sic] de la décision du 6 janvier 2011 de la Commission des lésions professionnelles;

 

7.   Ce faisant, il donne ouverture à la révision de cette décision;

 

8.   La nature même de cette information contredit les opinions médicales déposées au dossier de la Commission des lésions professionnelles;

 

9.   Par conséquent, une audition de cette requête est nécessaire afin d’apporter un éclairage nouveau au dossier;

 

10.  La présente requête est bien fondée en faits et en droit.

 

PAR CES MOTIFS, LA REQUÉRANTE DEMANDE À LA COMMISSION D’APPEL SIÉGEANT EN RÉVISION DE:

 

ACCUEILLIR la présente requête;

 

CASSER la décision de la Commission des lésions professionnelles du 6 janvier 2011;

 

DÉCLARER que le travailleur a été victime d’une RRA le 27 octobre 2009 dont le DX est hernie discale foraminale L4-L5 gauche;

 

DÉCLARER que le travailleur n’étant pas apte à refaire son n emploi le 16 octobre 2010;  [sic]

 

DÉCLARER que le travailleur a droit aux indemnités prévues par la LATMP;

 

RENDRE toute autre décision qu’elle juge équitable, juste et appropriée dans les circonstances;

 

ORDONNER la tenue d’une nouvelle audition.

 

[Notre soulignement]

 

 

[5]           L’article 429.56 de la loi invoqué au soutien de la requête prévoit trois causes distinctes de révision ou révocation d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles :

429.56.  La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :

 

1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;

 

2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;

 

3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.

 

Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.

__________

1997, c. 27, a. 24.

 

 

[6]           À l’alinéa introductif de son paragraphe 3, la requête précitée invoque explicitement que la décision du 6 janvier 2011 comporte une « erreur manifeste ».  Selon la jurisprudence en la matière, il s’agit là d’une situation visée par le troisième paragraphe de l’article 429.56 de la loi précité, soit un vice de fond de nature à invalider la décision rendue.

[7]           Cependant, à la lecture du sous-paragraphe a) du même paragraphe 3 de la requête ainsi que de ses paragraphes 4, 5, 6, 8 et 9, le tribunal comprend que le travailleur invoque plutôt l’existence d’informations contenues dans un protocole opératoire et un rapport médical qu’il produit en liasse comme pièce R-1, lesquelles, précise-t-il, « n’étaient pas disponibles » ni le 26 août 2020 ni le 3 septembre 2010 et changeraient ainsi « tout le rationnelle »[sic] de la décision du 6 janvier 2011, car elles contredisent « les opinions médicales déposées au dossier ».  Le tout ayant pour effet d’« apporter un éclairage nouveau au dossier », toujours selon la requête.

[8]           De l’ensemble, le tribunal comprend que la situation alléguée au soutien de la requête serait davantage celle visée par le premier paragraphe de l’article 429.56 de la loi précité, soit un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente.

[9]           En effet, à l’évidence, l’on ne saurait reprocher à la première juge administrative d’avoir commis une erreur en ne tenant pas compte d’informations découlant d’une chirurgie pratiquée le 22 novembre 2010, lesquelles informations n’étaient donc pas disponibles au moment où elle a finalement mis l’affaire en délibéré, le 5 novembre 2010[3].

[10]        Par conséquent, en dépit des termes utilisés à l’alinéa introductif du paragraphe 3 de la requête, le recours exercé par le travailleur ne prétend pas que la décision du 6 janvier 2011 comporte un vice de fond ou de procédure de nature à l’invalider.

[11]        Par ailleurs, les troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas des conclusions de la requête sont de la nature de la requête en révision, en ce qu’ils réclament que la Commission des lésions professionnelles siégeant en révision modifie ou corrige le dispositif de la décision du 6 janvier 2011 pour faire droit aux demandes du travailleur sur le fond même de ses réclamations et contestations[4].

[12]        Mais, les deuxième et dernier alinéas des conclusions de la requête sont plutôt de la nature d’une requête en révocation, puisqu’ils demandent au tribunal d’annuler (« casser ») la décision rendue le 6 janvier 2011 et d’« ordonner la tenue d’une nouvelle audition » sur le fond, ce qui sous-entend que les parties seront remises dans l’état où elles étaient avant la décision du 6 janvier jusqu’à ce qu’une autre soit finalement rendue sur le fond[5].

