Grenier et Monastère des Ursulines (Trois-Rivières) |
2011 QCCLP 7783 |
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DÉCISION RELATIVE À UNE REQUÊTE EN RÉVISION OU EN RÉVOCATION
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[1] Le 2 août 2011, madame Diane Grenier (la travailleuse) dépose une requête en révision à l’encontre d’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 25 juillet 2011.
[2] Par cette décision, la Commission des lésions professionnelles déclare irrecevable la contestation de la travailleuse déposée, le 9 septembre 2010, à l’encontre de la décision rendue le 20 juillet 2010 par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (la CSST), à la suite d’une révision administrative.
[3] L’audience sur la requête en révision a lieu devant la Commission des lésions professionnelles à Trois-Rivières, le 15 novembre 2011, en présence de la travailleuse qui est assistée de son conjoint qui la représente. Une représentante de Monastère des Ursulines (Trois-Rivières) (l’employeur) y est également présente et est assistée d’un avocat.
L’OBJET DE LA REQUÊTE
[4] La travailleuse demande à la Commission des lésions professionnelles de réviser la décision rendue le 25 juillet 2011 et de déclarer recevable sa contestation déposée, le 9 septembre 2010, à l’encontre de la décision de la CSST rendue le 20 juillet 2010, à la suite d’une révision administrative.
L’AVIS DES MEMBRES
[5] Le membre issu des associations syndicales et le membre issu des associations d’employeurs sont tous les deux d’avis que la requête doit être rejetée. Ils retiennent que la copie de la décision du 20 juillet 2010 comportant une estampille de la CSST datée du 27 juillet 2010, ne peut constituer un fait nouveau donnant ouverture à la révision. D’une part, le dépôt de ce document ne permet pas de comprendre dans quel contexte l’estampille a été apposée. De surcroît, ils retiennent que la travailleuse et son représentant auraient pu obtenir ce document aux fins de l’audience s’étant tenue devant le premier juge administratif. Dans ce contexte, ils sont d’avis qu’il ne peut s’agir d’un fait nouveau.
[6] Finalement, ils retiennent que la travailleuse n’a pas démontré, par ailleurs, que la décision comportait une erreur manifeste et déterminante.
LES FAITS ET LES MOTIFS
[7] Le tribunal siégeant en révision doit déterminer s’il y a lieu de réviser la décision rendue par la Commission des lésions professionnelles le 25 juillet 2011.
[8] L’article 429.49 de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles[1] (la loi) prévoit qu’une décision rendue par la Commission des lésions professionnelles est finale et sans appel. Cependant, le législateur a prévu à l’article 429.56 de la loi que dans certains cas, la Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision qu’elle a rendue. Cette disposition se lit comme suit :
429.56. La Commission des lésions professionnelles peut, sur demande, réviser ou révoquer une décision, un ordre ou une ordonnance qu'elle a rendu :
1° lorsqu'est découvert un fait nouveau qui, s'il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente;
2° lorsqu'une partie n'a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre;
3° lorsqu'un vice de fond ou de procédure est de nature à invalider la décision.
Dans le cas visé au paragraphe 3°, la décision, l'ordre ou l'ordonnance ne peut être révisé ou révoqué par le commissaire qui l'a rendu.
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1997, c. 27, a. 24.
[9] Tel qu’il a été mentionné à la travailleuse et à son représentant, à l’audience, le recours en révision n’est pas un second appel et il ne suffit pas d’être en désaccord avec une décision pour qu’il y ait matière à révision. Une décision ne peut être révisée ou révoquée que si l’un des trois motifs prévus à l’article 429.56 de la loi est établi.
[10] Les trois motifs pouvant donner ouverture à la révision ou à la révocation sont les suivants. Premièrement, lorsqu’est découvert un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente. Deuxièmement, lorsqu’une partie n’a pu, pour des raisons jugées suffisantes, se faire entendre. Troisièmement, lorsqu’il est démontré un vice de fond ou de procédure de nature à invalider la décision.
[11] Compte tenu des arguments présentés par la travailleuse, il y a lieu de s’attarder au premier et au troisième alinéa de l’article 429.56 de la loi.
[12] Au regard du premier alinéa, la jurisprudence[2] enseigne que le « fait nouveau » ne doit pas avoir été créé postérieurement à la décision du premier juge administratif. Il doit plutôt avoir existé avant cette décision, mais avoir été découvert postérieurement à celle-ci, alors qu’il était impossible de l’obtenir au moment de l’audience initiale. Il doit également avoir un effet déterminant sur le sort du litige.
