Jovanovic et Laboratoires Shermont inc. |
2011 QCCLP 6984 |
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Dossier 397941-05-0912
[1] Le 18 décembre 2009, madame Mladenka Jovanovic (la travailleuse) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête à l’encontre d’une décision rendue le 16 novembre 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) à la suite d’une révision administrative.
[2] Par celle-ci, la CSST confirme sa décision initiale du 7 août 2009 en déclarant que la travailleuse « n’a pas droit à une allocation pour des besoins d’aide personnelle à domicile ».
Dossier 434500-05-1103
[3] Le 31 mars 2011, la travailleuse conteste également la décision du 25 mars 2011.
[4] À la suite d’une révision administrative, la CSST maintient sa décision initiale du 21 décembre 2010 en déclarant que la travailleuse n’a « pas droit à une aide personnelle de maintien à domicile ».
[5] Le 23 septembre 2011, en présence de la travailleuse et de son représentant, l’audience se déroule à Sherbrooke. Les représentants des autres parties sont absents.
L’OBJET DE LA CONTESTATION
[6] Depuis le dépôt de sa réclamation du 6 novembre 2003, la travailleuse demande de reconnaître qu’elle a droit à une assistance financière pour combler des besoins en aide personnelle et domestique à domicile ainsi que de surveillance.
LA PREUVE
[7] Le 20 octobre 2003, alors qu’elle est à l’emploi de Les Laboratoires Shermont inc., la travailleuse se blesse en effectuant ses tâches.
[8] Le 6 novembre 2003, elle produit une réclamation à la CSST.
[9] Subséquemment, en fonction du diagnostic d’entorse lombaire, la CSST reconnaît la travailleuse victime, le 20 octobre 2003, d’une lésion professionnelle et accepte de l’indemniser.
[10] Le 30 janvier 2004, après avoir pris en compte le résultat d’une tomodensitométrie, le médecin qui a charge de la travailleuse diagnostique une hernie discale L4-L5.
[11] Le 30 juin 2004, pour le compte de la CSST, un orthopédiste retient le diagnostic d’entorse lombaire et juge cette lésion consolidée avec des séquelles permanentes.
[12] Le médecin qui a charge refusant d’entériner les conclusions de l’orthopédiste désigné par elle, la CSST dirige le dossier au Bureau d'évaluation médicale.
[13] Le 15 septembre 2004, à la suite d’un examen physique et d’une revue du dossier, le Bureau d'évaluation médicale souscrit à l’essentiel de l’opinion du médecin désigné de la CSST. Il diagnostique une entorse lombaire et consolide la blessure avec un déficit anatomo-physiologique de 2 % et certaines limitations fonctionnelles.
[14] Après que la CSST eût donné suite à l’avis du Bureau d'évaluation médicale, l’affaire est soumise à la Commission des lésions professionnelles qui conclut :
[…]
DÉCLARE que la travailleuse présente, à la suite de son accident du travail du 20 octobre 2003, une hernie discale L5-S1 gauche et que cette lésion professionnelle n’était pas consolidée le 30 juin 2004.
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour que celle-ci indemnise la travailleuse en conséquence.
[…][1]
[15] Le 30 mai 2007, la travailleuse subit une discoïdectomie L5-S1 gauche.
[16] Au cours des mois suivants, la symptomatologie ne s’étant pas résorbée malgré le traitement chirurgical, des troubles psychiques apparaissent.
[17] Durant l’automne 2007, lors d’une première évaluation en psychiatrie, le docteur Renaud diagnostique une dépression majeure sévère et la CSST accepte de lier cette maladie à la lésion professionnelle du 20 octobre 2003.
[18] Au cours de l’année 2008, l’état de santé de la travailleuse demeure problématique. Entre autres, dans une lettre signée le 23 octobre 2008, le docteur Renaud écrit :
[...] Il s’agit d’une dame de 43 ans, connue du Dr David Fortin, neurochirurgien, qui est en attente depuis février 2008 pour une deuxième opération, en lien avec une problématique discale qui entraîne des douleurs chroniques importantes. En mai 2008, la patiente a compliqué d’une dépression majeure psychotique qui a nécessité une hospitalisation. Actuellement elle est sous traitement antidépressif, antipsychotique et bénéficie d’analgésiques puissants pour contrôler sa douleur. Nous avons récemment augmenté le traitement antipsychotique en lien avec un début de rechute.
[…]
[19] Le 23 mars 2009, l’idée d’effectuer une seconde chirurgie étant abandonnée, le médecin qui a charge déclare le volet physique de la lésion professionnelle de la travailleuse consolidé. Dans son rapport final, le docteur Bouchard précise qu’il existe une atteinte permanente et des limitations fonctionnelles.
[20] Le 24 juin 2009, le docteur Bouchard signe un rapport d’évaluation médicale. En regard de l’atteinte discale, il recommande d’attribuer un déficit anatomo-physiologique de 17 % et de sévères limitations fonctionnelles.
[21] Le 6 juillet 2009, le volet psychique de la lésion professionnelle étant maintenant consolidé, le docteur Renaud produit un rapport d’évaluation médicale. Sa conclusion se lit :
[…]
Nous retenons chez cette travailleuse qui n’avait aucun antécédent psychiatrique que la lésion professionnelle a entrainé des conséquences psychiatriques importantes, plus précisément la présence de dépression majeure avec caractéristiques psychotiques, actuellement partiellement compensée par le traitement antidépresseur et antipsychotique actuel. Même sous traitement, il persiste des symptômes résiduels significatifs qui entraînent de la démoralisation, des difficultés cognitives, de la fatigue, un manque d’énergie et de persévérance. De plus la travailleuse est anhédonique. Par ailleurs, elle souffre également de symptômes anxieux mixtes qui peuvent prendre la forme d’attaque de panique franche ou d’anxiété flottante, typique de l’anxiété généralisée. Elle doit être traitée médicalement pour les deux conditions psychiatriques.