[13]        Ces distinctions ont été reprises par la Commission des lésions professionnelles, plus récemment, dans l’affaire Dallaire et Jeno Neuman & fils inc.[6]

[14]        À l’audience sur la requête en révision, le procureur du travailleur plaide que l’équité milite en faveur de la « correction » de la décision du 6 janvier 2011.

[15]        Le tribunal en retient que le travailleur demande la révision de la décision du 6 janvier 2011, selon les conclusions énoncées aux troisième, quatrième, cinquième et sixième alinéas de sa requête.

L’AVIS DES MEMBRES

[16]        Le membre issu des associations d’employeurs et la membre issue des associations syndicales sont tous deux d’avis que la requête devrait être rejetée.

[17]        Les membres issus estiment que le travailleur n’a pas démontré la découverte d’un fait nouveau au sens de l’article 429.56 de la loi.  En effet, l’éventualité d’une chirurgie en raison de la possibilité d’une hernie discale était déjà connue depuis longtemps au moment où l’audience du 26 août 2010 a été tenue.

[18]        De plus, le véritable problème tient plutôt au fait que le travailleur a, lors de l’audience du 26 août 2010, librement choisi de se désister de sa contestation portant sur la relation entre le diagnostic de hernie discale L4-L5 et l’événement du 18 août 2008.  Il ne peut aujourd’hui changer sa stratégie par le biais d’un recours en révision.

[19]        La membre issue des associations syndicales ajoute que, s’il est un remède à la situation qui confronte maintenant le travailleur, il réside plutôt dans le dépôt d’une nouvelle réclamation à la CSST.

LES FAITS ET LES MOTIFS

[20]        Aux fins des présentes, les extraits suivants de la décision du 6 janvier 2011 énoncent le contexte factuel dans lequel s’inscrit le recours du travailleur ; en révision, il n’a pas fait l’objet de débat :

[8]        Une audience est tenue le 26 août 2010 devant la Commission des lésions professionnelles de Saint-Jean-sur-Richelieu en présence du travailleur, de Formules d'Affaires Supratech inc. (l’employeur) et leurs procureurs respectifs. La CSST, partie intervenante, est absente.

 

[9]        Le dossier est initialement mis en délibéré le 26 août 2010. Cependant, le 3 septembre 2010, le procureur du travailleur produit une requête en réouverture d’enquête pour déposer une expertise médicale dont il ignorait l’existence au moment de l’audience du 26 août 2010.

 

[10]      Le 8 septembre 2010, le tribunal accueille la requête pour demande de réouverture d’enquête, permet le dépôt de l’expertise médicale et accorde un délai à l’employeur afin qu’il puisse commenter l’expertise déposée et soumettre un complément de preuve médicale. L’employeur s’est prévalu de son droit et a déposé un complément d’argumentation le 22 octobre 2010. Le procureur du travailleur a répondu à ces éléments d’argumentation le 5 novembre 2010, date à laquelle le dossier est finalement mis en délibéré.

 

[…]

 

[15]       Le travailleur est assembleur chez l’employeur lorsque le 18 août 2008, il subit un accident du travail. Cet accident survient alors que le travailleur est sur un banc muni de deux marches et qu’il perd l’équilibre et tombe vers l’arrière. Il se retient avec son bras gauche sur une machine et tombe sur ses pieds. Il ressent un contrecoup dans le bas du dos du côté droit.

 

[…]

 

[22]      Le même jour [8 septembre 2008], la CSST accepte la réclamation du travailleur à titre de lésion professionnelle dont le diagnostic est une entorse dorsolombaire. Cette décision n’a pas fait l’objet d’une demande de révision.

 

[…]

 

[28]      Le 10 décembre 2008, le travailleur subit une résonance magnétique lombaire. Le radiologiste y décrit des modifications disco-dégénératives D11-D12, D12-L1, L4-L5. Il décrit également une hernie discale postéro-latérale gauche D11-D12 et une hernie discale à grand rayon de courbure intra- et extra-foraminale gauche L4-L5 causant une sténose foraminale gauche de degré léger à modéré. Il se questionne à savoir s’il y a contact du disque avec la racine L4 gauche en intra-foraminale et s’il y a une radiculopathie L4 gauche démontrée cliniquement. Enfin, il constate une légère sténose spinale L4-L5 causée principalement par l’étalement discal circonférentiel diffus et une légère arthrose facettaire bilatérale à ce même niveau.

 

[29]      Le 24 décembre 2008, le docteur Fafard diagnostique une hernie discale et réfère de nouveau le travailleur pour une consultation en orthopédie.