[13] Quant au troisième alinéa, il y a lieu de préciser que la notion de « vice de fond .. de nature à invalider la décision » a été interprétée par la Commission des lésions professionnelles[3] comme étant une erreur manifeste, de droit ou de fait, ayant un effet déterminant sur l’issue du litige.
[14] Il a été maintes fois réitéré que ce recours ne peut constituer un appel déguisé compte tenu du caractère final d’une décision de la Commission des lésions professionnelles énoncé au troisième alinéa de l’article 429.49 de la loi.
[15] Dans l’affaire C.S.S.T. et Fontaine[4], la Cour d’appel a été appelée à se prononcer sur la notion de « vice de fond ». Elle réitère que la révision n’est pas l’occasion pour le tribunal de substituer son appréciation de la preuve à celle déjà faite par la première formation ou encore d’interpréter différemment le droit. Elle établit également que la décision attaquée pour motif de vice de fond ne peut faire l’objet d’une révision interne que lorsqu’elle est entachée d’une erreur dont la gravité, l’évidence et le caractère déterminant ont été démontrés par la partie qui demande la révision. Dans l’affaire Fontaine, comme elle l’avait déjà fait dans la cause TAQ c. Godin[5], la Cour d’appel invite et incite la Commission des lésions professionnelles à faire preuve d'une très grande retenue dans l'exercice de son pouvoir de révision.
[16] Ainsi, un juge administratif saisi d'une requête en révision ne peut pas écarter la conclusion à laquelle en vient le premier juge administratif qui a rendu la décision attaquée et y substituer sa propre conclusion au motif qu'il n'apprécie pas la preuve de la même manière que celui-ci.
[17] Il y a lieu de rapporter les faits suivants pour bien cerner le litige dont était saisi le premier juge administratif.
[18] Le 25 mars 2010, la travailleuse dépose une réclamation à la CSST pour faire reconnaître que la dépression dont elle est atteinte résulte du harcèlement qu’elle allègue avoir subi au travail.
[19] Le 23 avril 2010, la CSST rend une décision par laquelle elle refuse cette réclamation. La travailleuse demande la révision de cette décision.
[20] Le 20 juillet 2010, la CSST rend une décision faisant suite à une révision administrative par laquelle elle confirme la décision initiale.
[21] Le 10 septembre 2010, la Commission des lésions professionnelles reçoit la contestation de la travailleuse qu’elle a mise à la poste le 9 septembre 2010.
[22] Le 16 mars 2011, la Commission des lésions professionnelles fait parvenir des avis de convocation aux parties pour une audience devant se tenir à Trois-Rivières, le 19 juillet 2011.
[23] Le 28 mars 2011, la travailleuse fait parvenir une lettre à la Commission des lésions professionnelles l’informant qu’elle sera représentée par son conjoint. Le 9 mai 2011, celui-ci écrit à la Commission des lésions professionnelles pour l’informer notamment qu’il entend assigner 15 témoins à l’audience devant avoir lieu le 19 juillet et qu’il entend soulever un moyen préliminaire concernant le fait que le rapport médical du psychiatre Serge Gauthier qui a été soumis à la CSST a été altéré et est incomplet.
[24] Le 20 mai 2011, l’avocat de l’employeur écrit à la Commission des lésions professionnelles demandant la tenue d’une conférence préparatoire afin d’établir les paramètres du déroulement de l’audience compte tenu notamment du grand nombre de témoins annoncés par le représentant de la travailleuse.
[25] Le 16 juin 2011, le premier juge administratif procède à une conférence préparatoire téléphonique à laquelle participent les représentants des deux parties. Il consigne le compte-rendu de cette réunion sur un procès-verbal daté de la même journée.
[26] Concernant la question du hors délai, le premier juge administratif indique que, comme il est usuel de le faire en pareil cas, il est convenu avec les parties que l’audience du 19 juillet 2011 ne portera que sur la question du délai de contestation. Dans ce contexte, il note que les assignations à comparaître signifiées à une quinzaine de personnes sont annulées et que les représentants s’occuperont d’informer les témoins qu’ils n’ont pas à se présenter à l’audience. Par ailleurs, au même procès-verbal, il note que le représentant de la travailleuse déposera l’original du rapport médical du psychiatre Gauthier avant l’audience du 19 juillet 2011 puisqu’il semble y manquer un paragraphe vers la fin de la page 8.