Elle nécessite un encadrement psychologique prodigué par sa famille proche qui agit à titre d’aidants naturels.
[…]
[22] Au plan du déficit anatomo-physiologique, en se reportant aux dispositions pertinentes du Règlement sur le barème des dommages corporels[2], le docteur Renaud octroie un premier taux de 45 % pour compenser une névrose de groupe 3 puis un second de 5 % pour une psychose de groupe I.
[23] Insatisfait des rapports d’évaluation médicale des docteurs Bouchard et Renaud, la CSST désigne des médecins pour examiner la travailleuse.
[24] Le 17 juillet 2009, dans un billet remis à la CSST, le docteur Bouchard demande de fournir de l’aide à domicile à la travailleuse.
[25] Le 3 août 2009, la travailleuse soumet à la CSST une « demande d’aide personnelle à domicile ». Elle allègue :
[…]
Je ne suis pas automne et sécuritaire dans la réalisation des activités de la vie quotidienne et activité domestique comme par exemple
- L’hygiène au bain
- Déplacement au lit
- Me vêtir et me déshabiller
- Effectuer mes soins personnelles [sic] / prendre mon bain, couper mes ongles, raser les jambes
Et plusieurs autres choses.
[…]
[26] Le 7 août 2009, une intervenante de la CSST étudie cette demande. Dans ses notes évolutives, elle écrit :
[…]
À l’analyse de la demande d’aide personnelle à domicile de Mme Sindik (la travailleuse) ainsi que de la prescription effectuée par le Dr Bouchard, nous sommes en mesure de conclure que les limitations fonctionnelles actuelles de la travailleuse ne font pas en sorte qu’elle ne soit pas en mesure de prendre soin d’elle-même […].
[27] Le même jour, sans recourir à la grille d’analyse prévue au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile[3], la CSST signifie à la travailleuse « qu’aucune allocation d’aide personnelle à domicile ne peut vous être versée ». Il s’ensuit une contestation.
[28] Le 3 novembre 2009, pour le compte de la CSST, l’état mental de la travailleuse est évalué par le docteur Lepage. Dans son expertise du 4 novembre 2009, le psychiatre exprime une opinion différente de celle contenue au rapport d’évaluation médicale du docteur Renaud.
[29] Quand il sera invité à discuter des conclusions du docteur Lepage, le 13 avril 2010, le docteur Renaud confirmera l’opinion émise dans son rapport d’évaluation médicale. Il va également écrire que la travailleuse « ne pourrait rester seule en appartement si ce n’était de l’effet encadrant de sa famille qui agit comme aidant naturel ».
[30] Par conséquent, pour la composante psychique de la lésion professionnelle, le Bureau d'évaluation médicale sera appelé à donner un avis.
[31] Le 16 novembre 2009, après une révision administrative, la CSST confirme sa décision initiale du 7 août 2009, d’où le dépôt de la première requête de la travailleuse.
[32] Le 19 janvier 2010, à la demande de la CSST, le docteur Gariépy examine la travailleuse. Dans son expertise, signée le jour même, le neurochirurgien dresse l’historique et décrit son examen physique. Il recommande d’accorder un déficit anatomo-physiologique de 18 %. Ce taux prend notamment en compte une perte d’amplitude de 40 degrés du mouvement de flexion antérieure de la colonne dorsolombaire. Au plan des limitations fonctionnelles, il écrit :
[…]
Madame devra éviter d’accomplir les activités qui impliquent :
- de soulever, porter, pousser, tirer de façon répétitive ou fréquente, des charges de plus de 5 kg
- de faire des mouvements répétitifs ou fréquents, de flexion, d’extension, de torsion de la colonne dorso-lombaire, même de faible amplitude
- de monter fréquemment plusieurs escaliers et marcher en terrain accidenté
- de garder la même posture (debout, assise) plus de 30 à 60 minutes
- de travailler dans une position instable
- de subir des contrecoups ou des vibrations à la colonne vertébrale.
[33] Le 8 mars 2010, invité à commenter cette expertise, le docteur Bouchard se déclare « d’accord avec les conclusions du Dr Gariépy essentiellement mêmes limitations et séquelles ».
[34] Dès lors, en regard de la condition physique, le dossier n’est pas dirigé au Bureau d'évaluation médicale.
[35] Le 27 mai 2010, la CSST déclare que la travailleuse présente une atteinte à l’intégrité physique de 21,80 %, ce qui lui vaut une indemnité pour dommages corporels de 14 160,84 $.
[36] Le 31 août 2010, en sa qualité de psychiatre membre du Bureau d'évaluation médicale, le docteur Laliberté examine la travailleuse.
[37] Le 28 septembre 2010, le Bureau d'évaluation médicale signe son avis. À l’historique, il note particulièrement que la travailleuse a été hospitalisée, depuis 2008, à quatre reprises pour des épisodes d’état dépressif avec éléments psychotiques. Après avoir décrit son examen, il rapporte :
J’ai pu objectiver en cours d’évaluation la présence de plusieurs symptômes dépressifs. Il n’y avait pas présence de trouble perceptuel, certainement pas de délire franc de type persécutoire, mais encore une certaine tendance chez elle à chercher à trouver un sens aux mots et aux phrases. Il s’agit du seul symptôme résiduel possiblement psychotique.
Madame décrit foncièrement et ceci m’est confirmé par son conjoint des difficultés de fonctionnement au quotidien. On note un manque d’intérêt, un manque d’énergie, repli sur soi.
Madame a grandement diminué ses activités sociales. Elle ne fait rien qui vaille à la maison et doit avoir le support de son conjoint. On sent également chez elle et ceci est verbalisé en cours d’entrevue la présence d’une diminution d’estime d’elle-même et un pessimisme par rapport à l’avenir.