 

[30]      Le 6 janvier 2009, le travailleur revoit alors le docteur Blanchet qui diagnostique une hernie discale L4-L5 clinique et une résonance magnétique positive pour une hernie discale L4-L5 gauche plus qu’à droite. Il maintient le travailleur en arrêt de travail et prescrit des épidurales thérapeutiques.

 

[31]      Le 14 janvier 2009, le docteur Jourdain diagnostique une lombosciatalgie droite et une hernie discale L4-L5 et procède à une épidurale.

 

[34]      Le 10 février 2009, le docteur Blanchet diagnostique des lombalgies post-entorse et une hernie discale L4-L5 soulagée avec une épidurale. Il maintient l’arrêt de travail et la poursuite des traitements de physiothérapie et d’ergothérapie.

 

[35]      Le 11 février 2009, la CSST refuse la relation entre le diagnostic de hernie discale L4-L5 et l’événement du 18 août 2008. Le travailleur demande la révision de cette décision. Le 28 avril 2009, la révision administrative confirme la décision initialement rendue et le travailleur loge une requête à la Commission des lésions professionnelles à l’encontre de cette décision rendue pour s’en désister à l’audience du 26 août 2010.

 

[…]

 

[40]      Le 22 mai 2009, la CSST rend une décision faisant suite à l’avis du membre du Bureau d'évaluation médicale du 13 mai 2009 et déclare que le diagnostic retenu par le Bureau d'évaluation médicale est celui d’entorse dorsolombaire, soit le diagnostic déjà établi en relation avec l’événement du 18 août 2008. La CSST déclare que les soins ou traitements ne sont plus justifiés depuis le 15 avril 2009 et qu’elle doit cesser de les payer. Le travailleur demande la révision de cette décision, laquelle est confirmée le 8 juin 2009 et contestée à la Commission des lésions professionnelles. Toutefois, le travailleur s’est désisté de sa requête à l’audience du 26 août 2010.

 

[…]

 

[47]      Le 15 juin 2009, le travailleur consulte le docteur Masson qui diagnostique une hernie discale lombaire récidivante depuis son retour au travail. Il recommande de cesser l’assignation temporaire. Le travailleur le consulte pour sa douleur au bas du dos à gauche irradiant jusque dans le cou, avec des engourdissements dans le pouce et l’index gauche. Le travailleur accuse une douleur qui irradie dans la fesse gauche, dans la partie postérieure de la cuisse gauche, dans le mollet et dans le premier orteil gauche qui est également victime d’engourdissements.

 

[…]

 

[58]      Entre temps, le 23 septembre 2009, la CSST rend sa décision à la suite de l’avis du Bureau d'évaluation médicale du 15 septembre 2009 et déclare que la lésion a entraîné une atteinte permanente pour laquelle le travailleur a droit à une indemnité pour préjudice corporel qui lui sera octroyée dans une décision prochaine. Compte tenu des limitations fonctionnelles retenues, la CSST conclut que le travailleur a droit de recevoir des indemnités de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’elle se soit prononcée sur sa capacité d’exercer son emploi. Le travailleur demande la révision de cette décision, laquelle est confirmée par la révision administrative le 26 octobre 2010 et contestée devant la Commission des lésions professionnelles, d’où l’objet du premier litige dont est saisi le tribunal.

 

[…]

 

[63]      Le même jour [16 octobre 2009], la CSST rend sa décision et conclut que le travailleur est capable d’exercer son emploi à compter du 16 octobre 2009 et que le versement des indemnités de remplacement du revenu a pris fin le 14 octobre 2009 puisque le travailleur avait déjà repris le travail. Le travailleur demande la révision de cette décision, laquelle est confirmée le 26 novembre 2009 et contestée devant la Commission des lésions professionnelles, d’où l’objet du deuxième litige dont est saisi le présent tribunal.

 

[…]

 

[68]      Le 27 octobre 2009, le travailleur allègue une récidive de lombalgie et consulte le docteur Masson qui diagnostique une entorse lombaire sur hernie discale multi-étagée et qui remet le travailleur en arrêt de travail. À l’examen objectif, le docteur Masson note un spasme paravertébral droit plus qu’à gauche, une scoliose antalgique évidente et une flexion du tronc impossible. Les rotations sont diminuées de 50 %. Le travailleur présente une irradiation sciatalgique droite avec une paresthésie au membre inférieur droit, mais sans déficit moteur. Il diagnostique une récidive d’entorse lombaire sur hernie discale multi-étagée.