[27] Le 19 juillet 2011, tel que convenu lors de la conférence préparatoire, le premier juge administratif procède à l’audience sur la question du hors délai seulement.
[28] Le débat porte en grande partie sur la date de réception, par la travailleuse, de la décision de la CSST rendue le 20 juillet 2010, à la suite d’une révision administrative.
[29] La travailleuse et son conjoint témoignent à l’audience. Ils prétendent avoir reçu la décision contestée, le 30 juillet 2010. De son côté, l’employeur fait entendre comme témoin un gestionnaire au service et qualité de Postes Canada. Par la preuve qu’il soumet, l’employeur prétend que la travailleuse n’a pas pu recevoir la décision le 30 juillet 2010. Les deux parties déposent également différents documents en preuve pour appuyer leurs prétentions respectives.
[30] Après avoir analysé la preuve devant lui, le premier juge administratif conclut que, contrairement à ce qu’affirme la travailleuse, elle a probablement reçu la décision de la CSST faisant suite à la révision administrative au plus tard le 23 juillet 2010 et que, conséquemment, en déposant sa contestation le 9 septembre 2010, elle est en dehors du délai de 45 jours prévu à la loi. Par la suite, il analyse les raisons invoquées par la travailleuse pour avoir contesté la décision en dehors du délai prévu à la loi et conclut qu’elle n’a pas démontré de motif raisonnable pour être relevée de son défaut de l’avoir respecté. Il motive ainsi sa décision :
[56] La Commission des lésions professionnelles doit déterminer si la requête de la travailleuse a été produite dans le délai de 45 jours prévu à l’article 359 de la loi. Si elle n’a pas été logée à l’intérieur de ce délai, le tribunal devra évaluer si elle a un motif raisonnable pour être relevée de son défaut.
[57] L’article 359 de la loi prévoit que la travailleuse a 45 jours pour contester une décision rendue par la CSST en révision administrative devant le présent tribunal. Cet article est rédigé ainsi :
359. Une personne qui se croit lésée par une décision rendue à la suite d'une demande faite en vertu de l'article 358 peut la contester devant la Commission des lésions professionnelles dans les 45 jours de sa notification.
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1985, c. 6, a. 359; 1992, c. 11, a. 32; 1997, c. 27, a. 16.
[58] Le fardeau de la preuve de la notification repose sur les épaules de la partie requérante, en l’occurrence, la travailleuse.
[59] Le tribunal doit d’abord déterminer à quelle date la travailleuse a, selon toutes probabilités, reçu une notification de la décision de la révision administrative.
[60] La travailleuse mentionne dans son témoignage qu’elle a reçu la décision de la révision administrative le 30 juillet 2010, soit 10 jours après sa mise à la poste. Elle appuie cette affirmation sur le fait qu’elle a inscrit à la main personnellement la date du 30 juillet 2010 sur la lettre de transmission de la décision de la révision administrative.
[61] Par ailleurs, toujours pour appuyer ses dires, la travailleuse affirme dans un premier temps qu’elle date toujours les documents importants. Cette affirmation devient toutefois beaucoup plus nuancée lorsque l’on examine l’ensemble des documents au dossier puisque plusieurs documents que le tribunal estime importants n’ont pas été datés par la travailleuse. Il en est ainsi de la décision du 23 avril 2010 qui refuse la réclamation de la travailleuse et de divers documents qui proviennent de la Commission des normes du travail et du présent tribunal.
[62] Par ailleurs, le tribunal ne peut que souligner plusieurs contradictions existant au niveau du témoignage de la travailleuse et de la preuve qu’elle apporte de sorte qu’il ne peut conclure à la fiabilité de ce témoignage. Il est d'ailleurs étonnant de constater que la décision de la révision administrative aurait, selon la travailleuse, demandé un délai de 10 jours de livraison, alors que plusieurs autres lettres transmises à cette dernière l’ont été dans un délai beaucoup plus court.
[63] C’est d’autant plus curieux que la même décision du 20 juillet 2010 a été reçue tant par l’employeur et par son représentant, 3 jours après sa mise à la poste, soit le 23 juillet 2010, alors que la travailleuse affirme l’avoir reçue le 30 juillet 2010, soit 7 jours après ces derniers.
