Roussy et Entreprises Rodrigue Piquette inc. |
2013 QCCLP 2814 |
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Dossier 459725-09-1201
[1] Le 13 janvier 2012, monsieur Réjean Roussy (le travailleur) dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST) rendue le 21 décembre 2011 à la suite d'une révision administrative.
[2] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu'elle a initialement rendue le 2 août 2011 et déclare que monsieur Roussy n'a pas droit au remboursement des frais reliés aux travaux d'entretien suivants de son domicile : le déneigement, la tonte du gazon, les travaux de peinture, le grand ménage, le ratissage du terrain et la taille des cèdres.
Dossier 461805-09-1202
[3] Le 6 février 2012, monsieur Roussy dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 23 janvier 2012 à la suite d'une révision administrative.
[4] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu'elle a initialement rendue le 1er novembre 2011 et déclare que monsieur Roussy n'a pas subi, le 6 septembre 2011, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 14 juillet 2009.
Dossier 479881-09-1208
[5] Le 15 août 2012, monsieur Roussy dépose à la Commission des lésions professionnelles une requête par laquelle il conteste une décision de la CSST rendue le 31 juillet 2012 à la suite d'une révision administrative.
[6] Par cette décision, la CSST confirme une décision qu'elle a initialement rendue le 23 mai 2012 et déclare que l'emploi de caissier de station libre-service constitue un emploi convenable pour monsieur Roussy, qu'il est capable d’exercer cet emploi à compter du 24 mai 2012 et qu'il a droit à la poursuite du versement de l'indemnité de remplacement du revenu pour une période maximale se terminant le 24 mai 2013 et par la suite, à une indemnité de remplacement du revenu réduite.
[7] La Commission des lésions professionnelles a tenu une audience le 15 avril 2013 à Baie-Comeau en présence de monsieur Roussy et de son représentant ainsi que du représentant de la CSST. Entreprises Rodrigue Piquette inc. (l'employeur) n'était pas représenté.
L’OBJET DES CONTESTATIONS
[8] En ce qui concerne le dossier 459725, monsieur Roussy demande à la Commission des lésions professionnelles de déclarer qu'il a droit au remboursement des frais reliés au déneigement, à la tonte du gazon, aux travaux de peinture et au grand ménage de son domicile.
[9] Il ne réclame plus le remboursement des frais reliés au ratissage du terrain et à la taille des cèdres.
[10] En ce qui concerne le dossier 461805, il demande de déclarer qu'il a subi, le 6 septembre 2011, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 14 juillet 2009.
[11] En ce qui concerne le dossier 479881, il demande de déclarer que l'emploi de caissier de station libre-service ne constitue pas un emploi convenable pour lui.
LES FAITS
[12] Le tribunal retient les éléments suivants des documents contenus au dossier et des témoignages de monsieur Roussy, de madame Nathalie Roussy et de madame Ézelda Bourque.
[13] Le 14 juillet 2009, dans l'exercice de son emploi d'électricien chez l'employeur, monsieur Roussy subit une lésion professionnelle au genou droit en transportant des lampes électriques sur un chantier. Il est âgé de 58 ans au moment de la survenance de cet événement.
[14] La CSST reconnaît au départ une entorse du ligament collatéral interne au genou droit comme lésion professionnelle, puis elle accepte également le diagnostic de déchirure du ménisque interne du genou droit.
[15] Le 2 mars 2010, la docteure Nancy Griffiths, orthopédiste, procède par arthroscopie à une méniscectomie partielle interne et à un débridement articulaire. Elle retient comme diagnostics post-opératoires ceux de déchirure partielle du ménisque interne du genou droit et de chondromalacie au compartiment interne du genou droit. Dans le protocole opératoire, elle décrit une chondromalacie de grade 3 au condyle fémoral, de grade 2 à 3 au plateau tibial et de grade 2 à l'articulation fémoro-patellaire.
[16] Le 21 juillet 2010, la CSST refuse de reconnaître que la chondromalacie est reliée à l'événement du 14 juillet 2009. Cette décision est confirmée à la suite d'une révision administrative le 11 novembre 2010 et monsieur Roussy en appelle à la Commission des lésions professionnelles.
[17] Le 18 octobre 2010, dans un rapport d'information médicale complémentaire écrite, la docteure Griffiths indique que l'entorse et la déchirure méniscale sont consolidées depuis le 2 juin 2010 et qu'il en résulte une atteinte permanente à l'intégrité physique, mais pas de limitations fonctionnelles.
[18] Le 5 janvier 2011, le docteur Jean-Paul Porlier, orthopédiste, produit un rapport d'évaluation médicale dans lequel il accorde une atteinte permanente à l'intégrité physique de 1 % pour la méniscectomie.
[19] Le 25 mars 2011, la CSST donne suite à son rapport et elle établit l'atteinte permanente à l'intégrité physique à 1,10 %.
[20] Le 5 mai 2011, la Commission des lésions professionnelles infirme la décision de la CSST du 11 novembre 2010 et reconnaît comme lésion professionnelle survenue le 14 juillet 2009 une aggravation de la chondromalacie préexistante présente au genou droit de monsieur Roussy.
[21] Le 26 mai 2011, la docteure Griffiths mentionne qu'elle voit monsieur Roussy pour un suivi de la chondromalacie au genou droit. Elle indique que le traitement par Synvisc, cortisone et anti-inflammatoire non stéroïdien a été un échec et qu'elle n'a plus de traitements à lui offrir. Elle consolide la lésion à cette date en concluant qu'elle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles.
[22] Le 23 juin 2011, le docteur Porlier produit un nouveau rapport d'évaluation médicale pour le diagnostic de chondromalacie. Il rapporte les explications suivantes de monsieur Roussy concernant la condition de son genou droit :
Monsieur Roussy nous dit qu'il ne peut pas marcher plus de quinze minutes sur un plancher de ciment ou sur un terrain rocailleux. Il se plaint d'engourdissements et de douleurs de chaque côté de la rotule droite lorsqu'il est en position immobile, soit lorsqu'il doit conduire son véhicule sur de longues distances. Il éprouve des douleurs sous forme d'élancements et de craquements. Il présente de l'œdème de façon intermittente au niveau de son genou droit avec une impression de blocage. Il éprouve beaucoup de difficultés à monter et à descendre les escaliers et à grimper dans les échelles. Il accuse également une boiterie. Il éprouve beaucoup de difficulté à marcher dans la forêt ce qui était une de ses activités préférées en faisant de la petite chasse. Il n'accuse pas de dérobade au niveau du genou droit. Il ne se plaint d'aucune douleur au niveau des hanches, des chevilles et des pieds.
Il peut accomplir ses tâches domestiques et les activités de la vie quotidienne à son rythme cependant.
[23] Dans la description de son examen physique, le docteur Porlier mentionne que les mouvements du genou droit sont complets. L'examen de la rotule droite démontre la présence de craquements rotuliens avec douleurs lors de la pression. Le signe du rabot est positif.
[24] Il accorde 2 % d'atteinte permanente à l'intégrité physique pour un syndrome rotulien (la chondromalacie) et il établit les limitations fonctionnelles suivantes :
Compte tenu d'une chondromalacie au genou droit, il s'agit d'un travailleur qui devra éviter :
- de monter ou descendre fréquemment les escaliers;
- grimper dans les échelles;
- les marches prolongées en terrain accidenté ou glissant;
- les positions instables ou accroupies;
- de rester debout ou de garder la même position plus de 25 à 30 minutes;
- de soulever, porter, tirer des charges de façon fréquente dépassant 20 à 25 kilos.
[25] Dans ses conclusions, le docteur Porlier mentionne que s'il survient une aggravation des symptômes douloureux et une progression de l'arthrose au niveau du genou droit, il faudra peut-être envisager une prothèse totale du genou.