 

[…]

 

[74]      Le 26 novembre 2009, la CSST refuse donc la réclamation pour une récidive, rechute ou aggravation survenue le 27 octobre 2009 puisqu’il n’y a pas de détérioration objective de l’état de santé du travailleur en lien avec la lésion reconnue par la CSST. Cette décision est confirmée par la révision administrative le 8 janvier 2010 et contestée devant le présent tribunal, d’où l’objet du troisième litige dont est saisi le présent tribunal.

 

[Nos soulignements]

 

 

[21]        La Commission des lésions professionnelles siégeant en révision en retient ce qui suit :

-        Depuis qu’il a été informé des résultats de la résonance magnétique réalisée le 10 décembre 2008, le travailleur a connaissance qu’il est possiblement porteur d’une hernie discale L4-L5 foraminale gauche ;

-        Entre cette date et le 15 juin 2009, cette hernie discale a été diagnostiquée par quatre médecins différents, soit les docteurs Fafard, Blanchet, Jourdain et Masson ;

-        En effet, en outre des résultats de divers examens paracliniques, plusieurs médecins examinateurs ont rapporté que leur examen physique confirmait, à leur avis, la présence d’une telle hernie discale ;

-        Le travailleur n’en a pas moins décidé de se désister, lors de l’audience tenue devant la première juge administrative le 26 août 2010, de deux contestations dont il avait saisi la Commission des lésions professionnelles et dans le cadre desquelles, si ses prétentions avaient été retenues, le tribunal aurait pu déclarer qu’il avait bel et bien subi une hernie discale à la suite de son accident du travail du 18 août 2008.

[22]        Il résulte de ce qui précède que les observations du docteur Mario Séguin au cours de l’intervention chirurgicale pratiquée le 22 novembre 2010, lesquelles l’ont amené à poser le diagnostic de « hernie discale foraminale L4-L5 gauche », ne font que confirmer ce qui était su depuis bien avant l’enquête tenue par la première juge administrative, à savoir entre le 26 août et le 5 novembre 2010.  Il ne s’agit donc pas d’une information nouvelle.

[23]        L’assertion du travailleur, aux paragraphes 3, 4 et 5 de sa requête en révision, selon laquelle « ces informations n’étaient pas disponibles le 26 août 2010 » ou « lors de la présentation de la requête en réouverture d’enquête du 3 septembre 2010 » n’est, par conséquent, pas fondée en fait.

[24]        Or, pour que l’existence de la susdite hernie discale puisse constituer un « fait nouveau » au sens de l’article 429.56 de la loi, il aurait fallu, entre autres, qu’elle soit inconnue du requérant en révision au moment de l’enquête tenue par la première juge administrative[7].

[25]        Dans une affaire offrant beaucoup de similitude avec le présent cas[8], la Commission des lésions professionnelles a décidé qu’une opinion médicale ne constitue pas un « fait », qu’une intervention chirurgicale pratiquée postérieurement à l’enquête tenue par la Commission des lésions professionnelles ne constitue pas un « fait nouveau » et que si ladite intervention révèle une information nouvelle, il convient alors de vérifier si elle serait de nature à modifier ou non la décision rendue :

[22]      Une première distinction doit être faite, soit celle entre une opinion et un fait. Le commentaire du Dr Tétreault au premier paragraphe constitue une opinion sur la relation entre la condition médicale du travailleur et son travail de foreur. Cette opinion ne peut constituer un fait nouveau.

 

[…]

 

[27]      L’intervention en soi n’est pas un fait nouveau découvert postérieurement. Ce n’est pas un fait qui existait au moment de l’audience et qu’il a été impossible d’obtenir puisque cette intervention a lieu postérieurement. Cependant, comme elle survient peu de temps après la décision, elle aurait pu donner lieu à la découverte d’un fait nouveau si elle avait mis en évidence une information de nature à modifier la décision rendue.

 

[…]

 

[29]      Dans le présent dossier, l’intervention chirurgicale du 26 mars 2007 n’amène aucune information nouvelle. Le protocole opératoire indique que le Dr Tétreault a procédé à une réparation de la coiffe des rotateurs à l’épaule droite. Le diagnostic retenu est celui de «déchirure de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite, tendinopathie du biceps et douleur sur matériel de suture».