[64] Le tribunal retient d’ailleurs les explications de M. Turgeon, de Postes Canada, qui est non contredit et qui explique avec beaucoup de détails la méthodologie utilisée par Postes Canada pour s’assurer des délais de livraison postaux.
[65] Ainsi, le tribunal retient que si la décision de la révision administrative a été mise à la poste à Trois-Rivières, elle aurait dû être reçue par la travailleuse 2 jours après, à tout le moins elle avait 92,3 % des chances d’être reçue dans les 2 jours, sinon dans les 3 jours dans 100 % des cas. Même si on retenait que la décision avait été postée à Québec compte tenu des explications de M. Turgeon force aussi est de constater que la décision aurait dû être reçue 3 jours après sa mise à la poste, soit le 23 juillet 2010, comme dans les faits c’est le cas pour l’employeur et son représentant.
[66] Tel que souligné par l’employeur, comme le témoignage de la travailleuse ne peut être retenu, la jurisprudence en pareil cas prévoit qu’on doit retenir un délai postal de 2 ou 3 jours ouvrables.
[67] Ainsi, le tribunal retient que si la travailleuse a reçu la décision de la révision administrative au plus tard le 23 juillet 2010, elle avait jusqu’au 6 septembre 2010 pour déposer sa requête au greffe du présent tribunal.
[68] Ainsi en retenant cette date comme celle de la réception de la décision de la révision administrative, le tribunal constate que la requête de la travailleuse a été logée en dehors du délai prévu par la loi (45 jours), soit le 48e jour suivant sa notification.
[69] Ainsi, la travailleuse a logé sa requête en dehors du délai de 45 jours prévu par l’article 359 de la loi.
[70] L’article 429.19 de la loi, permet toutefois au tribunal de relever une personne des conséquences de son défaut de respecter un délai si elle démontre un motif raisonnable et qu’à son avis aucune partie n’en subit un préjudice grave.
[71] L’article 429.19 de la loi est rédigé ainsi :
429.19. La Commission des lésions professionnelles peut prolonger un délai ou relever une personne des conséquences de son défaut de le respecter, s'il est démontré que celle-ci n'a pu respecter le délai prescrit pour un motif raisonnable et si, à son avis, aucune autre partie n'en subit de préjudice grave.
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1997, c. 27, a. 24.
[72] En l’espèce, la travailleuse allègue essentiellement que c’est en raison de son état psychologique qu’elle n’a pas contesté rapidement.
[73] Comme mentionné précédemment, l’article 429.19 de la loi permet de relever la travailleuse des conséquences de son défaut si elle démontre qu’elle n’a pu respecter le délai prescrit pour un « motif raisonnable ».
[74] La notion de « motif raisonnable » n’est pas définie par la loi. Le tribunal s’en remet donc à la définition reconnue par la jurisprudence voulant qu’un motif raisonnable soit une notion large permettant de considérer un ensemble de facteurs susceptibles d’indiquer, à partir des faits, des démarches, des comportements et de la conjecture, des circonstances, etc., si une personne a un motif non farfelu, crédible et qui fait preuve de bon sens, de mesure et de réflexion.
[75] Il appartient à la travailleuse de démontrer un tel motif.
[76] En l’espèce, le tribunal doit constater que la travailleuse n’a pas présenté un tel motif.
[77] Il constate par ailleurs que la travailleuse comprenait les conséquences d’une contestation logée hors délai.
[78] En l’espèce, le tribunal considère que le motif invoqué par la travailleuse, à savoir que son état psychologique ne lui permettait pas de contester rapidement ne peut être considéré comme un motif raisonnable et en conséquence, il ne peut la relever de son défaut d’avoir logé sa contestation dans le délai prescrit par la loi.
[31] Dans la première partie de sa requête et à l’audience tenue devant le tribunal siégeant en révision, la travailleuse revient sur des éléments de preuve que le premier juge administratif a déjà appréciés. Notamment, elle réitère qu’elle a reçu la lettre du 20 juillet 2010, en date du 30 juillet 2010, et que, conséquemment, elle a déposé sa contestation dans le délai. Elle revient également sur la preuve soumise par l’employeur et demande une nouvelle « enquête ».
[32] Tel qu’il a été expliqué à la travailleuse et à son représentant à l’audience, la révision n’est pas un second appel. Ce n’est pas l’occasion qui est donnée à une partie pour demander une nouvelle audience sur les mêmes faits devant un nouveau juge administratif de la Commission des lésions professionnelles.