[26] Le 13 juillet 2011, la CSST reconnaît à monsieur Roussy une atteinte permanente à l'intégrité physique de 2,20 % pour la chondromalacie.
[27] Le 28 juillet 2011, elle décide qu'il a droit à la réadaptation et après analyse, la conseillère en réadaptation estime qu'un emploi convenable doit être déterminé ailleurs que chez l'employeur. Monsieur Roussy est dirigé vers une conseillère d'orientation externe, madame Geneviève Truchon.
[28] Le 2 août 2011, la CSST décide que monsieur Roussy n'a pas droit au remboursement des frais reliés aux travaux d'entretien courant de son domicile mentionnés précédemment. Dans son analyse, la conseillère en réadaptation décrit la situation de monsieur Roussy comme suit :
D'abord le t. est un travailleur de la construction et en raison des contrats il a passé une partie de sa vie à l'extérieur de chez lui. En effet, il revenait pour la fin de semaine pour voir sa conjointe. Le t. habite une maison sans sous-sol. Elle comporte 3 chambres à coucher, salon, cuisine et salle de bain. Il a un terrain 80X100 pieds avec 4 cèdres allant de 4 à 8 pieds qu'il doit tailler. Il n'a pas de pente sur sa pelouse. En raison de sa situation de travail, il embauchait quelqu'un pour la tondre environ 7 à 8 fois dans l'été. Pour le déneigement le t. mentionne avoir un très grand terrain. En raison de sa situation professionnelle, il déblayait son entrée les fins de semaine et donnait le reste à contrat. Il faisait le tout à la souffleuse sur une période de 3 hrs. Il déneigeait aussi son patio et les 2 voies d'accès de son domicile. Pour le grand ménage, il lavait les murs, les vitres, les plafonds, les gardes robes et les armoires de cuisine. [sic]
[29] Après avoir référé à des grilles d'exigences physiques que comportent des travaux comme le déneigement, la peinture du plafond et des murs et la tonte du gazon, elle explique les raisons de son refus. Elle considère que les travaux visés par la demande de monsieur Roussy ne vont pas à l'encontre de ses limitations fonctionnelles notamment dans la mesure où il ne s'agit pas de travaux urgents et où il peut adapter l'exécution des tâches à son rythme. Cette décision sera confirmée à la suite d'une révision administrative le 21 décembre 2011, la réviseure reprenant sommairement les raisons invoquées par la conseillère en réadaptation. Il en sera question dans l’exposé des motifs de la décision. Monsieur Roussy portera cette décision en appel à la Commission des lésions professionnelles, d'où l'objet du premier litige.
[30] Les 15 et 25 août 2011, madame Truchon rencontre monsieur Roussy, puis le processus de réadaptation est suspendu en raison d'une réclamation qu'il présente à la CSST pour une récidive, rechute ou aggravation.
[31] Dans son rapport à la conseillère en réadaptation, elle mentionne que monsieur Roussy a 60 ans, qu'il dit détenir une 7ième année, avoir étudié deux ans en électricité et avoir un peu de difficulté avec la lecture et l'écriture et que sur le plan de ses expériences professionnelles, il a occupé uniquement des postes d'électricien en construction pour différents employeurs.
[32] Elle écrit de plus ce qui suit :
[…] Une exploration des métiers reliés au domaine de l'électricité a entre autres eu lieu. Il y aurait le métier d'inspecteur en électricité, mais celui-ci est plutôt rare, c'est-à-dire qu'il y a peu de débouchés. Il a donc été mis de côté. Il y a également les emplois consistant à de l'accueil au comptoir pour des entreprises dans le domaine électrique et les postes reliés à la vente de luminaires. Cependant, Monsieur Roussy ne se dit pas vraiment intéressé par ce genre de métiers où il s'agit beaucoup de travailler dans le public au service à la clientèle.
Par la suite, une exploration a été débutée en regard du métier d'estimateur en électricité de construction. Ce métier demande toutefois de faire des calculs, de lire et écrire et de se servir d'un ordinateur. Monsieur Roussy ne connaît pas du tout les ordinateurs et affirme éprouver un peu de difficulté en lecture et en écriture. Une formation sur mesure pourrait peut-être lui permettre d'acquérir les connaissances et compétences nécessaires afin de pouvoir occuper ce genre d'emploi. L'exploration et la faisabilité de cette option n'ont pas été poussées plus loin étant donné l'arrêt de la démarche. À ce moment, Monsieur Roussy ne se disait pas en accord ni en désaccord avec cette option. [...]
[33] Le 19 septembre 2011, monsieur Roussy présente une réclamation à la CSST pour faire reconnaître la survenance, le 6 septembre 2011, d'une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle de 2009. Il explique que celle-ci est survenue alors qu’il passait la tondeuse.
[34] Sa réclamation est fondée sur un rapport médical produit le 6 septembre 2011 dans lequel la docteure Anne Lachapelle diagnostique une aggravation de la déchirure méniscale au genou droit à la suite d'une torsion du genou. Elle prescrit des médicaments ainsi qu'un arrêt de travail et elle demande un examen par résonance magnétique du genou droit.
[35] Dans ses notes de consultation, elle indique que monsieur Roussy s'est tordu le genou en passant la tondeuse cinq jours plus tôt et que les douleurs au genou se sont aggravées depuis cet événement. Elle note la présence d'un léger œdème et d’une chaleur ainsi que d'une légère boiterie. Les mouvements du genou sont normaux. Elle diagnostique une entorse au genou sur une déchirure méniscale.
[36] Le 1er novembre 2011, la CSST refuse la réclamation de monsieur Roussy. Il n'y a aucune note évolutive au dossier concernant cette décision. Dans la décision qui lui est transmise, on indique qu'il « n'y a pas de lien entre le diagnostic d'aggravation d'une déchirure du ménisque du genou droit post-torsion et l'événement du 14 juillet 2009 ». Cette décision sera confirmée par la CSST à la suite d'une révision administrative le 23 janvier 2012, la réviseure estimant qu'il n'y a aucun élément dans le rapport médical et les notes de consultation du 6 septembre 2009 qui établit un changement dans la condition du genou droit de monsieur Roussy. Ce dernier portera cette décision en appel à la Commission des lésions professionnelles, d'où l'objet du deuxième litige (dossier 461805).
[37] L'examen par résonance magnétique demandé par la docteure Lachapelle est effectué le 6 décembre 2011. Le radiologiste retient les conclusions suivantes :
CONCLUSION :
1. Déchirure oblique de la corne postérieure du ménisque interne et déchirure verticale de la corne moyenne.
2. Désinsertion méniscocapsulaire avec subluxation de la corne moyenne et antérieure du ménisque interne.
3. Kyste mucineux accolé à la corne postérieure du ménisque interne relié à la déchirure et à la dégénérescence méniscale.
4. Entorse du ligament croisé antérieur sans déchirure.
[38] Aux fins de comparaison, le 23 octobre 2009, un examen par résonance magnétique du genou droit demandé par la docteure Lachapelle avait été interprété de la façon suivante par le même radiologiste :
CONCLUSION :
1. Déchirure oblique de la corne postérieure du ménisque interne avec dégénérescence méniscale à la corne postérieure et à la corne moyenne.
2. Subluxation de la corne moyenne et de la corne antérieure du ménisque interne secondaire à une désinsertion méniscocapsulaire.
3. Bursite de la patte d'oie.
4. Déchirure partielle du ligament collatéral interne.
[39] Le 7 mars 2012, la docteure Griffiths revoit monsieur Roussy. Elle note que l'examen par résonance magnétique n'a pas révélé d'aggravation de la déchirure méniscale et elle retient de son examen physique que la condition du genou droit ne s'est pas aggravée. Elle recommande la reprise d'un travail comportant des tâches modifiées.