[…]
[38] Le Bureau d'évaluation médicale conclut au diagnostic de « dépression majeure avec éléments psychotiques récidivante avec symptômes résiduels ». Estimant improbable une amélioration des symptômes à court et moyen terme, il déclare la lésion consolidée à la date de son examen et les traitements adéquats. Pour fixer le déficit anatomo-physiologique en fonction du Règlement sur le barème des dommages corporels, il retient que le tableau correspond à celui des psychoses de groupe 3. Il expose :
[…]
Malgré l’utilisation d’antidépresseurs d’antipsychotiques, on note la présence de symptômes résiduels significatifs chez madame Sindik ayant des impacts non négligeables sur ses activités de la vie quotidienne.
Clairement, madame a besoin d’approches pharmacologiques à long terme, d’un support de son entourage, il y a risque de récidive et d’hospitalisation dans le futur. Je considère donc que le tableau clinique correspond au groupe 3 des névroses avec un DAP (déficit anatomo-physiologique) à 45 %.
[39] Quant aux limitations fonctionnelles, il écrit :
[…]
Il m’apparait y avoir des limitations fonctionnelles permanentes de nature psychique.
Madame Sindik ne peut occuper d’emploi avec des tâches complexes variées demandant de bonnes capacités de jugement, de décision et de concentration.
Madame Sindik ne peut superviser le travail d’autrui.
Madame ne peut occuper d’emploi exigeant de conduire de véhicule ou de machinerie lourde ou autre appareil pouvant éventuellement mettre sa santé ou sa sécurité en danger ou celle des autres.
Les tâches qui pourraient lui être confiées devraient être simples, routinières, n’exigeant pas un niveau élevé de concentration et n’exigeant pas d’apprentissage complexe.
[40] Le 1er octobre 2010, la CSST donne suite à l’avis du Bureau d'évaluation médicale et signale que la travailleuse conserve particulièrement le droit à l’indemnité de remplacement du revenu jusqu’à ce qu’une décision soit rendue sur sa capacité de travail.
[41] Le 5 octobre 2010, également dans le sillage de l’avis du Bureau d'évaluation médicale, l’atteinte permanente à l’intégrité psychique est fixée à 79,50 %, ce qui permet à la travailleuse de recevoir une indemnité pour dommages corporels de 49 936,46 $.
[42] Le 7 octobre 2010, le conjoint de la travailleuse intervient auprès de la CSST pour qu’elle examine les besoins d’aide personnelle à domicile. Pour analyser cette question, la CSST mandate des ergothérapeutes.
[43] Le 15 octobre 2010, deux ergothérapeutes se présentent donc au domicile de la travailleuse pour évaluer, en présence de son conjoint, la situation.
[44] Dans leur rapport, après avoir fourni un court historique, les ergothérapeutes dressent un bilan de la visite. Elles précisent que l’évaluation, d’une durée de 90 minutes, fût « faite sous forme d’entrevue avec le couple, d’observation de Mme dans certains déplacements et certaines tâches ainsi que d’évaluation de certaines aires de vie au premier étage de la maison ».
[45] Par la suite, en s’inspirant des activités prévues au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile, les ergothérapeutes analysent le degré d’autonomie de la travailleuse pour évaluer ses besoins d’assistance personnelle et domestique. Elles ne discutent pas d’éventuels besoins de surveillance.
[46] Pour le lever et le coucher, les ergothérapeutes rapportent qu’elle est généralement automne. Parfois, ce que répète la travailleuse à l’audience, elles mentionnent que l’intensité des douleurs fait en sorte qu’une aide est requise pour quitter le lit. Sur le plan de l’hygiène corporelle, elles constatent que les équipements disponibles ne sont pas suffisants. Aussi, pour corriger la situation, elles proposent de fournir un banc de bain, une barre de bain, un tapis antidérapant, un crochet pour fixer le pommeau de la douche et une éponge à long manche pour permettre le lavage du dos et des membres inférieurs. Pour ce qui est de l’habillage et du déshabillage, les ergothérapeutes notent des difficultés au niveau inférieur du corps. Pour corriger cela, elles recommandent d’offrir une pince, une pince à long manche et un enfile-bas. Pour faciliter l’utilisation de la toilette, elles suggèrent aussi d’installer un rehausseur de siège de toilette. Pour les soins vésicaux et intestinaux, les ergothérapeutes n’identifient pas de difficultés. En regard de l’alimentation, bien que la travailleuse déclare éprouver des difficultés à couper certains aliments, elles concluent qu’elle est autonome. En ce qui a trait à la préparation des repas, les ergothérapeutes écrivent :
[…]
Préparation des repas : Mme dit préparer seule son déjeuner, composé de rôties ou de céréales, sans utiliser la cuisinière. Elle rapporte que son conjoint lui a formellement interdit l’utilisation de la cuisinière car elle oubliait de fermer des ronds. Le couple rapporte ne prendre qu’un autre repas, qui est fait soit par M. ou encore sa fille. À l’occasion, un léger repas est pris en soirée, qui est également fait par M. ou par sa fille. Mme a besoin d’aide pour l’utilisation du four micro-ondes car elle aurait de la difficulté à bien en ajuster l’intensité.
Mme a accès aux objets situés dans la première ou deuxième tablette des armoires du haut de sa cuisine. Cependant, elle est incapable d’atteindre les objets situés dans les armoires du bas.
[…]
[47] Pour ce qui entoure les tâches ménagères, les ergothérapeutes notent que la travailleuse a renoncé à les effectuer. À l’audience, après avoir dit être incapable de passer l’aspirateur, elle explique que sa fille se charge de cette responsabilité. À la maison, elle ajoute que son enfant l’aide beaucoup. D’ailleurs, elle spécifie que le linge est lavé par sa fille. Pour ce qui concerne les courses, elle raconte y participer dans une certaine mesure. Enfin, parce qu’elle évite de se rendre au sous-sol, la travailleuse ne rapporte pas de problèmes pour utiliser les commodités de la résidence.