 

[30]      Or le travailleur a déjà subi cinq interventions chirurgicales aux épaules, trois à l’épaule gauche (avril 2002, novembre 2002, octobre 2003) et deux à droite (mars 2004 et septembre 2004). Ces interventions visaient des reconstructions de la coiffe des rotateurs en raison de déchirures. Le protocole opératoire ne dévoile aucun fait qui n’était pas déjà connu au dossier et qui n’apparaissait pas aux autres protocoles opératoires.

 

[…]

 

[37]      Tel n’est pas le cas dans le présent dossier. L’intervention chirurgicale du 26 mars 2007 n’a révélé aucune information nouvelle. Il ne s’agit donc pas d’un fait nouveau.

 

[…]

 

[44]      Accepter l’ajout d’une «preuve future» permettrait de réviser de façon perpétuelle les décisions de la Commission des lésions professionnelles qui sont finales et sans appel.

 

[Nos soulignements]

 

 

 

 

[26]        Cette approche a toujours cours[9].

[27]        La règle de droit a notamment été rappelée dans une autre affaire récente[10], comme suit :

[32]      La jurisprudence12 a établi trois critères afin de conclure à l’existence d’un fait nouveau soit :

 

1-     la découverte postérieure à la décision d’un fait qui existait au moment de l’audience;

2-     la non-disponibilité de cet élément de preuve au moment où s’est tenue l’audience initiale;

3-     le caractère déterminant qu’aurait eu cet élément sur le sort du litige, s’il eut été connu en temps utile.

 

[33]      Cette même jurisprudence enseigne que le « fait nouveau » ne doit pas avoir été créé postérieurement à la décision du premier juge administratif. Il doit plutôt avoir existé avant cette décision, mais avoir été découvert postérieurement à celle-ci, alors qu’il était impossible de l’obtenir au moment de l’audience initiale. Il doit également avoir un effet déterminant sur le sort du litige13.

 

[34]      Dans le cas qui nous occupe, la visite médicale postérieure à la décision, à laquelle la travailleuse était en attente depuis plus d’un an et demi, et le traitement chirurgical proposé, ne peuvent manifestement pas être considérés comme étant deux faits nouveaux au sens de la Loi.

 

[35]      Il ne s’agit ni d’une « découverte » postérieure d’un élément non disponible, puisque la travailleuse savait qu’elle consulterait un chirurgien, ni un élément déterminant dans l’établissement du lien de causalité, question qu’avait à répondre le Tribunal. Il s’agit d’un simple traitement proposé postérieurement à une condition qui existait depuis longtemps et qui était déjà prouvée. La travailleuse aurait très bien pu demander de ne pas fixer la cause en audience tant que sa consultation médicale n’avait pas été faite, si cet élément pouvait être déterminant à ce que le Tribunal avait à trancher.

 

________________________

12       Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, 107558-73-9811, 17 mars 2000, Anne Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque; Roland Bouchard (succession) et Construction Norascon inc. et als, 210650-08-0306, 18 janvier 2008, L. Nadeau.

13         Bourdon c. C.L.P., Id.

 

[Nos soulignements]

 

 

[28]        Les « informations » sur lesquelles la requête du travailleur est fondée ne constituent pas un « fait nouveau » au sens de la loi.

[29]        Il convient de souligner, en terminant, que le travailleur a adopté une stratégie devant la première juge administrative, laquelle a notamment consisté à ne pas demander une remise de l’audience pour le motif de l’imminence d’une intervention chirurgicale, d’une part, et à se désister de deux contestations portant sur l’existence même d’une hernie discale L4-L5 foraminale gauche et sur la question de sa relation ou non avec l’accident survenu le 18 août 2008, d’autre part.

[30]        Le recours en révision ne peut servir à changer une stratégie librement adoptée et permettre ainsi à une partie de bonifier sa cause après qu’un jugement défavorable ait été rendu[11] :

La rédaction même de la loi constitutive de la C.A.L.P. assure une stabilité et une sécurité juridique aux décisions rendues par ce tribunal administratif.  Il est contraire aux principes relatifs à l’administration de la preuve devant tous les tribunaux de permettre qu’une partie qui peut obtenir une preuve en temps utile mais ne le fait pas puisse obtenir la révision d’une décision pour ce motif.

 

[Notre soulignement]

 

[31]        Le recours en révision « n’autorise pas une partie à venir combler les lacunes de la preuve qu’elle a eu l’occasion de faire valoir en premier lieu »[12].

[32]        Pour tous ces motifs, la requête en révision n’est pas fondée.

 

PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :

Dossiers 392974-62A-0911, 395808-62A-0912 et 399470-62A-1001

REJETTE la requête de monsieur Michel Provost, le travailleur.