[40] Le 22 mai 2012, la docteure Annie Lebel produit un rapport final dans lequel elle diagnostique, en relation avec l'événement survenu le 2 septembre 2011, une entorse du ligament croisé antérieur sur une chondromalacie chronique exacerbée. Elle consolide la lésion au 7 mars 2012 en indiquant qu'elle entraîne une atteinte permanente à l'intégrité physique et des limitations fonctionnelles.
[41] La CSST a repris le processus de réadaptation professionnelle à la fin du mois de novembre 2011, soit après sa décision de refus de la récidive, rechute ou aggravation alléguée du 6 septembre 2011.
[42] Les 12 et 31 janvier 2012, monsieur Roussy rencontre madame Annie Dompierre, conseillère d'orientation du même service d'orientation que madame Truchon. Dans son rapport à la conseillère en réadaptation, après avoir mentionné que monsieur Roussy n'est pas intéressé par un emploi de commis au comptoir dans le domaine électrique, par un emploi requérant une formation ni par le service à la clientèle ou la vente, elle écrit ce qui suit :
Considérant le fait que le travailleur ne soit pas intéressé par aucune avenue, nous l'avons questionné à nouveau sur ses intentions. Après échange avec le client, il a admis que sa préoccupation principale était de connaître les impacts financiers dans l'éventualité où il optait pour une retraite. Nous avons donc référé le client à son agente en réadaptation afin qu'il puisse avoir des réponses à ses questions et ainsi prendre une décision éclairée.
Des échanges ont donc eu lieu entre madame Brisson, monsieur Roussy ainsi que son représentant syndical. Il semble que Monsieur Roussy n'était pas intéressé à venir travailler à Baie-Comeau à un salaire minimum, et ce, malgré la compensation financière pour la perte de revenu. Compte tenu de la situation, les métiers disponibles dans sa localité ont été explorés afin de cibler ce qui était possible pour le travailleur.
[43] Elle recommande de retenir l'emploi de caissier de station libre-service qui existe à Baie-Trinité, localité où demeure monsieur Roussy. Elle indique qu'après recherche, elle a identifié trois employeurs qui affichent des offres d'emploi dans la région, sans plus de précisions sur la localisation de ces employeurs. Madame Dompierre mentionne de plus que cet emploi demande notamment, comme capacités physiques, de pouvoir travailler assis, debout et en marche, faisant référence implicitement à la fiche Repères.
[44] Dans son analyse du caractère convenable de cet emploi, après avoir rappelé les limitations fonctionnelles établies par le docteur Porlier, la conseillère en réadaptation évalue la capacité résiduelle de monsieur Roussy à faire ce travail dans les termes suivants :
L'emploi convenable est donc tout à fait compatible avec les charges à soulever et les changements de posture. Il n'y a pas de terrain accidenté dans le travail et ce dernier n'exige pas de faire des tâches dans des positions instables et accroupies ni même de grimper dans des échelles. Enfin, comme il s'agit de station libre service, il n'y a pas de marche dans ce genre dans ce genre de milieu. Le t. a donc la capacité physique de faire le travail. [sic]
[45] Le 31 juillet 2012, la CSST confirme cette décision à la suite d'une révision administrative, le réviseur considérant que l'emploi de caissier de station libre-service ne contrevient pas aux limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle de monsieur Roussy. Ce dernier a porté cette décision en appel à la Commission des lésions professionnelles, d'où l'objet du troisième litige (dossier 479881).
[46] Le 8 mars 2013, la CSST reconnaît que monsieur Roussy a subi une récidive, rechute ou aggravation le 1er novembre 2012 de sa lésion professionnelle de 2009, et ce, pour le diagnostic de gonarthrose au compartiment interne du genou droit. Cette récidive, rechute ou aggravation est survenue alors qu’il montait ou descendait[1] l’escalier extérieur de quatre marches de sa résidence. La docteure Griffiths a prescrit le port d’une orthèse de décharge.
[47] Lors de son témoignage, monsieur Roussy a rappelé qu’il a une scolarité de niveau 7ième année et qu’il a toujours travaillé comme électricien sur des chantiers de construction.
[48] Il explique de plus qu'il a toujours habité Baie-Trinité et que mis à part deux projets réalisés en 1981 et en 1987, il a toujours travaillé à l'extérieur, généralement à Baie-Comeau, à Port-Cartier ou à Sept-Îles. Lorsqu'il travaillait à Baie-Comeau et à Port-Cartier, il faisait le trajet aller-retour chaque jour. À Sept-Îles, il demeurait sur place la semaine. Il a aussi travaillé trois mois à Fermont, six mois à Amos et trois mois à Québec.
[49] Il explique qu'il ressent toujours des douleurs et de la chaleur au genou droit, que ses douleurs augmentent lorsqu'il accomplit des activités trop rapidement, ce qui l'oblige alors à appliquer de la glace et à prendre du Tylenol, et qu'il ne peut pas marcher longtemps ni travailler accroupi ou à genoux.
[50] Il affirme de plus qu'il a de la difficulté avec la lecture et les mathématiques, qu'il n'a jamais utilisé une caisse enregistreuse ou un ordinateur. Il a un ordinateur chez lui, mais il est utilisé par sa conjointe.
[51] Il se voit difficilement exercer un autre emploi que celui d'électricien, mais il pourrait être intéressé par un emploi dans ce domaine, autre que celui d'estimateur en électricité pour lequel il ne se sent pas qualifié.
[52] Madame Nathalie Roussy est la fille de monsieur Roussy. Depuis 14 ans, elle travaille comme gérante d'un magasin Alimentation Couche-Tard à Baie-Comeau qui est un dépanneur comportant une station libre-service. Lors de son témoignage, elle explique que tous les préposés au service à la clientèle qui sont des caissiers sont appelés à travailler à la fois à la caisse et dans le magasin.
[53] À leur embauche, les préposés doivent signer un document intitulé Politiques et procédures préposé dans lequel sont énoncées certaines règles concernant l'exercice du travail. On peut y lire notamment la règle suivante :
L'employé a l'obligation de travailler debout et ce, pour toute la durée de son quart de travail.
[54] Elle explique que le préposé doit faire le remplissage, la rotation et le ménage des réfrigérateurs à bière, à liqueur, à contenants de lait et que pour laver ou remplir les tablettes du bas des réfrigérateurs, il doit s'accroupir ou se mettre à genoux. Il doit aussi utiliser un petit escabeau comportant deux marches pour aller chercher des cartouches de cigarettes sur les plus hautes tablettes ou un escabeau normal pour prendre des produits sur les étagères de l'entrepôt. À ce stade de son témoignage, monsieur Roussy a indiqué qu'il mesurait 5 pieds et 4 pouces.
[55] Madame Roussy estime qu'il est impossible d’effectuer ce travail en alternant les positions assise et debout parce que même s’il était possible de ne travailler qu’au comptoir, lequel a une longueur de 12 pieds, il faut continuellement se déplacer pour aller à la caisse enregistreuse, à la machine de Loto-Québec, à la console de l'essence ou encore à celle des permis de chasse ou de pêche.
[56] En réponse à une question du représentant de la CSST, madame Roussy explique que pendant le quart de jour, deux employés, dont elle-même, sont présents et que durant les quarts de soir et de nuit, il n'y a qu'un seul préposé pour exécuter toutes les tâches.
[57] Madame Ézelda Bourque est la conjointe de monsieur Giroux. Elle travaille depuis 10 ans comme caissière dans un dépanneur Boni-Soir à Baie-Trinité qui comporte une station libre-service.