[48] En conclusion, retenant que les limitations fonctionnelles visent des mouvements « répétitifs ou fréquents », les ergothérapeutes jugent que la travailleuse est en mesure de prendre soin d’elle-même. Pour les mêmes raisons, elles pensent qu’une grande partie des activités domestiques peut être accomplie sans aide. En fait, ce n’est que pour les activités entourant le ménage lourd que des obstacles sont identifiés.
[49] En ce qui regarde les limitations fonctionnelles d’ordre psychique, les ergothérapeutes croient qu’elles ne sont pas problématiques aux motifs que les activités de la vie quotidienne « sont connues de longue date » tout en étant routinières.
[50] À l’audience, la travailleuse considère que les conclusions des ergothérapeutes ne reflètent pas sa situation réelle. Pratiquement, à l’exception des soins vésicaux et intestinaux, elle dit être incapable d’accomplir seule la plupart des choses. S’étant dotée d’un véhicule muni d’une transmission automatique, elle indique tout de même être capable de conduire une automobile.
[51] Le 8 novembre 2010, pour donner suite au rapport des ergothérapeutes, la CSST signifie à la travailleuse :
[…]
Nous vous informons que nous acceptons de payer les aides techniques suivantes : un banc de bain, une barre de bain, tapis antidérapant, éponge à long manche, pince, enfile-bas, pince à long manche, rehausseur de siège de toilette, crochet pour le pommeau de la douche.
[…]
[52] Le 7 décembre 2010, une des deux ergothérapeutes ayant évalué la situation en octobre 2010 retourne au domicile de la travailleuse pour installer les équipements recommandés et enseigner comment les utiliser. À ce moment, seul le crochet devant supporter le pommeau de la douche n’est pas disponible. Dans le compte rendu de cette visite, l’ergothérapeute rapporte que les accessoires de la salle de bain et les aides à l’habillage s’avèrent efficaces. Sur ce dernier point, elle note :
[…]
Pince à long manche : L’ergothérapeute enseigne à Mme comment utiliser la pince pour prendre les objets au sol et enfiler les pantalons et sous-vêtements. Mme revêt un jeans par-dessus les vêtements qu’elle a. Elle est capable d’utiliser de façon autonome la pince à long manche. […]
[53] Par contre, pour ce qui est de l’éponge à long manche, elle écrit :
[…]
Éponge à long manche : L’ergothérapeute enseigne à Mme comment utiliser l’éponge à long manche. Avec cette éponge, Mme est capable d’atteindre le bout des pieds ainsi que le dos. Elle peut faire le reste à l’aide de débarbouillette. Mme rapporte cependant que cette hygiène n’est pas en profondeur principalement en lien avec le fait qu’elle ne permet pas de retirer les peaux sèches au niveau du talon par exemple. L’ergothérapeute lui mentionne que l’éponge à long manche n’aidera qu’à faire l’hygiène, soit bien savonner les différentes parties du corps.
[54] Avant de quitter les lieux, l’ergothérapeute suggère des trucs à la travailleuse pour faciliter l’usage des équipements de la cuisine. Par contre, parce qu’elle indique qu’il lui arrive toujours d’oublier de fermer les ronds de la cuisinière, l’ergothérapeute mentionne qu’elle ne se sert pas de cet appareil.
[55] Le 21 décembre 2010, étant d’avis qu’elle reste en mesure de prendre soin d’elle-même, la CSST avise la travailleuse qu’une « allocation d’aide personnelle à domicile ne peut pas vous être versée ».
[56] Le 25 mars 2011, après une révision administrative, la CSST confirme sa décision initiale du 21 décembre 2010 en déclarant « que la travailleuse n’a pas droit à une aide personnelle de maintien à domicile ». Il s’ensuit le dépôt de la seconde requête qui nous intéresse.
[57] Pour appuyer sa contestation et étayer son témoignage, la travailleuse dépose une grille d’évaluation de ses besoins signés par les docteurs Bouchard et Renaud.
[58] En ce qui regarde les besoins d’assistance personnelle et domestique, le docteur Bouchard prépare la grille d’évaluation prévue au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile. Pour plusieurs activités, il soumet que la travailleuse manifeste un degré d’autonomie partielle et complète pour ce qui touche le ménage. Il note :
Le lever |
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Le coucher |
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|
Hygiène corporelle |
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2.5 |
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Habillage |
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1.5 |
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Déshabillage |
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1.5 |
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Soins vésicaux |
|
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Soins intestinaux |
|
|
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Alimentation |
|
|
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Utilisation des commodités du domicile |
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2 |
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Préparation du déjeuner |
|
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Préparation du dîner |
|
2 |
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Préparation du souper |
|
2 |
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Ménage léger |
1 |
|
|
|
Ménage lourd |
1 |
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|
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Lavage du linge |
|
0.5 |
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Approvisionnement |
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1.5 |
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Total
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/48 points |
[59] Quant au docteur Renaud, en se servant de la grille d’évaluation des besoins de surveillance prévue au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile, il indique que la travailleuse présente un besoin de surveillance modérée pour ce qui touche le « contrôle de soi » et le « contact avec la réalité ». Invitée à préciser comment ces troubles se manifestent, la travailleuse donne pour seuls exemples sa tendance à oublier de fermer les ronds de la cuisinière et son incapacité à programmer convenablement le four à micro-ondes. Dans le document qu’il signe, le psychiatre soumet également qu’elle a besoin du support psychologique fourni par sa famille et recommande de vérifier s’il existe des symptômes psychotiques ou de l’humeur.
[60] Par ailleurs, depuis le 26 février 2011, la travailleuse rapporte qu’elle a cessé d’habiter avec son conjoint pour aller vivre avec sa fille en appartement. Bien qu’elle ait demandé à la CSST de revoir ses besoins, elle raconte que l’organisme n’a pas donné suite à sa demande. En quittant son ancienne résidence, elle dit avoir laissé sur place les accessoires que la CSST lui avait offerts l’automne précédent.