[33] Dans le présent cas, le premier juge administratif a analysé l’ensemble de la preuve qui lui a été soumise de part et d’autre. Il a apprécié la valeur probante de ces différentes preuves et a finalement tranché en faveur de la thèse de l’employeur. Une autre formation aurait pu apprécier la preuve différemment. Cependant, tel que l’enseigne la jurisprudence[6], la révision n’est pas un recours qui permet à un deuxième juge administratif de substituer sa propre conclusion à celle du premier juge administratif au motif qu'il n'apprécie pas la preuve et le droit de la même manière que celui-ci.
[34] La travailleuse n’est pas d’accord avec l’appréciation que fait le premier juge administratif, mais elle ne démontre pas d’erreur manifeste dans son analyse.
[35] Par ailleurs, à l’audience sur la requête en révision, la travailleuse précise certains éléments de sa requête.
[36] En premier lieu, elle reproche au premier juge administratif d’avoir commis une erreur en cotant deux documents identiques déposés par l’employeur, comme s’ils étaient différents. À l’appui de cet argument, il dépose deux documents cotés E-1 et E-2 les deux portant la même estampille du bureau de l’avocat de l’employeur. Il soutient que le premier juge administratif a commis une erreur manifeste et déterminante en retenant dans sa décision qu’il s’agit de deux documents différents. À cet égard, le tribunal constate qu’il réfère sans doute au paragraphe [63] de la décision où le premier juge administratif retient qu’il est curieux que la même décision du 20 juillet 2010 ait été reçue tant par l’employeur et par son représentant, 3 jours après sa mise à la poste, soit le 23 juillet 2010, alors que la travailleuse allègue l’avoir reçue le 30 juillet 2010.
[37] D’abord, à l’écoute de l’enregistrement, le tribunal siégeant en révision constate qu’il y a bien eu le dépôt de documents distincts l’un portant l’estampille de l’employeur en date du 23 juillet et l’autre portant celle du bureau d’avocats représentant l’employeur, également en date du 23 juillet 2010.
[38] Or, non seulement, le représentant de la travailleuse ne s’est pas objecté au dépôt de ces documents, mais il a même admis qu’ils avaient été reçus le 23 juillet 2010 par l’employeur et le bureau d’avocats qui le représente.
[39] S’il y a eu erreur au moment de coter les pièces, il s’agit d’une erreur technique qui n’a pas d’effet déterminant sur l’issu du litige. Ainsi, le premier juge administratif ne commet aucune erreur en écrivant au paragraphe [63] de sa décision qu’il s’agissait de deux documents différents et que tant l’employeur que le bureau d’avocats qui le représentait avaient tous deux reçu la décision du 20 juillet 2010 en date du 23 juillet 2010.
[40] En deuxième lieu, la travailleuse soutient que, après avoir reçu la décision de la Commission des lésions professionnelles, elle a obtenu un document de la CSST qui était existant avant la décision et qui démontre l’impossibilité, pour elle, d’avoir reçu la décision du 20 juillet 2010, en date du 23 juillet 2010, comme le retient le premier juge administratif dans sa décision. Au soutien de cet argument, elle dépose la lettre qu’elle a fait parvenir à la CSST en date du 2 août 2011, lui demandant le dépôt de divers documents relativement aux différentes démarches d’envoi et de contestation des décisions rendues dans le dossier. La travailleuse dépose également un des documents qu’elle a alors reçu de la CSST, soit une copie de la décision contestée du 20 juillet 2010 portant une estampille de la CSST de la direction de la Mauricie et Centre-du-Québec, en date du 27 juillet 2010. Elle prétend que lors de l’audience initiale, elle n’a pas pu se préparer convenablement sur la question du délai étant donné qu’elle prétendait que sa contestation avait été déposée dans le délai.
[41] Tel qu’indiqué à l’audience, le tribunal comprend que, par cet argument, la travailleuse invoque qu’il s’agit d’un fait nouveau qui, s’il avait été connu en temps utile, aurait pu justifier une décision différente.
[42] Comme mentionné précédemment, la jurisprudence[7] enseigne que le « fait nouveau » doit avoir existé avant la décision du premier juge administratif, mais avoir été découvert après celle-ci, alors qu’il était impossible de l’obtenir au moment de l’audience initiale. Il doit également avoir un effet déterminant sur le sort du litige.