[58] Son témoignage va dans le même sens que celui de madame Bourque, à savoir qu'elle travaille tout le temps debout et qu'elle n'a pas le temps de s'assoir parce qu'il y a continuellement quelque chose à faire, comme remplir ou nettoyer les tablettes et les réfrigérateurs, faire le ménage de la salle de bain, aller chercher des produits dans l'entrepôt, etc. Elle explique aussi que pour atteindre la dernière tablette des cartouches de cigarettes, elle doit utiliser un petit escabeau de deux marches.
L’AVIS DES MEMBRES
[59] En ce qui concerne le dossier 459725, le membre issu des associations d’employeurs est d'avis que la requête doit être accueillie en partie seulement et le membre issu des associations syndicales est d'avis qu'elle doit être accueillie.
[60] Ils estiment d'abord que monsieur Roussy aurait normalement effectué le déneigement et la tonte du gazon, n’eût été de ses conditions particulières de travail qui l’obligeaient parfois à résider à l’extérieur de Baie-Trinité pendant la semaine.
[61] Ils considèrent que monsieur Roussy a droit au remboursement des frais reliés au déneigement puisqu'il s'agit d'une tâche qui peut devoir être accomplie rapidement et que dans ce contexte, elle est incompatible avec la limitation fonctionnelle voulant qu'il évite de rester debout plus de 25 minutes. Au surplus, ils tiennent compte du fait que dans ses Grilles d’exigences physiques, la CSST considère que l'utilisation d'une souffleuse comporte des exigences physiques élevées pour les genoux.
[62] Ils considèrent de plus que monsieur Roussy a droit au remboursement des frais reliés à la peinture de son domicile puisque cette activité implique de grimper dans un escabeau, ce qui est contraire à la limitation fonctionnelle voulant qu'il évite de grimper dans une échelle.
[63] Leur avis diverge sur les frais reliés à la tonte du gazon et au grand ménage. Le membre issu des associations d'employeurs estime que monsieur Roussy n'a pas droit aux frais reliés à la tonte du gazon parce qu'il estime que cette activité pouvait être faite par étape, sans enfreindre la limitation fonctionnelle concernant la marche, au moment où la demande a été faite. Il convient que la situation pourra être différente à la suite de la consolidation de la récidive, rechute ou aggravation de novembre 2012. En ce qui a trait au grand ménage, il considère que la preuve est insuffisante pour établir que monsieur Roussy a droit au remboursement de ces frais.
[64] Le membre issu des associations syndicales est d'avis que la condition du genou droit de monsieur Roussy justifie de lui accorder le droit au remboursement des frais reliés à la tonte du gazon et au grand ménage.
[65] En ce qui concerne le dossier 461805, le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête doit être rejetée.
[66] Ils considèrent que l’entorse du ligament croisé antérieur du genou droit ne constitue pas une lésion professionnelle parce qu’elle ne concerne pas le site de la lésion professionnelle du 14 juillet 2009 et qu’elle est survenue dans l’accomplissement d’une activité personnelle.
[67] En ce qui a trait à la déchirure méniscale et à la chondromalacie, ils considèrent que la preuve médicale ne démontre pas la survenance, le 6 septembre 2011, d’une détérioration significative de la condition du genou droit de monsieur Roussy. Ils retiennent notamment l’opinion émise par la docteure Griffiths le 7 mars 2012.
[68] Ils concluent que monsieur Roussy n’a pas subi, le 6 septembre 2011, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 14 juillet 2009.
[69] En ce qui concerne le dossier 479881, le membre issu des associations d’employeurs et le membre issu des associations syndicales sont d’avis que la requête doit être accueillie.
[70] Ils retiennent de la preuve prépondérante au dossier que l’emploi de caissier de station libre-service implique de travailler constamment en position debout et parfois en position accroupie ou à genoux ou encore dans un escabeau, ce qui ne respecte pas la capacité résiduelle de monsieur Roussy et est incompatible avec les limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.
[71] Ils concluent que l’emploi de caissier de station libre-service ne constitue pas un emploi convenable pour monsieur Roussy, que la CSST doit déterminer un nouvel emploi convenable pour ce dernier et qu’il a droit, entretemps, à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
LES MOTIFS DE LA DÉCISION
[72] La Commission des lésions professionnelles est appelée à se prononcer sur le droit de monsieur Roussy au remboursement de frais de travaux d’entretien courant du domicile, sur la survenance, le 6 septembre 2011, d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 14 juillet 2009 et sur l’emploi convenable de caissier de station libre-service.
Le droit au remboursement de frais de travaux d’entretien courant du domicile (dossier 459725)
[73] La demande de monsieur Roussy vise le remboursement des frais reliés au déneigement, à la tonte du gazon, à la peinture et au grand ménage.
[74] Le remboursement des frais d’entretien courant du domicile est prévu par l’article 165 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[2] (la loi), lequel se lit comme suit :
165. Le travailleur qui a subi une atteinte permanente grave à son intégrité physique en raison d'une lésion professionnelle et qui est incapable d'effectuer les travaux d'entretien courant de son domicile qu'il effectuerait normalement lui-même si ce n'était de sa lésion peut être remboursé des frais qu'il engage pour faire exécuter ces travaux, jusqu'à concurrence de 1 500 $ par année.
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1985, c. 6, a. 165.
[75] Le caractère grave de l'atteinte permanente s'apprécie, selon la jurisprudence[3], en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à effectuer le travail d'entretien courant du domicile pour lequel il demande un remboursement, ce qui ne réfère pas comme telle à l'atteinte permanente à l'intégrité physique, mais plutôt aux limitations fonctionnelles qui résultent de sa lésion professionnelle.
[76] Dans la décision du 21 décembre 2011 qui est contestée, la réviseure justifie le refus d’accorder à monsieur Roussy le droit au remboursement des frais des travaux d’entretien qu’il réclame par les raisons suivantes :
[...]
La Révision administrative doit évaluer la capacité du travailleur à effectuer les différents travaux d’entretien contestés. Pour ce faire, la Commission dispose de tableaux d’analyse auxquels la Révision administrative se réfère. Ainsi, nous devons tenir compte des exigences physiques reliées aux activités à réaliser en regard de l’atteinte permanente et des limitations fonctionnelles reconnues en relation avec la lésion professionnelle.
Pour le déneigement (du stationnement principal et des deux voies de sortie de la résidence), la Révision administrative doit considérer que le travailleur n’effectuait qu’une partie de cette tâche, soit durant les fins de semaine puisqu’il travaillait à l’extérieur la semaine et que cette tâche était alors donnée à contrat. Après avoir mis en parallèle les limitations fonctionnelles du travailleur et les exigences physiques, la Révision administrative conclut qu’il n’est pas démontré une incapacité à réaliser les travaux d’entretien de déneigement à la pelle ni à la souffleuse. Quoique la souffleuse exige un effort musculaire élevé pour les genoux, il n’en demeure pas moins que cette tâche respecte ses limitations fonctionnelles. Par ailleurs, le travailleur doit adapter ses méthodes de travail à sa capacité et à cet effet, il peut effectuer cette tâche à son rythme en ne l’effectuant pas sur des périodes de plus de 25 à 30 minutes.
Pour ce qui est de la tonte du gazon, il faut également considérer que le travailleur n’effectuait qu’une partie de cette tâche, soit durant les fins de semaine puisqu’il travaillait à l’extérieur la semaine et que cette tâche était alors donnée à contrat. La Révision administrative, après avoir mis en parallèle, les limitations fonctionnelles du travailleur et les exigences physiques de cette tâche, conclut qu’il n’est pas démontré une incapacité à réaliser les travaux d’entretien de tonte du gazon. Elle retient qu’il peut effectuer cette tâche à son rythme sur des périodes n’excédant pas 25 à 30 minutes et que le poids pour pousser la tondeuse n’excède pas les 20 kg.