L’AVIS DES MEMBRES
[61] Les membres issus des associations syndicales et d’employeurs considèrent que la travailleuse manifeste certains besoins.
[62] Sur le plan de l’hygiène, étant notamment incapable de tailler ses ongles d’orteils, ils concluent à un besoin d’assistance partielle. Ils croient qu’une aide de cette nature est aussi requise pour le ménage léger, le lavage du linge et l’approvisionnement. Pour le ménage lourd, ils estiment que la travailleuse a besoin d’une assistance complète.
[63] En fonction de la grille relative aux besoins d’assistance personnelle et domestique, ils accordent un pointage de 6.
[64] En regard des besoins de surveillance, ils écartent les recommandations du docteur Renaud. Considérant particulièrement l’avis du Bureau d'évaluation médicale et le comportement de la travailleuse à l’audience, ils n’observent aucune lacune au niveau du « contrôle de soi » et du « contact avec la réalité ».
[65] Par ailleurs, d’après le membre issu des associations d’employeurs, c’est à compter de la demande du 17 juillet 2009 du médecin de la travailleuse que l’aide requise doit être accordée. Pour le membre issu des associations syndicales, cette mesure doit entrer en vigueur à partir du jour où il était acquis que la travailleuse était porteuse d’une atteinte permanente.
[66] Dans cette mesure, ils jugent les requêtes de la travailleuse partiellement fondées.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[67] Pour commencer, il s’agit de décider si la travailleuse présente des besoins en aide personnelle et domestique à domicile ainsi que de surveillance lui permettant d’obtenir une assistance financière.
[68] Le droit à des mesures de réadaptation sociale étant reconnu par la CSST, les principales dispositions de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[4] (la loi) pertinentes prévoient :
152. Un programme de réadaptation sociale peut comprendre notamment :
1° […]
2° […]
3° le paiement de frais d'aide personnelle à domicile;
4° […]
5° […]
__________
1985, c. 6, a. 152.
158. L'aide personnelle à domicile peut être accordée à un travailleur qui, en raison de la lésion professionnelle dont il a été victime, est incapable de prendre soin de lui-même et d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il effectuerait normalement, si cette aide s'avère nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
__________
1985, c. 6, a. 158.
159. L'aide personnelle à domicile comprend les frais d'engagement d'une personne pour aider le travailleur à prendre soin de lui-même et pour effectuer les tâches domestiques que le travailleur effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion.
Cette personne peut être le conjoint du travailleur.
__________
1985, c. 6, a. 159.
160. Le montant de l'aide personnelle à domicile est déterminé selon les normes et barèmes que la Commission adopte par règlement et ne peut excéder 800 $ par mois.
__________
1985, c. 6, a. 160; 1996, c. 70, a. 5.
161. Le montant de l'aide personnelle à domicile est réévalué périodiquement pour tenir compte de l'évolution de l'état de santé du travailleur et des besoins qui en découlent.
__________
1985, c. 6, a. 161.
162. Le montant de l'aide personnelle à domicile cesse d'être versé lorsque le travailleur :
1° redevient capable de prendre soin de lui-même ou d'effectuer sans aide les tâches domestiques qu'il ne pouvait effectuer en raison de sa lésion professionnelle; ou
2° est hébergé ou hospitalisé dans une installation maintenue par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux (chapitre S-4.2) ou par un établissement visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris (chapitre S-5).
__________
1985, c. 6, a. 162; 1992, c. 21, a. 79; 1994, c. 23, a. 23.
[69] Pour compléter ces règles, la CSST a adopté le Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile dont il a été question précédemment.
[70] Selon la jurisprudence, pour bénéficier de l’assistance financière recherchée, la travailleuse doit établir :
[…]
[244] Pour avoir droit à l’aide personnelle à domicile un travailleur doit donc satisfaire à trois conditions :
1) être incapable de prendre soin de lui-même et;
2) être incapable d’effectuer sans aide les tâches domestiques qu’il effectuerait normalement;
3) l’aide doit s’avérer nécessaire à son maintien ou à son retour à domicile.
[245] La jurisprudence36 a interprété les deux premières conditions comme étant indissociables l’une de l’autre en raison du mot et entre les deux. Le seul fait de ne pouvoir effectuer seul les tâches domestiques est donc insuffisant. (Notre soulignement)
__________
36 C.S.S.T. et Fleurent, [1998] C.L.P. 360
[…][5]
[71] D’ailleurs, c’est parce qu’elle a jugé que la travailleuse était toujours en mesure de prendre soin d’elle-même que la CSST a refusé de lui accorder une assistance financière. Or, de l’avis de la Commission des lésions professionnelles, cette conclusion est inadéquate pour les activités se rapportant à l’hygiène corporelle.
[72] À cet égard, si les articles mis à sa disposition lui permettaient particulièrement d’utiliser la douche de façon sécuritaire, la fourniture d’une brosse à long manche ne réglait pas tout. Au sujet de cet accessoire, l’ergothérapeute a noté :
[…]
Éponge à long manche : L’ergothérapeute enseigne à Mme comment utiliser l’éponge à long manche. Avec cette éponge, Mme est capable d’atteindre le bout des pieds ainsi que le dos. Elle peut faire le reste à l’aide de débarbouillette. Mme rapporte cependant que cette hygiène n’est pas en profondeur principalement en lien avec le fait qu’elle ne permet pas de retirer les peaux sèches au niveau du talon par exemple. L’ergothérapeute lui mentionne que l’éponge à long manche n’aidera qu’à faire l’hygiène, soit bien savonner les différentes parties du corps.
[…]
[73] Tel que précisé dans le rapport d’évaluation médicale du 19 janvier 2010, la travailleuse conserve une perte d’amplitude de 40 degrés du mouvement de flexion antérieure de la colonne dorsolombaire. Dans cet état, elle est incapable de prendre soins de ses pieds. Par exemple, en plus du retrait des « peaux sèches au niveau du talon », il va de soi qu’elle ne peut arriver à se tailler les ongles d’orteils. En fait, elle ne peut même pas se sécher le bas des jambes avec une serviette à sa sortie de la douche.