[43] Or, d’une part, le tribunal siégeant en révision estime que la travailleuse avait été dûment informée lors de la conférence téléphonique préparatoire ayant eu lieu le 16 juin 2011 que l’audience du 19 juillet 2011 porterait sur la question du hors délai de la contestation. Il lui était donc tout à fait possible de se préparer convenablement et d’obtenir, le cas échéant, tout document de la CSST utile et pertinent à l’appui de son point de vue, tel qu’elle l’a d’ailleurs fait, le 2 août 2011.
[44] De surcroit, tel que le soutient l’employeur, le dépôt de ce document ne permet pas de comprendre dans quel contexte l’estampille du 27 juillet 2010 a été apposée par la CSST et ne permet de tirer aucune conclusion au regard de la date de réception de la décision du 20 juillet 2010 par la travailleuse. Conséquemment, ce document n’a pas d’effet déterminant sur le sort du litige.
[45] Ainsi, la décision du 20 juillet 2010 portant l’estampille de la CSST du 27 juillet 2010 ne peut correspondre à un fait nouveau au sens de l’article 429.56 de la loi parce qu’il n’était pas impossible d’obtenir ce document avant l’audience initiale et qu’il n’est pas déterminant sur le sort du litige. En outre, la révision n’est pas l’occasion qui est donnée à une partie pour compléter la preuve qu’elle aurait pu faire devant le premier juge administratif[8]. Le dépôt de ce document ne peut donc donner ouverture à la révision au sens du 1er alinéa de l’article 429.56 de la loi.
[46] En troisième lieu, la travailleuse invoque dans sa requête que le premier juge administratif a refusé d’aborder la question des éléments qui auraient été soustraits ou caviardés du rapport psychiatrique du docteur Serge Gauthier. Elle soutient que si la CSST avait tenu compte des rapports médicaux dans leur « intégrité », il n’y aurait pas eu refus de la CSST ni recours à la Commission des lésions professionnelles.
[47] La travailleuse ne démontre pas en quoi le premier juge administratif a commis une erreur à cet égard. Tel qu’annoncé lors de la conférence préparatoire du 16 juin 2011, l’audience du 19 juillet 2011 n’a porté que sur la question du hors délai, comme il est habituel de le faire et tout à fait approprié, surtout que, en l’espèce, la travailleuse avait annoncé de faire entendre une quinzaine de témoins sur le fond du litige.
[48] De plus, ce rapport médical psychiatrique concernait le fond du litige. Il n’était donc aucunement pertinent d’en débattre, au stade de l’audience sur le hors délai.
[49] Par ailleurs, à l’écoute de l’enregistrement de l’audience initiale, le tribunal siégeant en révision constate que le représentant de la travailleuse a demandé au premier juge administratif de pouvoir aborder cette question à l’audience sur le hors délai. Celui-ci lui a alors clairement expliqué que cette question concernait le fond du litige et qu’il n’y avait pas lieu de l’aborder au stade de l’audience sur le hors délai. À bon droit, il lui a également expliqué que, de toute façon, s’il devait y avoir une audience sur le fond, le pouvoir de la Commission des lésions professionnelles est de rendre la décision qui aurait dû être rendue et que l’analyse de l’admissibilité se ferait alors à partir de l’expertise dans son intégralité, peu importe si elle a été caviardée ou s’il y a des éléments manquants au stade de l’admissibilité initiale.
[50] Le premier juge administratif n’a commis aucune erreur à cet égard, il n’y a donc pas matière à révision pour ce motif.
[51] Finalement, la travailleuse reproche au premier juge administratif d’avoir laissé l’avocat de l’employeur quitter la salle avec des documents originaux sans surveillance ni sans avoir, au préalable, vérifié le contenu et compté les documents et que, de surcroît, ils n’ont pas été déposés à l’audience initiale.
[52] D’abord, à l’écoute de l’enregistrement de l’audience initiale, la Commission des lésions professionnelles constate que les documents ont bel et bien été déposés à l’audience initiale sous la cote E-5.
[53] De plus, c’est le représentant de la travailleuse qui a lui-même apporté les documents et les a remis au tribunal. Il a donc eu l’occasion de les examiner et de les compter avant qu’il soit remis à l’avocat de l’employeur pour qu’il puisse les examiner. Par ailleurs, juste avant le dépôt en preuve des documents, le premier juge administratif les a repris un à un en les numérotant et en les décrivant brièvement. Le représentant de la travailleuse a donc eu toute l’opportunité de s’objecter tant à la façon de procéder que sur le fait qu’il pouvait manquer des documents dans la liasse qui est déposée en preuve, ce qu’il n’a pas fait.