 

 

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Jean-François Martel

 

 

 

 

 

 

Me François Fisette

GÉRIN, LEBLANC ASSOCIÉS

Procureur du travailleur

 

 

Me Sannie Dumouchel

A. D. P. SANTÉ SÉCURITÉ DU TRAVAIL

Procureure de l’employeur

 

 

Me Rébecca Branchaud

VIGNEAULT THIBODEAU BERGERON

Procureure de la CSST

 



[1]           L.R.Q., c. A-3.001

[2]           Le nom de la juge administrative qui a rendu la décision est omis, car son identité n’est pas utile aux fins de la décision à rendre sur la requête.

[3]           Information tirée du paragraphe 10 de la décision du 6 janvier 2011.

[4]           Voir : Assurance - automobile - 50, [1996] C.A.S. 758  ; Ville de Montréal c. Centre Immaculée Conception inc. et Commission municipale du Québec et al., [1993] R.J.Q. 1376 (C.A.).

[5]           Voir : Gaggiotti c. Domaine de la forêt, C.L.P. 86666-71-9703, 22 janvier 1999, M. Duranceau ; Mervilus et Skytex Knitting Mills inc., C.L.P. 90859-73-9708, Anne Vaillancourt ; Hôpital Sainte-Justine et Rolande Gravel, C.L.P.63157-62-9409, 13 janvier 2000, P. Perron.  Voir aussi : Aide sociale - 29, [1982] C.A.S. 178 ; Gelber Investments Ltd c. Ville de Verdun, [1998] T.A.Q. 692  ; Assurance - automobile - 80, [1997] C.A.S. 550  ; Assurance - automobile - 49, [1996] C.A.S. 754  ; Sauveteurs et Victime d’actes criminels -5, [1995] C.A.S. 17  ; Assurance - automobile - 15, [1991] C.A.S. 703  ; Assurance - automobile - 32, [1987] C.A.S. 781  ; Sauveteurs et Victime d’actes criminels -13, [1987] C.A.S. 41 .

[6]           C.L.P. 93683-64-9801, 7 juin 2002, Anne Vaillancourt, (02LP-39).

[7]           Voir, entre autres : Cormier c. CLP, [2008] C.L.P 1613 (C.S.) ; Toitures P.L.M. et Carrier, C.L.P. 331688-64-0711, 15 juillet 2009, P. Perron ; Jacques et CSSS de Bécancour-Nicolet-Yamaska, C.L.P. 338991-04-0801, 5 janvier 2010, L. Boudreault ; Simard et CSST et Entreprises P.E.B. ltée, C.L.P. 87854-32-9704, 19 avril 2000, C. Lessard, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Québec, 200-05-013318-006, 19 juillet 2000, j. Gendreau ; St-Basile Transport inc. et Paquet, [2006] C.L.P. 949  ; Gariepy et Centre de santé et de services sociaux Laval, C.L.P. 275641-63-0503, 21 décembre 2006, C.-A. Ducharme.

[8]           Bouchard (Succession) et Construction Norascon inc. et al., C.L.P. 210650-08-0306, 18 janvier 2008, L. Nadeau.

[9]           Hiloua et Presse Café, 2011 QCCLP 427  ; Martin et Industries de la Rive sud ltée (Les), 2011 QCCLP 3603.

[10]         Résidences Le Monastère-SEC enr. et Lavoie, C.L.P. 386105-05-0908, 12 novembre 2010, P. Perron.

[11]         Hall et Commission des lésions professionnelles, [1998] C.L.P. 1076 , p. 1083 (C.S.).  Voir, au même effet : Bossé et Mirinox, C.L.P. 352202-31-0806, 6 novembre 2009, C. Racine, (09LP-158) ; Lessard et Les produits miniers Stewart inc., C.L.P. 88727-08-9705, 19 mars 1999, J.-G. Roy, requête en révision judiciaire rejetée, [1999] C.L.P. 825 (C.S.).

[12]         Vêtements Golden Brand Canada ltée et Casale, C.L.P 100304-60-9804, 16 décembre 1998, É. Harvey; Magasin Laura PV inc. et CSST, C.L.P 76356-61-9601, 15 février 1999, S. Di Pasquale; Poitras et Christina Canada inc., C.L.P 100370-62-9803, 7 mars 2000, M. Zigby, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Longueuil, 505-05-006180-001, 9 janvier 2001, j. Tremblay.

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