[…]
En ce qui concerne la peinture, la Révision administrative, après avoir mis en parallèle les limitations fonctionnelles du travailleur et les exigences physiques, conclut qu’il n’est pas démontré une incapacité à réaliser les travaux d’entretien de peinture intérieure. Le travailleur doit adapter ses méthodes de travail à sa capacité. À cet effet, il peut effectuer cette tâche à son rythme et en alternant les positons debout, assis (sur un petit banc et même au sol), à genoux, et à genoux et assis sur ses talons. La Révision administrative est d’avis que l’utilisation d’un escabeau ne contrevient pas à ses limitations fonctionnelles. De plus, comme le souligne la conseillère en réadaptation, pour le découpage des murs-plafond, le travailleur peut utiliser un tampon à bordure (pour éviter l’utilisation d’un escabeau. Il pourrait également monter sur une table solide ou sur une chaise.
Pour ce qui est du grand ménage, la Révision administrative, après avoir mis en parallèle les limitations fonctionnelles du travailleur et les exigences physiques, conclut qu’il n’est pas démontré une incapacité à réaliser ces travaux d’entretien. La Révision administrative retient que le travailleur doit adapter ses méthodes et ses équipements de travail à sa capacité. À cet effet, il peut utiliser une vadrouille avec un manche pour le plafond et le haut des murs. Le bas des murs peut se faire assis (sur un petit banc et même au sol), à genoux, et à genoux et assis sur ses talons. Le déplacement de charges, de façon fréquente, dépassant 20 à 25 kilos peut être évité en étalant la tâche dans le temps. [sic]
[77] Concernant l’utilisation de la souffleuse, la conseillère en réadaptation avait motivé son refus de reconnaître à monsieur Roussy le droit au remboursement de ces frais par les considérations suivantes :
D'abord il faut tenir compte d'un aspect dans l'analyse de la capacité de la tâche: son degré d'urgence. En effet, le t. faisait le déneigement exclusivement en contexte de congé comme les fins de semaines ou pour des plus longs congés en absence de contrat pour permettre à sa conjointe d'aller travailler. Il pouvait donc le faire à son rythme puisqu'il n'y avait pas d'urgence à le faire. De plus, lorsqu'il n'était pas présent, il embauchait quelqu'un pour le faire à sa place.
Dans ce contexte, l'utilisation de la souffleuse, même si l'exigence physique est élevée, les limitations fonctionnelles sont respectées: la surface ne peut être considérée comme accidentée ou glissante (le t. est derrière la souffleuse qui fait "une trace" dans la neige et il peut mettre des semelles antidérapantes si c'est glissant pour se sécuriser). Concernant la marche prolongée ou le changement de position, le t. peut adapter la tâche à son rythme; bien que la souffleuse pèse plus de 50 lbs, la force pour la pousser au sol ne dépasse pas ce poids en raison d'un système de traction automatique qui la rend facile à pousser. Enfin le t. n'a pas à travailler en position instable, ni dans des échelles, ni de monter ou descendre fréquemment les escaliers et ni même à travailler en position accroupie. [sic]
[78] La conseillère en réadaptation énonce des raisons similaires pour la tonte du gazon, la peinture et le grand ménage, soit que ce ne sont pas des travaux qui doivent être exécutés de manière urgente, que monsieur Roussy peut adapter sa façon de les accomplir pour tenir compte de ses limitations fonctionnelles et que dans ce contexte, celles-ci sont respectées.
[79] Les exigences physiques auxquelles réfère la réviseure et la conseillère en réadaptation sont mentionnées dans un document émanant de la CSST qui est intitulé Grilles d’exigences physiques[4].
[80] Selon la jurisprudence, la Commission des lésions professionnelles peut référer à cette grille à titre indicatif, mais elle n’est pas liée par celle-ci puisqu’il s’agit d’une politique interne de la CSST. Dans la décision Laporte et Fibres Armtex inc. (Div. Laminés)[5], la juge administrative écrit à ce sujet :
[25] La preuve révèle également que le travailleur exécutait lui-même les travaux de tonte du gazon avant la deuxième rechute survenue à l’automne 2000. La CSST refuse d’octroyer le remboursement des frais pour la tonte du gazon en se basant sur « la grille d’analyse des exigences physiques » pour cette tâche, grille qui ne lie évidement [sic] pas la Commission des lésions professionnelles puisqu’elle relève plutôt des politiques internes de la CSST. Le tribunal peut certes y référer, mais à titre indicatif seulement. Il faut d’ailleurs remarquer que certains commentaires émis à cette grille précisent que celle-ci a été établie en fonction d’un résultat objectif obtenu lors d’une étude menée auprès d’une population en bonne santé et que ces exigences physiques ont été établies de façon prudente afin de tenir compte des limitations fonctionnelles qui peuvent être reconnues aux travailleurs. Il est évident en l’espèce que l’on n’a pas affaire à une personne en bonne santé physique et qu’il faut faire certaines adaptations pour évaluer la lourdeur des tâches.
[81] En fait, il faut tenir compte de la situation particulière et réelle du travailleur. Dans la décision Desjardins et Distribution Vital Desjardins inc.[6] (la décision Desjardins), la juge administrative écrit à ce sujet :
[45] La loi ne définit pas ce qu’est une atteinte permanente grave. Cependant, plusieurs décisions de la Commission d’appel en matière de lésions professionnelles et de la Commission des lésions professionnelles traitent du sujet6.
[46] De ces nombreuses décisions, le tribunal retient que le caractère grave d’une atteinte permanente s’analyse en tenant compte de la capacité résiduelle du travailleur à exercer les activités visées par l’article 165 de la loi. Ce faisant, le pourcentage de l’atteinte permanente n’est pas le seul critère d’analyse. Cette analyse doit tenir compte de la situation particulière et réelle du travailleur et ce, tant en ce qui concerne sa condition physique qu’en ce qui a trait aux activités d’entretien courant réalisées. La notion d’atteinte permanente grave peut donc s’avérer être une notion très relative. En fait, comme l’indique la Commission des lésions professionnelles dans l’affaire Barette et C.H. Ste-Jeanne-D’Arc7 pour un même travailleur, il est possible de conclure à l’existence d’une atteinte permanente grave eu égard à certaines activités visées par l’article 165 de la loi alors qu’il peut en être autrement pour d’autres activités.
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6 Chevrier et Westburn ltée, C.A.L.P. 161175-08-8912, 25 septembre 1990, M. Cuddihy; Bouthillier et Pratt & Whitney Canada inc., [1992] C.A.L.P. 605 ; Boileau et Centres jeunesse de Montréal, C.L.P. 103621-71-9807, 1er février 1999, A. Vaillancourt; Dion et Emballages Stone Canada inc., C.L.P. 119716-32-9907, 2 février 2000, G. Tardif; Filion et P.E. Boisvert auto ltée, C.L.P. 110531-63-9902, 15 novembre 2000, M. Gauthier; Lalonde et Mavic Construction, C.L.P. 146710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois; Cyr et Thibault et Brunelle, C.L.P. 165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture; Rivard et Autobus Baribeau et fils ltée, C.L.P. 197209-04-0301, 12 mars 2003, D. Lajoie; Barette et C.H. Ste-Jeanne-D’Arc, [2004] C.L.P. 685 ;
7 Précitée, note 6.
[82] Si, dans l’appréciation de la capacité résiduelle d’un travailleur à accomplir des travaux d’entretien courant de son domicile, on peut exiger que celui-ci fasse preuve d’une certaine adaptation pour tenir compte de sa condition, il y a toutefois une limite à ne pas franchir. Il faut que l’adaptation permette une exécution réaliste de la tâche à accomplir. Dans la décision Boucher et Office municipal d'habitation de Laval[7], la juge administrative écrit à ce sujet :
[33] Ainsi, pour ce qui est de l’entretien du terrain, le travailleur a témoigné que cette tâche prend environ trois heures étant donné que le terrain n’est pas plat et que les arbres qui s’y trouvent ajoutent à la difficulté de la tâche.