[54] Ce motif ne peut non plus donner ouverture à la révision.
[55] En terminant, à plusieurs reprises, le représentant de la travailleuse mentionne qu’il n’est pas avocat et qu’il n’avait pas eu l’occasion de se préparer convenablement pour l’audience devant le premier juge administratif.
[56] Il y a lieu de souligner que dans le passé, ce type de motif n’a pas été retenu comme donnant ouverture à la révision. Notamment, dans l’affaire Gagné et Irrigation & Éclairage Membre supérieur enr.[9], la travailleuse était également représentée par son conjoint. Or, le tribunal rappelle que le choix d’être représenté par un non-avocat est prévu à la loi et que, bien qu’on puisse comprendre que le conjoint de la travailleuse ait eu de la difficulté à s’y retrouver, cela fait partie des conséquences de son choix d’agir comme représentant et du choix de la travailleuse d’être représentée par son conjoint[10].
[57] Dans ces circonstances, le tribunal siégeant en révision constate que la requête et les commentaires soumis par la travailleuse ne correspondent pas aux motifs énumérés par le législateur à l’article 429.56 de la loi. La travailleuse est insatisfaite de la décision et du processus judiciaire. Cependant, elle n’a pas démontré que la décision du 25 juillet 2011 est entachée d’un vice de fond de nature à l’invalider. Sa requête en révision est donc rejetée.
PAR CES MOTIFS, LA COMMISSION DES LÉSIONS PROFESSIONNELLES :
REJETTE la requête de madame Diane Grenier, la travailleuse.
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Monique Lamarre |
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Monsieur René Gaboury |
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Représentant de la partie requérante |
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Me Michel Héroux |
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FASKEN, MARTINEAU, DUMOULIN, AVOCATS |
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Représentant de la partie intéressée |
[1] L.R.Q. c. A-3.001.
[2] Bourdon c. Commission des lésions professionnelles, [1999] C.L.P. 1096 (C.S.); Pietrangelo et Construction NCL, C.L.P. 107558-73-9811, 17 mars 2000, A. Vaillancourt; Nadeau et Framatome Connectors Canada inc., C.L.P. 110308-62C-9902, 8 janvier 2001, D. Rivard, 2000LP-165; Soucy et Groupe RCM inc., C.L.P. 143721-04-0007, 22 juin 2001, M. Allard, 2001LP-64; Provigo Dist. (Maxi Cie) et Briand, C.L.P. 201883-09-0303, 1er février 2005, M. Carignan; Lévesque et Vitrerie Ste-Julie, C.L.P. 200619-62-0302, 4 mars 2005, D. Lévesque; Roland Bouchard (succession) et Construction Norascon inc. et als, C.L.P. 210650-08-0306, 18 janvier 2008, L. Nadeau.
[3] Voir notamment Produits forestiers Donohue inc. et Villeneuve, [1998] C.L.P. 733 ; Franchellini et Sousa, [1998] C.L.P. 783 .
[4] [2005] C.L.P. 626 (C.A.).
[5] Tribunal administratif du Québec c. Godin, [2003] R.J.Q. 2490 (C.A.).
[6] C.S.S.T. et Fontaine, précitée note 4.
[7] Précitée note 2.
[8] Vêtements Golden Brand Canada ltée et Casale, C.L.P. 100304-60-9804, 16 décembre 1998, É. Harvey; Service correctionnel du Canada et Rivard, [1998] C.L.P. 635 ; Magasin Laura PV inc. et CSST, C.L.P. 76356-61-9601, 15 février 1999, S. Di Pasquale; Lessard et Les produits miniers Stewart inc., C.L.P. 88727-08-9705, 19 mars 1999, J.-G. Roy, requête en révision judiciaire rejetée, [1999] C.L.P. 825 (C.S.); Poitras et Christina Canada inc., C.L.P. 100370-62-9803, 7 mars 2000, M. Zigby, requête en révision judiciaire rejetée, C.S. Longueuil, 505-05-006180-001, 9 janvier 2001, j. Tremblay.
[9] C.L.P. 303602-64-0611, 18 janvier 2008, L. Nadeau.
[10] Voir également à cet égard, Milton et 9171-1804 Québec inc. C.L.P. 412283-61-1006, 28 septembre 2011, F. Mercure.
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