[74] Pour ces raisons, contrairement à ce que la CSST a décidé, la travailleuse manifestait un besoin d’assistance partielle pour combler ses besoins touchant l’hygiène corporelle.
[75] En ce qui concerne le lever du lit et son coucher au lit, à l’instar des ergothérapeutes mandatées par la CSST, le propre médecin de la travailleuse n’identifie aucun problème.
[76] Pour ce qui est de l’habillage et du déshabillage, il est démontré que les effets fournis par la CSST ont rendu la travailleuse autonome. Dans son compte rendu du 7 décembre 2010, l’ergothérapeute a notamment écrit :
[…]
Pince à long manche : L’ergothérapeute enseigne à Mme comment utiliser la pince pour prendre les objets au sol et enfiler les pantalons et sous-vêtements. Mme revêt un jeans par-dessus les vêtements qu’elle a. Elle est capable d’utiliser de façon autonome la pince à long manche. […]
[77] À ce chapitre, bien que le médecin qui a charge ait estimé le contraire, la travailleuse ne présente aucun besoin d’assistance au sens du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile :
C : Aucun besoin d’assistance :
Le travailleur est capable de réaliser l’activité ou la tâche seul, en considérant, s’il y a lieu, l’utilisation d’une orthèse, d’une prothèse ou d’une aide technique ou l’adaptation du domicile. L’activité ou la tâche est réalisée de façon sécuritaire.
[78] Du reste, contrairement au docteur Bouchard, l’ergothérapeute s’est rendue au domicile en plus d’enseigner l’usage des aides à l’habillage et au déshabillage.
[79] En regard des soins vésicaux et intestinaux, la travailleuse admet être autonome. Comme elle était également en mesure d’utiliser les commodités des pièces occupées chez elle, il n’y a pas de raison de reconnaître un quelconque besoin d’assistance à ce chapitre.
[80] De même, pour l’alimentation, le simple fait qu’il puisse arriver que la travailleuse éprouve des difficultés à couper un aliment ne la rend pas dépendante d’une autre pour porter sa nourriture de son assiette à sa bouche.
[81] En ce qui touche la préparation des repas, la travailleuse convient que les séquelles de sa lésion professionnelle n’ont pas eu d’incidence sur sa capacité de préparer un déjeuner.
[82] Pour ce qui est des deux autres repas prévus au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile, selon ce qu’ont rapporté les ergothérapeutes, un seul est pris :
[…]
Préparation des repas : Mme dit préparer seule son déjeuner, composé de rôties ou de céréales, sans utiliser la cuisinière. Elle rapporte que son conjoint lui a formellement interdit l’utilisation de la cuisinière car elle oubliait de fermer des ronds. Le couple rapporte ne prendre qu’un autre repas, qui est fait soit par M. ou encore sa fille. À l’occasion, un léger repas est pris en soirée, qui est également fait par M. ou par sa fille. Mme a besoin d’aide pour l’utilisation du four micro-ondes car elle aurait de la difficulté à bien en ajuster l’intensité.
[…]
[83] De toute façon, tout comme les ergothérapeutes mandatées par la CSST, la Commission des lésions professionnelles ne voit pas en quoi les limitations fonctionnelles de la travailleuse interfèrent dans sa capacité à préparer des repas. Entre autres, cuisiner n’implique pas de manipuler des charges de 5 kilos et de réaliser des mouvements de la colonne dorsolombaire sur une base répétitive ou fréquente. Quant à l’accès aux articles, il suffit de ranger les équipements aux endroits appropriés pour être facilement en mesure de s’en servir aisément.
[84] Du reste, il est révélateur d’observer que la travailleuse ne cuisine pas sous prétexte qu’il lui arrive d’oublier de « fermer des ronds » de la cuisinière et qu’elle a « de la difficulté » à ajuster l’intensité du four à micro-ondes. Or, rien ne prouve que ces situations soient en lien avec les conséquences de la lésion professionnelle du 20 octobre 2003.
[85] Pour ce qui concerne l’entretien ménager, l’ankylose présentée par la travailleuse fait probablement en sorte de la rendre incapable d’effectuer la totalité des activités touchant le ménage léger et tout ce qui se rapporte au ménage lourd. Pour le lavage du linge, le tableau rend aussi nécessaire de fournir une assistance partielle.
[86] Enfin, étant devenue incapable « de garder la même posture (debout, assise) plus de 30 à 60 minutes », la travailleuse a vraisemblablement besoin d’aide pour assurer son approvisionnement, c’est-à-dire d’effectuer les achats d’utilité courante comme l’épicerie et les services d’utilité courante.
[87] Somme toute, en regard de la grille d’évaluation des besoins d’assistance personnelle et domestique prévue au Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile, ceux de la travailleuse sont :
ANNEXE 1
(a.4, 5, 6 et 8)
[…]
2. GRILLE D’ÉVALUATION DES BESOINS D’ASSISTANCE PERSONNELLE À DOMICILE
2.1 Tableau d’évaluation des besoins d’assistance:
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Encercler le pointage correspondant au besoin d’assistance pour l’exécution de chacune des activités ou tâches suivantes |
A- Besoin d’assistance complète |
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B- Besoin d’assistance partielle |
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C- Aucun besoin d’assistance |
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D- Aucun pointage Inscrire D-1, D-2 ou D-3 |
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Le lever |
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0 |
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Le coucher |
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0 |
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Hygiène corporelle |
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2.5 |
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Habillage |
|
|
0 |
|
Déshabillage |
|
|
0 |
|
Soins vésicaux |
|
|
0 |
|
Soins intestinaux |
|
|
0 |
|
Alimentation |
|
|
0 |
|
Utilisation des commodités du domicile |
|
|
0 |
|
Préparation du déjeuner |
|
|
0 |
|
Préparation du dîner |
|
|
0 |
|
Préparation du souper |
|
|
0 |
|
Ménage léger |
|
0.5 |
|
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Ménage lourd |
1 |
|
|
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Lavage du linge |
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0.5 |
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Approvisionnement |
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1.5 |
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Total
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6 /48 points |
[88] Par ailleurs, avant que la CSST fournisse les effets ayant permis à la travailleuse de s’habiller et de se déshabiller seule, elle obtenait un pointage de 9. En effet, pour chacune des deux tâches, 1.5 point est alloué s’il existe un besoin d’assistance partielle. Or, c’était le cas avant la visite du 7 décembre 2010 de l’ergothérapeute.