[34] Or, il n’apparaît pas réaliste de déclarer que le travailleur peut entretenir un tel terrain en s’arrêtant toutes les dix minutes pour se reposer ou encore qu’il peut le faire à son propre rythme.
[35] Dans l’évaluation de la capacité du travailleur à exécuter une telle tâche, il convient de s’assurer que l’exécution ne relève pas d’un non-sens. Cela signifie qu’un travailleur qui a subi une lésion professionnelle n’est pas obligé de multiplier les heures passées à entretenir son terrain par la prise d’un repos toutes les dix minutes afin de respecter ses limitations fonctionnelles. À la limite, un tel raisonnement aboutit à l’effet contraire qui est recherché soit éviter la répétition ou la fréquence d’activités qui sont nocives pour la condition physique du travailleur.
[36] Ce raisonnement s’applique également aux travaux de peinture du domicile. L’alternance de posture évoquée par la CSST s’explique difficilement lorsque vient le temps de peindre les pièces d’une maison de la superficie du travailleur.
[83] Dans le cas de monsieur Roussy, le fait qu’il faisait déneiger son entrée lorsqu’il ne pouvait pas le faire ne justifie pas de conclure qu’il n’effectuerait pas lui-même ces travaux puisque c’est en raison de ses conditions de travail particulières que cette situation existait et que celle-ci n'existe plus depuis la survenance de sa lésion professionnelle. La preuve établit que lorsqu’il le pouvait, il effectuait le déneigement. Il ne s’agit donc pas du cas du travailleur qui pouvait effectuer le déneigement, mais qui ne le faisait pas pour différentes raisons.
[84] Le déneigement du stationnement prend normalement trois heures et il peut arriver des circonstances où cette tâche doit être exécutée assez rapidement. Il n’est pas réaliste d’exiger de la part de monsieur Roussy qu’il s’arrête régulièrement aux 25 minutes pour ne pas enfreindre ses limitations fonctionnelles. De plus, même si la souffleuse est munie d'un système de traction automatique, il peut arriver, comme le plaide le représentant de monsieur Roussy, qu'elle doive être déplacée manuellement parce qu'elle est coincée. Enfin, la CSST reconnaît elle-même dans ses Grilles d’exigences physiques que l’utilisation d'une souffleuse comporte des exigences physiques élevées pour le genou.
[85] Ces considérations justifient de reconnaître à monsieur Roussy le droit au remboursement des frais du déneigement.
[86] Il en va autrement des frais de tonte du gazon puisqu'il s'agit d'un terrain plat qui ne comporte aucune pente et peu d'obstacles, monsieur Roussy ayant indiqué à l'audience qu'il ne restait qu'un ou deux cèdres. Dans ce contexte, cette activité peut très bien être réalisée en plusieurs étapes en respectant la limite de 25 minutes de maintien de la position debout. Le fait que la condition du genou droit de monsieur Roussy se soit aggravée en septembre 2011 n'est pas relié en soi au fait qu'il passait la tondeuse, mais cette situation résulte plutôt de la survenance d'un nouvel événement qui a consisté en une torsion de son genou.
[87] Le tribunal estime que monsieur Roussy n'a pas droit au remboursement des frais de tonte du gazon, à tout le moins en tenant compte de la situation qui prévalait au moment de la demande. Il pourra en être autrement à la suite de la consolidation de la dernière récidive, rechute ou aggravation du 1er novembre 2012.
[88] En ce qui a trait aux travaux de peinture, le tribunal peut difficilement imaginer comment une personne qui peinture une pièce d’une maison peut alterner à son goût les positions assise et debout. Ce n’est pas de cette manière que s’exécute la peinture d’une pièce. De plus, le découpage du haut des murs et des plafonds implique habituellement de grimper et de descendre d'un escabeau à plusieurs reprises.
[89] Considérer que monsieur Roussy peut travailler dans un escabeau puisqu’il ne s’agit pas d’une échelle résulte d’une interprétation très restrictive de la limitation fonctionnelle qui mentionne qu’il doit éviter de grimper dans une échelle. Lors de l’audience, son représentant a déposé une définition du dictionnaire Le Petit Robert qui définit un escabeau comme étant un « marchepied à quelques degrés dont on se sert comme d’une échelle ».
[90] En référant aux définitions des dictionnaires et à de la jurisprudence[8], le représentant de la CSST soumet que le terme « éviter » signifie que l'activité visée par la limitation fonctionnelle peut être faite à l'occasion.
[91] La jurisprudence est divisée sur l’interprétation du terme « éviter ». Dans la décision Berreondo Gamez et Immeubles Carré du commerce inc.[9] (la décision Berreondo Gamez), la juge administrative écrit à ce sujet :
[39] Bien qu'il soit généralement admis que le terme « éviter » signifie selon le sens usuel « s’abstenir » ou « ne pas faire » ou « se garder de », il existe une divergence dans la jurisprudence de la Commission des lésions professionnelles portant sur l’interprétation du terme « éviter ».
[40] Un premier courant de jurisprudence interprète le terme « éviter » comme signifiant « ne pas faire »2. Selon l’autre courant de jurisprudence3, le terme « éviter » ne signifie pas une interdiction et signifie plutôt que le geste qui doit être évité peut être posé à l’occasion.
[41] La soussignée retient que la première interprétation est conforme à l'objectif des limitations fonctionnelles qui est d'éviter, pour un travailleur fragilisé par une lésion professionnelle, le risque de blessure. Éviter ne signifie pas « peut le faire à l’occasion » ou « faire une chose avec prudence ».
[42] Il est évident que dans certaines situations incontournables et inévitables, un travailleur ne puisse avoir d'autre alternative que de poser un de ces gestes. Il convient aussi de nuancer lorsque le mot « éviter » est accompagné des termes « de façon répétitive ou fréquente ». Les gestes en cause seront dans ces circonstances, restreints et non interdits par les limitations fonctionnelles. Ce n'est pas le cas en l'occurrence.
__________
2 Otis et Industries Davie inc., C.L.P. 140431-03B-0006, 23 novembre 2000, C. Lavigne; Lefebvre et Les Contrôles L.E.M. inc.,C.L.P. 150493-63-0011, 16 août 2001, R.-M. Pelletier; Roy et Le Groupe Canam Manac inc., C.L.P. 151700-03B-0012, 24 octobre 2001, R. Savard; Charette et GEC Alsthom T & D inc., C.L.P. 149426-62, 26 février 2002, É. Ouellet; Valle et Christina Amérique inc., C.L.P 200768-71-0303, 17 février 2005, L. Landriault; Chassé et Oriac Tranport inc. (F), C.L.P. 226198-62B-0402, 14 septembre 2009, M.-D. Lampron; Gaudet et Structure Lanaudière inc., C.L.P. 231135-63-0403, 4 avril 2005, F. Dion-Drapeau; Sansoucy et Signalisation J.P. 2000 inc., C.L.P. 234341-62B-0405, 30 mai 2005, M. D. Lampron; Chénier et Wal-Mart Canada inc., C.L.P. 284607-07-0603, 3 juillet 2008, M. Langlois; Chênevert et Frabrique JML enr., C.L.P. 336388-63-0712, 27 novembre 2008, L. Morissete; Blais et Pneus Métro inc.., C.L.P. 389566-01C-0909, 11 février 2010, Y. Cavanagh.