[89] Quant aux besoins de surveillance identifiés par le docteur Renaud au plan du « contrôle de soi » et du « contact avec la réalité », la Commission des lésions professionnelles ne les retient pas.
[90] Dans le Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile, ces deux éléments sont décrits :
[…]
Contrôle de soi : la capacité de se comporter adéquatement en fonction des lieux, des personnes, de contrôler son impulsivité ou ses inhibitions pour éviter de se mettre ou mettre un tiers en situation dangereuse ou socialement inacceptable.
Contact avec la réalité : la capacité d’analyser et de résoudre des problèmes de la vie quotidienne, de prendre des décisions raisonnables, sécuritaires et opportunes au plan social, financier et personnel.
[…]
[91] D’une part, durant toute la durée de l’audience, la travailleuse a fait preuve d’un comportement adéquat.
[92] D’autre part, par le passé, il n’y a pas de preuve que la travailleuse s’est placée dans les situations décrites par le règlement. La simple allégation d’oublier parfois des ronds de la cuisinière allumés ne suffit pas pour démontrer ce type de problématique.
[93] De plus, dans son avis du 28 septembre 2010, le Bureau d'évaluation médicale classe le déficit anatomo-physiologique de la travailleuse dans la catégorie des psychoses de groupe III en exposant :
[…]
Malgré l’utilisation d’antidépresseurs d’antipsychotiques, on note la présence de symptômes résiduels significatifs chez madame Sindik ayant des impacts non négligeables sur ses activités de la vie quotidienne.
Clairement, madame a besoin d’approches pharmacologiques à long terme, d’un support de son entourage, il y a risque de récidive et d’hospitalisation dans le futur. Je considère donc que le tableau clinique correspond au groupe 3 des névroses avec un DAP (déficit anatomo-physiologique) à 45 %.
[…]
[94] Ainsi, bien que le Règlement sur le barème des dommages corporels indique que la catégorie de psychose retenue prévoie que le « sujet peut requérir une surveillance occasionnelle », le Bureau d'évaluation médicale n’a pas identifié cette caractéristique au moment d’identifier le déficit anatomo-physiologique. En outre, les limitations fonctionnelles qu’il suggère ne laissent pas voir une atteinte au plan du « contrôle de soi » et du « contact avec la réalité ». Les limitations en cause sont :
[…]
Madame Sindik ne peut occuper d’emploi avec des tâches complexes variées demandant de bonnes capacités de jugement, de décision et de concentration.
Madame Sindik ne peut superviser le travail d’autrui.
Madame ne peut occuper d’emploi exigeant de conduire de véhicule ou de machinerie lourde ou autre appareil pouvant éventuellement mettre sa santé ou sa sécurité en danger ou celle des autres.
Les tâches qui pourraient lui être confiées devraient être simples, routinières, n’exigeant pas un niveau élevé de concentration et n’exigeant pas d’apprentissage complexe.
[…]
[95] Bref, il n’y a pas de raison de conclure à des besoins de surveillance au sens du Règlement sur les normes et barèmes de l’aide personnelle à domicile.
[96] Quant à la date à compter de laquelle une assistance financière pour combler des besoins d’assistance personnelle et domestique est payable, elle ne peut être fixée au jour du dépôt de la réclamation du 6 novembre 2003. En effet, en cette matière, il existe une prescription de trois ans :
[…]
[23] L’examen de la décision du 28 juin 2010 révèle qu’elle constitue non seulement une issue acceptable mais que la C.L.P. s’est bien dirigée en droit et en faits lorsqu’elle a jugé irrecevable les deux réclamations du demandeur afférentes à de l’aide personnelle à domicile.
[24] Le tribunal ne partage pas l’opinion du demandeur qui plaide que le dépôt d’une première réclamation dans le délai de six mois imposé par l’article 271 de la LATMP lui permet ensuite de présenter pendant des années d’autres réclamations, et ce, même 13 ans après un accident du travail comme c’est le cas en l’espèce. Il est vrai que la LATMP est une loi à caractère social qui doit être interprétée de façon libérale mais cela ne dispense pas un travailleur de présenter une réclamation dans le délai imparti. Le dépôt d’une réclamation initiale n’accorde pas au travailleur le droit à vie de réclamer des indemnités ou, comme c’est le cas en l’espèce, le remboursement de frais afférents à l’aide personnelle à domicile.
[25] L’ignorance de la loi ne constitue pas non plus un motif pour présenter une demande de remboursement plus de trois ans suivant l’accident du travail.
[26] Le tribunal souligne que le droit d’obtenir le remboursement de frais d’aide personnelle apparaît au chapitre IV de la Loi qui s’intitule RÉADAPTATION. Cette possibilité de remboursement se situe dans un chapitre distinct de celui du droit à obtenir des indemnités qui se trouvent au chapitre III de la LATMP. La demande d’aide personnelle constitue un recours autonome en vertu de l’article 158 de la LATMP.
[27] De par sa nature, la demande d’aide à la réadaptation s’inscrit normalement de façon concomitante à la réclamation d’indemnités de remplacement du revenu ainsi que les autres indemnités octroyées par la loi. Toutefois, en l’absence d’une disposition claire dans la LATMP quant au délai pour produire une demande découlant du chapitre III de la LATMP, il est raisonnable pour la CLP d’appliquer à titre supplétif la prescription de trois ans édictée à l’article 2925 C.c.Q.
[28] Le tribunal est d’avis que la CLP s’est bien dirigée en droit en concluant qu’il doit y avoir une date butoir pour la présentation d’une demande d’aide personnelle. La CLP écrit :
53. Plusieurs délais sont prévus à la loi pour poser des gestes. On peut y trouver des délais de 5, 10, 15, 30, 45 jours, de 6 mois, 1 an et même 3 ans.
54. Pour donner un sens à la loi, il faut reconnaître qu’il y a des délais sur tout. C’est ce grand nombre de délais prévus à la loi qui permet de retenir les dispositions de l’article 2925 du Code civil pour remédier à l’absence de délai visant les demandes d’aide personnelle. Une telle demande doit être encadrée d’un délai. Le délai de trois ans prévu à l’article 2925 devient un des plus longs délais en matière de demande d’aide personnelle. De plus, ce délai de trois ans ne court qu’à partir de la reconnaissance du droit à la réadaptation.
[29] La CLP a interprété de façon large et libérale la LATMP en retenant un long délai pour la production d’une demande d’aide personnelle puisque d’aucuns auraient pu juger d’imposer le délai de six mois édicté par les articles 271 et 272 de la LATMP.
[30] Le tribunal est d’opinion que la CLP s’est également bien dirigée en droit en décidant qu’il ne pouvait y avoir d’aide à la réadaptation en l’absence d’une demande à cet effet. La CLP écrit :
60. Le Tribunal estime que toute la loi prévoit pour les parties (travailleur et employeur) des droits et des obligations. Pour se faire reconnaître un droit, il faut le demander Le délai de trois ans qui est prévu à l’article 2925 du Code civil doit s’appliquer aux demandes d’allocation faites pour obtenir de l’aide personnelle. Si le travailleur n’a pas à présenter une demande, comment la CSST peut-elle avoir à rendre une décision sur cette question?
[31] S’il en était autrement, ça signifierait qu’un travailleur n’a finalement qu’à aviser qu’il est victime d’un accident du travail et attendre que la CSST choisisse pour lui les indemnités et les remboursements auxquels il a droit. Cette situation serait d’autant incongrue en matière e réadaptation puisque le travailleur reçoit alors des soins, des traitements ou le remboursement de frais qu’il a encourus.
[…][6]
[97] En l’espèce, au nom de la travailleuse, l’assistance financière fut revendiquée pour la première fois au moyen du billet médical du 17 juillet 2009 du docteur Bouchard. Ainsi, tout ce qui précède le 17 juillet 2006 est prescrit.
[98] Par ailleurs, considérant les avis médicaux disponibles en date du 17 juillet 2006, il était acquis que la travailleuse allait conserver une atteinte permanente lui donnant accès à des mesures de réadaptation. Entre autres, le 15 septembre 2004, un Bureau d'évaluation médicale avait conclu à un déficit anatomo-physiologique de 2 % et reconnu une série de limitations fonctionnelles. C’est après la reconnaissance du diagnostic de hernie discale et de la chirurgie du 30 mai 2007 que les séquelles permanentes se sont amplifiées.
[99] En conclusion, pour la période du 17 juillet 2006 au 7 décembre 2010, la travailleuse a droit de recevoir une assistance financière en fonction d’un pointage de 9 sur 48. Après cette période, une fois en possession des effets lui permettant de s’habiller et de se déshabiller seule, elle a droit à une prestation calculée en fonction d’un pointage de 6 sur 48. Seront toutefois à soustraire, en vertu de l’article 162 de la loi, les périodes où l’état de santé de la travailleuse a justifié son hospitalisation.
[100] Pour ces raisons, la première requête de la travailleuse est accueillie en partie. Quant à la seconde, son sort étant réglé par la première, elle devient sans objet.
[101] Finalement, parce que la travailleuse a déménagé et a cessé de vivre avec son conjoint le 26 février 2011, il serait souhaitable que la CSST réévalue les besoins qui sont reconnus au chapitre de l’aide personnelle à domicile.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 397941-05-0912
ACCUEILLE en partie la requête du 18 décembre 2009 de la travailleuse, madame Mladenka Jovanovic;
INFIRME la décision rendue le 16 novembre 2009 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative;
DÉCLARE, pour la période du 17 juillet 2006 au 7 décembre 2010 et en fonction d’un pointage de 9 sur 48, que la travailleuse a droit à une assistance financière pour combler des besoins d’aide personnelle à domicile;
DÉCLARE qu’après le 7 décembre 2010 et en fonction d’un pointage de 6 sur 48 que la travailleuse a droit à une assistance financière pour combler des besoins d’aide personnelle à domicile;
DEMANDE à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de réexaminer, à compter du 26 février 2011, les besoins d’aide personnelle à domicile de la travailleuse.
Dossier 434500-05-1103
DÉCLARE sans objet la seconde requête du 31 mars 2011 de la travailleuse;
DÉCLARE sans effet la décision rendue le 25 mars 2011 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail à la suite d’une révision administrative.
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François Ranger |
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Monsieur Réal Brassard, Consultant |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Isabelle Vachon |
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VIGNEAULT, THIBODEAU, BERGERON |
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Représentante de la partie intervenante |
[1] Jovanovic et Les Laboratoires Shermont inc., C.L.P. 251254-05-0412, 10 novembre 2006, F. Ranger.
[2] (1987) 119 G.O. II, 5576.
[3] (1997) 129 G.O. II, 7365.
[4] L.R.Q., c. A-3.001.
[5] Charron et Marché André Martel inc., [2010] C.L.P. 219 , 245. Confirmée - révision 1er sept. 2011 Anne Vallancourt.
[6] Sinclair c. Commission des lésions professionnelles et Provost Car inc. (Division Novabus) et Commission de la santé et de la sécurité du travail, C. S. Laval, 540-05-007919-107, 18 juillet 2011, j. Emery.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.