3 Guité et Simmons Canada inc., C.L.P. 165521-72-0107, 01-10-01, Y. Lemire; Beaudoin et Agence de sécurité St-Jérôme (fermé), C.L.P. 186939-64-0206, 7 juillet 2006, J.-F. Martel; Morasse et Produits Chemcraft inc., C.L.P. 336832-04B-0801, 8 août 2008, L. Collin; Fortin et Lambert Somec inc., C.L.P. 322088-63-0707, 11 septembre 2008, I. Piché; Y… L… et Compagnie A, C.L.P. 328847-05-0709, 12 janvier 2009, M.-C. Gagnon; Latulippe et Winners Merchants inc., C.L.P. 369285-62-0902, 17 mai 2010, D. Lévesque; Paquin et Normand St-Onge inc., C.L.P. 396637-04-0912, 25 juin 2010, J. A. Tremblay; Proulx et Isolation Clermont enr., C.L.P. 405982-02-1003, 24 septembre 2010, J. Grégoire.
[sic]
[92] Avec respect, le soussigné estime que l'interprétation voulant que « éviter » signifie ne pas accomplir au maximum l'activité visée par la limitation fonctionnelle doit être privilégiée dans la mesure où celle-ci a été établie en tenant compte du fait que l'accomplissement de l'activité en question était susceptible d'aggraver la condition du travailleur, voire de causer une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion.
[93] Lors de son argumentation, le représentant de la CSST a signalé que monsieur Roussy demeurait capable de monter des marches parce que sa maison comporte un escalier de quatre marches. Comme l'indique la juge administrative dans la décision Berreondo Gamez, il s'agit là d'une activité incontournable et qui, par ailleurs, ne s'accomplit pas à la même fréquence que celle consistant à monter et à descendre d'un escabeau lors de la peinture d'une pièce d'une maison.
[94] Le tribunal conclut que monsieur Roussy a droit au remboursement des frais reliés à la peinture de sa maison.
[95] En ce qui concerne le grand ménage, aucune preuve particulière n'a été soumise lors de l'audience et le tribunal estime que les déclarations qu'il a faites à la conseillère en réadaptation demeurent insuffisantes pour établir qu'il effectuait seul toutes les tâches que comporte le grand ménage de sa maison ou, si ce n'était pas le cas, pour identifier celles qu'il accomplissait.
[96] Après considération de la preuve au dossier, des arguments soumis par les représentants des parties et de la jurisprudence sur la question, la Commission des lésions professionnelles en vient donc à la conclusion que monsieur Roussy a droit au remboursement des frais reliés au déneigement et aux travaux de peinture, sous réserve de la production de pièces justificatives, et qu'il n'a pas droit remboursement des frais reliés à la tonte du gazon et au grand ménage de son domicile.
La récidive, rechute ou aggravation du 6 septembre 2011 (dossier 461805)
[97] Pour pouvoir conclure à la survenance d'une récidive, rechute ou aggravation d'une lésion professionnelle, la preuve prépondérante doit établir, d’une part, qu'il existe une relation entre la lésion initiale et celle diagnostiquée lors de la récidive, rechute ou aggravation alléguée et d’autre part, que l'état de santé du travailleur s'est détérioré de manière significative depuis la consolidation de la lésion initiale[10].
[98] Dans le cas de monsieur Roussy, trois diagnostics doivent être pris en considération, soit celui d’aggravation de la déchirure méniscale posé par la docteure Lachapelle dans le rapport médical du 6 septembre 2011 et ceux d’entorse du ligament croisé antérieur et de chondromalacie chronique exacerbée posés par la docteure Lebel dans le rapport final du 22 mai 2012.
[99] Dès le départ, le diagnostic d’aggravation de la déchirure méniscale doit être écarté parce que l’examen par résonance magnétique du 6 décembre 2011 n’a pas confirmé cette aggravation, comme l’indique la docteure Griffiths dans sa note de consultation du 7 mars 2012.
[100] En ce qui concerne l’entorse du ligament croisé antérieur qui s’est produite à la suite d’une torsion du genou droit, il ne peut s’agir d’une récidive, rechute ou aggravation de la lésion professionnelle du 14 juillet 2009, car même s’il s’agit du genou droit, cette entorse survient à site anatomique différent de ceux de la lésion professionnelle. Rappelons en effet que les diagnostics reconnus sont ceux d’entorse du ligament collatéral interne, de déchirure du ménisque interne et d’aggravation d’une chondromalacie préexistante.
[101] Il ne peut non plus s’agir d’une nouvelle lésion professionnelle, car cette entorse survient dans l’accomplissement d’une activité personnelle et non dans le contexte d’une activité de travail.
[102] La présomption de l’article 28 de la loi voulant qu’une blessure qui arrive sur les lieux du travail alors que le travailleur est à son travail soit présumée une lésion professionnelle ne peut donc pas s’appliquer. De plus, les circonstances dans lesquelles l’entorse s’est produite ne permettent pas de retenir qu’elle résulte d’un accident du travail au sens qu’en donne l’article 2 de la loi :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« accident du travail » : un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[103] En ce qui a trait à l’exacerbation de la chondromalacie chronique, si le phénomène douloureux a pu s’intensifier au cours des jours qui ont suivi l’incident avec la tondeuse, la preuve médicale au dossier ne démontre pas qu’il s’agit d’une détérioration suffisamment significative pour permettre de conclure à la survenance d’une récidive, rechute ou aggravation.
[104] Mis à part le phénomène douloureux exacerbé, la docteure Lachapelle, qui voit monsieur Roussy le 6 septembre 2011, rapporte un examen physique inchangé par rapport à celui décrit par le docteur Porlier dans le rapport d'évaluation médicale qu’il a produit le 23 juin 2011, soit deux mois et demi auparavant. De plus, dans sa note de consultation du 7 mars 2012, la docteure Griffiths retient que la condition du genou droit de monsieur Roussy demeure inchangée.
[105] Après considération de la preuve au dossier et des arguments soumis par les représentants des parties, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que monsieur Roussy n’a pas subi de lésion professionnelle le 6 septembre 2011 et notamment, de récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 14 juillet 2009.
L’emploi convenable de caissier de station libre-service (dossier 479881)
[106] La Commission des lésions professionnelles doit décider si l’emploi de caissier de station libre-service constitue un emploi convenable pour monsieur Roussy au sens de la loi.
[107] Monsieur Roussy n’a pas participé à la détermination de cet emploi convenable et il est apparu clair au tribunal qu’il n’a pas l’intention de retourner sur le marché du travail, compte tenu du fait qu’il a 62 ans et qu’il ne peut plus exercer le seul travail qu’il connaît et qu’il a exercé toute sa vie, soit celui d’électricien dans le secteur de la construction.
[108] Cette situation ne dispense pas pour autant la CSST de son obligation de déterminer un emploi qui respecte les critères de l’emploi convenable.
[109] La notion d’emploi convenable est définie à l’article 2 de la loi dans les termes suivants :
2. Dans la présente loi, à moins que le contexte n'indique un sens différent, on entend par :
« emploi convenable » : un emploi approprié qui permet au travailleur victime d'une lésion professionnelle d'utiliser sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d'embauche et dont les conditions d'exercice ne comportent pas de danger pour la santé, la sécurité ou l'intégrité physique du travailleur compte tenu de sa lésion;
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1985, c. 6, a. 2; 1997, c. 27, a. 1; 1999, c. 14, a. 2; 1999, c. 40, a. 4; 1999, c. 89, a. 53; 2002, c. 6, a. 76; 2002, c. 76, a. 27; 2006, c. 53, a. 1; 2009, c. 24, a. 72.
[110] Pour pouvoir être qualifié d’emploi convenable, l’emploi retenu par la CSST doit donc être un emploi approprié pour le travailleur, qui respecte sa capacité résiduelle et ses qualifications professionnelles, qui présente une possibilité raisonnable d’embauche et enfin, qui ne comporte pas de danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique compte tenu de sa lésion.
[111] Le représentant de monsieur Roussy a soumis que l’emploi de caissier de station libre-service ne respecte pas la capacité résiduelle de ce dernier, qu’il n’a pas les qualifications professionnelles pour exercer un tel emploi et enfin, qu’il ne présente pas de possibilité raisonnable d’embauche.
[112] Le représentant de la CSST prétend pour sa part que cet emploi respecte la capacité résiduelle de monsieur Roussy et qu’il présente une possibilité raisonnable d’embauche.
[113] Le tribunal n’entend pas discuter tous ces arguments puisqu’il estime que l’emploi de caissier de station libre-service ne respecte pas la capacité résiduelle de monsieur Roussy et qu’en conséquence, il ne constitue pas un emploi convenable pour lui.
[114] Rappelons d’abord que la notion de capacité résiduelle réfère aux limitations fonctionnelles ainsi qu’autres conditions médicales du travailleur dans la mesure où ces dernières sont documentées médicalement. Dans le cas de monsieur Roussy, seules les limitations fonctionnelles résultant de la lésion professionnelle sont en cause.
[115] La conseillère en réadaptation a retenu que l’emploi de caissier de station libre-service respectait la capacité résiduelle de monsieur Roussy en se fondant sur les exigences physiques mentionnées dans la fiche Repères, lesquelles sont d’être capable de travailler en position assise et debout ou en marche et de soulever un poids d’environ 5 à 10 kilos.
[116] Le tribunal estime qu'au lieu de ces données générales contenues à la fiche Repères, il y a lieu de privilégier la preuve des conditions réelles du travail de caissier ou de préposé de station libre-service fournie par les témoignages de madame Roussy et de madame Bourque.
[117] Il convient de mentionner que le tribunal accorde à leurs témoignages une grande valeur probante même s’il s’agit de la fille et de la conjointe de monsieur Bourque puisqu'elles ont toutes deux témoigné de manière sincère et convaincante, sans hésitation et que leurs explications sont au même effet[11].
[118] Le tribunal retient de leur témoignage que le travail de caissier ou de préposé de station libre-service s’effectue debout. Cette règle est obligatoire chez Alimentation Couche-Tard et s’il ne semble pas y avoir de règle écrite chez Boni-Soir, la preuve démontre que c’est également la pratique dans ce commerce.
[119] Cette situation contrevient à la limitation fonctionnelle voulant que monsieur Roussy évite de rester debout pendant plus de 25 à 30 minutes.
[120] Ne serait-ce que pour cette raison, l’emploi de caissier de station libre-service ne peut être qualifié d’emploi convenable parce qu’il ne respecte pas la capacité résiduelle de monsieur Roussy.
[121] La preuve démontre de plus que cet emploi implique parfois de grimper dans un escabeau, ce qui correspond à une petite échelle, pour atteindre les tablettes plus hautes ou à l’inverse, d’adopter des positions accroupies (ou à genoux) pour atteindre les tablettes les plus basses, ce qui contrevient aussi aux limitations fonctionnelles établies par le docteur Porlier.
[122] Après considération de la preuve au dossier, des arguments soumis par les représentants des parties et de la jurisprudence déposée, la Commission des lésions professionnelles en vient à la conclusion que l’emploi de caissier de station libre-service ne constitue pas un emploi convenable pour monsieur Roussy, que le dossier doit être retourné à la CSST pour qu’elle détermine un nouvel emploi convenable pour ce dernier et qu’il a droit, entretemps, à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
Dossier 459725-09-1201
ACCUEILLE en partie la requête de monsieur Réjean Roussy;
MODIFIE la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 21 décembre 2011 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Roussy a droit au remboursement des frais reliés au déneigement et aux travaux de peinture, sous réserve de la production de pièces justificatives;
DÉCLARE que monsieur Roussy n'a pas droit au remboursement des frais reliés à la tonte du gazon et au grand ménage de son domicile;
Dossier 461805-09-1202
REJETTE la requête de monsieur Réjean Roussy;
CONFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 23 janvier 2012 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que monsieur Roussy n’a pas subi de lésion professionnelle le 6 septembre 2011 et notamment, de récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle du 14 juillet 2009;
Dossier 479881-09-1208
ACCUEILLE la requête de monsieur Réjean Roussy;
INFIRME la décision de la Commission de la santé et de la sécurité du travail rendue le 31 juillet 2012 à la suite d'une révision administrative;
DÉCLARE que l’emploi de caissier de station libre-service ne constitue pas un emploi convenable pour monsieur Roussy;
RETOURNE le dossier à la Commission de la santé et de la sécurité du travail pour qu’elle détermine un nouvel emploi convenable pour monsieur Roussy;
DÉCLARE que monsieur Roussy a droit, entretemps, à la poursuite du versement de l’indemnité de remplacement du revenu.
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Claude-André Ducharme |
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Denis Bourque |
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Représentant de la partie requérante |
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Me René Fréchette |
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Vigneault Thibodeau Bergeron |
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Représentant de la partie intervenante |
[1] Les explications rapportées par l’agente d’indemnisation et celles données par monsieur Roussy à l’audience sont contradictoires.
[2] L.R.Q. c. A-3.001.
[3] Lalonde et Mavic Construction, C.L.P. 146710-07-0009, 28 novembre 2001, M. Langlois; Cyr et Thibault et Brunelle, C.L.P. 165507-71-0107, 25 février 2002, L. Couture; Robert et Comax Coopérative Agricole, 2012 QCCLP 423 ; Léonard et Ventilex inc., 2012 QCCLP 6313 ; Laurencelle et Entreprise Presqu'île inc., 2013 QCCLP 1157 ; Colombo et Livraison Parfaite inc. (fermé), 2013 QCCLP 1482 .
[4] Politique 3.07.
[5] C.L.P. 210191-05-0306, 30 septembre 2003, L. Boudreault; également : Rivard et Autobus Baribeau et fils ltée (Les), C.L.P. 197209-04-0301, 12 mars 2003, D. Lajoie; Dumulong, 2012 QCCLP 2249 .
[6] 2011 QCCLP 7879 .
[7] C.L.P. 313525-63-0703, 4 juin 2008, L. Morissette; au même effet : Rivard et Autobus Baribeau et fils ltée (Les), précitée, note 5; Laporte et Fibres Armtex inc. (Div. Laminés), précitée, note 5.
[8] Fournier et Nergiflex inc., C.L.P. 131157-62B-0002, 16 octobre 2000, N. Blanchard; Bergeron et Coffrage Kevlar inc. (Fermé), C.L.P. 390641-64-0910, 25 janvier 2010, D. Armand; Paquin et Normand St-Onge inc., C.L.P. 396637-04-0912, 25 juin 2010, J. A. Tremblay; Proulx et Isolation Clermont enr., C.L.P. 405982-02-1003, 24 septembre 2010, J. Grégoire; Duval et Isolation du Nord 2000 inc., 2013 QCCLP 1223 .
[9] C.L.P. 2012 QCCLP 1525 .
[10] Richard et Scieries Chics-Chocs, [2002] C.L.P. 487 .
[11] Madame Bourque a témoigné après madame Roussy, sans avoir entendu le témoignage de cette dernière.
AVIS :
Le lecteur doit s'assurer que les décisions consultées sont finales et sans appel; la consultation du plumitif s'avère une précaution utile.